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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Elles...

Lundi 2 janvier 1 02 /01 /Jan 12:04

HéritageMa grand-mère est morte.

Début décembre, elle s'est éteinte comme elle a vécu : discrètement, paisiblement, presque en cachette. Révérence tirée sur la pointe des pieds, en catimini dans le sommeil d'une vie qui n'en finissait pas. Délivrée, enfin, de son corps torturé et d'un esprit qui depuis longtemps s'était éclipsé.

L'infirmière m'a dit son beau visage calme, presque soulagé. Tandis qu'elle me parlait, je l'imaginais, ma mamie si menue étendue sur un grand drap blanc, mains allumettes sur la poitrine, un crucifix sous ses paumes.


Pour elle le temps s'était arrêté mais son horloge tic-taquait toujours. Coeur mécanique et obstiné, cette pendule carrée trônait dans sa cuisine, lieu de mon enfance, de mon adolescence, de mon âge adulte. Puis elle déménagea avec ma grand-mère dans sa chambre aux rideaux à demi-tirés. Ses aiguilles me soufflaient que là-bas, les heures étaient longues et les minutes précieuses. Et pourtant, à peine étais-je arrivée que je brûlais de repartir, m'échapper de cette province grise malgré ma petite mamie qui lentement déclinait.

C'était seulement pour elle que j'avais pris le train. Pour elle et ce fragile territoire d'enfance qui, à chaque visite, se fissurait davantage. Si craquelé qu'au fil des années, de la peau n'était plus resté que le chagrin, un caillou d'épines me laissant tiraillée, ingrate, coupable.

Coupable d'être trop brusque, trop impatiente. Pas assez petite fille et beaucoup trop grande gueule.

Coupable de ne pas venir assez souvent malgré ses dénégations :

- Tu fais ce que tu peux, ma puce.

Ce que je pouvais, pas vraiment. Ou si, peut-être, incapable de trouver la bonne mesure, le juste équilibre entre ma vie et ce retour à un monde qui, bien que pétrifié, filait inexorablement vers la mort. De chaque visite je revenais titubante, désemparée, comme dépouillée de moi-même. Couche après couche dissoute pour me retrouver à nu, assommée par l'évidence de la douleur, l'inéluctable d'une autre perte.

Ma grand-mère allait mourir et je ne pouvais pas l'empêcher.

Je descendais la moitié de la France en remontant dans ma mémoire. Souvenirs d'un tout ou d'un pas grand-chose, en écho au livre de Bukowski qu'elle avait dévoré.

- Tu lis ça ? m'étais-je étonnée.

- Oui, j'aime bien. Ca me dépayse.

Et j'avais ri, follement, imaginant ma mamie si mesurée, si convenable, en goguette avec Charles dans les bouges, les bars, les ruelles et les lupanars.

 


Héritage 2Elle disait que j'avais un coeur d'or mais un caractère terrible. Une volonté trop dure, un tempérament trop bien trempé pour être vraiment femme, un esprit trop compliqué, trop insatisfait pour être vraiment heureuse.

Elle disait que j'avais au menton la fossette d'un ange. La mâchoire de mon père et les yeux de ma mère. Pâles et perçants, trop lucides peut-être.

Elle disait que je devais m'assouplir, m'attendrir - comme une pièce de viande sur l'étal du boucher, ironisais-je - pour faire avec tout.

"Faire avec tout", c'était son expression.

Toujours composer, ne jamais s'opposer. Faire des compromis au risque de se compromettre.

La paix a un prix. À ses yeux, il était inestimable.

 

Sa vie ne fut pas facile. À l'orée de l'adolescence, elle perdit sa mère puis son petit frère, devenant par la force des événements la seule femme du foyer.

Éduquée ainsi, elle avait vécu comme ça. Le bien-être des autres avant tout. Les tours de corvées dont jamais elle ne se plaignait.

Fourmi affairée en cuisine, au lavoir, au magasin familial.

Mère aimante, deux fils, une fille, trois soulagements après des années sans enfants, taraudée par la peur d'être stérile.

Grand-mère emplie de douceur, de faiblesse et d'amour pour moi, sa préférée.

Épouse effacée, tapie dans l'ombre de son Homme. Grand, droit comme un I, des yeux glaciers dans un visage sévère qui s'illuminait lorsqu'il souriait. Mon grand-père à la gaieté aussi folle que ses terribles colères, mort de mélancolie à l'hôpital. Au décès de ma mère, j'apprendrai ce que la famille m'avait jusqu'alors caché : la "maladie honteuse" parce que psychiatrique dont il souffrait, peu connue à son époque, diagnostiquée trop tard et jamais traitée.

À table, mon papy ne se levait jamais. Quand il bricolait dans le garage, deux volées d'escaliers plus bas, il descendait rarement de l'escabeau. Au lieu de prendre lui-même ses outils, il hurlait le nom de son épouse qui, séance tenante, accourait.

Je trouvais ça étrange, ce patriarche aux pieds d'argile. Je ne disais rien. J'étais trop jeune. Puis mon grand-père est mort et j'ai pleuré. Ma grand-mère aussi, sauf que son chagrin était inconsolable.

 

Elle disait "ah, les hommes !" avec une pointe de fatalisme et d'humour.

Elle disait que j'aurais du mal à en trouver un. Mon fichu caractère, encore. Je répliquais que, de toute façon, je préférais en avoir plusieurs.

- Sacré toi ! qu'elle riait.

Elle me disait de les traiter, eux les hommes, avec patience. Si leurs discours m'ennuyaient, de ne leur prêter qu'une oreille sans toutefois les interrompre. Sûrement les voyait-elle, sans vraiment en convenir, comme de grands enfants. Leurs caprices devaient être satisfaits, leurs envies comblées. Envies de tout ordre à commencer par les sexuelles. Le sexe fort ayant "davantage de besoins" que le faible, il convenait se laisser faire en pensant à autre chose si nous, nous n'en avions pas envie.

Je m'insurgeais contre cette domination consentie. Dans un filet de voix, elle me conseillait d'être plus accommodante. Je me fâchais.

La dispute tournait court.

Impossible de se chicaner avec elle. Elle avait trop de souple bonté. Et appartenait, surtout, à une autre génération, une dont j'ai tenté de gommer en moi l'héritage sans toujours y parvenir. Ne pas exister au travers d'un homme, mais avec. Ne pas me conformer, non plus, aux contraintes encore trop souvent associées à notre sexe.

 

Heritage 3Ma grand-mère tremblait devant ma vie aventureuse. Elle aurait voulu me protéger des coups du sort comme de mes "bizarres idées".

- Elle est pas fixée, ma puce, se désolait-elle.

Ma vie nomade lui donnerait raison.

Pourtant, je voulais être à l'église pour ses funérailles.

Je n'ai pas pu.

Mes oncles ne m'ont pas avertie de son décès. Les soupçonnant d'en être capables, j'avais jadis demandé au directeur de la maison de retraite de me prévenir. Ce qu'il a fait. Mais ce que je n'avais pas prévu, c'était des obsèques organisées si vite que jamais, de l'Asie à la France, je n'aurais pu revenir à temps.


