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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Femme
  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 3 novembre 2 03 /11 /Nov 23:06
Voilà une heure que je te cherche sans te trouver. Une heure que je rentre ton nom à l'orthographe si particulière, ce nom dont tu étais si fier et qui sonnait si mal avec le mien.
Dans quelque ordre qu'on les mette, nos deux noms accolés frisaient le ridicule.

À dire vrai, ils étaient même en plein dedans : une syllabe gutturale accolée à une autre, ça ne donne rien de bon, hormis un éclat de rire. Ou un label de produit invendable même pour le meilleur des publicitaires.
Nous - enfin, je - en plaisantions parfois, tellement nos noms allaient mal ensemble. Si mal qu'il nous aurait fallu choisir l'un des deux pour nos enfants - enfin, pour ceux que j'avais envie d'avoir avec toi.
Toi, tu n'étais pas sûr, tu atermoyais, trouvais des prétextes et répondais si systématiquement "plus tard, peut-être, un jour" que j'avais fini par comprendre que ces prétextes  signifiaient "jamais".

Ton numéro, je l'avais jusqu'à il y a peu. Peu, dans la mesure de mon temps au ralenti, c'est neuf mois au moins. Peut-être même douze ou quatorze.
En tout cas, largement le temps d'être enceinte et d'avoir un enfant sorti de mon ventre.

Ce numéro-là, tu ne me l'avais bien sûr pas donné. Je l'avais trouvé comme une grande, aussi grande que ce jour d'hiver où, roulée en boule sur mon parquet, je t'avais repoussé. Si fermement qu'à moins d'être maso, tu ne pouvais plus me chercher, parce que je t'avais dit,
d'une voix grosse de larmes, d'indignation et de colère, des mots que tu ne supportais pas d'entendre :
- Tu es indécent, d'une indécence à gerber.

C'étaient des mots interdits à ne jamais te dire. T'accuser toi,
si contenu, si maîtrisé, d'indécence était franchir une limite dont j'avais conscience mais me fichais bien. Je n'habitais plus ce monde, ni cette ville ni ce quartier dans lequel j'avais acheté mon appartement pour être près du tien mais ailleurs, sur les rives d'un chagrin sans contours, d'un pays sans nom qui s'épelait pourtant en cinq lettres.
DEUIL.
Tu me parlais d'amour et je voyais le visage cireux de ma mère à la morgue, ses cils mal collés par l'employé des pompes funèbres.

Tu me parlais de compréhension et je voyais son iris bleu à travers ses cils, fixe telle son inquiétude face à ta dureté qui perça un jour face à elle, tandis que je te grattais
dans sa cuisine un bouton qui gicla en pus quand ta gorge vomit :
- Mais putain que tu es conne !
De ce bouton percé tu gardas peut-être une cicatrice.
Moi j'en gardai une, ma mère aussi.
La mienne était celle, mal rafistolée, des mots qui abaissent, triste héritage d'un père qui n'a jamais su parler pour avouer ses sentiments.
La sienne celle d'une soumission de femme trop timide pour oser s'opposer frontalement à l'homme, trop polie pour parjurer son rôle d'hôtesse, trop précautionneuse pour s'aventurer sur le terrain marécageux de notre couple. Ou simplement trop confiante en moi pour me défendre bien que je n'aie pas les armes.
Lorsqu'elle m'exposait sa confusion
le lendemain au téléphone, je lui répondis :
- Oui, j'aurais aimé que tu le remettes en place.
Appuyant de ce fait sur sa culpabilité de "mauvaise mère", oubliant un instant, car c'est si confortable, qu'il ne tient qu'à nous-mêmes, adultes, de nous faire respecter sans s'abriter dans l'ombre rassurante de nos parents. 

