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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Samedi 14 août 6 14 /08 /Août 13:20

Après la pluieNous étions en rase campagne. Quelques mètres plus loin, un réverbère bancal volait un triangle de lumière aux ténèbres. Bertille tourna la clef de contact. Le camion eut un nouveau soubresaut, un chuintement de moteur en forme de protestation et s'immobilisa au ras du fossé. La pluie dégoulinait sur les vitres, trempant les sacs et le carton que j'avais déposés à l'arrière.

- Et merde ! s'exclama Bertille en frappant le volant.


Trois heures du matin et nous étions en panne.

La situation n'avait rien de drôle. J'éclatai pourtant de rire. Avant de partir, Bertille et moi avions plaisanté sur le contenu du camion. S'il nous arrivait le moindre souci, nous avions ses deux sièges pour dormir, un parapluie et mes courses : une poêle à frire, une casserole, une théière en fer blanc, de l'eau, du jus d'orange et de la nourriture à foison.

Peu à peu l'habitacle fut envahi de buée. Nous ne voyions même plus la route à travers les vitres.


- Ouvre la boîte à gants et passe-moi la chiffonnette, veux-tu ?

La chiffonnette... Le mot me fit sourire. Au moins quinze ans que je ne l'avais entendu. Mais avec Bertille, je n'étais jamais au bout de mes surprises. Son accent du Sud me rappelait des expressions oubliées, me chantant par sa bouche des mélodies anciennes, égarées dans une autre tranche de vie.

 

Je lui donnai la chiffonnette. Et, alors que la route réapparaissait devant nous, avec son cône de lumière artificielle, ses lances de pluie et sa rangée d'arbres noirs, je remontai le cours de la soirée.

Jamais je n'aurais dû me trouver là. Bertille non plus, à vrai dire.

Ce jour-là comme trop souvent, c'était dentiste à la ville. Un texto me cueillit tandis que, main appuyée contre ma joue douloureuse, je remontais la rue. Bertille m'invitait à la rejoindre.

Sitôt dit, sitôt fait. Je me jetai dans un tricycle qui ne connaissait pas le café du rendez-vous. A la place, il voulut me débarquer au pied d'un haut mur blanc.

- C'est ici !

Je scrutai l'enceinte d'un air dubitatif. Elle ne comportait ni fenêtre ni porte, juste un jardinet laissé à l'abandon. Le chauffeur argua que c'était l'arrière du café. Je le priai donc de me conduire à l'avant et tombai... sur une église.

 

 

Une heure plus tard, Bertille et moi dégustions un poisson en terrasse d'un restaurant. C'est alors que le message arriva : une soirée karaoké dans un bar spécialement aménagé de la ville.

- Ca te tente ? me demanda Bertille.

- Pourquoi pas ?

Aux Philippines, le karaoké est une institution. Il paraîtrait même qu'on ne puisse tout à fait s'intégrer sans la goûter de temps à autre. Puis venir ne signifiait pas forcément participer...

 

 

Après la pluie 4Si je me mettais au micro, combattant la timidité qui en ce genre d'occasions me paralyse, le ciel lourd aussitôt se crèverait, déversant sur nous des trombes vengeresses.

Trop faux, à contretemps, pas en rythme... je n'ai hélas aucun talent pour pousser la chansonnette, ce qui n'a aucune importance pour ces soirées. Le sel en est l'amusement, pas la performance. Malgré tout, je préfère regarder les autres prendre du plaisir en marmonnant dans ma barbe les paroles qui défilent sur l'écran.

 

A notre arrivée, le petit groupe qui nous avait invitées finissait de dîner. Je m'assis en bout de table à côté de Bertille. Face à moi, un bel homme aux yeux transparents, le seul que Bertille ne connaissait pas. Stefan. Français. Plongeur. Fumeur. Aussi, une fois la conversation entamée, nous nous éclipsâmes pour griller une cigarette dehors. 

Une, puis deux, puis trois. Nous prîmes nos aises avec le temps, à tel point que lorsque nous revînmes dans le restaurant, tout le groupe avait disparu. Nous le cherchâmes le long des couloirs, glissant un oeil par les vitres découpées sur les portes des salons privés. 

Ici, des formes vautrées sur les coussins se pelotaient. Là, une fille court vêtue faisait son show, explosant le micro de toute la puissance de ses cordes vocales. Là-bas, un couple enlacé se murmurait une chanson d'amour.

Moments d'intimité volés qui fit Stefan se retourner vers moi. Me regarder et me sourire, déjà complice.


Ce soir-là nous fumâmes beaucoup de cigarettes. 

 

 

(A suivre)  

Photo d'André Kertesz. 