Rompant un silence de plusieurs années, j'ai appelé Ivan et Eliott.

Le premier a refusé de me parler. Le second, comme à son habitude, s'est noyé dans la vase de ses explications. À l'heure d'Internet, des ordinateurs et autres Iphone, il n'avait, prétendait-il, "pas d'outil informatique à disposition". Puis il fallait bien arranger Pierre, Paul et Jacques, lointains membres d'une famille éclatée. Tout le monde sauf moi, que les deux frères se sont habitués à traiter en quantité négligeable.

Plus que tout une moins que rien, avec cette rage qui m'a étouffée.

Après la colère - ou encore avec elle - est venue la détermination. Poings serrés pour la confrontation, majeur bien tendu.

Mes oncles et moi avons à présent une succession à régler. Et je prendrai face à eux, contre eux s'il le faut, la place qu'ils refusent de me donner.

 


 

Photo de Hans Bellmer et Brassaï,

toile d'Antony Micallef. 

Par Chut ! - Publié dans : Elles...
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Dimanche 11 septembre 7 11 /09 /Sep 12:32

Fillette yeux tristesDernier dimanche d'août, jour de fiesta en l'honneur de Saint Augustin. La foule est dense, l'atmosphère joyeuse. L'air résonne de cris de bambins et de "Viva ! Viva !".

Danseurs et danseuses défilent à travers la petite ville, en nage sous l'implacable soleil. Tenant le saint contre leur poitrine, l'élevant vers le ciel, des jeunes filles bougent avec grâce. Des enfants répartis en petits groupes suivent la cadence, épousant le rythme de la chorégraphie. Mouvements simples mais efficaces : pliés, tendus, arqués, quelques sauts et tours sur soi, un passage sous les bras du voisin...


De loin, les costumes flamboient, comme lustrés de neuf. En se rapprochant, on en voit l'à peu près. Des boucliers de palmes tressées révèlent leurs couleurs fatiguées. Par endroits, la peinture a bavé en coulures craquelées. De simples cordelettes, nouées à la hâte, retiennent des guêtres taillées dans du papier crépon. L'envers des décors brandis par les participants est sali de traits crayonnés. La découpe n'en est d'ailleurs pas toujours nette. Même maladroite parfois, comme si les ciseaux avaient ripé en chemin.

 

La procession s'est arrêtée sur la pelouse à côté de l'église. Au bout, un podium sur lequel se succèdent les officiels. Moment de discours et de prières. Moment de répit pour les danseurs qui se reposent, se désaltèrent, grignotent. Quand les gens de pouvoir auront fini de parler, ils s'affronteront. Quelques minutes pour donner le meilleur d'eux-mêmes.

Bertille et moi sommes debout sous un auvent. Près de nous, une Philippine entre deux âges, grassouillette, mal fagotée, au visage ingrat, accompagnée d'une fillette d'une très grande beauté : longue chevelure jais, peau brune, petit nez, bouche charnue s'ouvrant sur des dents parfaites. La petite contemple les danseurs avec une ferveur mêlée d'envie. Son expression me rappelle soudain celle d'une autre fillette, dans un autre pays.


Laos, décembre 2007. L'association Big Brother Mouse a organisé une book party dans une école de campagne. Les élèves s'amusent, rient, chahutent. A l'écart, n'osant pas s'approcher, une gamine d'à peine dix ans, pieds nus, crottée, en haillons, aux cheveux si emmêlés qu'ils forment une boule hirsute sur son crâne. Elle porte son plus jeune frère et, serrée dans sa paume, un tissu sale. Avec, elle nettoie la morve qui coule du nez de son protégé. Et quand, lasse de le porter, elle le pose à terre, c'est avec précaution, sans jamais lui lâcher la main.

Elle ne va pas à l'école. Ses parents sont trop pauvres pour lui acheter un cahier et un stylo. Sûrement, aussi, ont-ils besoin d'elle pour des tâches domestiques. Alors elle reste là, muette, à fixer ses camarades qui participent aux jeux. Exclue de la fête, sans même dans les prunelles un sentiment d'injustice. Juste de la résignation doublée d'une profonde tristesse.

 

Fillette 2La fillette de Poblacion n'est pas aussi sale, sa famille pas aussi défavorisée. Mais, comme les costumes somptueux qui, de près, dévoilent leurs défauts, elle porte sur elle les stigmates du dénuement.

Ses bras sont sales, ses jambes abîmées. La faute à toutes ces bestioles qui rampent et piquent si l'on dort sans moustiquaire.

 Sa robe, trop grande de deux tailles, fait paraître son corps encore plus maigre. Retenu dans le dos par un entrelacs de bretelles, le tissu godaille sur ses genoux râpés.

 

Mais plus encore que son apparence, c'est son attitude qui la trahit. Réservée, silencieuse, elle a la gravité des enfants qui ne jouent pas. Ou si peu.

D'ailleurs, elle ne se mêle guère à la foule des autres fillettes qui, bruyantes, énervées, sautillantes, s'égaillent sur la pelouse. Plus sage qu'une gravure, elle reste à côté de sa maman, serrant contre elle un parapluie inutile par cette journée sans nuages. A moins qu'il ne lui serve d'ombrelle pour éviter à sa peau de brunir davantage. Aux Philippines, le teint clair est un critère de beauté.

Ce parapluie est son seul bien. Elle le tient avec respect, l'empêchant de s'ouvrir malgré sa bride cassée. D'autres bambins s'en seraient vite débarrassés comme d'un objet gênant pour jouer.

Elle, non.

Plus tard, elle le laissera à sa mère pour se régaler d'une douceur à deux sous : un bout de glace enfermée dans un plastique. La dégustera lentement pour faire durer le plaisir. Prendra garde à ne pas en répandre sur sa robe. N'osera pas, non plus, y essuyer ses doigts poisseux. Une fois le sachet vide, elle le léchera avec application. Comme si elle voulait, elle aussi, goûter le suc de la fête en tétant ses dernières gouttes.

Je songe à ma grand-mère. A ses souvenirs d'enfance laborieuse dans un village des Ardennes. A cet argent qui manquait toujours, surtout après la mort de sa mère. Les dimanches de fête, ma mamie avait le droit d'acheter une friandise chez le boulanger. Pas un croissant ni une part de tarte, non. Ils étaient bien trop chers. Le plaisir dans ses moyens, c'étaient les miettes. Celles des gâteaux achetés par les riches, vendues en sachets. 


Souvent, la fillette glisse sur Bertille et moi un regard de biais. Peut-être est-elle intriguée par tout ce que nous possédons et qu'elle n'aura sûrement jamais. Un gros appareil photo, des robes, des bijoux, un sac, une ceinture et des chaussures assorties.

Lorsque nos yeux se croisent, l'enfant détourne les siens. Impressionnée, rougissante, comme gênée de sa curiosité. Mais dès que mon amie et moi regardons ailleurs, ses yeux reviennent se poser sur nous, mélancoliques et affamés.

