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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Eux

Vendredi 8 août 5 08 /08 /Août 03:04

Pochette surprise 2Ce jour-là, Paulien et moi avions rendez-vous pour parler de nos écrits (enfin, surtout des miens). Nous ne devions nous reconnaître qu'à notre air, "celui de gens qui attendent quelqu'un" (lui dixit).

Pour précipiter un timide été, je choisis une robe courte et sans bretelles, coupée de biais dans la couleur des filles : rose, très rose. Mais mon choix n'avait peut-être rien à voir avec l'été ni la couleur des filles. Il tenait davantage au compliment d'un homme :

- Avec cette robe, tu as l'air d'un bonbon... On a envie de te croquer.
"Pourquoi pas, à condition d'avaler les épines ?", me retins-je de répondre.
Que Paulien traversât tout Paris pour discuter littérature avec une fille habillée en bonbon à épines m'amusait.
Amusons-nous donc, puisque cela ne fait de mal à personne.
La robe enfilée, je me précipitai en direction du café.

Je marchais d'un pas rapide, fixant de loin les gens attablés à la terrasse, espérant y repérer un homme qui aurait l'air d'attendre quelqu'un. Un homme qui, loin de s'absorber dans sa lecture, jetterait
 des coups d'œil aux alentours ; un homme paraissant stressé ou indécis, peut-être.
Les premières rencontres, ça impressionne toujours.
J'espérais surtout qu'il n'y en aurait qu'un comme ça. Aucune envie d'aborder tous les mâles en tête-à-tête avec leur verre :
- Bonsoir... Vous êtes Paulien ?
- Nan !
Je relevai la tête pour enfin regarder devant moi. Avisai un homme debout, téléphone en main. Il me sourit. Je lui rendis la pareille mais me détournai vite. C'est alors qu'il m'adressa un signe joyeux et m'appela par mon prénom.
Je me figeai, incrédule.
 Il devait y avoir une erreur. Les universitaires, les chercheurs, les philosophes n'ont ni cette prestance ni cette décontraction.
Non, aucune erreur.
Cet homme me dépassant d'une bonne tête était bien, comme sa voix me l'affirmait, Paulien.
Je ne m'attendais pas à son visage. Ou plutôt à sa beauté. À ses traits affirmés de statue m'évoquant tout à la fois Suryavarman, le roi d'Angkor, Jules César et les masques olmèques. À ses yeux obliques, couleur de noisettes détrempées de miel et de fougère. À sa bouche charnue, délicatement ourlée, dont je fus aussitôt tant admirative que jalouse.
Cette bouche-là, si féminine et sensuelle, c'est celle que j'aurais aimé porter sur mon visage.

 

Pochette surpriseDans toute rencontre, on sait dès le premier regard si l'autre nous plaît. Et, à condition d'être attentif ou perspicace, si nous lui plaisons en retour. On peut ne pas être venus pour se plaire - pour discuter littérature, par exemple - que cette règle demeure.
Ni Paulien ni moi n'y dérogeâmes.
Mes yeux furent incapables de lui mentir. Et les siens me dirent la vérité lorsqu'ils se posèrent sur moi, juste avant ses lèvres sur mes joues.

Pendant le repas, nous parlâmes longuement en faisant mine de rien. Décidés à ignorer cette attirance qui sourdait néanmoins par à coups : entre deux phrases, mon pied effleurait ses jambes, sa main mon poignet. Petit ballet timide d'un désir qui ne s'avouait pas encore. Et nous rîmes aussi, penchés l'un vers l'autre, de la conversation de nos voisins de table, consacrée à... l'ornithorynque (un monotrème, pour ceux qui en doutent encore).

Plus tard, j'embrassai la belle bouche dont je suis jalouse.
Et Paulien m'enleva ma robe couleur de fille.
Lovée dans ses bras sur le lent tempo de la nuit, je devins un bonbon sans épines.

 

 

Photo : Sarah Moon.

Toile : David Delamare.

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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Dimanche 27 juillet 7 27 /07 /Juil 04:21
B. a l'aisance sociale de l'homme travaillant dans les hautes sphères de l'État. La tranquille évidence de celui qui se sent à sa place. Le costume griffé de la marque prestigieuse commençant par A et se terminant par I. Toujours la bonne réplique de celui qui manie à la perfection mots et concepts. L'exercice du pouvoir discret, la force de persuasion et la voix enjôleuse de l'homme qui en a convaincu d'autres.

B. possède nombre de qualités, quoiqu'elles ne me touchent guère, mais surtout un gros tort : celui d'avoir voulu me faire parler.
B. a besoin de contacts téléphoniques après des moments qu'il juge importants, de pauses réflexives. De partage - même illusoire - et de débriefings, pour parler court.
Mais moi, je n'ai pas envie de partager ni de débriefer, du moins avec B.
Alors B. s'est retrouvé à la porte sans vraiment comprendre pourquoi. Remercié au détour d'un coup de fil qu'il avait attendu et que j'ai fini par lui donner, non par envie mais par politesse.
Cette même politesse qui m'avait servi de censure au cours de certains de nos échanges.
Par exemple, lorsque la question du socle émotionnel était tombé comme un cheveu sur la soupe à la table du restaurant puis, plus tard, sur un coin de canapé, il avait conclu par :
- Tu es en train de me dire que mon assurance t'impressionne.
Et je m'étais interdit de prononcer la réplique qui m'était spontanément montée aux lèvres :
- Non, elle m'horripile.
À quoi bon la sincérité, surtout quand elle passerait pour de la méchanceté ?

