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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Andrea d'ébène

Lundi 21 juin 1 21 /06 /Juin 18:25

DisparueIl y a quelques semaines, j'ai rêvé d'Andrea mort. Il fallait que je sache, alors je lui écrivis un petit mot. Je lui demandai si tout allait bien. Précisé qu’il n’était pas obligé de me répondre. Il avait droit au silence comme à l’oubli.


J’ignorais d’ailleurs s’il utilisait encore cette adresse. Je la devinais réservée à notre relation secrète. Probablement l’avait-il détruite à mon départ. Plus que jamais j’étais la femme absente, dématérialisée dans une nuée de pixels.

Les jours passèrent. Je continuais à  relever mes mails en guettant un signe de lui. Les morts n’écrivent pas. Les vivants, si.

 

Aujourd’hui, après une éprouvante séance de dentiste et un passage à l’hôpital, j’avais besoin de me détendre. Je me dirigeai vers une boutique Internet. J’aurais pu attendre mon retour au bungalow pour me connecter, mais j’espérais des nouvelles d’amis. Nouvelles qui ne venaient pas, même si ma boîte contenait un nouveau message.

C’était Andrea.

J’eus un petit coup au cœur. Ouvris son mail gorge serrée en me demandant bien ce qu’il pouvait contenir. Je le lus, d’abord très vite, puis le repris depuis le début, lentement.

A mesure des lignes, mes yeux s’embuaient. Une fois rendue à la fin, j’essuyai mes larmes.

 

Il n’avait pas supprimé cette adresse car il espérait, un jour, un signe de moi.

Il n’avait rien oublié. Loin d’affadir ses souvenirs, le temps les avait ravivés. Peut-être, en dépit ou à cause des photos, étais-je devenue la femme rêvée, l’amante désormais inaccessible qui, peu à peu, avait remplacé la femme vivante. Pieds, mains, bouche, sexe, taille, reins, poitrine, cheveux passés sous le vernis de l’absence.

Halluciné, Andrea me voyait dans la rue. Courait pour me rejoindre. M’appelait. Toujours la femme se retournait, mais jamais elle n’était moi. Sorti de son délire dans un cahot, il baissait la tête.

Il avait peur pour moi. Peur qu’il ne m’arrive une maladie, un accident. Peur, sûrement, que la mort ne me prenne pour rayer mon nom de cette planète. Alors, pour conjurer, il m’imaginait. Debout, vibrionnante, heureuse dans un pays dont il ignorait le nom. Ou à côté de chez lui, mu par l’espoir toujours déçu de me rencontrer par hasard.

 

Sans moi Andrea avait du mal à vivre. J’étais le passé trop présent dont il ne pouvait se défaire, l'ouragan qui, comme il me l'écrivit, avait dévasté à son plus grand bonheur sa vie. Mais sûrement haïssait-il parfois mon fantôme, cette ombre qui planait sur lui en l’empêchant d’être heureux.

C’est à sa place ce que j’aurais fait. Et que j’ai fait au fil de mes insomnies, finissant par détester des hommes jadis tant aimés. Virevolte en impuissance à me délester d’eux qui me poursuivaient.

Rêves, veille, lieux, objets, musique… Tout me ramenait à leur perte, et tout était insupportable.

 

Disparue 2Je sais cette sensation de chair à vif qui n’en finit plus de s’écorcher. Ces encoches que le temps creuse tels des traits de condamnés aux murs de leur cellule.

Leur compte à rebours avant la libération est le décompte d’amour de notre prison.

"Il y a un jour, une semaine, un mois, un an, nous étions là, ensemble."

Peu importe l’endroit, seule importe la trace. Paupières closes, les souvenirs ressurgissent, intacts. Et la peine déferle, rompant les digues de nos défenses, emportant notre raison dans son flot, charriant le tout-à-l’égout d’images indélébiles, visions juxtaposées de bonheur et de souffrance.

 

Bonheur.

Mon lit a beau être grand, le corps immense d'Andrea le rend tout petit. Au-dessus de nos têtes paradent les phénix et les éléphants de ma tapisserie indienne. Des uns naissent les autres en attelages contre nature, kyrielles de générations en rut éclairées par ma guirlande à loupiotes.

Lorsque je l’allume, c’est Noël en profusion de couleurs rehaussant le lampion rouge bordel.

Il y a suffisamment de lumière pour nous distinguer, pas assez pour nous écraser. La demi-obscurité est notre complice, notre laisser-passer vers des contrées inconnues. Dans le miroir je revois son corps splendide arqué de plaisir, ses tresses auxquels il s’agrippe tel un radeau dans la tempête.