Bertille s'adresse à elle en Bisayas. Etonnée d'entendre sa langue dans la bouche d'une puti*, la petite fille recule. A la voir, faon effrayé pris dans un lacet, on la croirait punie. Punie d'avoir trop scruté ces étrangères qui, maintenant, lui parlent.

Relevant un peu le menton, elle répond du bout des lèvres. 

Elle habite avec sa famille près du port. Sûrement une cahute déglinguée où toutes les générations s'entassent pêle-mêle, dans un fouillis de nouveaux-nés et de vaisselle.

Va-t-elle seulement à l'école ? Celle-ci a beau être gratuite, encore faut-il acheter les livres, les fournitures et l'uniforme obligatoire. Dépenses que nombre de foyers ne peuvent se permettre.

Ce dialogue hésitant se poursuivra au gré des danses. Lentement, la fillette gagnera en assurance. Pas assez pour se laisser aller, s'amuser et rire, mais assez pour s'exprimer sans rougir.

 

Fillette 3A aucun moment elle ne réclamera quoi que ce soit. Bien que pauvre, elle n'a rien de ces gamins effrontés qui, à la vue d'un occidental, se précipitent paume tendue en criant :

- Money, money !

- J'aimerais lui offrir quelque chose... souffle Bertille.

- Moi aussi.

Nous pensons à une autre glace. A une babiole, bracelet ou barrette, à glaner sur un stand voisin. Me retournant, j'avise le ballon accroché à mon sac. Un papillon multicolore acheté pour le plaisir de le faire tourbillonner dans mon sillage.

Je le décroche, le donne à Bertille qui le tend à la fillette. Celle-ci, embarrassée, refuse de le prendre. Ses yeux en brûlent d'envie mais sa main glisse, comme morte, le long de la ficelle.

Elle se tourne vers sa mère, semble guetter son approbation.

Bertille insiste.

- Palihog, day !**

Les petits doigts finissent par se refermer sur la corde.

Et la fillette s'éloigne, gracieuse, un papillon voltigeant derrière elle.

 


*Puti : blanc(he), en Bisayas.

**Palihog, day ! : s'il te plaît, petite ! 

 

 

1re photo : perso. Plus dans l'album Poblacion Fiesta.

2e et 3e photo : Béatrice Galonnier ;

plus de ses photos ici.

Par Chut ! - Publié dans : Elles...
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Samedi 4 décembre 6 04 /12 /Déc 06:21

Bertille 2 La première fois que je me rendis chez Bertille, j'avais très mal aux dents. Assise derrière mon instructeur, secouée comme un pépin dans un shaker, je me demandais où menait ce chemin défoncé d'ornières et raviné de pluie. Tim stoppa devant un haut portail blanc.

- C'est ici.

Je descendis de la moto les jambes raides, me tenant la tête comme si, trop agitée par les cahots, elle pouvait se décrocher de mon cou.

 

Lorsque Bertille nous ouvrit, je retins un sifflement de surprise et d'admiration.

Sa maison était très grande. Très belle aussi.

A l'avant s'ouvrait une terrasse digne d'un magazine de déco. Un canapé et deux fauteuils en bambou encerclaient une table basse. La table haute, elle, était idéale pour un dîner entre amis ou un tête-à-tête amoureux. Disposées sur le muret d'enceinte, des bougies et des guirlandes de lumière donnaient un petit air de fête au lieu.

Par la porte ouverte j'aperçus un vaste salon, un lustre, des murs colorés, des meubles simples mais de goût. L'harmonie de l'ensemble était parfaite, jusqu'au détail incongru qui m'arracha un sourire : un chien flasque en peluche, jouet d'enfant ou doudou d'adulte, étalé tout tordu sur le canapé.

Cette maison chaleureuse dégageait une telle paix qu'aussitôt, ma migraine reflua. Je pensais qu'une femme ayant choisi un tel cadre de vie, l'ayant conçu et arrangé à son image, ne devait que gagner à être connue.


Mes rapports avec Bertille avaient jusqu'alors été superficiels. Nos connaissances communes n'avaient jamais jugé bon de nous présenter. Mais à force de nous croiser dans les bars et dive shops de la plage, nous avions fini par échanger un salut, quelques phrases anodines. Parfois, absorbée l'une ou l'autre par une discussion, nous nous ignorions. Non par indifférence calculée, juste faute d'un lien qui ne s'était pas encore tissé.

De Bertille j'avais déjà entendu parler. Beaucoup, et seulement en bien. Toutes ces paroles additionnées l'avaient peu à peu transformée en Arlésienne. Cette femme était la grande inconnue que je n'avais jamais vue. Celle dont on me demandait des nouvelles que j'étais bien incapable de donner.

Dans l'esprit des gens, deux Françaises, plongeuses et vivant de surcroît sur le même périmètre, devaient forcément se connaître.

Et bien non. A mon arrivée ici, Bertille était absente. J'apprendrais plus tard qu'elle se trouvait alors à Koh Tao, l'île dont j'étais partie un mois plus tôt.

La symétrie inversée de nos trajectoires me fit encore une fois m'esclaffer sur ce coquin de hasard.


BertilleTim et Bertille s'installèrent au salon pour une conversation privée. Je restai sur la terrasse, goûtant la fraîcheur des tomettes sous mes pieds nus et le calme de ce havre retranché.

Ici, ni coqs ni chiens pour déchirer l'air d'appels stridents. Ni voitures ni motos passant dans une pétarade de fumée noire.

La route était éloignée, les plus proches voisins tranquilles. Camouflée par le haut portail, leur maison n'était d'ailleurs pas visible du jardin.

La propriété de Bertille me parut une oasis au milieu d'un univers tumultueux, saturé de bruits tapant sur ma pauvre tête.

Je pris un magazine féminin sur la table basse. Denrée rare publiée en français et, ô luxe, datant de moins d'un semestre.

Je la savourais page après page. Etrange impression, d'un article à l'autre, de revenir dans un monde à la fois familier et oublié.

Les films à l'affiche. Les expositions à ne pas rater. La mode du printemps. Les recettes de cuisine. Le courrier des lectrices.

Le silence feutré des salles de musée. L'atmosphère recueillie d'une salle de concert. Le crissement des cordes des musiciens ajustant leurs instruments.

La fraîcheur piquante du printemps à Paris, quand les arbres se couvrent de bourgeons.

Ce Marie-Claire me parlait de mon pays, désormais si éloigné de mon quotidien qu'un vertige me saisit. Une nostalgie floue aussi, me drapant d'une multitude de petits manques.

Une brise mâtinée de soleil caressait mes épaules.

Je soupirai. Echangerais-je ma place sur cette terrasse contre la banquette d'un troquet parisien ? Je me fouillai et la mémoire et le coeur. La réponse s'imposa.

Non. Non, en vérité.

 

Ce jour-là, j'étais venue prendre à Bertille de quoi trouver les jours moins longs. De quoi tromper la douleur, ma plus fidèle compagne de bungalow.

 J'étais venue lui prendre ce que je n'avais plus. De bons films et de bons livres, si possible en français. Me baigner d'anglais me faisait l'effet d'une douche froide, d'une cascade de trop d'efforts à fournir en ces temps troublés.

