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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Au jour le jour

Dimanche 1 janvier 7 01 /01 /Jan 11:26

Parce qu'il faut bien commencer quelque part...

 

 

2012 en beautéÀ mes amis de tout près ou de très loin, plus d'une moitié de terre entre nos bras tendus,


Aux hommes de ma constellation, amis-amants, amants-amis, compagnons de mes routes et de mes doutes, de mes coups de folie, d'éclat et d'emmerdes parfois,


À l'amitieux marin des tropiques qui toujours me devine entre les mots, me prolongeant alors que je m'éteins, à notre tendresse entre deux grains de sel et de sable,


À l'armée des ombres qui en silence veille sur moi... avec une pensée toute spéciale pour Ordalie et une grande Dame,


À Stan et Ombre, artistes voisins de plume entre liens croisés,


À ceux qui arrivent ici par hasard et s'attardent, curieux, entre ces pages pour parfois revenir,


À ceux qui les quittent sans avoir trouvé ce qu'ils cherchaient, peut-être déçus, peut-être choqués,


À la vie, l'indicible, l'échevelé, l'impossible,

"Imposez votre chance, serrez votre bonheur et allez vers votre risque."

Bonne année 2012 à tous !

 

 

La citation (arrangée) est de René Char,

la photo d'Ellen von Unwerth. 

Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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Dimanche 13 mars 7 13 /03 /Mars 22:33

L'année en plusUn mouton, deux moutons...

Un troupeau, deux troupeaux...

Les chiffres se perdent entre les draps.

Les milieux de nuit sont lents parmi les objets pétrifiés. Sur la table basse, l'ordinateur ronronne en sourdine. Dans le couloir, des cartons de plus en plus nombreux s'empilent. Vestiges d'une vie emplie de souvenirs un à un trié, emballé, rangé, patient travail accompli seule au cours de trop nombreux après-midis.


Trois heures du matin.

Impossible de dormir malgré la fatigue, et cette évidence qui revient en boucle comme le décompte des moutons : il n'y a plus rien pour moi ici. Juste quelques voix amies qui me soufflent que ça va aller, tel un entraîneur qui regarderait depuis la berge un nageur s'épuiser.

J'ai hâte de prendre mon envol. Mais pour l'instant, j'ai les ailes sciées sous une migraine de plomb. Et il faut, encore, traverser la nuit, la tuer en repoussant les idées sombres, celles qui ne mènent nulle part hormis dans les impasses.

Et se lever le lendemain.

Et recommencer le défilé des tâches ingrates, des coups de fil ennuyeux, des démarches fastidieuses, des listes qui jamais ne se ferment. Y barrer deux lignes, c'est trop souvent en ajouter trois.


A distance, tout avait l'air facile. Rapide. Sur place, ça ne l'est pas. Du tout.

La rigueur d'un hiver trop long m'accable. Je grelotte. Tout le temps, malgré les couches de vêtements. Mes mains, mes pieds sont gelés, et lentement, le froid gagne mon cerveau.

La torpeur m'envahit. L'ennui me dévore. La pesanteur me rattrape, bouillie gluante dans laquelle je piétine, vautrée, inefficace, épuisée par ces heures insipides.

Il n'y a plus rien pour moi ici.

J'appartiens au sable, à la mer, pas à cette étendue de bitume ni à ce ciel vitrifié.

J'appartiens au voyage, pas à cette étouffante vie sédentaire.

Les yeux au plafond, je rêve de soleil sur ma peau nue, de plats-bords de bateaux baignés d'écume, d'horizons lumineux et d'immersions en apesanteur.

En quittant la France, je ne nourrissais déjà aucun doute. Mais si jamais il m'en était resté quelques-uns, ce séjour parisien les aurait balayés.

Ici je suis une étrangère. Au paysage, au climat, au mode de vie. A moi-même aussi. Coupée de ce qui me nourrit, séparée du suc, du sel, de la sève de ma vie, je m'étiole. Semaine après semaine, Ether s'en est aperçue. De l'effervescence joyeuse des premiers jours ne restent que de rares éclaircies, trouées lumineuses perforant le brouillard.

Mon retour s'est écrit sous le signe de la rupture. Avec un homme aimé sous le soleil. Avec mon père. Avec une amie d'adolescence. Eloignements nécessaires, cassures annoncées en germe depuis des mois.

"Nettoyages salutaires", dirait Bertille.