Allongée entre ses fesses, je lui donne un plaisir que nulle autre ne lui a prodigué. Partagé entre impudeur et jouissance, Andrea chancelle, se raidit puis s’abandonne alors que je glisse un doigt en lui.

"Arrête ou je vais m’évanouir…" suffoque-t-il en se rétablissant, saisissant mon visage pour boire son suc à la source.

Plus tard il me glissera qu’il veut prendre mon cul. Ecartelée entre peur et jouissance, je le lui offre. Et il me le prend, lentement, attentif à ne pas me faire souffrir. Lorsqu’enfin il est tout en moi, je suis submergée.

Rarement nous avons été si près l’un de l’autre.

Un simple tressaillement de son sexe et je sursaute, gémis comme si sa chair était la mienne. Lui s’en amuse, joue avec moi comme un musicien enfoncerait les touches de son piano de la plus grave à la plus aiguë.

Au cours de cette nuit volée je fus son instrument. Pianissimo et staccato je jouis, franchissant toutes les portes du plaisir, poussant la dernière dans un hurlement. Bête comblée, repue de spasmes incontrôlables, blessée aussi car il s’était approché près, trop près du cœur affolé qui palpitait sous ma poitrine.

 

Disparue 3Souffrance.

Roulée en boule dans mon lit trop grand, je guette ses messages. Andrea a promis de me voir aujourd’hui et j’attends qu’il passe ma porte, me serre dans ses bras, me berce, me rassure. Bientôt je vais partir pour un long voyage et j’ai la peur aux tripes.

Peur de le laisser derrière moi. Peur qu’il ne m’oublie. Peur de la vérité aussi.

"Votre histoire ne mène nulle part, c’est une impasse…", me souffle mon intuition.


Elle qui m’a si rarement trompée, je voudrais pour une fois qu’elle se taise. Qu’elle me laisse espérer de beaux lendemains et cesse de me déchirer.

Indépendante, oui, mais aussi attachée à lui. Et plus que jamais j’ai besoin de sa chaleur, de son regard, de ses mots. Qu’il me balbutie encore qu’il m’aime en dehors de la jouissance, de ces moments d’égarement où, j’en suis persuadée, il n’aime que moi.

 

Un regard au miroir. Il ne reflète plus Andrea, comme effacé d’un coup de gomme vengeur, mais moi seule, une fille défaite et perdue, épuisée par trop de veilles.

Je brosse mes cheveux, retouche mon maquillage. Sous le fard j’ai l’air d’un clown triste qui se dessine un faux sourire.

14 février, saint-Valentin. Il ne passera pas cette fête avec moi mais avec elle.

Mais qu’espérais-je donc, putain d’idiote ?

 

Lorsqu’Andrea m’appelle, je hurle. Non ma jouissance mais ma douleur, l’accablant, franchissant à rebours toutes les portes jusqu’à la première, celle de la presque indifférence.

Ce jour-là en moi quelque chose s'est cassé. Le ressort de l’espoir, de la confiance malmenée ou de la volonté, je l’ignore encore. Mais lorsque je m’abattis entre les draps, je savais que c’était fini.

Andrea eut beau m’accompagner à l’aéroport, pleurer tandis que je m’arrachais à son étreinte, agiter désespérément la main alors que je disparaissais sur le tapis roulant, c’était fini.

 

Les meilleures décisions n’empêchent pas la tristesse. C’est, plus d'une fois répétée, l’amère leçon d’aujourd’hui.

 

      Beaucoup écoutée en écrivant ce billet...

Tableaux de Sandorfi.

Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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Mardi 17 novembre 2 17 /11 /Nov 12:56
Cet ordinateur en panne, je l'avais rapporté au magasin. Andrea m'accompagnait.
Aujourd'hui - soit pile neuf mois plus tard, le temps d'une grossesse et de mille tracasseries -, ma bécane était enfin prête.

L'aller et le retour au magasin furent un empilement de péripéties. Micro-événements sans autre intérêt que de me faire passer, à vingt heures sonnées, la porte du supermarché en bas de ma rue, l'ordinateur fourré dans mon sac.
Je pris un panier pour virevolter entre les allées.
Soudain, me détournant, je le vis. Toujours aussi grand et sculptural, peau d'ébène et dreadlocks entremêlées en serpents sur sa veste.
Andrea.

Hypnotisé par les grands congélateurs, tête baissée et regard dérobé, il allait d'un pas lent. Posture de l'homme moderne qui, n'ayant plus à chasser pour ramener sa pitance, se fournit au rayon du tout prêt.
Son attitude détachée affirmait qu'il ne m'avait pas aperçue, mais moi, sans l'ombre d'un doute, je savais : de nous deux, c'était lui qui m'avait vue le premier.
Andrea n'ayant jamais su feindre, je le lisais comme un livre écartelé. Sa démarche hésitante n'avait rien du consommateur indécis mais tout du garçonnet effrayé, effaré ou puni.
Je souris en songeant aux boucles qui se referment. Andrea en était une.