Après m'avoir ouvert sa porte, Bertille m'ouvrit sa bibliothèque et son disque dur. Un cri d'excitation jaillit de ma gorge devant son fichier "films".

Des classiques, des comédies, du cinéma d'auteur. Des Chabrol, des Klapisch, des Téchiné. Des films visionnés dans de petites salles à Paris, d'autres manqués. Des films qui accompagneraient une guérison que je supposais brève, ignorant que j'étais fort loin du compte.

En soirée, Bertille m'ouvrit les portes d'un délicieux restaurant, puis d'un salon de massage. De loin les meilleurs depuis mon arrivée à Bohol.

Lorsque nous nous séparâmes, j'étais ravie.


Bertille 3Notre amitié commença ainsi. Lentement, semaine après semaine, nous entrâmes l'une l'autre dans nos vies, d'abord sur la pointe des pieds.

Bertille était très occupée.

De mon côté, je ne souhaitais rien brusquer.

Toute hâte à la voir davantage aurait pu passer pour une pression dissimulée, tout désir hautement affirmé de la connaître mieux pour importun.

Depuis cette première soirée, je désirais vraiment devenir son amie, sans être assurée de la réciproque. En amitié comme en amour, il est des coups de foudre, des attachements non partagés.

Devenir ami(e)s ne se décrète pas. Et la phrase d'un homme que je ne connaissais qu'à peine resurgit :

- J'ai décidé que tu serais mon amie.

Loin de me procurer un quelconque plaisir, son propos me choqua.

J'y perçus un égoïsme qui se passait bien de mon inutile consentement. Puisque lui l'avait décidé, il m'ôtait le choix de ne pas agréer. Son attitude était une forme de violence, une contrainte en sourdine l'amenant à disposer de moi, de mon libre-arbitre et de mes émotions.

Un tel début décapita toute envie de me lier à lui.

Certaines relations réclament temps et patience pour se tisser, mais l'étoffe obtenue n'en est que plus solide.


Maintenant que je vais partir, mon coeur se pince. Je revois Bertille dans ce supermarché où nous faisions nos courses. Son brutal arrêt entre deux rayons, ses grands yeux soudain tristes quand elle me glissa :

- Ca va me faire très bizarre que tu ne sois plus là...

Je revois aussi une foule de moments partagés, de saynètes et de fous rires.

La panne de son multicab qui nous cloua en pleine nuit sous une pluie torrentielle.

Ses coups de Klaxon un jour où je rentrais en jeepney, sarouel fuchsia claquant au vent. Le véhicule était archi complet. J'avais dû insister pour me tenir à l'arrière, agrippée à un montant du toit, muscles tétanisés à force de rétablir mon équilibre malmené par les cahots.

Les Philippins riaient de voir une blanche voyager à la dure. Ou en si mauvaise posture car, après quelques kilomètres, je doutais de tenir bon jusqu'à chez moi.

C'est Bertille qui, passant par hasard sur la même route, me sauva.

Toutes ces après-midi en duo dans les bars. Chacune penchée sur son ordinateur, interrompant l'autre dans son travail pour lui montrer un article, un lien, une photo.


D-amitie-et-de-calamansis-3bis-copie-1.pngL'heure que nous appelons "l'heure de la boule", quand la musique de notre bar préféré monte en intensité et que la boule à facettes du plafond se met à tournoyer, éclaboussant les consommateurs de faisceaux rouges, verts, jaunes.

Pour couvrir le ronron des chansons, les conversations se font plus fortes.

Ce tumulte sonne en général notre repli vers des lieux plus paisibles.

Nos virées en snorkeling, dont la dernière fut si longue et intense que mon dos mit une semaine à s'en remettre.

Notre repas de riz et poisson entre deux plongées, à la philippine, accroupies en plein soleil à l'avant du bateau, piochant avec nos doigts dans les sachets en plastique.

 

Le dîner à la pizzeria, après lequel j'empruntai à Bertille son ordinateur pour parler à mon hommeMa caméra ne marchait plus et je ne supportais pas de m'adresser à lui en aveugle, face à un écran noir.

Mon amie et moi regardions son beau visage en partageant les écouteurs du casque.

De l'autre côté du monde, lui riait de nous voir alignées sur nos sièges telles deux groupies. Et rit encore plus lorsque Bertille se mit à chanter, téléphone en main, en dessinant des arcs de cercle sur la nuit.

Nos virées en ville, nos quelques séances de shopping.

D'une nous ressortîmes avec les mêmes tongs, aussi rouges que des cerises éclatées.

D'une autre avec les mêmes lunettes, roses pour elle et bleues pour moi. 

Le session "teinture de cheveux" dans son arrière-cour. Le soleil qui jouait à cache-cache et moi qui, penchée sur elle, étalais la mixture à la brosse à dents. Il faisait si chaud, j'avais si peur de me louper que, très vite, je suais à grosses gouttes.

- Tiens, il pleut... remarqua Bertille.

- Euh, non... C'est moi qui te transpire dessus, en fait. Désolée.

Nous partîmes d'un grand hoquet.


Lorsque j'étais à Cebu, Bertille cessa de se rendre dans le bar qui abrite notre rituel : un jus de calamansi, une dose de sucre, une paille et des heures de discussion.

- Cela n'avait plus de sens, il me manquait quelqu'un... Toi.

Si Bertille n'avait pas habité Bohol, mon long séjour ici aurait eu bien moins de sens. Il m'aurait manqué quelqu'un... Elle.

 

 

 

Toiles : Vanessa Bell et Gustav Klimt.

Photos : Vee Spers, Hiroshi Watanabe.

Par Chut ! - Publié dans : Elles...
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Mardi 1 décembre 2 01 /12 /Déc 13:42
Je suis frustrée. Agacée. Énervée. En colère, même. Je veux répondre à mon amie Ether et je ne peux pas.
La fenêtre des commentaires ne s'ouvre pas. Privée de parole à cause d'un bug informatique ou peut-être, va savoir, d'une connexion aléatoire parce que trop lointaine.
Et la mondialisation, merde ?

Alors je suis là, collée à la banquette de ce bar lounge wifi trop bruyant, subissant les "ah... ah..." du chanteur qui braille dans la sono. Si j'étais parano - ou s'il chantait avec plus d'émotion - je croirais qu'il se paye ma tronche grand format.
J'ai envie de lui dire de boucler sa lourde (très lourde, j'insiste) deux minutes.
Trop tard, il s'est déjà éclipsé, me laissant comme un pingouin sur la banquise, loin de la chaleur des mots de mon amie, sans personne sur qui brailler ma hargne.
Mince alors, comme on dit en termes politiquement corrects (l'autre version, je vous la passe).

J'ai laissé mes fouets et autres instruments de plaisir coercitif à Paris de peur des douanes :
"Madame, il y a d'étranges formes dans votre sac, vous voulez bien l'ouvrir pour une fouille approfondie ?"

Frustration encore.
Je me serais volontiers défoulée sur quelqu'un, moi. Un innocent tant qu'à faire, vu que je n'ai aucun coupable sous la main.