Au passé tourner le dos pour mieux profiter du futur. Alors, en transit à Paris, je dépoussière et je liquide. Mes histoires en branches mortes. Mes affaires. Mon appartement. Partie jadis avec vingt kilos, je partirai cette fois à vide, laissant quarante cartons dans mon sillage.

 

EclairciesPuis, de temps à autre, la légèreté qui s'invite.

Cette nuit-là, je ne dormais pas. Pierrig non plus, car c'était pour lui le milieu de l'après-midi. Douze heures de décalage sur le point le plus éloigné du globe et son visage sur mon écran. Encore plus bronzé qu'à Chiang Mai, avec deux taches encore plus azurées à la place des iris. Souriant, lumineux, solaire, une vraie publicité pour papier glacé européen.

Pierrig était en tee-shirt sur la terrasse d'une grande maison. Moi, en pull sous la couette. Nous parlions de notre future rencontre dans un nouveau pays.

Laos, Malaisie, deux fois de suite la Thaïlande... Après mes refus pour Singapour et les Philippines, nous avions enfreint la règle fantaisiste de nos retrouvailles nomades : un rendez-vous, un pays.

 Du fond de mon lit parisien, j'étais heureuse de me projeter loin, après, sur une plage, avec cet homme entre mes bras, cet homme qui me reprenait tandis que ma main s'égarait sous mon pull pour dévoiler mon cou, qui riait à la vue de quelques joujoux très privés à glisser dans mon sac.


Peu importait que ce projet de voyage aboutisse ou non. Il était à ce moment-là ma fenêtre ouverte sur un ailleurs, une promesse de plaisir et de découverte.

Dissoute,  la tristesse de Bangkok.

 Evaporées, les questions qui embrumaient alors ma tête.

Du lien avec Pierrig ne subsistait de mon côté que le meilleur : une attirance réciproque, une connivence sincère et amusée, une amitié franche à la lisière d'autres sentiments plus troubles, mais que ces sentiments ne troublaient plus.

Dans la constellation de mes hommes, celui-ci avait trouvé sa place, telle une pièce de puzzle parfaitement emboîtée.

Nous raccrochâmes. Je dormis d'une traite jusqu'au matin.

 

Ce soir-là avait pour cadre le bar d'un grand hôtel. Une tablée réunissant des personnes que j'apprécie. Une réception encombrée avec un homme d'affaires enregistrant ses bagages. Américain à l'accent. La quarantaine élégante en costume, les cheveux poivre et sel, un regard qui s'attacha à mes bottes et le sourire qu'il me destina.

Il s'installa à quelque distance. Notre ballet silencieux se poursuivit alors même qu'une femme le rejoignit. La sienne ? Probablement pas. C'eût été manquer de classe et cet inconnu n'en était pas dépourvu.

J'enfilai mon blouson pour fumer une cigarette. Me voyant m'habiller, il me jeta un coup d'oeil interrogateur. Je répondis en levant la main qui tenait mon paquet. Il comprit que j'allais revenir. Que le jeu pourrait continuer. Que j'étais d'accord pour le mener plus loin.

Quant à la bannière qu'il me prêtait, je l'ignore. Ce lieu chic doit attirer des escortes en quête de clients désoeuvrés pour la nuit. Avec ma robe et mes hauts talons, j'aurais bien pu en être.

Lorsque nous partîmes, je m'absentai un instant. Et, par hasard, le croisai à nouveau devant la réception. Seul.

Sans hésiter je dis :

- Sorry, we're leaving.

Il me demanda si je logeais à l'hôtel. Ca et rien d'autre, pas même mon nom.

Le sien, je ne le connais pas. Ce qu'il m'a donné, c'est son numéro de chambre.

281, jusqu'à mardi.


 

 

Photos : Jerry Uelsman, Grey Villet.

Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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Dimanche 25 juillet 7 25 /07 /Juil 07:13

Chez moi 2Les provenances des visiteurs de mon blog peuvent être aussi incongrues que poétiques. Aussi ai-je trouvé à mon réveil une phrase magnifique, qui m'a touchée au coeur comme un message personnel, une ligne parfaitement confondue à la douce tristesse de ces deux derniers jours, en contrepoint de couture à cette matinée radieuse sous laquelle la nostalgie fond comme neige au soleil :


A l'aube du crépuscule, un corps va vivre en minuscule avec pour seule compagne une âme qui sommeille sans rêves.


J'ignore qui l'a écrite et, bien sûr, qui l'a tapée dans le moteur de recherche. Si cette personne revient et souhaite déposer ici un petit mot, cela me ferait grand plaisir.