Tu me parlais de changement et je voyais le corps raide de ma mère, poupée de silicone étendue sur le simple drap d'un lit métallique. Et ce cauchemar si réel dans lequel je la contemplais, vivante, m'expliquant que sa mort n'était qu'une commode mise en scène tandis que je lui hurlais, la serrant entre mes bras puis la repoussant, horrifiée et crachant entre deux insultes :
- Mais comment as-tu pu me faire ça, à moi, ta fille ?

Tu me parlais de rédemption et je te ris au nez, t'envoyant à l'enfer ou au paradis.
Tu te mis alors à pleurer en invoquant ton amour. Ton amour à moi la conne qui était en vérité la femme de ta vie.
La seule femme à laquelle tu l'aies dit, par conviction ou faiblesse, dans ton lit puis le combiné, d'un ton gêné de petit garçon mis à nu.
Parce tu m'aimais et qu'avec moi, sanglotais-tu, tu ne t'ennuyais jamais.

Ah oui, c'est vrai, ensemble nous étions forts et pouvions tout faire. Des voyages et des expos, des dîners dans des bouges et des vernissages dans le grand monde, des cinés et des repas chez tes parents auxquels tu prenais plaisir et sans que tu ne te tapes la honte.
Je ne savais certes pas tout sur tout, loin s'en fallait, mais j'avais l'humilité de le reconnaître et la transparence de m'effacer.

En tant de temps depuis nous, j'ai
changé. Je sais toujours me gommer d'un sourire et me taire pour paraître intelligente. Le silence est la meilleure des ruses des imposteurs. Il laisse supposer qu'on a une opinion alors que derrière, c'est le vide.
La différence est que j'ai appris à avouer, et sans complexes :
- Je m'en fous.
- Je n'y connais rien.

Pour moi, à ma petite échelle, c'était une victoire. Dérisoire, on est bien d'accord.


À l'époque où je t'ai connu, je n'avais d'ailleurs aucun style.
Ringarde avec mes pantalons trop courts, mes baskets et mes chaussettes blanches, hors-jeu avec mes jupes vaguement grand-mère que tu assassinais d'un "pfiouu... que c'est moche" dès que je franchissais ta porte.
Envers moi tu n'as jamais été doux ni charitable. Soulignant en gras mes erreurs alors je quêtais en pointillés les bribes de ton approbation, me coupant
face à la glace fissurée de mon studio la frange pour te plaire où à défaut te surprendre, invoquant les paroles de ce coiffeur qui un jour m'avait dit :
- Votre êtes assez belle pour supporter cette coupe.

Mais être assez belle n'était pas l'être suffisamment. Jolie, bandante, resplendissante les bons jours, d'accord. Mais belle, non. La faute à cette mâchoire trop carrée, à cette bouche trop petite et à ces seins en poire que tu qualifiais de "partie peu réussie de mon individu", sauf cet après-midi où, cheveux en bataille, abandonné au plaisir, tu me soufflas :
- Tu es magnifique.
Faut dire que des bimbos aux nibards défiant la pesanteur, des sosies de Lauren Bacall, tu en avais connues. Pas longtemps, certes, car très vite l'ennui avait repris ses droits.

Je sais tout cela, je sais tes défauts, tes exigences auxquelles il m'était impossible de répondre à moins de me trahir. Je sais que notre relation était vouée à l'échec. Que je l'ai rompue avec une violence extrême (peut-être un jour la raconterai-je ici).
Mais je sais aussi que je ne suis pas en paix. Que voilà des années que j'ai envie de te parler. Pour te dire quoi au juste ? Je l'ignore moi-même, et voilà bien ce qui me bloque.

La mort de ma mère a escamoté le deuil de notre histoire. Une grenade dégoupillée de plus qui me remonte à la figure alors que je revendique le droit à l'oubli.

Mais mes nuits, elles, se souviennent.
Et je suis fatiguée, si
fatiguée de lutter contre des moulins à vent.
Quand tout cela s'arrête-t-il de tourner ?


