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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Vendredi 28 mai 5 28 /05 /Mai 17:50

Soleil traitre 2L’aube filtre entre les rideaux jaunes.

C’est une journée sans un souffle de vent qui s’annonce. Encore une de plein soleil, privée de nuages à l’horizon du bleu.

Le ventilateur brasse un air surchauffé, plus dense que du mercure.

Déjà trempée de sueur, je m’éveille la gorge sèche. Mon bel amant dort à mes côtés. Paisible, tranquille, sur le dos, tout droit, ses longues jambes dépassant du lit jusqu’à toucher le mur. S’il bouge, il percutera l’armoire.

Le monde est si petit que je me cogne aux bords. Ma chambre est un mouchoir de poche dont il touche l’ourlet.

 

Le drap roulé sur son corps nu cache son nombril et son sexe.

Je pense aux statues antiques, aux Apollons de marbre gainés de feuilles de vigne. Au David impérieux, debout à Florence, autour duquel je tournais émerveillée comme une terre promise. A Adam qui, né de la glaise, ne devait pas avoir de nombril non plus.

Je me dis que ce matin, dans cet air rare et ce soleil frémissant, nous pourrions être le premier homme et la première femme du monde. Mais que je m’appellerais non Eve mais Lilith, parce que j’ai trop vécu pour être encore vierge.


Quatorze ans nous séparent.

Au temps de mes premiers amants, il vagissait. De mes premières cigarettes, il tétait encore son pouce. Et lorsqu’il traînait en couche culottes, je traînais déjà dans les bars.

Comparée à lui je me sens vieille, presque usée. Rides en plus et bleus à l’âme contre insolente jeunesse. Suprême ironie pour moi qui ai depuis l’adolescence préféré les hommes de la bonne trentaine.

Lorsque j’en parlai un soir à Yuri, il éclata de rire :

- Tu es dans un pays où les échappés de l’hospice fraient avec des minettes de l’âge de leur petite-fille. Cesse donc de te poser tant de questions. Profite !

 

Profiter, oui. De tous mes yeux sur son visage qui a la candeur de ses rêves.

« You’re so innocent when you dream… »

Tom Waits me revient en refrain. Encore un chanteur qu’il ne connaît pas, comme Lou Reed qui a pour lui des airs de dinosaure.

« Magician, magician, take me upon your wings /.../

I want to count to five
turn around and find myself gone
Fly through the storm

and wake up in the calm... » 

Il rate pourtant quelque chose.

 

Will 3 Lors de notre dernier après-midi sur la plage, il me surprit le regard dans le vague.

- À quoi penses-tu ?

Il était décidément trop jeune pour savoir que cette réponse n’appelle qu’un seul mensonge :

- À rien.

En vérité, je pensai à l’homme remarquable qu’il deviendrait.

À la femme qu’il aimerait alors.

Et j’étais jalouse de celle que je ne serais jamais, de ce futur que jamais je ne partagerais.

 

Dans son sommeil sa main se pose contre ma cuisse. La chaleur de sa paume par-dessus la fournaise de la chambre devrait me pousser à m’écarter.

Mais non. C’est me rapprocher que je veux, me lover au plus près de lui, le respirer et le boire encore.

Certaines peaux, très rares, me déclenchent un besoin impérieux. Réaction chimique qui affole la boussole de mes sens, bonbon-cocaïne qu’il me faut sentir, toucher, mordre, lécher.

Privée d’elles, je suis comme privée de moi, rendue à une solitude difficile à supporter.

Sa peau à lui, je n’étais pas la seule à l’aimer. Les fourmis aussi l’adoraient. Alors que notre groupe discutait au restaurant de la plage, il était le seul à être colonisé. Tombées des arbres, montées à l’assaut du sable, elles le fouaillaient pour s’en délecter.

- Mais vous n’en avez pas, vous ? questionnait-il incrédule.

Un par un nous secouions la tête.


Une matinée de soleil, allongée sur une serviette corps pressé au sien, doigts sur ses flancs, nez sur la ligne fragile de ses cheveux blonds et de sa nuque, j’eus l’excuse au bord des lèvres :

- J’aime trop ta peau pour m’en séparer… M’en veux-tu ?

Evidemment, il ne m’en voulait pas. Il devait juste me trouver étrange à le renifler, femme gorgée de soleil soudain changée en chiot, jappant de plaisir contre son cou.

Il avait l’odeur de lui. De sexe musqué et de sel marin, de pain fraîchement cuit et de lessive en plein soleil. De propre alors qu’il était sale, pressés que nous étions de filer à la plage après notre nuit d’amour.

 

Vulnerabilite 3Au soir d’avant la dernière nuit, une fois ôtées nos gangues de tissu, il avait murmuré :

- What about a shower ?

J’acquiesçai d’un oui qui disait non.

C’est lui que je voulais goûter et non un insipide savon. Il vint dans ma bouche et je l’embrassai, partageant entre nos lèvres le goût de sa semence.

 

Lorsqu’il partit, il me proposa de le rejoindre quelques semaines plus tard. Ne me dit pas « adieu » mais « à bientôt ».

Je souris de ce mensonge qu’il prenait pour une vérité.

Il traversa le jardin une dernière fois.

Je l'épiai à travers les rideaux jaunes. Désormais seule dans la petite chambre, rendue à moi-même, je me sentais triste, fatiguée, vide.

Je partis plonger. Une fois remontée à la surface, j’étais lavée de lui, de son odeur et de sa peau.

Seul reste son souvenir inoffensif alors que, dans ses bras, je fus si vulnérable.

 

 

 

Tableau de René Magritte. 2e photo de Sarah Moon. 

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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