Il y a un an, nous nous aimâmes follement entre transes et douleur, reniements et promesses. Il avait une femme dans sa vie, une décennie de couple au compteur et moi en caillou dans la chaussure. Un tranchant qui lui déchirait le cœur, silex ou plutôt caillasse explosant le pare-brise de ses assurances, assiégeant de tous côtés le rempart de sa relation confortable.
"Je t'aime, je t'aime, je t'aime...", m'écrivait-il chaque jour quand il ne me le hurlait pas, son sexe-baobab fiché dans le mien.
Mais que faisait-il de cet amour, hormis s'en enivrer pour mieux crever de soif ?
Rien.

Il y a neuf mois, je partis pour un voyage que je pressentais initiatique. Cinq mois à sillonner les routes pour faire le tour de moi et me colleter à mes démons, m'emplir et m'épurer entre rencontres et solitude.
Je plongeai dans les mers chaudes comme en moi-même, remontai pour crever la surface dans une bulle d'évidence : l'Europe était usée comme ma vie. Ma place n'était plus là, sur ce vieux continent de pesanteur et de peines, mais ici, sous ce soleil étincelant et ces déluges de mousson.
J'avais été pour Andrea sa fenêtre sur un ailleurs. En m'obturant je fus sa meurtrière.

Depuis une terrasse de Singapour je le congédiai de quelques mots.
Il m'accusa d'être injustement dure, sans comprendre qu'il était simplement trop tard.
Trop tard pour raccrocher les wagons d'une histoire qui avait déjà déraillé. Trop tard pour comprendre mes métamorphoses loin de lui, immergée dans un monde où il n'était pas. Trop tard pour m'offrir son amour alors qu'il m'avait humiliée, outrepassant mes limites pour rejoindre ce qu'un jour je couchai ici sur mon refus du pardon :
"C'est finalement s'accorder le droit d'être soi-même, détaché des faux-semblants d'une générosité inaccessible. Soi-même, avec une grandeur d'âme à capacité limitée et une souffrance toujours vivace."
Vulgaire comme je sais l'être, j'écrivis alors à Ether :
"Andrea a une grosse bite mais pas de couilles."
Et je fêtai ma rupture dans une chambre d'hôtel avec un Espagnol.

Je le savais néanmoins : les ruptures brutales laissent un amer goût d'inachevé. On a beau être persuadés qu'il s'agit du bon choix vu qu'il n'y en a pas d'autre, la violence qui nous a permis de sauver notre peau finit par nous acculer. Nous remonter dans la gorge comme un combat trop vite expédié, boxer ivre de sa force knock-outant son adversaire mais continuant à le meurtrir, dans le vide puisqu'il n'est plus debout mais sonné au tapis, implorant notre clémence.

Pour bien rompre, je crois maintenant qu'il faut poser les mots, boucler la boucle d'un amour disparu en protocole décompassionnel verbalisé tel un constat d'accident.
Et je repense aux pleurs de Salomé, après plus de quatre ans d'une histoire qu'elle choisit de finir :
"Je ne le reprendrai pas mais souhaite qu'il me rappelle. Une fois, une seule pour s'excuser, terminer proprement ce qui fut nous. Il me le doit."

Encore plus aujourd'hui qu'hier, je crois non à la justice mais à la justesse, à ce qui commence et s'achève comme une boucle revenant à son point initial au terme d'un long parcours :
"Toi, moi, deux étrangers. Laisse-moi m'envoler comme je te laisse voguer sur des chemins qui ne sont plus les miens."
Tandis qu'appuyée sur un congélateur, je détaillais mes projets à Andrea, lui parlais de voyages, de
plongée, de tatouage, j'eus la sensation très nette d'avoir intercalé plus d'une vie entre la nôtre. Et lorsque je lançai "as-tu le temps pour un café ?" et qu'il me répondit en regardant son téléphone "non, je dois aller au sport", je me fendis d'un sourire.
Il mentait.

Oui, il était bien parti en Chine et sculptait désormais à plein temps. Oui, il préparait bien une expo à Londres. Oui, à tout cela, mais pas à son bonheur retranché derrière son rempart, le rempart d'elle projeté sur lui comme une ombre vorace, exigeante d'un amour qu'elle confondait avec sa présence.
"Si tu savais, pensai-je, toutes ces nuits où il dormait à tes côtés en rêvant de mon lit... Tu n'aurais pas voulu le reprendre à moins de te nier. Mais peut-être préférais-tu te nier pour l'avoir..."
- Tu es toujours avec elle ?
, questionnai-je d'un ton qui valait affirmation.
- Oui, je suis revenu après l'avoir quittée.