Doux, violent, langoureux et passionné dimanche à tous.

 

 

Une découverte en équilibre, sur le fil du rasoir...

Tableau de Henry Wanton Jones.

Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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Lundi 29 mars 1 29 /03 /Mars 18:16

Scenes aeroportLes pays sont mes amants. J'en quitte un pour retrouver l'autre en me promettant de revenir vers celui que je délaisse. Dans un mois, un an, peu importe. Je sais que mes pas m'y ramèneront et qu'aussitôt, je me trouverai en terrain connu. Que des souvenirs que j'y ai déposés, souvent à mon insu, remonteront.
Une enseigne familière qui clignote, une devanture que je reconnais et voilà... Je suis presque chez moi. 

En attendant, je suis dans un entre-deux. A l'aéroport. Devant un comptoir d'enregistrement. Avec un chariot et trois sacs.
Le gros sac que ma combinaison de plongée, mes palmes, mon masque dans sa boîte et ma pharmacie suffisent presque à remplir. Bourrés dans les interstices, des chemises légères, des maillots de bain, quelques sarouels.

Déjà un mois que je m'habille pareil. Dans mes tenues, il n'y a guère que les couleurs qui changent. Et je me surprends, de plus en plus, à rêver de toutes ces jolies robes restées sur "mon" île.

Le petit sac, rempli à craquer lui aussi. Comme il me suit en cabine, j'y entrepose tout ce que je ne veux pas perdre. A lui seul il me permettrait de poursuivre mon voyage. De façon spartiate, certes, mais le compte honnête du nécessaire est finalement si peu...
Le sac en plastique, garni des provisions glanées la veille au supermarché. Je n'ai pu me résoudre à les jeter. Gaspiller la nourriture m'est toujours difficile, surtout dans cette zone pauvre du monde. Aussi ai-je ce soir une assurance : je mourrai peut-être dans un crash aérien, mais sûrement pas de faim.
Un regard au sac et je glousse.
Un concombre de taille respectable ballote au fond. Seule dans la queue, je le fourbis du doigt. L'écorche. Le malaxe. Lui dédie des usages à faire pâlir toutes les femmes voilées qui m'entourent.

A propos de queue, d'ailleurs, la mienne n'avance pas. J'ai comme d'habitude pris la mauvaise, celle à problèmes et récriminations, qui tarde au démarrage. En changer ne servirait à rien. Je sais d'expérience que les problèmes se déplacent avec moi, comme le nuage de pluie au-dessus des personnages de bande dessinée.
Il suffit que je bouge pour que la naguère coincée se fluidifie d'un coup.
Question transit, d'ailleurs, ça bouchonne un peu partout. A se demander si la moitié de la Malaisie ne déménage pas pour d'autres cieux.

 
demenagement-Simca.jpg

Devant moi, un gars à quatre pattes transfère le contenu d'un énorme sac dans de multiples pochettes en plastique. Il a dû vider ses placards parce que, surprise, il n'a que de la nourriture en sachets.

Je lui proposerais bien mon concombre mais je m'abstiens. Il pourrait mal le prendre.


A ma gauche on rivalise à coup d'écran plasma et d'ordinateurs emballés. Là, c'est la salle à manger qui a morflé. Ou la carte bleue parce que c'était les soldes.
A ma droite on ne rivalise pas. Il n'y a pas de file, juste un agrégat humain qui attend. Quoi au juste ?

 

Soudain, un choc sourd me perfore les talons. Je me retourne d'un bloc pour buter sur le sourire d'un employé de l'aéroport.

- Sorry, Ma'am. The line.

La ligne ? Quelle ligne ?

Puis je comprends. L'homme déplace un à un les chariots des passagers pour former une file impeccable. Roulettes contre roulettes, aucun centimètre ne doit se perdre, aucun côté dépasser. Il faut que ce soit droit. Carré. Ordonné avec une précision maniaque.

 

J'approuverais bien si tout autour, ce n'était pas un joyeux bordel d'enfants et de sacs jetés pêle-mêle, la foire d'empoigne de qui arrivera le premier au guichet.

Pour la peine, je vais après l'enregistrement fumer une cigarette. Dehors, avec mon petit sac et mon concombre, en compagnie d'un flic sous un grand panneau rouge : "Dilarang merokok" (Interdit de fumer).


A Manille, j'ai jeté le concombre dans une poubelle. L'importation de légumes étant interdite, je me voyais mal expliquer au douanier l'usage que je lui réservais.

Dommage, j'aurais pu le manger en salade. Ca m'aurait pour un soir changé du riz blanc.