(Fantasme intercalé : je vais trouver le serveur aux dents de traviole, celui-la même qui m'objecta une grimace lorsque je lui quémandai une prise où brancher mon ordinateur.
Je le regarde bien en face, yeux enfoncés dans les yeux et, sans sommation, lui décoche une double paire de claques.
Motif ?
Ta connexion m'empêche de répondre à mon amie.
Dans mon fantasme, il rampe jusqu'à une gigantesque machine. En deux clics, voilà le problème réglé.
Dans la réalité, je suis trop injuste pour pouvoir me regarder demain dans la glace. Et accessoirement trop menottée par la police pour émettre la moindre protestation, orale ou écrite.)

Lorsque j'ai découvert l'article d'Ether, ma gorge s'est serrée. Au fil des lignes, j'ai mordu mes lèvres fort, de plus en plus fort, fermé les écluses qui menaçaient de s'ouvrir à grandes eaux.
Pas pleurer. Self control. Pas pleurer.
Faut croire que je suis assez douée à ce jeu-là parce que rien n'a filtré.
Ma bouteille d'eau serrée trop fort s'est juste pulvérisée entre mes doigts mais ça, personne ne l'a vu.
C'est pas l'endroit, putain. Je suis dans un cybercafé avec à peine une cloison de plastique pour me protéger du monde. Puis autour de moi, on parle trop français.
Sûr que si je m'épands façon flaque, les deux minettes d'à côté délaisseront leur compte bancaire pour me demander ce qu'il m'arrive. Au nom de l'entraide entre voyageurs ou de la
solidarité entre Frenchies.
Manquerait plus qu'elles évoquent l'argument "d'identité nationale" pour que je me retrouve, cette fois, complètement par terre.


Remontée dans le temps. Deux jours pour cent ans et nous voilà à dimanche.
Onze heures et demi. Quatre de sommeil au dernier compteur de mes trop courtes nuits. Mon reflet, je ne le regarde même plus en passant devant le miroir. Il me renvoie à un moi que je déteste, à une femme épuisée au visage trop pâle.
Chiffonnée, écrit Ether par gentillesse.

Marquée est sûrement le vrai mot, car j'ai à peine pris le temps de la politesse. Celui du maquillage en camouflage d'états d'âme, avec lequel je débarquai chez elle au temps de la rupture avec Feu mon amour.
Détruite dedans mais feignant au dehors, opposant à la douleur le mince rempart du mascara et de la poudre.
- Je veux rester présentable, lui dis-je.

Ce temps, je ne l'ai pas ou ne désire pas le prendre. Je m'en vais, je suis dans le brouillard, j
'ai bien et mal à la fois, je souffre et j'exulte. En attendant, je suis dans cet appartement que je quitte bientôt.
Dans une demi-heure exactement si Ether est ponctuelle.

Je sais qu'elle le sera. Partagée, déchirée comme moi entre deux sentiments contradictoires.
Je vais vomir, je crois. Je crois sans en être certaine tellement je me sens bizarre, fendue entre l'envie de me tapir derrière le canapé tels les enfants qui, fermant les yeux, s'imaginent cachés et celle, impérieuse, de me dresser en femme décidée, sûre d'elle et de son chemin, pour empoigner mon sac.
Mon estomac remue tellement que mon cerveau reflue jusqu'à lui. Maudit manège et montagnes russes du vide au plein, du plein au vide. Bizarre, très bizarre alors que tout tourne sous mon crâne.

La découverte d
'Ether sur la pointe des pieds. Mon admiration et ma fascination à la lire, elle si hésitante, s'excusant d'être là et moi pensant :
"Encore, encore... Le monde a besoin de gens comme toi. Intègres, entiers, purs. Je n'ai jamais vu ton visage et je m'en fous. Je te vois dedans et ce que je vois me donne envie de te connaître... si tu me l'autorises."
Qu'Ether soit brune, blonde, rousse, laide ou sublime, je m'en tapais comme de la dernière guerre.
Elle était belle, évidemment belle. Belle et vibrante malgré ses blessures qui l'empêchaient encore d'être.

Première
rencontre dans ce café. J'eus la conscience de la forcer un peu, de lui faire doucement violence puisque nous habitions presque à côté.
Ether vint en pantalons et large pull beige, moi en jupe courte et hautes bottes marron. Instantané de nous, chacune dans notre rôle mais pourtant sans fards : elle dans celui de la femme qui craint de l'être, moi dans celui de la femme qui s'affirme, peut-être trop par ses signes extérieurs de féminité.
Mais la plus femme des deux n'est pas toujours celle qu'on pense.
Elle tira un siège et je le regardai bien en face. Plus tard, elle me dit que dans mes yeux elle lisait la peur comme elle voyait trop de fantômes.
Dans les siens je lisais à la fois une incertitude et une détermination.
Et putain qu'elle était jolie noyée dans son pull.
Elle partit trop tôt pour cause de boulot. Je crois qu'elle érigeait entre nous cette barrière qui la protégeait, celle du "je dois partir pour cause extérieure". Quand elle se leva, et plus encore lors des conversations qui suivirent, j'eus le sentiment d'avoir rencontré une personne essentielle. Une de celles qu'on ne croise que rarement et dont on peut s'enorgueillir d'être l'amie.

Dimanche, comme le mardi précédant notre dernier dîner, les mots me manquèrent.
Je ne sais pas dire dans l'urgence. Pas arranger les mots comme il faut, ouvrir les portes au moment opportun. Y a comme un truc qui bloque, des ouvertures qui se verrouillent et restent coincées dans ma gorge alors même que je voudrais parler.
Dimanche, devant l'escalator qui allait nous séparer, nous nous serrâmes très fort. Ether dit avoir respiré dans mes cheveux l'odeur de l'encens qui parfumait mon appartement. Je sentis, au creux de son cou et malgré son manteau, celle de sa peau et son parfum.
La quitter fut un déchirement odieusement souligné par un employé de l'aéroport :
- Faut pas pleurer, Madame.
Tu sais quoi ? Je pleure si je veux. Fourre tes gros doigts dans ton uniforme au lieu de les immiscer dans notre intimité.
Emportée par l'escalator, je me penchai et pensai :
- Je ne te dis pas adieu, ma belle, juste à bientôt.
 

La femme qui hurle sur la première image n'est bien sûr pas moi.
Ether le confirmera... Je suis beaucoup moins photogénique quand je pique ma crise. :)
Par Chut ! - Publié dans : Elles...
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Mardi 24 novembre 2 24 /11 /Nov 00:25
Quand j'entre, l'odeur, toujours. Âcre et rance, lourde de merde et d'urine. Un remugle de mort qui donne envie aux vivants de vomir. Comme toujours, les stores sont à demi tirés, les couloirs propres, les chambres aussi.
J'avance.

Dans la salle commune, je les vois, disposées en rond autour de la grande table, comme pour un colloque. C'est dimanche mais le jour importe peu. Chaque après-midi se tient cette réunion de fantômes
immobiles, de corps cassés sur leur fauteuil, d'esprits brisés battant la campagne ou spiralant à vide.
Les pensionnaires sont là sans l'être, là parce qu'on les a roulées ici.