Je souris encore, triste de ce gâchis et de ses yeux humides qui me dévisageaient, me dépouillaient de mon mascara, ma robe et mes collants, me fouillaient et me bouffaient jusqu'à la moelle, me hurlaient qu'il me trouvait belle et m'aimait encore, d'un amour impuissant de prisonnier chérissant une femme trop libre.
- Appelle-moi, j'en ai tellement envie, glissa-t-il alors nous passions en caisse.
Envie pour besoin, encore un mot subtilisé à un autre de peur de se retrouver à poil.

Je souris une énième fois. Composai le code de ma carte bleue en métaphore d'une histoire : chacun paye son dû, il reste et je pars.
Rappellerai-je Andrea ? Je ne crois pas.
Sûrement ce soir nous sommes-nous tout dit à demi-mot.

Si j'étais mauvaise, il me serait facile de foutre le boxon dans sa vie, de détruire son château de cartes patiemment construit, fût-il à la mauvaise adresse. Mais envers lui je n'ai ni rancœur ni désir de revanche.
Remontant ma rue chargée de courses, l'ordinateur coincé sous l'épaule, j'allumai mon I-Pod en le sommant de me servir la chanson de circonstance.
Ce fut celle-ci.
J'aurais été incapable de mieux dire.


Merci à l'homme de la chambre 12, sans qui rien de cela n'eût été possible.
Cet ordinateur réparé, je le lui dois.
Et qu'on ne me parle plus de hasard. :)

Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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Mercredi 15 avril 3 15 /04 /Avr 11:16
"Droit devant, on ne peut pas aller bien loin...", dit un jour l'habitant d'une lointaine planète au petit prince.

Pourtant j'avance, d'avion en ferries, de bus en taxis, taillant ma route à coups de serpe, la défrichant en percées claires.

Lorsque je me retourne, je distingue à peine sa trace déjà recouverte de poussière. Ma trajectoire est comme le sillage du bateau englouti par la mer, un mot d'amour effacé sur le sable, un itinéraire tracé sur une carte qui a pris l'eau : une ligne n'existant plus que dans le souvenir.


Oh, il y a des preuves, bien sûr. L'usure de mes chaussures, les déchirures lardant mon sac en autant de blessures de guerre. La couleur de ma peau tannée par le soleil et le vent et, tranchant en rose sur le brun, mes cicatrices à la paume et au genou. Puis, collés dans mon journal de bord, ces tickets de transport, de visite, ces factures d'endroits où j'ai mangé, dormi et où je ne repasserai plus.

Combien y a-t-il d'enjambées dans des milliers de kilomètres ?

Aucune idée, tant les pas de géant ne sont parfois que des sauts de puce.

Toute avancée n'est qu'un tour sur soi.
Non. Toute avancée est déjà un tour sur soi.


Le semaine dernière, ma course m'a ramenée à Andrea en un arc de cercle. Cela prit douze heures chaotiques, deux bus, un ferry rouillé et un simple bateau à flotteurs. En équilibre sur le banc dur, le regard fixé sur l'horizon mangé de nuit, je songeais à mon canapé parisien, aux dreadlocks d'Andrea et à sa bouche articulant :

- Cet été, je suis allé aux îles Guili Guili.

Je me souviens d'avoir ri, faisant mine d'oublier que ce "je" cachait en vérité un "nous" :

- Guili Guili... Les îles aux chatouilles ?

Andrea avait ri aussi. M'avait parlé de plages et de rizières, de couchers de soleil et de baignades alors que je pensais bête à deux dos.
Puis, s'interrompant soudain :

- Je ne devrais pas t'en parler. Ce n'est pas délicat, puisque j'y étais avec elle.

Il se trompait cependant sur un point : le nom de ces îles perdues n'est pas Guili Guili, mais Gili tout court.
Dans le nom s'en trouvait un de trop.


Bel endroit que Gili, en effet. Vrai paysage de carte postale sans voitures, ni motos, ni chiens errants. Juste des carrioles à chevaux, une électricité capricieuse, une bande de sable étirée à l'aplomb d'une mer turquoise. Peu de touristes aussi, hors saison oblige.

Leur meute reviendra à l'été et à Noël. Défilé de gentils couples partageant la même crème solaire, déambulant enlacés sur le chemin poussiéreux, sirotant un cocktail sous les abris du front de mer. Un plancher en bois monté sur pilotis, un toit en palmes, une table basse et des coussins moelleux, ces abris sont du genre romantique.