 

Concombre en transit 3

Petite note : il semble que l'accès aux commentaires ait été en rade pendant un moment.

Aucune idée de la raison (overblog si tu m'entends !) mais le problème est apparemment résolu.

Alors, champagne et concombre pour tout le monde ! :)

Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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Samedi 20 février 6 20 /02 /Fév 18:59
Fatras 3Soixante-dix nuits dont quelques unes blanches, un petit millier de repas, des en-cas de quatre poulpes en brochettes piqués sur un petit bâton dégoulinant de sauce aux herbes, des dizaines de bains de mer et de splendides couchers de soleil.

U
ne paire de palmes roses, un masque au liseré rouge, un tuba jaune, une combinaison bleue, un énorme couteau avec ses deux straps, trois nouvelles certifications de plongée.

D
es centaines de cigarettes fumées parfois sans même en avoir envie, des dizaines de bouteilles de bière et de whisky, et le triple en bouteiles d'eau.

T
rois cicatrices sur l'épaule droite, deux yeux examinés à l'hôpital de Bangkok, six écorchures de corail aux genoux, une boule douloureuse au sein qui eut le bon goût de disparaître, dix orteils quatre fois vernis de pourpre, deux kilos en trop sur les fesses.

D
es milliers de pas sur la plage et la route, des heures de plongée, deux sessions de yoga, un entraînement de trapèze volant puis trois jours pour s'en remettre.

Q
uarante-deux films visionnés, trente et un livres lus, cinquante pages écrites du roman à venir, jetées pour cause de faux départs et recommencées jusqu'à sentir que là, oui, je tenais quelque chose.

Q
uatre pantalons et dix chemises multicolores, six maillots de bain, sur cinq serviettes achetées trois de perdues, deux paires de tongs, une d'espadrille, les chaussures à talons sont restées, à une exception près, dans le placard.

D
es heures à discuter avec quelques amis restés en Europe, un ami-amant, un ami qui s'invite pour partager du temps, des conversations, un ami qui vient alors que je vais partir.

U
ne maison de trois pièces, une femme et un homme dans la maison. Une et un qui s'apprécient, s'aiment de temps en temps, se disputent aussi. La dernière fois, pour trois heures de retard et moins une qu'il ne dorme dehors.

Ces nombres en fatras sont mes traces de vie d'ici, empreintes esquissées dans le sable qui s'effaceront à la marée.
Les compteurs se remettent bientôt à zéro. 
Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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Mercredi 17 février 3 17 /02 /Fév 16:14
DilutionFatigue. Coupure de courant. Noir complet. Pas de lampe de poche, pas de téléphone pour cause de batterie à plat, pas d'Ethan non plus. 
Attendre.  Une heure et demi enfermée dans la maison, à errer ordinateur allumé en main pour remplacer une torche absente, à me cogner contre tous les meubles.

Un, deux, trois passages pour finir roulée en boule sur le lit. Deuxième partie des Étreintes brisées d'Almodovar, sous-titrage anglais si calamiteux que je comprends mieux directement en espagnol.
Écouteurs enfoncés dans les oreilles, son au maximum pour couvrir les bips incessants criés par les ordinateurs.
On dirait une révolte d'objets décidés à gagner voix au chapitre. Je ferme toutes les portes comme je dresserais des barricades.

Vouloir remettre le courant en marche, ne pas savoir comment. Il ne reste que le noir, les bips qui égrènent leur colère en chuintements. Le beau visage de Pénélope Cruz et la périphérie de ma conscience encombrée de listes à dresser, de corvées à faire, de travaux à envoyer, de petites déceptions et d'angles à arrondir, de pensées sans importance. Et, flottant impérieuse par dessus ce magma, la fatigue qui effiloche ma plume, m'émousse, me grignote le cerveau.

Bruit de moto. Enfin Ethan revient et me libère du noir. Je reprends ma place sur la terrasse encombrée de livres, de dictionnaires, de cahiers d'anglais. Page après page s'y étale ce millier de mots martelés entre mes oreilles. Dévorée par les moustiques, rafraîchie par la brise du ventilateur, je songe au temps qui file.
Bientôt l'arrivée d'un ami. Bientôt le départ de mon île.
Mais avant, une bonne vraie nuit de sommeil. Sans cauchemars ni rêves tordus, sans bruits de chantier ni disputes des voisins.
Oui, une nuit de sommeil pleine comme un œuf et ça ira mieux demain. 
Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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Mercredi 3 février 3 03 /02 /Fév 10:21
ZenDepuis que je passe devant cette pancarte, je me persuade de tenter le coup, d'essayer au moins une fois pour me coucher moins bête.
Avec Jay, le frère d'Ethan qui fut de passage ici, on s'était dit qu'on testerait ensemble. Que ça nous ferait du bien. Enfin, surtout à moi vu l'énergie que j'ai à dépenser quand je me couche à une heure décente et me lève du bon pied.
Jay, il est du genre flegmatique ; moi, boule de nerfs.