 

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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Mercredi 2 juin 3 02 /06 /Juin 17:18

Reflets dans un oeil d'or 1Au creux de la nuit, rêve et réalité se mélangeaient. Je rêvais de lui alors que j’étais à ses côtés. Emergeais du sommeil pour le trouver étendu de biais et replongeais pour le rejoindre.


Nous étions dans un salon de danse. Toute en tentures et parquet ciré, la pièce était longue, imposante, chatoyante des reflets d’un lustre belle époque. Indifférent à ce luxe, mon ventre grondait famine.

Une femme traversa le salon avec un plateau de pâtisseries. J’ai pris une au vol mais m’arrêtai brusquement avant de la porter à mes lèvres. Me tournant vers lui posté en retrait, je demandai :

- On la partage ?

 

Nous n’avions rien mangé depuis la veille. Même pas ouvert le frigo une fois rentrés chez lui, bien après l’heure du dîner. De toute façon, il était vide.

La faim me fit battre des paupières. Oreiller rabattu sur le front, il reposait en silence. J’avais envie de suivre du doigt sa hanche jusqu’à la longue courbe de sa cuisse, ruisselant sur son corps comme l’eau de la douche.

L'eau était fraîche et ses doigts dans mon sexe, brûlants. Je gémis lorsqu’il les retira. Saisissant mes fesses, il me souleva, aussi légère qu'une plume, de terre jusqu’à sa taille. Je l’enlaçai cuisses contre flancs, genoux contre côtes, mollets contre reins, ouverte à ses mains qui, tour à tour douces et impérieuses, me caressaient, me pétrissaient, me fouillaient.

Mes chevilles se posèrent sur ses épaules. Debout dans un miracle d’équilibre, nous tournoyions langues mêlées, dos tendu contre échine pliée, libres acrobates du plaisir, danseurs fous sous les cascades d’eau.

 

Dans le salon de mon rêve aussi nous tournoyions. Sur nous-mêmes puis en larges voltes, attentifs à la musique, unis dans un même mouvement. Ici ou là-bas, nous jouions la même partition, même si nous avions dit que nous ne jouions plus. Du moins plus à ces jeux de séduction qui poussent hommes et femmes à se chercher, s’éviter, se prendre et se déprendre.

Une après-midi, alors que j’étudiais, il passa déposer un baiser sur mon épaule. J’en gardai longtemps et le goût et la trace.

Ce soir-là, lui voulait davantage que le goût et moi que la trace. Aussi, une fois déroulé le chemin de la plage, c’est naturellement que nous enfourchâmes la même moto-taxi. A trois, en parfait équilibre, sa lourde caméra pesant à droite, mon sac à gauche.

Au cours du trajet ses doigts se nouèrent sur ma gorge. Je me lovai contre son torse en souhaitant qu’il serre plus fort.

 

Serrer, le serrer, le toucher, non, pas maintenant. Maintenant ne surtout pas le déranger alors qu’il nous reste si peu à dormir.

Yeux ouverts, yeux fermés. Ouverts ou fermés, il est de tous mes espaces.

Corps diffracté dans mon cerveau, chair éparpillée en miroir.

Je me penche sur son reflet. Il me sourit.

C'est l’aube et en miroir nous sommes, sexe contre bouche, bouche contre sexe.

 

Reflets dans un oeil d'or 2Plus tard, dans la lumière étincelante du matin, je m’arrête, saisie.

Il se tient face à l’évier de la cuisine. La pièce est vieille, le carrelage fané, l’évier jauni. Une batterie de casseroles fatiguées, culs noircis, pend au mur. Le long des étagères s’empile de la vaisselle ébréchée.

Dans ce décor suranné, la lame du rasoir glisse, rapide, sur ses joues. Un miroir placé sur le plan de travail renvoie son reflet. Je le vois tour à tour de trois-quarts, hanches ceintes d’un sarong noir, et de profil, nu à l’exception du tatouage ornant sa poitrine.

 

La juxtaposition temporelle est aussi étrange que poétique. Aussitôt je regrette de ne pas avoir d’appareil pour capturer cet instant-là. Je songe à la photo de Willy Ronis montrant une femme d’un autre temps à la toilette, à cette photo et à sa petite phrase si juste :

« Je n’ai jamais poursuivi l’insolite, le jamais vu, l’extraordinaire, mais c’est ce qu’il y a de plus typique dans notre existence quotidienne. »

 

      Petite musique pour une partition du matin.

La photo est de Willy Ronis.

Le titre est emprunté au roman de Carson McCullers, porté à l'écran par John Huston en 1967.

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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Vendredi 28 mai 5 28 /05 /Mai 17:50

Soleil traitre 2L’aube filtre entre les rideaux jaunes.

C’est une journée sans un souffle de vent qui s’annonce. Encore une de plein soleil, privée de nuages à l’horizon du bleu.

Le ventilateur brasse un air surchauffé, plus dense que du mercure.

