Présentation

En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

Derniers Commentaires

C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

Mai 2024
L M M J V S D
    1 2 3 4 5
6 7 8 9 10 11 12
13 14 15 16 17 18 19
20 21 22 23 24 25 26
27 28 29 30 31    
<< < > >>

Recherche

Images Aléatoires

  • Jogyakarta--Somebody-inside.jpg
  • Vendeuse-de-cartes-1.png
  • Main
  • Amarupara-Pont-en-tek.png
  • Au-bord-du-fleuve.jpg

Syndication

  • Flux RSS des articles

Profil

  • Chut !
  • Le blog de Chut !
  • Femme
  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Dimanche 23 mai 7 23 /05 /Mai 15:30

Rien de graveQuand c’était comme ça, ma mère me disait :

- Tu en tiens une bonne couche.

La formule m’agaçait autant que l’empathie dans son regard. Et je grommelais avec des b à la place des m :

- Boui, bon… Chui balade, baban.

Depuis plusieurs jours, je suis malade, en effet. Je dirais bien comme un chien si ça pouvait empêcher ceux de la propriété d’aboyer cinq minutes. Ou les aficionados du karaoké voisin de brailler des chansons ineptes, le plus faux possible (depuis que je suis ici, je suis d’ailleurs d’avis d’interdire cette distraction à ceux qui ne savent pas chanter, mais personne ne m'écoute).

Les uns comme les autres, ils tiennent la forme. Olympique, même, pendant que je me traîne misérablement.

 

Et voilà, encore une expression d’enfance :

"Arrête donc de traîner ta misère !"

Arrêter, je voudrais bien. Pour un instant cesser d’avoir mal, comme si toute mon existence s’était retranchée dans mes sinus malmenés. Le paracétamol me fait autant d’effet que des carrés de sucre. Je porte ma tête comme un roc fissuré sous des coups de piolet, faisant surgir à contretemps les larmes de mes yeux.

 

- Are you crying ? m’a demandé ce matin mon voisin anglais.

- No, I’m sick. Still.

Il a levé un sourcil avant de me proposer un café. Lorsque j’ai éternué dans la tasse, il s’est reculé poliment.

Faut dire que le nez bouché et la plongée, ça fait mauvais ménage. D’ailleurs, je ne plonge plus, je comate. A longueur de journée vautrée sur des coussins dans la fraîcheur illusoire du ventilateur, à me bassiner les tempes au baquet d’eau froide.

La fatigue me rend plus vulnérable, plus perméable encore au temps perdu de mon enfance. Nul besoin de gratter les couches du souvenir pour le retrouver, elles remontent toutes seules par bribes, images, pans entiers.

 

C’est l’après-midi mais les volets de ma chambre sont tirés. La lumière vive me fait trop mal aux yeux. A côté de moi, un soleil inoffensif. Pourpre, il est composé de brins de laine que ma grand-mère a patiemment disposés sur un canevas. Elle ne devait plus avoir assez de jaune pour le ciel, alors elle l’a mélangé de vert pâle. J’aime bien, même si le coussin, trop rembourré, m’interdit d’en faire un oreiller. A défaut, je le pose à côté du mien, sur le couvre-lit en crochet crème et les couvertures bien tirées.

Ciel et herbe mêlés, contact rêche sous mes doigts, cadeau de labeur et d’amour rien que pour moi.

 

Ce que personne ne sait, c’est que je roule des bouloches de laine pour les enfouir au creux du troisième rayon. Impossible d’expliquer pourquoi leur présence me rassure. Elle me rassure et c’est assez. Je suis une enfant de rituels qui n’a pas besoin d’explications.

Comprendre ce besoin d’ériger des objets, des signes en paratonnerre à angoisses, cela viendra plus tard. Encore allongée, mais sur un divan, pas dans ce lit-bateau où, petite chouette tombée du nid, je transpire ma grippe dans mon pyjama.

 

Ma mère a sorti le jeu de l’oie de son enfance à elle. Bien qu’il me paraisse un peu vieux, j’aime ses dessins à l’ancienne mode, ses consignes à moitié effacées. Les mots manquants sont mes alibis pour tricher :

- Il y a bien marqué « avancer de trois cases », maman ?

Le mot commence par « rec » mais ma mère approuve. Aussitôt prise de remords, je corrige en toussant :

- Mmmh… Je crois que je dois reculer, en fait. Ah zut, je tombe sur la case prison.

Ma mère m’embrasse dans un élan de tendresse. Elle n’a pas peur de mes microbes. Mes microbes, elle leur déclare la guerre à coups de gouttes homéopathiques et de breuvages bizarres. Et quand ni l’un ni l’autre ne suffisent, elle implore.

Le dieu de la maladie, s’il existe, de me laisser tranquille.

La douleur de passer de moi à elle, pour la supporter à ma place, la prendre et la réduire. Parce qu’elle m’aime jusqu’au sacrifice, que je suis son enfant unique, sa chérie, sa prunelle, plus précieuse que sa vie même.

 

Rien de grave 2Une nuit, le tympan droit déchiré par une otite fulgurante, je me mets à crier.

Ma mère affolée accourt.

- Qu’as-tu ? Que se passe-t-il ?

Incapable de parler, je désigne mon oreille en hurlant. Elle me relève sur les coussins. Me cajole, m'apaise. Me donne des cachets, des infusions.

Le mal ne cède pas. En désespoir de cause, elle a recours à un remède de grand-mère : des oignons bouillis dans un gant de toilette.

- Donne-moi ta souffrance, donne-la moi, je t’en prie !

Au petit matin, je ne sens plus rien, hormis sa chaleur. Nous nous sommes endormies joue contre joue.

 

Les chiens se sont tus, les aficionados du karaoké aussi. Il ne reste en moi que la douleur tenace d’un mauvais rhume et le silence des souvenirs.

Mais je sais qu’elle est là, tout près.

Et que dans mon sommeil ma joue vienne caresser la sienne.

 

 

Musique de circonstance, de lui qui me berce si souvent.

Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines
Ecrire un commentaire - Voir les 1 commentaires
Retour à l'accueil
Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés