Jeudi 12 novembre
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Lui,
c'est un homme. Un qui a dû garder la rêverie de l'enfance et les doigts courant sur la vitre, de l'autre côté de la pluie, pour suivre le trajet des gouttes.
Un homme aux rêves d'enfant et un enfant aux rêves d'homme. Un dont les songes le retranchent des vivants dans un espace ouaté, sa bulle sur laquelle ricoche le fracas du monde.
Silence et tout s'apaise, tout se dilue, tout glisse.
Lui ne doit se mettre au lit que contraint ou épuisé. À peine deux heures du mat', c'est encore tôt. Mais demain dès potron minet, quand on est homme, on se lève.
Volets entrouverts, étendu sous un souffle de vent, il fixe le plafond. Se persuade que sa vie ressemble à ces fissures en creux et bosses, à cet émiettement lent de peinture, à ces pointes de
moisi dans les coins. Se promet de bientôt retrousser ses manches, sortir le rouleau pour tout passer au blanc.
Pas blanc cassé mais blanc pur, la teinte des nouveaux commencements.
Lui est de la race inapaisée des guetteurs, des veilleurs, des croqueurs d'aube. Du clan des bœufs entre potes, des 'Round midnight aux notes étirées de saxo, tragiques et pures,
s'élevant dans la fumée des cigarettes en déchirants
solos de Miles.
De la tribu des voix cassées à la Tom Waits, Tom attend et gronde, murmure, mélope sur les accords nostalgiques du piano, le mégot aux lèvres.
Jazz'n clopes comme d'autres sont rock'n roll.
Et ces nuits, toutes ces nuits qu'il a dû dépenser en balades sur les quais et froissements interlopes, tête enfouie entre les draps ou les jambes d'une courtisane. Pas séducteur mais séduisant, il
sait sans savoir ou plutôt sans se l'avouer, tout en en restant surpris : oui, il plaît aux femmes.
De belles et jeunes il aime d'ailleurs s'entourer, comme d'une compagnie nécessaire dans un monde de brutes. Quelques grammes de chair fine battant sous ses mains, quelques poussières de mots lui apaisant l'âme, crochets aussi dérisoires qu'indispensables pour affronter le jour qui se lève.
Des
femmes il sait les contradictions et la délicatesse. Elles reconnaissent les siennes, retenues, souvent taciturnes mais toujours bienveillantes. Médire, il ne connaît pas et ça le gêne comme une
impudeur. Bien dire, en revanche, il sait. Presque d'instinct, peut-être grâce à cette habitude d'évitement, cette prudence qui lui fait fuir la confrontation.
Les femmes, il leur rend hommage et elles le lui rendent bien. Dans leur bouche, il est formidable.
Formidable. Le compliment le flatte et l'embarrasse à la fois. Il est trop gros pour être accepté en bloc, et pourtant...
Il n'est cependant pas le genre d'homme sur lequel on se retourne en pleine rue. Pas celui qu'on remarque dans une tablée. Il a le retrait timide assis de biais, gauche d'un corps que comme
l'espace, il n'habite pas vraiment.
Présent-absent, il bouge avec ou dedans, à la périphérie, rarement au centre. Et à cause de tous ces mots qui refusent de sortir, il se tait.
Le silence est son allié, le silence est son ennemi. Il s'assoit sur le non-dit en chaise confortable
jusqu'au moment où elle se hérisse de clous. Mais faute de les arracher un à un, il les laisse érafler, penaud des blessures qu'ils infligent.
Le silence est son mur à abattre, sa barrière qu'il laisse trop souvent l'enfermer. Il voudrait en sortir mais voilà : il a perdu la
clé.
Bien avant que je n'écrive son portrait, trois mots s'étaient imposés : porosité du
bois.
D'abord à cause de Féminité du bois, ce parfum japonais que j'aime sur mon cou en prélude au sommeil et dont, paraît-il, chaque fragrance est unique.
Ensuite à cause de tout le reste. Lorsque je l'imagine, je vois le tronc fendu d'un bois tendre, prompt à marquer, loin de ces ébènes brillants de cailloux.
Je vois un dégradé d'ocres s'étendant du marron-noir au jaune poudré, un réseau en labyrinthe de veines, d'encoches, de sillons, de nœuds.
Je vois la pluie qui le caresse et le noie. Ses rigoles qui se frayent un chemin entre les bosselures, se coulent dans les creux, débordent des pleins.
L'eau obstinée et patiente qui le lave et le délie, l'humecte et le nourrit avant de plonger dans le sol.
Et je le vois, lui, coincé entre terre et ciel, cheminant entre deux rives. Gamin à la fois effrayé et avide de vivre, suivant du bout des doigts, de l'autre côté de la vitre, le trajet des gouttes. Homme
qui du futile à l'essentiel me touche et résonne en moi comme un tambour, parfois jusqu'au vertige, à la reconnaissance aux deux sens du terme : alter ego et gratitude.
Lui fait partie de ceux auxquels j'ai envie de chuchoter alors que je m'en vais :
- Mais où étais-tu pendant tout ce temps ?
Ailleurs est la réponse. C'est ainsi et sûrement très bien. À chacun sa trajectoire et ses pointillés, ses lignes de force, de faille et de fuite.
Alors à la question :
- Refait-on un jour sa vie ?
Je lui réponds :
- Non, on la continue. En mieux. J'ai confiance en toi.
Ce à quoi je n'ajouterai bien sûr pas, décence féminine oblige :
- Si tu me donnes tort, je traverse cette putain de planète pour te botter le cul.
À toi, en espérant ne pas t'avoir trahi.
Par Chut !
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Publié dans : Eux
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Il va trop frimer maintenant !
Mais comment cela se fait-il donc ? J'comprends pas. :)
euh... Je viens de vérifier, tout y est, je n'ai pas mis de nouveaux billets en ligne. Le serveur d'administration a été inaccessible une partie de la journée (maintenance). Peut-être un post a-t-il sauté puis est-il réapparu ? Bizarre bizarre !
Malheureusement pour une fois je ne l'ai pas enregistré, re-grrr!
Mais je suis affirmative.
(La bonne blague, ce serait que suite à une erreur d'OB, des billets d'autres blogueurs apparaissent sur un blog qui n'est pas le leur !!! Un concept absurde à creuser... OB, c'est mieux que la seuneuceufeu, tout est possible !)
A propos de "réveillée", faudrait peut-être que je me décide à me coucher... Je suis réglée sur un fuseau horaire lointain, là.
Bon dimanche, Ordalie. :)