Est-ce pour cela que j'y ai passé les heures brûlantes de l'après-midi ?

Non. Solitaire par choix, en tête-à-tête avec ma bouteille d'eau, j'y ai rêvassé et noirci les pages de mon journal.


A l'approche du soir, je me suis souvenu d'Andrea à demi-nu sur mon lit. Du jour où, me regardant, il avança la main et écarta les bras. Je m'y blottis en songeant que c'était là mon pays, ma patrie dans l'espace de ses bras ouverts. Que j'y étais parvenue après un long voyage et pouvais à présent dormir.


Parfois, tel un mirage né du désert, j'ai cru apercevoir son fantôme. Il marchait sur la route, une fille derrière lui. Ou s'allongeait aux côtés d'un corps déjà couché. Ou, émergeant de l'eau, brandissait en vainqueur dérisoire le poisson qu'il venait d'attraper.

La fille, elle, applaudissait et sortait un appareil photo.

Clic, l'image était dans la boîte.

Clac, elle s'effaça de ma mémoire. Volatile souvenir de poisson retournant à la mer, les écailles changées en peau de sirène.


Cette peau de sirène, c'est la mienne.
Il n'y a plus de place pour Andrea dans mon voyage.

Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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Jeudi 12 février 4 12 /02 /Fév 00:38
L'heure tourne.
L'après-midi a été douce et légère. Après avoir fait l'amour comme jamais, violemment puis tendrement, nous sommes sortis boire un café. Et nous voilà avachis sur la banquette et le siège durs, jambes mêlées, la main d'
Andrea sur mon bras, les miennes perdues dans ses cheveux serpents.

Non, décidément, nous n'avons aucune envie de nous séparer. Parce que nous sommes bien là, à nous embrasser, rire, raconter des bêtises. Peut-être aussi parce que, depuis quelques jours, la mélancolie me rattrape.
Andrea s'aperçoit d'ailleurs que je ne vais pas très bien. Que je m'enferme dans des pensées que je tais. Que je deviens dure pour me protéger de lui. Que les larmes me montent aux yeux
sans raison apparente.
L'imminence de mon départ en voyage me rend grave. Et lorsque je n'y pense plus, c'est Andrea qu'elle rend taciturne.

C
haque jour nous rapprochant de la séparation, nous savons que le temps est compté. Alors nous grappillons. Moi des moments sur les impératifs à boucler, que je repousse au soir ou à la nuit, quand Andrea n'est plus là. Lui sur l'heure où il doit rentrer dans leur appartement, parce qu'il lui faut manifestement y être toujours avant elle.

Au début, Andrea me quittait tôt, se donnant pour tâche d'effacer ma présence. Une fois aérés ses vêtements emplis de mon parfum, savonnée sa peau saturée de la mienne, lavés ses cheveux exhalant mon tabac, mon corps n'existait plus.
Ou presque. Dans toute enquête en infidélité, les dreadlocks offrent une pièce à conviction de choix, tant les odeurs confondues s'y agrègent, piégées.
Mais Andrea avait beau touche à touche me gommer, j'existais encore pour lui dans un lieu duquel elle, "sa légitime", ne pourrait me chasser : son cerveau.

Maintenant, Andrea me quitte le plus tard possible. La ligne jaune de la minute à ne pas dépasser mord souvent sur la soirée. Et
largement ce jour-là en particulier, malgré le téléphone qui ne cesse de sonner dans sa poche. Andrea le consulte d'abord sans décrocher, pour finir par ne plus le consulter du tout.
À quoi bon, d'ailleurs, puisque c'est, sans surprise, toujours le même visage qui s'affiche.
- Où es-tu ? J'arrive. Où es-tu ? J'
arrive ! semblent scander les sonneries.
Andrea enfouit son portable au tréfonds de sa poche, boit une gorgée de thé, repose la tasse sur la soucoupe en évitant mon regard.
Je sais déjà ce qu'il va dire. Alors je le dis avant lui :
- Partons.
Dans la rue, son téléphone s'obstine. Il finit par décrocher en s'éloignant de moi. Un geste d'au revoir, ma route est tracée jusqu'à chez moi, mon dîner emballé dans un sac de traiteur. Je m'en vais rejoindre mon travail, mes écrits, ma musique, mon bordel.
Andrea marche dix pas devant. S'arrête au feu pour traverser. Seul.

Je me dis que c'est trop bête de le laisser ainsi, comme de se séparer par un simple geste sur un trottoir. Alors que j'ai un mouvement pour le rejoindre, mon sac manque de s'échapper de mon poignet. Je m'arrête pour le remettre d'aplomb.
Une seconde plus tard, pile au moment où je lève les yeux sur la silhouette d'Andrea, c'est le choc.