Déjà trempée de sueur, je m’éveille la gorge sèche. Mon bel amant dort à mes côtés. Paisible, tranquille, sur le dos, tout droit, ses longues jambes dépassant du lit jusqu’à toucher le mur. S’il bouge, il percutera l’armoire.

Le monde est si petit que je me cogne aux bords. Ma chambre est un mouchoir de poche dont il touche l’ourlet.

 

Le drap roulé sur son corps nu cache son nombril et son sexe.

Je pense aux statues antiques, aux Apollons de marbre gainés de feuilles de vigne. Au David impérieux, debout à Florence, autour duquel je tournais émerveillée comme une terre promise. A Adam qui, né de la glaise, ne devait pas avoir de nombril non plus.

Je me dis que ce matin, dans cet air rare et ce soleil frémissant, nous pourrions être le premier homme et la première femme du monde. Mais que je m’appellerais non Eve mais Lilith, parce que j’ai trop vécu pour être encore vierge.


Quatorze ans nous séparent.

Au temps de mes premiers amants, il vagissait. De mes premières cigarettes, il tétait encore son pouce. Et lorsqu’il traînait en couche culottes, je traînais déjà dans les bars.

Comparée à lui je me sens vieille, presque usée. Rides en plus et bleus à l’âme contre insolente jeunesse. Suprême ironie pour moi qui ai depuis l’adolescence préféré les hommes de la bonne trentaine.

Lorsque j’en parlai un soir à Yuri, il éclata de rire :

- Tu es dans un pays où les échappés de l’hospice fraient avec des minettes de l’âge de leur petite-fille. Cesse donc de te poser tant de questions. Profite !

 

Profiter, oui. De tous mes yeux sur son visage qui a la candeur de ses rêves.

« You’re so innocent when you dream… »

Tom Waits me revient en refrain. Encore un chanteur qu’il ne connaît pas, comme Lou Reed qui a pour lui des airs de dinosaure.

« Magician, magician, take me upon your wings /.../

I want to count to five
turn around and find myself gone
Fly through the storm

and wake up in the calm... » 

Il rate pourtant quelque chose.

 

Will 3 Lors de notre dernier après-midi sur la plage, il me surprit le regard dans le vague.

- À quoi penses-tu ?

Il était décidément trop jeune pour savoir que cette réponse n’appelle qu’un seul mensonge :

- À rien.

En vérité, je pensai à l’homme remarquable qu’il deviendrait.

À la femme qu’il aimerait alors.

Et j’étais jalouse de celle que je ne serais jamais, de ce futur que jamais je ne partagerais.

 

Dans son sommeil sa main se pose contre ma cuisse. La chaleur de sa paume par-dessus la fournaise de la chambre devrait me pousser à m’écarter.

Mais non. C’est me rapprocher que je veux, me lover au plus près de lui, le respirer et le boire encore.

Certaines peaux, très rares, me déclenchent un besoin impérieux. Réaction chimique qui affole la boussole de mes sens, bonbon-cocaïne qu’il me faut sentir, toucher, mordre, lécher.

Privée d’elles, je suis comme privée de moi, rendue à une solitude difficile à supporter.

Sa peau à lui, je n’étais pas la seule à l’aimer. Les fourmis aussi l’adoraient. Alors que notre groupe discutait au restaurant de la plage, il était le seul à être colonisé. Tombées des arbres, montées à l’assaut du sable, elles le fouaillaient pour s’en délecter.

- Mais vous n’en avez pas, vous ? questionnait-il incrédule.

Un par un nous secouions la tête.


Une matinée de soleil, allongée sur une serviette corps pressé au sien, doigts sur ses flancs, nez sur la ligne fragile de ses cheveux blonds et de sa nuque, j’eus l’excuse au bord des lèvres :

- J’aime trop ta peau pour m’en séparer… M’en veux-tu ?

Evidemment, il ne m’en voulait pas. Il devait juste me trouver étrange à le renifler, femme gorgée de soleil soudain changée en chiot, jappant de plaisir contre son cou.

Il avait l’odeur de lui. De sexe musqué et de sel marin, de pain fraîchement cuit et de lessive en plein soleil. De propre alors qu’il était sale, pressés que nous étions de filer à la plage après notre nuit d’amour.

 

Vulnerabilite 3Au soir d’avant la dernière nuit, une fois ôtées nos gangues de tissu, il avait murmuré :

- What about a shower ?

J’acquiesçai d’un oui qui disait non.

C’est lui que je voulais goûter et non un insipide savon. Il vint dans ma bouche et je l’embrassai, partageant entre nos lèvres le goût de sa semence.

 

Lorsqu’il partit, il me proposa de le rejoindre quelques semaines plus tard. Ne me dit pas « adieu » mais « à bientôt ».