Never complain, never explain.
Just shut up.
Par Chut ! - Publié dans : Eux
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Vendredi 8 février 5 08 /02 /Fév 01:31

Cette semaine, Joshua, l'ex-compagnon de ma mère est de passage sur Paris. Il m'a invitée à dîner avec mon ami, dans une brasserie célèbre, située en face d'un café mythique.
Les deux sont réputés pour être fréquentés par des célébrités, en particulier des gens de lettres et du cinéma.

Si nous étions venus pour cette raison, nous serions repartis désappointés : le seul visage connu de l'assemblée était celui... du présentateur du JT de France2.
On le dit petit, c'est un compliment. Avec mes escarpins (aux talons vertigineux, certes), je devais sûrement le dépasser de la tête et des épaules.

En soi, cela n'a aucune importance. Ce qui m'amuse est de de noter le décalage entre l'image télé et l'image réelle. De constater à quel point elles ne se superposent pas. Et du même coup, l'effort qu'il faut opérer pour les réajuster.
Cet homme qui s'invite dans nombre de foyers à 20h00 tapantes a cependant vite déserté les lieux. Des dépêches à potasser, sans doute...

Nous, nous sommes restés à notre table. La conversation, agréable, roulait sans temps mort.
Joshua s'enquérait de nos vies, donnait des nouvelles de la sienne. Et plus je le regardais, plus mon cœur se serrait.
Je l'avais connu alors que j'étais gamine. Plus tard, quand il venait passer des week-ends avec ma mère, nos rapports étaient conflictuels : ses filles étant plus jeunes que moi, il n'avait pas l'habitude de fréquenter des ados. Mon désir de liberté, mes envies de sorties se heurtaient à ses principes. Là où ma mère s'apprêtait à céder, il restait inflexible. De mon côté, je refusais son autorité.
Joshua n'était pas mon père, il ne vivait pas avec nous, il n'avait pas son mot à dire.
Élevé à la dure, par des parents de l'ancienne école, il faisait en vérité de son mieux. Mais à l'époque, je ne pouvais pas le comprendre.

Hier, en le regardant, certaines anecdotes de son enfance me sont revenues. En voici une parmi d'autres : Noël approche, il n'a pas été sage. Son père lui jure alors qu'il n'aura aucun cadeau, puisqu'il n'en mérite pas.
Le soir du réveillon, il y a plein de paquets au pied du sapin. Sa sœur est comblée, on lui offre ce qu'elle a demandé. Lui, impatient, déchire à son tour l'emballage des siens. Mais horreur... Ils sont tous vides, à l'exception du dernier qui contient... un martinet !

Je balaye du regard ses cheveux devenus blancs, les rides qui sillonnent son visage. Je souris, je bavarde, j'affiche un air détaché mais au fond, je suis émue. Émue par sa gentillesse, sa
discrétion, sa générosité ; par sa délicatesse, qui le pousse à n'aborder que des sujets qui ne peuvent blesser ; par le temps que nous avons jadis gâché en disputes, par la course du temps lui-même.


FamilleL'homme qui me fait face vient de passer la soixantaine.
Ses yeux ont beau être vifs derrière les lunettes, ses traits ont vieilli. Inévitablement. Sa corpulence a également changé, ses petits bobos ne se soignent plus avec une bonne nuit de repos.
S
oudain, je le découvre fragile.
Soudain, sa fragilité m'effraie. J'ai peur d'un coup de vent trop brusque alors qu'il navigue en haute mer, peur d'une maladie qui ne se guérit pas, peur que cette chienne de vie ne lui ôte la sienne.

Ensemble, après le décès de ma mère, nous avons traversé des moments terribles. Et grâce à (ou plutôt à cause de) cela, tissé un lien aussi fort que notre souffrance. Corde tendue nous reliant sur les deux crêtes opposées du même abîme : à lui, le compagnon, les liens tortueux du cœur, entre amour et désamour, entente et incompréhension ; à moi, la fille chérie, les liens évidents du sang.
Au sens strict,
Joshua n'appartient pas à notre famille. Au sens étendu, il y a toute sa place. N'en déplaise à l'un de mes oncles, qui lui assigne, de la voix du mépris et de l'insulte, le strapontin "d'étranger". Sans se rendre compte qu'à mes yeux, l'étranger, c'est lui. Car si la famille est celle qu'on se choisit, cet oncle plus coupant que la glace ne fait pas partie de la mienne.

Néanmoins, en trois années, le lien entre
Joshua et moi s'est distendu. À présent, nous ne nous appelons que rarement. Nous écrivons de même. Nous voyons avec encore plus de parcimonie.
À cela, une foule de raisons. Nous habitons dans des villes éloignées, la vie a peu à peu repris ses droits, le tourbillon des obligations et des voyages nous happe...
Peut-être, aussi, Joshua a-t-il rencontré une autre femme et se sent-il embarrassé vis-à-vis de moi.
Je souhaite que ce ne soit pas le cas.
Il a profondément, follement aimé ma mère de son vivant, il a le droit de vivre après sa mort. Et je serais la première à saluer cette renaissance. Ni elle ni moi, j'en suis persuadée, n'aurions souhaité que nous lui érigions un mausolée. Elle est présente dans notre cœur, non pour nous interdire d'exister en nous posant des barrières, mais pour nous enjoindre à les abattre afin de vivre davantage.

Beau-père, j'espère que tu seras
longtemps de cette terre. Que nous aurons d'autres occasions de parler, de plaisanter, de rigoler... des futurs présentateurs du JT, par exemple.
Jusqu'en 2046, j'y compte bien.

 

 

2e photo : André Kertesz, lunettes de Piet Mondrian.

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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