Une fille sautillante l'attrape par le bras. Elle a des gestes un peu saccadés, un chignon mollet qui s'agite et un manteau vert bouteille. Et l'air si contente de le retrouver qu'on dirait une gamine déballant un cadeau de Noël.
Je ne distingue pas son visage. Tant mieux.
Il est des joies qui ne font pas la mienne.

Andrea, lui, semble par contraste tout raide. Gêné peut-être, ou soulagé de ce à quoi il vient d'échapper.
Je pense alors que pour l'adultère, une sacrée dose de confiance est nécessaire.
Il me serait si facile de parcourir les quelques mètres qui nous séparent, de saisir moi aussi le bras d'Andrea, de regarder cette femme droit dans les yeux et de la blesser sans même lui parler.
Une bulle d'hypocrisie qui éclate, forcément, ça éclabousse.

Bien sûr, je n'ai pas bougé d'un pouce. Rivée au bitume par mes semelles en plomb, je les ai observés s'éloigner bras dessus
bras dessous. Traverser sagement la rue entre les clous pour s'engouffrer au supermarché, là où je voulais également me rendre.
Tant pis pour les boissons, je préfère encore crever de soif.

Mais que j'ai pu me sentir conne et transie
sur ce bout de trottoir, les sacs pendus à mes bras comme une inutile marmaille. Et seule, si seule. Mais ce sentiment d'abandon qui m'oppressait, je l'avais bien cherché.
On n'aime pas l'homme d'une autre dans le bonheur.
Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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Lundi 12 janvier 1 12 /01 /Jan 03:19
J'aimerais que tu viennes chez moi avec tes pantalons, tes vestes, tes pulls, tes chaussures et tes chaussettes. Sans oublier tes livres, tes feuilles précieuses, tes vernis, tes fusains, tes brosses et tes parfums.

Enfin, surtout le parfum que je préfère et dont tu oublies toujours le nom. Celui qui me fait piquer du nez sur ton cou, te renifler comme un petit animal en couinant de plaisir, te léchoter les oreilles et les clavicules.

Ce parfum-là se marie si parfaitement à ta peau qu'il est devenu toi. Son goût d'ambre et de sel a d'ailleurs la saveur de toi. De ton épiderme, de ta salive, de ta sueur, de ton sperme.
Même parti, tu es chez moi encore, si près contre ma joue, ma poitrine, entre mes cuisses, reposant en chien de fusil sur le drap, la tête bercée par les oreillers.
Seule l'eau brûlante de la douche a le pouvoir de dissoudre notre alliance.

J'aimerais que tu viennes chez moi avec tes malles remplies de tes affaires et de tes rêves. Ceux taillés en cours de route comme de jolis costumes, mais aussi ceux remisés dans les placards.
Je te dirai de vite ouvrir ton barda pour ne pas les y oublier trop longtemps. Parce que renoncer à ses rêves, c'est mourir à l'étouffée sous la
douce et délétère cuisson du quotidien. Puis, une fois le feu arrêté, se découvrir racorni, calciné, bourrelé de remords, pétri de regrets.
Mais toi, toi, toi que j'ai vu indécis, je te voudrais heureux, accompli.
Alors prends mes mains pour te donner la force, mes épaules pour diviser tes peines. Repose-toi dans ma tendresse, réchauffe-toi à mon amour.

Dehors il fait froid mais dedans, chez moi, il y a les tapis si doux aux pieds, ma collection de chouettes bienveillantes qui nous protègent, mes cadenas nous liant de l'entrée à la chambre. Et dans la chambre le lit, notre bulle pour le plaisir, pour les mots, pour les larmes parfois. Pour les baisers qui s'achèvent en confessions, pour les confessions qui s'achèvent en étreintes.

J'aimerais que tu viennes chez moi avec tes malles
pour te faire de la place. Moi qui ai presque toujours vécu seule, au fil des années je me suis étalée pour remplir à ras bords les tiroirs, les placards, la penderie, les boîtes à bijoux, à outils et à couture.
De fil en aiguille, le chaos a grandi sur le désordre, l
es affaires proliféré sur les affaires.
Dans mon chez-moi plein comme un œuf, il
n'y a que les murs que je n'ai pu pousser.

Qu'à cela ne tienne. Si tu viens chez moi avec tes malles, les murs resteront en place mais je pousserai le reste. Tout mon fatras, tout mon fouillis,
jetant, triant, classant, rangeant toutes ces années de vie dans lesquelles tu n'étais pas.
Je ne pourrai même pas dire que je t'attendais, car tu m'es tombé dessus sans que je ne t'espère. À l'improviste, façon pot de fleurs qui m'a fendu le crâne et arrosé de terre.
Fière comme je suis, j'ai affiché ce sourire que tu connais si bien pour affirmer :
- Même pas mal.
Puis j'ai regardé la fleur et dit :
- Elle est belle... Je la garde, merci.