Certaines ont les paupières fermées. Elle semblent dormir et pourtant, non. Aucun sommeil ne les berce. C'est leur hébétude, tendue sur elles comme un drap, qui les retient prisonnières.
D'autres ont les yeux ouverts, mais elles ne regardent rien hormis le mur blanc. Ses fissures, elles doivent à présent les connaître par cœur. Les retrouver jour après jour comme de vieilles amies d'errance. Abîmé le mur, déglinguées les mamies.

Elles sont dix. Dix qui ne parlent pas. Une musique de bal musette, poussée à fond les baffles, emplit le silence. L'air entraînant de l'accordéon résonne en une ultime
  cruauté.
Ses accords doivent leur parler de ces soirées d'insouciance, loin, si loin dans le temps, alors que jeunes filles, elles virevoltaient au bras d'un cavalier.
Ils doivent leur évoquer les dancings, le vent piquant qui rosissait leurs joues, l'odeur des herbes foulées, des braises dans la cheminée. Toutes ces odeurs de leur jeunesse alors qu'elles sont maintenant grabataires. 

Parmi elles, une dame au visage taillé au couteau, r
ides obliques et regard fier. Emmitouflée dans un plaid noir, elle ressemble à une veuve corse couvant une colère impossible à dire. Son visage fermé affirme qu'elle ignore ce qu'elle fiche ici. Qu'on a dû l'y traîner par erreur ou l'y abandonner par traîtrise. Murée en elle-même comme dans une tombe, elle paraît mépriser ces murs, cette maison et ses pensionnaires.

Une autre encore, si barbue qu'on dirait un homme. Parfois elle s'anime pour se tourner vers sa voisine. Pliée à angle droit sur son fauteuil, le cou avachi sur le sternum, celle-ci a posé ses bras sur la table. Pas au hasard mais selon un écartement précis dont elle seule connaît l'importance. Prenant appui sur ses mains, elle soulève ses os en un bond dérisoire. Attend dix secondes et recommence.
Et lentement le temps s'écoule.

Une autre, postée en bout de table, a un nez remarquable dont le volume lui mange le visage. On ne l'a pas peignée ce matin. À quoi bon ? Elle n'a presque plus de cheveux, juste des touffes semées sur son crâne blanc.
Mais une langue, oui, elle a.
"À boire !"
"Je veux pisser !"
"Bougez-moi d'ici !"

Ni merci ni s'il vous plaît, juste des ordres en aboiements.

Une autre erre d'une démarche mal assurée entre les fauteuils. Ses mèches pendent en touffes grasses, sa jupe est mal reboutonnée, son gilet constellé de taches. Désorientée, inquiète, elle a brusquement un hoquet.
"Laissez-moi partir...
supplie-t-elle. J'en ai assez, je n'en peux plus !"
Un sanglot la secoue. Elle a
quatre-vingt dix ans et l'impuissance d'une petite fille dévastée par un trop gros chagrin.
- Madame Foix, venez avec moi !
À l'appel de son nom, une pensionnaire lève le menton.
- C'est vous qui parlez, Madame Clotte ?
- Oui ! Venez avec moi, s'il vous plaît !
- Venir où ?

Madame Clotte s'arrête, indécise.
Où ? Elle ne sait pas.
Ailleurs, en tout cas, de l'autre côté de toutes ces portes verrouillées.

Madame Foix est accommodante. Elle déplie
péniblement sa carcasse d'oiseau frêle, s'agrippe à son déambulateur et esquisse quelques enjambées.
- Vous arrivez, à la fin ?! s'impatiente l'autre.
Madame Foix, n'aimant pas qu'on la commande de la sorte, lâche :
- Puisque vous êtes si pressée, venez donc me chercher ! Vous le savez bien, que je suis aveugle !
Les deux femmes ne sont séparées que de quelques mètres. Un quart d'heure durant, elles se tourneront autour,
abîmées, titubantes, en une partie de colin-maillard au ralenti.
Puis Madame Clotte oubliera qu'elle veut partir. Oubliera Madame Foix qui, elle, n'aura pas oublié.
- Mais où êtes-vous ? Mais où va-t-on, Madame Clotte ? la questionnera-t-elle sans la voir ni obtenir de réponse.
De guerre lasse, elle finira par se rasseoir.

Une autre a un air de chouette aux aguets, des iris verts grossis par ses lunettes. Voilà un quart d'heure qu'elle m'observe sans ciller.
Je lui souris. Elle a un mouvement de recul. Un rictus de terreur comme si j'étais capable de lui faire du mal, de traverser cette pièce pour la jeter à terre.
Soudain, j'ai conscience de ma force. Moi, je peux bondir de mon siège. Soulever à la fois un couteau et une assiette. Débloquer les freins d'un fauteuil et le pousser jusqu'au bout du couloir sans même être essoufflée.

Une autre, la chevelure en houppette blanche et frisée, a les yeux perpétuellement embués.
On dirait qu'elle ne cesse de pleurer des larmes qui refusent de couler. C'est la seule à prendre, de temps à autre pour tromper l'ennui, un des rares magazines posés sur la table.
Elle ne les lit pas, elle les feuillette comme un enfant qui regarderait des images.

Une autre est couchée de biais sur son fauteuil. Menu pantin désarticulé à la tête pendant sur l'épaule, le menton traversé d'un filet de bave.
Pas un de ses muscles ne bouge ni ne tressaille. Sa peau a la pâleur d'un suaire.
Je jurerais qu'elle est déjà morte.

Une autre, assise en retrait, touche ses lèvres. Puis le bord de la table. Puis ses lèvres. Puis le bord de la table. On croirait que, morte de faim, elle grappille des miettes invisibles.
Lorsque je lui tendrai un verre d'eau, elle le boira cul sec. Le reposera. Le reportera à ses lèvres.
Elle me fait penser aux
chevaux d'écurie atteints du tic de l'ours. Agonisant d'ennui, ils balancent toute la journée leur encolure de gauche à droite puis de droite à gauche.

Il reste une pensionnaire. La dernière. Celle que je suis venue voir.
Ma grand-mère.


Dans le train, j'ai écouté les trois volets de l'émission de Daniel Mermet, Là-bas si j'y suis.
Son titre, c'est
Les Vieux.
Son sujet, les maltraitances infligées aux personnes âgées en maisons de retraite.

Une fois arrivée, j'ai écouté cette chanson.
Par Chut ! - Publié dans : Elles...
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Mercredi 11 février 3 11 /02 /Fév 01:26

Aujourd'hui elle n'était pas dans la salle commune mais dans sa chambre.
J'ai frappé doucement avant d'entrer.
Ici, pas de soleil. Les rideaux tirés masquaient le ciel bleu d'après tempête. Pas de froid revigorant non plus, mais la chaleur douce et molle, délétère et malsaine des pièces qu'on n'aère que rarement.
L'odeur m'a saisie à la gorge.
A
igrelette, rance, tenace, un mélange de médicaments, d'urine et de merde d'un corps lavé à la hâte.
Je me suis dit que c'était ça, l'odeur de la presque mort. Une exhalaison de chairs malades qu'aucun parfum n'aurait le pouvoir de masquer.
Aussitôt j'ai eu envie de pleurer ou de vomir. De rentrer ma tête sous mon pull, dans mon cou, pour humer ma peau et ma sueur. Pour me respirer moi et conjurer cette odeur qui ne pouvait pas être la sienne.