Évidemment, à relecture, je n'ai pas exprimé le quart de ce que je voulais dire.
Ce sera une autre fois ou... jamais.
Lui, nous, ces résonances sont très compliqués.
Puis je ne suis pas sûre que ce soit passionnant. C'est même certainement très chiant.
Par Chut ! - Publié dans : Eux
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Commentaires

Chiant, non. Plutôt très attristant!
commentaire n° :1 posté par : Ordalie le: 04/11/2009 à 09h07
Oui, je suis d'accord. Je ne vais peut-être pas le laisser, celui-ci.
réponse de : Chut ! le: 04/11/2009 à 10h37
Merci d'annoncer tes funestes intentions, ce qui m'a permis de l'enregistrer vite fait avant sa disparition (rire sardonique).
Mais non, laisse-le, diable!
commentaire n° :2 posté par : Ordalie le: 04/11/2009 à 11h05
Arf, il va même pas mourir en paix ! (humour douteux)
Va falloir que je relise à tête reposée : j'ai très peu dormi, écrire ce billet m'a pris un temps fou. Toute la nuit en fait. On dirait pas, hein ! :)
Et bien sûr, il est orienté, partial. Cette histoire n'a pas été que cela, cet homme pas qu'un grand égoïste. Il faudrait que j'explique l'autre partie, la bonne, et mon choix de pourquoi lui ? Mais là, on en vient au divan du psy.

L'amusant (façon de parler, hein), c'est que cet homme, je l'ai en quelque sorte choisi deux fois. Une fois ce fut lui dont je parle dans ce texte ; l'autre fois, des années plus tard, ce fut Feu mon amour. Et je me doutais bien que j'allais me casser le nez.
Einmal ist keinmal, il paraît. Moi, j'ai rejoué pour essayer de réparer. Bilan au cas où j'en aurais douté : ça ne marche pas.
réponse de : Chut ! le: 04/11/2009 à 11h34
Et v'là que le titre a changé!
"On dirait pas, hein?" On dirait pas mais on s'en doute!
"Selon que notre idée est plus ou moins obscure
L'espression la suit, ou moins nette ou plus pure".
Comment écrire comme tu le fais sinon en polissant et repolissant?
commentaire n° :3 posté par : Ordalie le: 05/11/2009 à 06h04
Oui, le titre méritait un lifting ! Comment ça, je suis influencée par ce que je lis en ce moment ? Les mots pour le dire, histoire de ne pas citer le bouquin...
Ta citation me fait exactement penser à une autre "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement etc" (tu connais la suite). Pour la petite anecdote perso-psy, puisque je baigne dans le sujet, c'était une citation que mon père voulait que j'apprenne par cœur pour la sortir en plein dîner devant ses amis. Il devait juger que ça faisait trop classe dans la bouche d'une môme (j'avais 8-9 ans). Mais comme j'étais déjà entrée en résistance, je trouvais le procédé crétin et faisais exprès de tout mélanger... alors il a abandonné, hi hi !

Chaque billet me prend beaucoup de temps, oui. Au minimum deux heures pour les petits et pour les grands, je ne compte même plus... je finis par m'affaler sur le clavier et poster, parce que sinon, le blog serait un désert ! Mais contrairement aux textes que j'écris "pour moi", je reviens rarement dessus. Le travail de polissage se fait en direct, d'une traite, et non par d'infinies corrections après coup (sauf orthographiques, quand restent des coquilles et quelques fautes).