J'aimerais que tu viennes chez moi avec tes malles pour de l'essentiel, de l'accessoire, du futile.
Pour cuisiner des recettes à manger avec les doigts avant de commander des plats chez le traiteur, parce que notre repas était vraiment trop mauvais.
On se disputera sur qui a mis trop de sel ou pas assez graissé la poêle.
N
e tombant pas d'accord, nous casserons des assiettes juste pour le plaisir d'en sortir des neuves des cartons. Puis, fourbue, je me laisserai tomber sur le canapé.
La main que tu me tendras en signe de paix, je m'en emparerai pour attirer tes jambes entre les miennes, ouvrir ta braguette et glisser, dos cambré, ton sexe entre mes lèvres.

Le soir, il y aura deux halos de lumière au salon.
L'un, dirigé contre le mur, est la place du
papier grenu, celle d'où jaillissent de tes doigts des corps de femmes.
Beaucoup me ressemblent car tu aimes, dis-tu, mon corps, ses rondeurs et ses attaches fines.
Car je suis, dis-tu, devenue ton modèle et ta muse.

L'autre, dirigé sur une table basse, est l'espace de ma feuille blanche. Celle dont je lève à peine la tête parce que, si pleine de toi, les mots viennent, roulent et s'étendent, faciles, harmonieux, pour t'écrire.

Entre l'un et l'autre, il y aura la musique. La même qu'on écoutait tous deux avant sans le savoir, et qui formait déjà nos points de repère.
Plus tard tu poseras ton fusain, moi mon stylo.
Nous rejoindrons la chambre dans le noir, main dans la main et impatients, déjà tremblants de la jouissance à venir.
Et comme chaque nuit elle viendra, bouleversante.

C'est par une de ces nuits où arrivera ce que nous désirions, que nous espérions sans vraiment l'attendre, tout en étant prêts à l'accueillir.

Même l'eau brûlante de la douche n'aura pas le pouvoir de défaire cette alliance-là.

Oui, j'aimerais que viennes chez moi avec tes malles et que tu n'en repartes pas.

Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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Mercredi 7 janvier 3 07 /01 /Jan 03:28
Il est paraît-il des peaux si foncées qu'elles ont des reflets bleus.
Bleu nuit. C'est la couleur sous mes paupières lorsqu'Andrea m'embrasse. J'entrouvre les yeux et Andrea devine leur bleu pâle. Ce bleu que, trouvant si beau, il aimerait peindre "pour en capturer l'expression", dit-il.
- L'expression, oui, mais laquelle ?
- Laquelle ? Je ne sais pas, elles sont si changeantes...


Si je savais dessiner, sous mes pinceaux Andrea se changerait en panthère ou en guerrier Masaï.
Si j'étais photographe, ce sont nos corps nus et enlacés que je voudrais pour modèles. Le cliché serait fidèle à notre image dans le miroir : ses longues jambes serties entre les miennes, son haut bassin pressé contre mes fesses rondes, un bras traversant mon ventre et refermé sur mon flanc, l'autre appuyé sur ma poitrine, avec ses doigts emprisonnant mon cou.

Le contraste
de nos couleurs mêlées est saisissant, sublime, érotique. Et plus encore, peut-être, lorsqu'il se défait. Que ma chevelure blonde cascade sur le sommier et qu'Andrea l'empoigne pour me relever la tête.
- Regarde...
Dans le miroir je vois
du ciel, du sable et de l'ébène, ses nattes de mousse entre l'émail de mes dents, nos chairs minérales et végétales.

Si je pivote surgit de mon corps de porcelaine l'îlot noir de ma toison. Andrea glisse sa langue entre ses algues folles. Quand il en touchera le corail, il fera à nouveau bleu nuit sous mes paupières.
Mais quelle couleur fait-il sous les siennes lorsque son sexe est dans ma bouche ?
Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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Lundi 5 janvier 1 05 /01 /Jan 02:29
- C'est moi.
- Oui.
- Tu vas bien ?
- Oui.
Un silence coupé de klaxons et de pétarades de scooters retombe. Un bruit guttural
résonne soudain dans le combiné. Andrea se racle la gorge, comme s'il cherchait tout au fond des phrases qui refusent de sortir.
- Je te dérange ?
- Non.
- Tu n'es pas très bavarde...
- En effet.
Deux contre six, voilà ce que je lui offre.
Deux mots à la suite contre six jours sans nouvelles, hormis le réglementaire sms de bonne année, c'est pas si mal payé.