On s'était dit aussi que ça nous plairait. Et que si non, pas grave. Nous aurions tout au plus perdu deux heures d'une journée et gagné une nouvelle expérience. Créé un souvenir commun à évoquer le soir autour d'un verre, voire d'un continent à l'autre par téléphone.
Jay est reparti sans qu'on en ait le temps. Charge à moi de le faire seule pour le lui raconter.  

Le yoga n'est a priori pas ma tasse de thé. Trop statique, trop lent, il me renvoie aussi à une lointaine portion de vie.
Fut un temps, je méditais. Passai même un juillet en sauvageonne dans un village en ruines. Pour se laver, l'eau glacée du puits ou de la rivière. Pour s'éclairer, des lampes à huile. Pour dormir, des matelas posés sur la poussière de la salle commune. La journée, notre groupe inspirait-expirait avant de reconstruire l'abbaye.
Cet empilage de pierres sèches, à mains nues en plein cagnard, me plaisait en métaphore. Je bâtissais en m'élevant à mesure des rangées de ciment. Ne fumais plus pour respirer mieux. M'abreuvais d'eau claire sans une goutte de whisky. Mangeais sain, plutôt frugal. Ni viande ni fromage, trop riches, gras, animaux, que des fruits ramassés sur les arbres, des carottes pelées dans le bon sens pour préserver leur énergie.
Il m'avait fait bien rire, le cours sur l'épluchage de la carotte. Dommage qu'on n'ait pas poursuivi avec la pomme de terre.

Juste avant l'arrivée dans cet autre monde, j'avais, dans les toilettes du train, troqué un tee-shirt bleu contre un noir. Échange souligné lors du séjour par notre "maître à penser", un petit homme maigrelet, demi-chauve mais doté d'une longue barbichette :
- À ton arrivée, tu étais négative. Le noir, ça dégage de mauvaises vibrations.
Ah bon ? J'avais ouvert des yeux en soucoupes. A fin de rester positive, devais-je également brûler ma chemise ? Ma culotte ? Mon soutien-gorge ?

Peut-être à cause de tout cela le yoga m'évoque-t-il la mouvance New Age. À tort plus qu'à raison, il est lié dans mon esprit au pelage de la carotte. Ou, en direct opposé, à une activité de femmes inactives, sillonnant les clubs de gym accrochées à leur tapis en mousse.
- Chéri ? J'ai eu macramé hier, ce soir c'est yoga.
Pourtant, le yoga, mon amie Anjely le pratique avec art et assiduité. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'inactive lui va comme une nuisette à une Charolaise.
Je me rappelle encore sa venue à Paris pour un stage (de yoga, bien sûr). Nous avions décidé de dîner au restaurant de l'école, un centre de danse réputé. J'en franchis la porte cochère à la nuit noire. Des formes imprécises s'agitaient dans la cour. Une, lumineuse dans l'obscurité, attira mon regard. Elle me fit signe et j'approchai, fascinée.
C'était Anjely, mais une Anjely que je n'avais jamais vue. De joli, son visage était devenu sublime, éclairé de l'intérieur par une multitude de flammèches. Ses yeux étincelaient aussi, diamants chocolat brillant sur sa peau pâle. Anjely, consumée de l'intérieur par un feu paisible, semblait concentrer la lumière afin de la restituer.
J'eus envie d'avancer la main pour la toucher. M'abstins, retenue par la stupide crainte de me brûler.
- Tu es... magnifique, balbutiai-je.
- C'est le yoga.
Le yoga, soit. Hormis la plongée qui est un sport de feignant (quoique...), mes passions furent comme mes amours, échevelées, impétueuses, violentes.