Je souris de ce mensonge qu’il prenait pour une vérité.

Il traversa le jardin une dernière fois.

Je l'épiai à travers les rideaux jaunes. Désormais seule dans la petite chambre, rendue à moi-même, je me sentais triste, fatiguée, vide.

Je partis plonger. Une fois remontée à la surface, j’étais lavée de lui, de son odeur et de sa peau.

Seul reste son souvenir inoffensif alors que, dans ses bras, je fus si vulnérable.

 

 

 

Tableau de René Magritte. 2e photo de Sarah Moon. 

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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Dimanche 16 mai 7 16 /05 /Mai 13:20

WillLe ciel rejoint la mer à l’horizon. Une brise légère court entre les feuilles, soulève la nappe.

Le soleil tombe à l’aplomb du parasol. Ses rayons réfléchis en étincelles jouent sur mon verre.

L’encyclopédie de la plongée est ouverte devant moi. Je parcours ses lignes drues sans les comprendre, bercée par une langue qui n’est pas la mienne, abandonnée au moment.


Serviette nouée sur les hanches, je sèche de mon dernier bain. L’eau de mer ruisselle lentement de mes cheveux pour tracer de petites rigoles sur mes épaules.

Ma main paresse sur la table, s’arrête à côté de la sienne. Il a de beaux doigts, longs et carrés, des ongles coupés nets, une paume large et puissante.

Des mains magnifiques que je rêve sur ma chair depuis le premier instant.

Sautant d’une moto-taxi, j’avais ce matin-là les cheveux fous et les cils maquillés, un nœud de maillot rouge tranchant sur un tee-shirt noir, les pieds nus et mes chaussures à la main. C’est moi, je crois, qui le vis la première, aussitôt souffle court, avec, déjà, la nostalgie de ces hommes trop beaux qu’on ne caresse qu’en rêve.


A l’intérieur de son avant-bras, un tatouage thaïlandais annonce « aucun regret ».

Un autre, arabe, niché contre son torse, a une signification que j’ai oubliée. « Vis pleinement ta vie », peut-être, ou « cueille ce jour comme si tu mourrais demain ».

Les cris des baigneurs s’étouffent dans les vagues, perdus très loin dans la distance pour nous laisser seuls au monde.

Il fait semblant d’étudier, moi de lire. Et tous deux feignons d’ignorer notre désir. Dans l’eau il a caressé ma jambe puis reculé dans une excuse.

La nuit d’après ce jour il me dira qu’il voulait m’embrasser sans oser. Timidité de l’instant puis instant passé, tombé en chute libre dans l’écume.

Le lendemain il me dira aussi que tout au long de cette journée-là, il n’a pensé qu’à ça. Qu’à dénouer une par une les attaches qui lui soustrayaient ma peau. Qu’à mon corps étendu, nu, sur les draps. Qu’à ma bouche sur sa bouche et son sexe.


Ma main s’approche encore de sa main. Nos doigts ne sont plus séparés que par quelques centimètres de nappe, distance infime et pourtant immense.

Si je la comble maintenant, il saura.

Il saura ce désir qui me cuit.

Il saura cet élancement douloureux entre mes cuisses.

Il saura l’animal qui y loge et exige d’être comblé.


Paradis transitoire 2Mais ne le sait-il pas déjà ?

Sans doute que si, tout en ignorant peut-être sa violence, cette violence que je lui cache encore mais qui éclatera le lendemain alors que, mordant ses épaules, je lui demanderai, sur le ton de l’ordre plutôt que de la supplique :

- Spank me !

 

Par-dessus la chaleur de l’après-midi je sens la sienne.

Chaleur ajoutée de sa chair ajoutée de ses muscles ajoutés de ses os.

Statue vivante assise, beauté bouleversante tendue de jeunesse, corps de l’athlète qu’il a été, visage parfait en équilibre, et son sourire qui me cueille à le regarder.

- Tout va bien ? me questionne-t-il.


Je lui souris. Pose ma main à plat sur la nappe.

Renverse la tête vers le ciel. Respire à larges bouffées.

Heureuse, follement, sans mélange.

Il est des journées au goût de paradis gagné puis perdu.

 

Suite, mais pas en enfer.

 

2e photo de Mona Kuhn.

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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Jeudi 12 novembre 4 12 /11 /Nov 00:08
Lui, c'est un homme. Un qui a dû garder la rêverie de l'enfance et les doigts courant sur la vitre, de l'autre côté de la pluie, pour suivre le trajet des gouttes.
Un homme aux rêves d'enfant et un enfant aux rêves d'homme. Un dont les songes le retranchent des vivants dans un espace ouaté, sa bulle sur laquelle ricoche le fracas du monde.
Silence et tout s'apaise, tout se dilue, tout glisse.