Un aveu : j'ai une trentaine de textes blog en brouillons. Des bouts de, des ébauches ou des presque terminés. J'en sors parfois quelques-uns de ce réservoir. D'autres y resteront sûrement, parce qu'il ne résonne plus tellement avec mon état d'esprit.
réponse de : Chut ! le: 05/11/2009 à 15h01
Je me souviens d'avoir lu "Feu mon amour" et aimerais le relire.
Un lien peut-être pour m'éviter de chercher dans tout le blog?
Sinon tant pis, je chercherai quand même.
commentaire n° :4 posté par : Ordalie le: 05/11/2009 à 06h11
Coucou Ordalie,
j'ai rassemblé tous les billets qui parlent de lui (nous) dans la catégorie Feu mon amour. Un petit lien : http://sous-le-signe-du-lien.over-blog.com/categorie-10501256.html
:)
réponse de : Chut ! le: 05/11/2009 à 14h43
Cette dénomination "feu mon amour" nous met dans la métaphore du deuil, "Mais je sais aussi que je ne suis pas en paix", un deuil non abouti donc, et qui fait l'encre de bien des pages.
Et je me dis que justement, c'est par cette voie de papier qu'un jour la métaphore cessera de te brûler.
Affonter les mots, et tourner la page.
commentaire n° :5 posté par : Slevtar le: 05/11/2009 à 13h09
Coucou Slev,
je me demande aujourd'hui si affronter avec les mots suffit. De toute façon, entre les mots et moi, le combat ou l'accord n'a pas été mené à terme (tu sais, ce fameux roman...).
Mon prochain départ a aussi son rôle là-dedans : tant que j'étais ici, je savais qu'il était possible que je tombe sur lui, vu que nous habit(i)ons le même quartier. Au fil des mois et des années, j'ai redouté cette "confrontation" autant que je l'ai souhaitée. Tout dépendait du jour et du moment. Souvent je n'y pensais même pas. J'étais juste certaine que ça me ferait très drôle de me trouver nez à nez avec lui, sans même savoir s'il me dirait "bonjour", ou si notre éventuelle conversation dépasserait le cap des cinq minutes de banalités.

Cela ne s'est jamais produit, et j'ai le sentiment net que si je veux que ça se produise, c'est maintenant. La certitude de partir teinte tout de la couleur du plus jamais (même si la vie réserve bien des surprises). Disons qu'il y a certaines malles que je laisserais bien ici. Mais pour les vider avant de les fermer totalement, il faudrait être, là, deux. Enfin je le crois. Sûrement ai-je besoin de réponses, mais sans avoir la liste des questions.
Aïe, je sens que je deviens confuse. Vite, un grog anti-rhume (oui, j'ai la crève !) !
réponse de : Chut ! le: 05/11/2009 à 15h13
Mon avis ne vaut pas grand-chose, mais je trouve qu'il serait dommage de supprimer ce billet.

Et puis, pour certaines raisons que je n'ai pas envie d'énumérer ici, il résonne un peu en moi, et je veux pouvoir revenir dessus.

Si tu le veux bien.
commentaire n° :6 posté par : Benjamin L le: 05/11/2009 à 14h38
Non, Benjamin. Ton avis, comme ceux de tous les lecteurs qui ont envie d'en laisser un, m'importe.
Je vais laisser ce billet, ne serait-ce que comme une petite pierre en attente d'en dire peut-être davantage.
Merci beaucoup de ton mot.
réponse de : Chut ! le: 05/11/2009 à 15h16
Benjamin a dit ce que je n'ai pas osé formuler clairement! J'ai lu et relu certains de tes billets, souvent pour me souvenir de faits semblables survenus dans ma vie et puiser une sorte de réconfort dans le fait que quelqu'un savait exprimer ce que je ressentais alors ou ressens encore.
Ma citation se trouve un peu avant "ce qui se conçoit bien...", dans le même texte.
Au cas où tu partirais du jour au lendemain sans coup férir, sache que mes voeux et mon amitié t'accompagnent.
commentaire n° :7 posté par : Ordalie le: 05/11/2009 à 15h49
Merci beaucoup, Ordalie.
Ce ne sera pas sans te le dire. Je te donne très vite plus de détails via une nouvelle tartine. :)

Avec toute mon amitié.
réponse de : Chut ! le: 13/11/2009 à 18h49
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