Elle était allongée sur le dos. Petite poupée cassée posée de biais, petite forme chétive recouverte d'un plaid, la tête tordue sur l'oreiller. Appuyée au bord du lit, je la surplombais de toute ma taille. Il me sembla qu'en ouvrant juste les bras, je pourrais l'étreindre de la tête aux pieds, la bercer puis lui faire un cercueil chaud pour qu'elle y dépose son dernier souffle.
- Mamie ?
Elle a levé ses yeux d'agate. Les a longtemps plongés dans les miens, comme si elle voulait me contempler ou cherchait une réponse à un problème difficile dont moi seule connaîtrais la solution.
Je lui ai doucement
souri en effleurant sa joue.
Ses pupilles ne cillèrent pas. Elle est aveugle.
Je lui ai touché l'épaule. Aucune chair sous le tissu de la robe, juste des os. Elle me tendit une main que je pris. Sa peau avait la texture et la couleur d'une cire jaune éclatée de veines.
Longtemps, j'ai caressé cette main décharnée en pensant à ce qu'elle ne ferait plus.
La lessive de ses gaines qui trempaient dans des bassines, les petits nœuds du lapin - mon plat préféré d'enfance -, les tartes au sucre que j'adorais, les caresses sur le front pour m'apaiser ou sécher mes larmes.
C'est moi qui ai porté le verre à sa bouche.
- Bois un peu, tu veux bien ?
Elle s'est exécutée lentement, gorgée après gorgée. Sur son crâne décollé de l'oreiller, ses cheveux gris se battaient en épis hirsutes. J'ai bien tenté de les lisser mais ils se redressaient, informes.
Ma mamie, toujours si coquette dans ses robes, si joliment permanentée et apprêtée, n'est même plus l'ombre de son ombre. Juste un minuscule moineau encore perché sur une branche ténue, à la merci du coup de vent qui l'emportera hors du monde des vivants.

La couverture a roulé sur ses jambes. Son corps est celui d'une suppliciée, d'une bougie torturée, d'une flammèche froide, raidie et douloureuse.
L
a dernière fois, l'infirmière m'avait prévenue :
- Les personnes qui deviennent grabataires souffrent.

Aussi lui demandais-je en caressant ses jambes allumettes :
- Tu as mal, Mamie ?
- Non. Pas du tout.
Mais je vois, comme transpercé de mille aiguilles, son visage se crisper.
- Tu es sûre que tu n'as pas mal ?
- Oui.
Mamie discrète à la peine et dure à la douleur, comme toujours. Avec aux tripes la peur de déranger, comme toujours.

Comme cette nuit où elle avait chuté de son lit pour s'étaler sur le plancher. Les voisines, ne la voyant pas ouvrir ses volets, avaient fini par appeler les pompiers.
- Les pauvres, je les ai embêtés, se désola-t-elle une fois de retour dans sa maison. Ils avaient sûrement autre chose à faire que de me ramasser.
J'avais éclaté de rire.
- Tu as raison, Mamie. Ils devaient aller au bal.

Chaos dehors, chaos dedans. Ma grand-mère n'est plus qu'un souffle de conscience à éclipses.
- Tu sais qui je suis ?
Elle a dit oui mais son air perplexe non.
- Je suis ta petite-fille.
Un éclair est passé sur son visage.
- Ma grande puce...
- Je viens te dire au revoir, parce que je vais partir trois mois. S'il t'arrive quoi que ce soit, peut-être ne pourrais-je pas revenir à temps. Alors je te demande de me pardonner si je ne suis pas là.
- Mais oui... Pars donc, ma petite chérie.
L'instant d'après, elle avait probablement oublié.
Pas moi. Je l'ai embrassée tendrement avant de quitter la chambre, me retournant une ultime fois sur le seuil.
C'était peut-être la dernière fois que je la voyais.

Vivante morte 3Et j'ai couru, couru pour attraper un bus, puis un train.
Dans le train, j'ai appelé Andrea.
- Comment vas-tu ? m'a-t-il demandé.
- Pas très bien. Mal, en fait. J'ai l'odeur de la mort sur moi. Sur mes vêtements, ma peau, mes cheveux, dans mon nez.
Tassée contre la fenêtre du wagon, je regardais défiler un paysage triste écrasé de nuages. Les roues du train me scandaient
en malédiction l'obsédante litanie qui m'avait poursuivie des mois entiers :
"La mort entre en moi comme dans un moulin".
Bercée d'arbres, de nuages, de mort et de moulin, je me suis endormie.

Andrea m'attendait à la gare. Immense, sculptural, magnifique même avec ses traits creusés de fatigue. Je l'ai enlacé pour sentir son odeur, sa chaleur, pour que ses bras me ramènent enfin au pays des vivants.
- Qu'as-tu envie de faire maintenant ?
- L'amour, ai-je dit. L'a
mour et un enfant. Alors... Ne lâche pas ma main tout de suite, je t'en supplie.

Par Chut ! - Publié dans : Elles...
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Samedi 20 décembre 6 20 /12 /Déc 20:20
Depuis le temps qu'on en parlait, il fallait bien le faire un jour. Alors on s'était fixé rendez-vous sur le boulevard Pigalle.
- Pas de problème, c'est un supermarché, avais-je assuré à Salomé.

Salomé est ma meilleure amie. Vingt ans qu'on se connaît, par cœur maintenant. Premières soirées en boîte de nuit alors qu'on n'avait pas encore l'âge d'entrer, premières cuites
, premiers copains, premières peines et premières joies... Ensemble mais aussi séparément, en se le racontant ensuite, on a tout vécu.
Vingt ans de secrets partagés, un bail au cours duquel j'ai souvent précédé Salomé.
Elle est réservée, j'ai le contact facile. Elle est sage, moi fofolle. Et plus d'une fois je l'ai entendue s'étonner, avec un large sourire ou
au front un pli d'inquiétude :
- Impossible. Tu n'as pas fait ça, quand même ? Si ? Ne me fais pas languir, explique !


Du coup, l'idée du sex-shop était probablement la mienne. Mais à mieux y réfléchir, pas sûr. On en plaisantait
depuis si longtemps que répondre à la question "de qui venait l'idée ?" était devenu impossible.
Le fait est qu'on s'est retrouvées face au magasin en plein après-midi.
Enfin, le terme de magasin est inexact. Le lieu se présentait plutôt comme un temple. Un temple dédié au sexe
sur trois étages, surmonté d'un immense néon clignotant d'un rouge de stupre.
SEXODROME, qu'elles disaient, les lettres.