Lui ne doit se mettre au lit que contraint ou épuisé. À peine deux heures du mat', c'est encore tôt. Mais demain dès potron minet, quand on est homme, on se lève.
Volets entrouverts, étendu sous un souffle de vent, il fixe le plafond. Se persuade que sa vie ressemble à ces fissures en creux et bosses, à cet émiettement lent de peinture, à ces pointes de moisi dans les coins. Se promet de bientôt retrousser ses manches, sortir le rouleau pour tout passer au blanc.
Pas blanc cassé mais blanc pur, la teinte des nouveaux commencements.

Lui est de la race inapaisée des guetteurs, des veilleurs, des croqueurs d'aube. Du clan des bœufs entre potes, des 'Round midnight aux notes étirées de saxo, tragiques et pures, s'élevant
dans la fumée des cigarettes en déchirants solos de Miles.
De la tribu des voix cassées à la Tom Waits, Tom attend et gronde, murmure, mélope sur les accords nostalgiques du piano, le mégot aux lèvres.
Jazz'n clopes comme d'autres sont rock'n roll.

Et ces nuits, toutes ces nuits qu'il a dû dépenser en balades sur les quais et froissements interlopes, tête enfouie entre les draps ou les jambes d'une courtisane. Pas séducteur mais séduisant, il sait sans savoir ou plutôt sans se l'avouer, tout en en restant surpris : oui, il plaît aux femmes.
De belles et jeunes il aime d'ailleurs s'entourer, comme d'une compagnie nécessaire dans un monde de brutes.
Quelques grammes de chair fine battant sous ses mains, quelques poussières de mots lui apaisant l'âme, crochets aussi dérisoires qu'indispensables pour affronter le jour qui se lève.
Des femmes il sait les contradictions et la délicatesse. Elles reconnaissent les siennes, retenues, souvent taciturnes mais toujours bienveillantes. Médire, il ne connaît pas et ça le gêne comme une impudeur. Bien dire, en revanche, il sait. Presque d'instinct, peut-être grâce à cette habitude d'évitement, cette prudence qui lui fait fuir la confrontation.
Les femmes, il leur rend hommage et elles le lui rendent bien. Dans leur bouche, il est formidable.
Formidable. Le compliment le flatte et l'embarrasse à la fois. Il est trop gros pour être accepté en bloc, et pourtant...

Il n'est cependant pas le genre d'homme sur lequel on se retourne en pleine rue. Pas celui qu'on remarque dans une tablée. Il a le retrait timide assis de biais, gauche d'un corps que comme l'espace, il n'habite pas vraiment.
Présent-absent, il bouge avec ou dedans, à la périphérie, rarement au centre. Et à cause de tous ces mots qui refusent de sortir, il se tait.
Le silence est son allié, le silence est son ennemi.
Il s'assoit sur le non-dit en chaise confortable jusqu'au moment où elle se hérisse de clous. Mais faute de les arracher un à un, il les laisse érafler, penaud des blessures qu'ils infligent.
Le silence est son mur à abattre, sa barrière qu'il laisse trop souvent l'enfermer. Il voudrait en sortir mais voilà : il a perdu la clé.

Bien avant que je n'écrive son portrait, trois mots s'étaient imposés : porosité du bois.
D'abord à cause de Féminité du bois, ce parfum japonais que j'aime sur mon cou en prélude au sommeil et dont, paraît-il, chaque fragrance est unique.

Ensuite à cause de tout le reste. Lorsque je l'imagine, je vois le tronc fendu d'un bois tendre, prompt à marquer, loin de ces ébènes brillants de cailloux.
Je vois un dégradé d'ocres s'étendant du marron-noir au jaune poudré, un réseau en labyrinthe de veines, d'encoches, de sillons, de nœuds.

Je vois la pluie qui le caresse et le noie. Ses rigoles qui se frayent un chemin entre les bosselures, se coulent dans les creux, débordent des pleins.
L'eau obstinée et patiente qui le lave et le délie, l'humecte et le nourrit avant de plonger dans le sol.

Et je le vois, lui, coincé entre terre et ciel, cheminant entre deux rives. Gamin à la fois effrayé et avide de vivre, suivant
du bout des doigts, de l'autre côté de la vitre, le trajet des gouttes. Homme qui du futile à l'essentiel me touche et résonne en moi comme un tambour, parfois jusqu'au vertige, à la reconnaissance aux deux sens du terme : alter ego et gratitude.
Lui fait partie de ceux auxquels j'ai envie de chuchoter alors que je m'en vais :
- Mais où étais-tu pendant tout ce temps ?
Ailleurs est la réponse. C'est ainsi et sûrement très bien. À chacun sa trajectoire et ses pointillés, ses lignes de force, de faille et de fuite.

Alors à la question :
- Refait-on un jour sa vie ?
Je lui réponds :
- Non, on la continue. En mieux. J'ai confiance en toi.
Ce à quoi je n'ajouterai bien sûr pas, décence féminine oblige :
- Si tu me donnes tort, je traverse cette putain de planète pour te botter le cul.


À toi, en espérant ne pas t'avoir trahi.
Par Chut ! - Publié dans : Eux
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Vendredi 6 novembre 5 06 /11 /Nov 22:42

31 décembre.
J'avais des bottes qui faisaient clac clac et pas l'humeur à la fête. Lui l'âme guillerette et son trois-quarts gris en cashmere.
Nous l'avions acheté ensemble, en Inde, au cœur d'une fournaise.
Drôle d'endroit pour s'embarrasser d'un manteau, mais voilà : cet homme était grand, si grand, qu'en France rien ne lui allait. Les manches des chemises étaient toujours trop justes, les pantalons trop courts, les matelas trop petits.

Ce monde n'était pas taillé à sa mesure de géant. Il lui fallait un, façonné à sa main, pour que son corps cessât de dépasser d
e partout.
Pour que ces stupides passants cessent de lui demander si, 
petit, il avait avalé trop de soupe ou appartenait à une équipe de basket.

Et comment il faisait pour m'embrasser.
Et comment pour me sauter.
Avait-il besoin d'une échelle ou, à défaut, de leur aide ?
Alors que les questions goguenardes fusaient, je songeai à une amie qui disait :
- Au lit, tout le monde fait la même taille.
Ou, le regardant si grand, au lit de Procuste* et à ses membres charcutés faute d'avoir pu embrasser la taille du sommier.
"Rassure-toi... Avec moi tu n'auras pas besoin de te réduire, mon amour."

En ce 31 décembre, il portait aussi un bonnet de laine qui donnait à sa tête une drôle de forme, celle d'une poire ou d'un œuf planté sur une longue tige. Les vêtements droits le transformaient en poteau, ces poteaux traîtres qui, surmontés d'un panneau de signalisation, lui arrachaient le crâne.
Parce qu'il lisait en marchant, il percuta un matin l'un d'eux.

"Interdiction de stationner", qu'il disait, le panneau.
De l'estafilade le sang perla puis jaillit, roulant sur son front, ses sourcils, éclaboussant son visage. Au lieu d'aller travailler il rentra chez lui, la vue brouillée de rouge, sous les regards effarés des passants.

Habillé, il paraissait dégingandé. Héron timide se mouvant dans un cube, dos voûté, bras collés aux flancs, jambes en échasses remuant la glaise des marais.
Nu, son corps se déroulait mince et limpide. Jamais jusqu'à lui je n'avais compris "dans le lit ton corps se simplifie", ni tous ces autres vers d'Éluard qui prirent alors sens.
Il faut un homme pour éclairer certains poèmes de leur évidence.
Lui était l'homme qui partageait ma vie depuis plus de trois ans.
En tant de temps nous eûmes celui de nous choisir, de nous aimer, de nous déchirer, de nous rechoisir, de nous rabibocher, de nous aimer encore.



Notre histoire se dévida sur l'air des Dessous chics,
de "la jarretelle qui claque dans la tête comme une paire de claques" aux "sentiments maquillés outrageusement rouge sang".
Incompréhensible en surface mais implacable en dessous, tels deux accords déjà écrits se heurtant pour former une mélodie.

Pour moi un père à l'approbation si difficile à gagner, à l'aigre critique si aisée.
Le bien n'était que médiocre, c'était le meilleur qu'il fallait viser. Au-dessus, toujours plus loin et plus haut, l'excellence en ligne de mire, la figure de l'inaccessible qui me transperçait le cœur en talon aiguille.

Pour lui, je ne sais pas. Peut-être un goût amer de contrats trop vite conclus ou trop vite résiliés, "comme des bas résillés, enfilés."
On n'est finalement pas responsable de ce que les autres plaquent sur nous. Leurs petites affaires sont aussi intimes que nos culottes sales en attente de lavage, si possible familial.
Mais la vérité est que, dès le premier jour, c'est moi qui le choisis. Que ce qui s'ensuivit, notre histoire, s'étira jusqu'à la rupture. Énorme couac sur la note discordante de mon désir.