Après deux vient trois, et de ce chiffre-là je lui ferai également cadeau :
- Trois, dis-je.
- Pardon ?
- Trois mois. La durée de mon prochain voyage. J'ai réservé mon billet.
- Ah.
- Oui. Ah.

Après trois vient quatre. Un quatre en couperet, car Andrea annonce :
- Je vais devoir raccrocher. Je suis juste sorti acheter du pain.
Je brûle de lui demander s'il a pris un bâtard ou une miche.

- Tu es triste ? interroge-t-il.
- Non, en colère. Pour le coup, y a des pains qui se perdent. Racheter une semaine de silence radio par un pauvre coup de fil... Tu as dû voir le Père Noël.
- Faut qu'on parle.
- Parlons donc. J'ai tout mon temps et du pain surgelé plein le congélateur, moi.

Sans oublier de la bile ras la bouche et cinq doigts pour lui raccrocher au nez. En hiver, celui d'Andrea est toujours bouché à cause du froid. Pas le mien qui flaire que là, ça sent mauvais.
Entretemps, Ether est venue à la maison et repartie. Mon idée était de les présenter l'un à l'autre. Pour le plaisir de les réunir, bien sûr, mais aussi pour la confiance et l'engagement que cette rencontre signifiait : les hommes qui passent, on ne les présente pas. Surtout à ses amies.
L'offre est restée emballée dans son paquet, vague rebut abandonné sous le sapin.

- Tu es libre mardi ?
Mardi sonne à mes oreilles comme la Saint-Glinglin des calendes grecques. J'accepte néanmoins, puisque
pour se disputer, il faut bien convenir d'une date.
- Minute, je vérifie.
- Vrai... J'avais oublié que ton agenda est digne d'une femme d'affaires.
La plaisanterie tombe à plat alors que le flot aigre de ma bile me monte à la langue. Une brève morsure pour ne pas rétorquer :
"Mêle-toi donc des tiennes, d'affaires."

Et je
repense à ce jour pas si lointain où Andrea me proposa :
- Si ça ne va pas, si tu as besoin de te confier, appelle-moi.
Le jour des confidences est arrivé. Il est en -di mais ne s'appelle pas mardi.
Pas de bol, vraiment. La prochaine fois, je coordonnerai mon coup de blues à son agenda.

Andrea a beau avoir les sinus encombrés, il n'est point sourd. Aussi a-t-il très bien entendu le boulet de canon qui lui siffle que mardi, il me perdra. Aujourd'hui dimanche
, c'est cette peur qui s'affiche en toutes lettres sur mon téléphone :
"Voyons-nous cet après-midi, veux-tu ?"
En femme d'affaires surbookée au lit, j'efface le message. La lecture d'Au Pays des vivants m'interdit de poser un orteil dehors, dans un froid de sépulcre.
Une poignée d'heures plus tard, Andrea finit d
e guerre lasse par m'appeler :
-
Voyons-nous ce soir, veux-tu ?
"Les boulangeries sont donc fermées ?"
Encore une réplique acerbe que je ravale avec ma bile.

Au café, sa main se pose sur mon bras. Doucement, comme s'il craignait de le briser ou ne voyait en moi une bête impossible à apprivoiser. Le geste me touche. Mais sous cette caresse comme sous les coups de fouet, ce n'est pas la reddition qui vient.
C'est le défi de mon menton redressé et de mes pupilles dans les siennes plantées.
- Alors ?
- Alors... J'ai été négligent, j'ai été injuste.


J'acquiesce tandis que les mots d'Andrea roulent sur moi, m'enveloppent et m'enserrent pour me débusquer.
Pas question de sortir de ma tanière.
Murée dans le silence,
je l'écoute en songeant à cette promenade où je marchais à trois pas de lui comme un chien galeux. À ces appels où son visage à elle s'affichait sur le téléphone, à tous ces "Ma puce" murmurés.

Moi, je suis la fille du pain, du quignon, de la croûte.
Une fille
trop vieille et fatiguée pour jouer encore à ce genre de jeux.
Mes doigts gelés entourent la bougie posée entre nous sur la table. Ça sent le brûlé. Un de mes cheveux a cramé dans la flamme.

Soudain, je suis une fille tordue d'angoisse qui pleure sans un bruit ni un geste, débordant d'un chagrin qu'Andrea ne comprend pas.
Normal. À cet instant, je ne le comprends pas moi-même.

Demain est un autre jour. Je m'achèterai de la brioche.

La photo est d'Amaury Marquez
Par Chut ! - Publié dans : Andrea d'ébène
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