S
ur le trottoir, Salomé, engoncée dans son manteau, voulut fumer une cigarette. À peine avait-elle jeté le mégot que je sonnai la traversée du boulevard :
- Bon, on y go, au Sexodrome ?
- Chuuuuuut, moins fort...
ordonna-t-elle, jetant alentour des regards désespérés. Oui, on va y aller, au Sexodrome. Mais minute ! Avant, j'en grillerais bien une autre. Puis j'ai repéré un joli haut dans la vitrine là-bas
(signes en direction d'un point éloigné). Si on y passait ?
Je me figeai, surprise.
- Maintenant ?
- C'est que...

A y est, j'avais compris. La cigarette, le joli haut à perpète ? Des excuses.
- Oh oh, la taquinai-je. Toi, tu te dégonfles !
- Nan. Du tout. Mais si tu t'y rendais seule, au Sexodrome ? Tu fais un tour, tranquille, tu prends ton temps puis... tu me racontes.
- Tss, tsss. En route, y a que le premier pas qui coûte. Sexodrome, nous voilà !
Salomé soupira. Alors qu'elle
traînait des pieds pour fendre le flot des véhicules, elle avait l'air d'une coupable convoquée au tribunal pour attentat à la pudeur.
L'air de tout, sauf d'une fille guillerette en virée shopping.

Nous stoppâmes devant la double porte d'entrée. Des vitres opaques dressaient leur barrière entre la rue et l'intérieur, empêchant les badauds de distinguer le moindre bout de moquette ou coin de présentoir.

A
rrimée à moi, Salomé se dandinait :
- T'es certaine que c'est un supermarché ?

- T'inquiète, j'ai vérifié sur Internet !

-
On dirait plutôt un cinéma ou un... bordel. T'es vraiment certaine, hein ?
- Oui oui !
- Mais tu crois qu'on nous laissera entrer ?
-
Évidemment !
- Mais si ça se trouve, y a que des hommes dedans...
- On verra bien !
- Mais...

Trop tard. J'avais déjà posé un talon sur le tapis d'entrée. La double porte s'ouvrit. Sur deux vigiles en costard.
- Bonjour ! claironnai-je toutes dents dehors.
- B'jour, 'sieurs... mâchouilla Salomé.
- Bonsoir, mesdames.
- Mon amie et moi venons faire des courses, leur précisai-je à toutes fins utiles. Il faut prendre des paniers là, je suppose ?
J'attrapai
les deux premiers de la pile, en calai un sous mon épaule, collai l'autre au bras d'une Salomé écarlate.
- 'Ci, c'est gentil, mais...
La fin de sa phrase se perdit dans le col de son manteau.
- À quel étage est le supermarché, siouplaît ?
Un vigile leva un sourcil :
- Le supermarché pour... ?
"... Se ravitailler en poireaux, pardi ! C'est donc pas un Monop', ici ?" brûlai-je de rétorquer.
- ... Pour acheter des godemichés, Monsieur, assurai-je de mon ton le plus docte.
- Non, désolé, vous faites erreur. Le Sexodrome est avant tout un cinéma.

Salomé me décocha mentalement une rafle assassine.
"Un supermarché, hein ! Et tu as vérifié sur Internet, hein !"
- Pour assister à une séance,
poursuivit le vigile, montez au premier étage. Change de trou, ça fume débute en cabine 12. Autrement, il y a... Gérard, on a quoi en projection ?
Et Gérard
de compléter, imperturbable :
-
Cordier suce des flics, L'Arrière-train sifflera trois fois...
Salomé reposa son panier pour amorcer une prudente retraite.
-
Gastbite le magnifique, L'Armée des douze salopes, Le Saigneur des anus...
Elle recula sans cesser de sourire ni de me tirer par le coude.
- Juranal Park, Les Tontons Tringleurs...
- Merci beaucoup, mais... nous les avons déjà vus
, fis-je sous le regard horrifié de mon amie.
- Sinon, pour les godes, remontez le boulevard jusqu'aux Folies de Lili. Là, vous trouverez des sex-toys.

Aux Folies de Lili a peu de points communs avec le Sexodrome. Le lieu est petit, l'ambiance feutrée, presque intime. Avantage de taille, il regorge aussi de ce que nous venions chercher.
À la porte, Salomé n'hésita d'ailleurs point. Elle me précéda dans la boutique d'un pas allègre et je voyais déjà le moment où, aguerrie, elle me remorquerait sur le boulevard pour en écumer tous les sex-shops.
Comme quoi une projection ratée des Tontons Tringleurs suffit parfois à balayer la plus grande des réserves.
Enfin, presque. Parce qu'une fois devant les présentoirs surchargés d'objets non identifiés, sa timidité resurgit.
- À ton avis, c'est quoi, ce truc ? la questionnai-je toutes les trois minutes.
Et on le met où ? Devant ? Derrière ?
- Je... sais... pas. Moins fort... On va nous... entendre.

En effet, on nous entendit.
- Puis-je vous aider ? proposa une accorte vendeuse.
- Volontiers. Voyez-vous, je m'interrogeai sur la destination de cette chose.
- Les boules de geisha en acier chromé ?
- Non, à côté.
- Le plug vibrant à cinq vitesses avec rabbit en option ?
- Cela même.

Alors que la dame se répandait en explications en décrochant les boîtes, Salomé se replia prudemment à l'autre bout du magasin.
- Je te laisse deux secondes, OK ? On se retrouve plus tard, d'accord ?
- Mmmh. Et ce latex-là, il est plus doux que l'autre ?

Une heure plus tard, le ding de la caisse résonna.
- Un gode MaxiPlaisir, deux doigt chinois TaTouBon, une badine Soupledur... Excellents choix, approuva le patron en débipant nos articles. Je vous les emballe, c'est pour offrir ?
- Pas la peine.
- Z'avez raison. Ce genre de plaisir, ça se consomme de suite entre filles.
Son œillade nous couva en connaisseur.
- Je vous rajoute les piles,
mesdemoisellesDes extra longue durée, offertes par la maison. Vous m'en direz des nouvelles.
Sourire à s'en décrocher les mâchoires. Puis remontée de son avant-bras, mimant en direction du plafond une géante érection de latex.
-
Bonne soirée, mes jolies !

Salomé et moi retînmes notre fou rire. Surtout ne rien répondre, ne pas se regarder. Sinon, nous nous effondrerions en hoquets sur le comptoir.
Nous sortîmes chargées de nos paquets.
- Bonne soirée,
mes jolies ! répéta mon amie en levant un bras vers le ciel.
L'hilarité fut totale.
- N'empêche qu'au Sexodrome, tu m'as collé la honte du siècle...
Le Saigneur des anus, Juranal Park, déjà vus... J'y croyais pas ! Puis chez Lili, toutes tes questions sur le rabbit en option... Au secours ! Et planque mieux ce sac, tout le monde va s'apercevoir qu'on sort d'un sex-shop ! Délurée, va !
-
Délurée... Délurée toi-même, ma jolie !

Soudain, Salomé pila.
- Mince.
- Quoi, mince ? Tu as oublié un truc ?
- Oui
, répondit-elle en ouvrant grand son sac sous la barbe des passants.
- Ton gode MaxiPlaisir ?
- Non, non. Pire. La garantie. Je fais quoi s'il marche pas, mon gode ?

Par Chut ! - Publié dans : Elles...
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