La petite trentaine déjà poivre et sel, accompagné d'une simple tasse de café et d'un long parapluie, il lisait un livre anglais. Le bar était colonial, lui furieusement britannique. Et absorbé, si absorbé par sa lecture que le monde en marge de la page disparaissait.
Il était un caractère chinois agrégé au papier, un de ces idéogrammes raffinés, attirants, exotiques et bizarres, irradiant d'une intensité qu'il ne soupçonnait même pas.
Moi, si j'étais agrégée à quelque chose, c'était au papier peint. Pâté dégoulinant dans ma jupe, m'efforçant de me tenir droite mais débordant sous toutes les coutures pour m'épandre et baver, baver sur lui qui ne s'en doutait pas.
De suite j'adorais la course pressée de son index à sa salive puis au papier.
"Oui, ouvre-moi, tourne-moi comme une page, feuillette-moi comme un livre..."
De suite j'adorais ses sourcils froncés, le pli perplexe de sa ride du lion :
"Oui, bute contre les mots que je t'oppose et que tu réfutes, lèche-moi comme le feu qui mord le papier, tout près, si près de ma brûlure..."
De suite j'adorais son buste penché en posture de combat, ses coudes serrés de boxer en désarroi, sautant dans le ring et bandant ses forces pour un ultime round :
"Oui,
lis-moi entre les lignes, enfile-moi de la garde à l'épilogue, appose ton nom en victoire sur ma couverture..." 

Lui, je le choisis dès ce moment pour le
meilleur et le pire. Contrat de mariage en pacte faustien, ignorant que le sang allait couler.
Comme rencontre, il y a pire qu'un panneau "interdiction de stationner" vous cisaillant le crâne.

 


* Dans la mythologie grecque, Procuste, aussi nommé Damastès (le dompteur), offre l'hospitalité aux voyageurs qu'il capture pour les torturer. Il les attache sur un lit sur lequel ils doivent tenir exactement : trop grands, il leur coupe les membres qui dépassent ; trop petits, il les étire jusqu'à ce qu'ils atteignent la taille requise.

L'interprétation symbolique marche aussi...

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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Mardi 3 novembre 2 03 /11 /Nov 23:06
Voilà une heure que je te cherche sans te trouver. Une heure que je rentre ton nom à l'orthographe si particulière, ce nom dont tu étais si fier et qui sonnait si mal avec le mien.
Dans quelque ordre qu'on les mette, nos deux noms accolés frisaient le ridicule.

À dire vrai, ils étaient même en plein dedans : une syllabe gutturale accolée à une autre, ça ne donne rien de bon, hormis un éclat de rire. Ou un label de produit invendable même pour le meilleur des publicitaires.
Nous - enfin, je - en plaisantions parfois, tellement nos noms allaient mal ensemble. Si mal qu'il nous aurait fallu choisir l'un des deux pour nos enfants - enfin, pour ceux que j'avais envie d'avoir avec toi.
Toi, tu n'étais pas sûr, tu atermoyais, trouvais des prétextes et répondais si systématiquement "plus tard, peut-être, un jour" que j'avais fini par comprendre que ces prétextes  signifiaient "jamais".

Ton numéro, je l'avais jusqu'à il y a peu. Peu, dans la mesure de mon temps au ralenti, c'est neuf mois au moins. Peut-être même douze ou quatorze.
En tout cas, largement le temps d'être enceinte et d'avoir un enfant sorti de mon ventre.

Ce numéro-là, tu ne me l'avais bien sûr pas donné. Je l'avais trouvé comme une grande, aussi grande que ce jour d'hiver où, roulée en boule sur mon parquet, je t'avais repoussé. Si fermement qu'à moins d'être maso, tu ne pouvais plus me chercher, parce que je t'avais dit,
d'une voix grosse de larmes, d'indignation et de colère, des mots que tu ne supportais pas d'entendre :
- Tu es indécent, d'une indécence à gerber.

C'étaient des mots interdits à ne jamais te dire. T'accuser toi,
si contenu, si maîtrisé, d'indécence était franchir une limite dont j'avais conscience mais me fichais bien. Je n'habitais plus ce monde, ni cette ville ni ce quartier dans lequel j'avais acheté mon appartement pour être près du tien mais ailleurs, sur les rives d'un chagrin sans contours, d'un pays sans nom qui s'épelait pourtant en cinq lettres.
DEUIL.
Tu me parlais d'amour et je voyais le visage cireux de ma mère à la morgue, ses cils mal collés par l'employé des pompes funèbres.

Tu me parlais de compréhension et je voyais son iris bleu à travers ses cils, fixe telle son inquiétude face à ta dureté qui perça un jour face à elle, tandis que je te grattais
dans sa cuisine un bouton qui gicla en pus quand ta gorge vomit :
- Mais putain que tu es conne !
De ce bouton percé tu gardas peut-être une cicatrice.
Moi j'en gardai une, ma mère aussi.
La mienne était celle, mal rafistolée, des mots qui abaissent, triste héritage d'un père qui n'a jamais su parler pour avouer ses sentiments.
La sienne celle d'une soumission de femme trop timide pour oser s'opposer frontalement à l'homme, trop polie pour parjurer son rôle d'hôtesse, trop précautionneuse pour s'aventurer sur le terrain marécageux de notre couple. Ou simplement trop confiante en moi pour me défendre bien que je n'aie pas les armes.
Lorsqu'elle m'exposait sa confusion
le lendemain au téléphone, je lui répondis :
- Oui, j'aurais aimé que tu le remettes en place.
Appuyant de ce fait sur sa culpabilité de "mauvaise mère", oubliant un instant, car c'est si confortable, qu'il ne tient qu'à nous-mêmes, adultes, de nous faire respecter sans s'abriter dans l'ombre rassurante de nos parents. 

Tu me parlais de changement et je voyais le corps raide de ma mère, poupée de silicone étendue sur le simple drap d'un lit métallique. Et ce cauchemar si réel dans lequel je la contemplais, vivante, m'expliquant que sa mort n'était qu'une commode mise en scène tandis que je lui hurlais, la serrant entre mes bras puis la repoussant, horrifiée et crachant entre deux insultes :
- Mais comment as-tu pu me faire ça, à moi, ta fille ?

Tu me parlais de rédemption et je te ris au nez, t'envoyant à l'enfer ou au paradis.
Tu te mis alors à pleurer en invoquant ton amour. Ton amour à moi la conne qui était en vérité la femme de ta vie.
La seule femme à laquelle tu l'aies dit, par conviction ou faiblesse, dans ton lit puis le combiné, d'un ton gêné de petit garçon mis à nu.
Parce tu m'aimais et qu'avec moi, sanglotais-tu, tu ne t'ennuyais jamais.

Ah oui, c'est vrai, ensemble nous étions forts et pouvions tout faire. Des voyages et des expos, des dîners dans des bouges et des vernissages dans le grand monde, des cinés et des repas chez tes parents auxquels tu prenais plaisir et sans que tu ne te tapes la honte.
Je ne savais certes pas tout sur tout, loin s'en fallait, mais j'avais l'humilité de le reconnaître et la transparence de m'effacer.

En tant de temps depuis nous, j'ai
changé. Je sais toujours me gommer d'un sourire et me taire pour paraître intelligente. Le silence est la meilleure des ruses des imposteurs. Il laisse supposer qu'on a une opinion alors que derrière, c'est le vide.
La différence est que j'ai appris à avouer, et sans complexes :
- Je m'en fous.
- Je n'y connais rien.

Pour moi, à ma petite échelle, c'était une victoire. Dérisoire, on est bien d'accord.


À l'époque où je t'ai connu, je n'avais d'ailleurs aucun style.
Ringarde avec mes pantalons trop courts, mes baskets et mes chaussettes blanches, hors-jeu avec mes jupes vaguement grand-mère que tu assassinais d'un "pfiouu... que c'est moche" dès que je franchissais ta porte.
Envers moi tu n'as jamais été doux ni charitable. Soulignant en gras mes erreurs alors je quêtais en pointillés les bribes de ton approbation, me coupant
face à la glace fissurée de mon studio la frange pour te plaire où à défaut te surprendre, invoquant les paroles de ce coiffeur qui un jour m'avait dit :
- Votre êtes assez belle pour supporter cette coupe.

Mais être assez belle n'était pas l'être suffisamment. Jolie, bandante, resplendissante les bons jours, d'accord. Mais belle, non. La faute à cette mâchoire trop carrée, à cette bouche trop petite et à ces seins en poire que tu qualifiais de "partie peu réussie de mon individu", sauf cet après-midi où, cheveux en bataille, abandonné au plaisir, tu me soufflas :
- Tu es magnifique.
Faut dire que des bimbos aux nibards défiant la pesanteur, des sosies de Lauren Bacall, tu en avais connues. Pas longtemps, certes, car très vite l'ennui avait repris ses droits.

Je sais tout cela, je sais tes défauts, tes exigences auxquelles il m'était impossible de répondre à moins de me trahir. Je sais que notre relation était vouée à l'échec. Que je l'ai rompue avec une violence extrême (peut-être un jour la raconterai-je ici).
Mais je sais aussi que je ne suis pas en paix. Que voilà des années que j'ai envie de te parler. Pour te dire quoi au juste ? Je l'ignore moi-même, et voilà bien ce qui me bloque.

La mort de ma mère a escamoté le deuil de notre histoire. Une grenade dégoupillée de plus qui me remonte à la figure alors que je revendique le droit à l'oubli.

Mais mes nuits, elles, se souviennent.
Et je suis fatiguée, si
fatiguée de lutter contre des moulins à vent.
Quand tout cela s'arrête-t-il de tourner ?


Évidemment, à relecture, je n'ai pas exprimé le quart de ce que je voulais dire.
Ce sera une autre fois ou... jamais.
Lui, nous, ces résonances sont très compliqués.
Puis je ne suis pas sûre que ce soit passionnant. C'est même certainement très chiant.
Par Chut ! - Publié dans : Eux
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