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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Dimanche 16 mai 7 16 /05 /Mai 13:20

WillLe ciel rejoint la mer à l’horizon. Une brise légère court entre les feuilles, soulève la nappe.

Le soleil tombe à l’aplomb du parasol. Ses rayons réfléchis en étincelles jouent sur mon verre.

L’encyclopédie de la plongée est ouverte devant moi. Je parcours ses lignes drues sans les comprendre, bercée par une langue qui n’est pas la mienne, abandonnée au moment.


Serviette nouée sur les hanches, je sèche de mon dernier bain. L’eau de mer ruisselle lentement de mes cheveux pour tracer de petites rigoles sur mes épaules.

Ma main paresse sur la table, s’arrête à côté de la sienne. Il a de beaux doigts, longs et carrés, des ongles coupés nets, une paume large et puissante.

Des mains magnifiques que je rêve sur ma chair depuis le premier instant.

Sautant d’une moto-taxi, j’avais ce matin-là les cheveux fous et les cils maquillés, un nœud de maillot rouge tranchant sur un tee-shirt noir, les pieds nus et mes chaussures à la main. C’est moi, je crois, qui le vis la première, aussitôt souffle court, avec, déjà, la nostalgie de ces hommes trop beaux qu’on ne caresse qu’en rêve.


A l’intérieur de son avant-bras, un tatouage thaïlandais annonce « aucun regret ».

Un autre, arabe, niché contre son torse, a une signification que j’ai oubliée. « Vis pleinement ta vie », peut-être, ou « cueille ce jour comme si tu mourrais demain ».

Les cris des baigneurs s’étouffent dans les vagues, perdus très loin dans la distance pour nous laisser seuls au monde.

Il fait semblant d’étudier, moi de lire. Et tous deux feignons d’ignorer notre désir. Dans l’eau il a caressé ma jambe puis reculé dans une excuse.

La nuit d’après ce jour il me dira qu’il voulait m’embrasser sans oser. Timidité de l’instant puis instant passé, tombé en chute libre dans l’écume.

Le lendemain il me dira aussi que tout au long de cette journée-là, il n’a pensé qu’à ça. Qu’à dénouer une par une les attaches qui lui soustrayaient ma peau. Qu’à mon corps étendu, nu, sur les draps. Qu’à ma bouche sur sa bouche et son sexe.


Ma main s’approche encore de sa main. Nos doigts ne sont plus séparés que par quelques centimètres de nappe, distance infime et pourtant immense.

Si je la comble maintenant, il saura.

Il saura ce désir qui me cuit.

Il saura cet élancement douloureux entre mes cuisses.

Il saura l’animal qui y loge et exige d’être comblé.


Paradis transitoire 2Mais ne le sait-il pas déjà ?

Sans doute que si, tout en ignorant peut-être sa violence, cette violence que je lui cache encore mais qui éclatera le lendemain alors que, mordant ses épaules, je lui demanderai, sur le ton de l’ordre plutôt que de la supplique :

- Spank me !

 

Par-dessus la chaleur de l’après-midi je sens la sienne.

Chaleur ajoutée de sa chair ajoutée de ses muscles ajoutés de ses os.

Statue vivante assise, beauté bouleversante tendue de jeunesse, corps de l’athlète qu’il a été, visage parfait en équilibre, et son sourire qui me cueille à le regarder.

- Tout va bien ? me questionne-t-il.


Je lui souris. Pose ma main à plat sur la nappe.

Renverse la tête vers le ciel. Respire à larges bouffées.

Heureuse, follement, sans mélange.

Il est des journées au goût de paradis gagné puis perdu.

 

Suite, mais pas en enfer.

 

2e photo de Mona Kuhn.

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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