Zen 3L'équitation, d'abord, ses souvenirs de chevauchées à perdre le souffle, de galops à cru dans les prés, mains enroulées de poignées de crins, jambes chevillées à ma monture. Son cœur battant entre mes talons, le mien cognant au rythme de ses sabots.
Vite, toujours plus vite, ivre de vent, de liberté, de sueur et d'espace, hurlant follement au ciel un cri d'unisson. Je suis, nous sommes cette vitesse, ce vert d'herbe tendre, ce bleu d'azur et de nuages, ces arbres qui défilent, cette terre fouaillée de quatre fers, cette encolure perlée d'efforts, cette odeur âcre et ce bout de lande qui vient vite, trop vite.

Si je tombe maintenant, je me tue.
Et j'étreignais la crinière à m'en écorcher les doigts, hurlait à m'en arracher la gorge pour mieux repartir dans l'autre sens. Ivre toujours mais n'ayant pas bu le calice jusqu'au tanin, ivre de soif, de renverser la coupe, la faire déborder d'entre mes lèvres, couler sur ma poitrine. Sauvage, haletante, enfin réunie.
La chevauchée terminée, je glissais à terre les jambes molles, m'appuyais tremblante sur le flanc de mon cheval, le caressant et lui murmurant les mots réservés à l'être aimé.
"Mon beau, mon doux, mon tendre, mon roi..."
Puis, osant un regard tendre de cils à cils, susurrai soudain effrontée, comme réjouie d'une bonne blague :
"Toi et moi... On s'est bien amusés, pas vrai ?" 

Un sport de combat, ensuite, ses souvenirs de remugles de vestiaires en préludes au combat. Cet agacement à voir les garçons se détourner sous prétexte que je n'étais qu'une fille, donc un être moins fort à ménager.
- Mais frappe, bordel ! Je suis pas là pour tricoter !
Ma place gagnée, ces souvenirs durs de coups donnés et reçus. Mes paumes bleues d'uppercuts décochés par un partenaire trop zélé. Cet impact qui, abîmant mes yeux, me fit voir des chandelles. Elles défilèrent longtemps devant mes rétines, voilant le monde d'une pluie de lumières.
Plus tard, ce garçon qui abandonna la lutte, bras levés en signe de reddition, cédant place à un autre adversaire. Il était si gros, si fort que mes gants de boxe s'enfonçaient dans sa chair avec un bruit mat de cuir dans un sac de sable.

Debout, ma petite taille me désavantageait. Je préférais me battre à même le ciment. Mon partenaire de hasard et moi y roulâmes un jour, emmêlés en une coïtale parodie d'Andromaque. Le dominant et affermissant ma prise contre ses cotes, je fis mine de lui taper le crâne contre le sol. Pour les coups dangereux nous faisions semblant, ombres de combattants en décalques de nous-mêmes.
- Encore, vas-y, oui... m'encouragea-t-il dans un souffle.
Autour de nous les autres s'attroupaient, voyeurs d'une défaite ou d'une victoire, spectateurs de ces noces de chair et de sueur. J'esquissai un geste vers ses yeux, arrêtant mes ongles au bord de ses paupières.
- Oui, oui, c'est bon, très bon, ça... Continue... râla-t-il au bord de l'extase.
Un coup de sifflet décapita notre plaisir.
La séance était terminée.
Tels deux amants gênés après leur première nuit nous nous saluâmes gauchement.
- Merci, me glissa-t-il à l'oreille.
- Merci à toi, répondis-je en joignant les mains contre la poitrine.
C'était sincère. Ce jour-là je compris qu'il n'est nul beau combat sans bon adversaire. Que la beauté de la lutte tient à l'égalité des forces.

Zen 2Je dus stopper ce sport suite à un problème de cheville. Il n'arriva même pas à l'entraînement, mais connement comme nombre d'accidents. Une copine m'attendait au cinéma. En retard, je courus pour la rejoindre et m'emmêlai les pieds dans mes talons hauts.
Il y eut un crac, une fouleur fulgurante, mon corps soudain plié s'accrochant à une poubelle où je vomis mes tripes.
L'année d'après je voulus reprendre mais j'étais trop faible.
Le corps avait lâché. Le mental aussi, sans doute.

Demain, donc, yoga. Expérience, souffle, musique douce et plénitude. Alors que j'écris, des clameurs s'élèvent du stade de boxe tout proche. La voix du commentateur parle une langue que je n'ai pas besoin de comprendre, tant elle est universelle. Et soudain le goût du combat me manque comme un corps-à-corps perdu.

Pas grave. Je vais mettre de l'encens sur la terrasse. Manger une salade au poulet. Regarder un film. Dormir pour clore le théâtre des affrontements.
Zen, on a dit.
Demain, c'est yoga. Y a Jay qui attend le débriefing. Je voudrais pas le décevoir.
Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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