Les soirées, je les passe désormais chez moi à écrire ou raccrocher les wagons pour le travail.
J'en oublie presque qu'il y a des gens dehors, des cafés, des restaus. Le planning de mes sorties se réduit à l'essentiel : des incursions au supermarché pour remplir le frigo. J'achète des plats surgelés que je grignote devant mon écran ; des plateaux de sushis que je mange avec les doigts, en collant du riz gluant sur la souris ; des gâteaux que j'engloutis en transformant mon clavier en champ de miettes.
L'écriture et ce blog, ou plus justement l'écriture de ce blog, me hantent.
Je réfléchis aux thèmes que j'aimerais y développer. À la meilleure façon de les aborder. Je les note sur des feuilles volantes que je ne retrouve pas. Pas grave, mon inspiration se déjoue de mes listes : chaque jour, un sujet s'impose sans que je l'aie choisi. C'est lui qu'il me faut séance tenante convertir en mots. Si j'y coupe, je me sens frustrée.
J'ai la chance énorme d'être avec quelqu'un qui comprend mes obsessions ; qui les subit sans s'en plaindre et pousse l'abnégation jusqu'à les encourager. Parce qu'il veut que je m'épanouisse, bien sûr. Mais aussi parce qu'il sait à quel point l'écriture est vitale pour moi, à quel point j'ai usé de ruses pour la contourner et toujours y revenir, mais sans conclure. Pour avoir les moyens de mes ambitions, la ténacité me manquait autant que les mots.
Mais dimanche soir, ras-le-bol. L'heure de la relâche avait sonné, celle du bon temps était arrivée. J'avais trop envie d'une soirée à deux, tranquille, reposante, agréable. Un thé bien chaud, un film, divertissant... et pourquoi pas le reste ?
Au début, nos retrouvailles se sont déroulées comme prévu. Le thé était bon, le film (The Dish) loin d'être mauvais. La situation s'est gâtée au moment de notre dernière cigarette, quand j'ai eu la mauvaise idée de relever mes mails.
Un message pas très plaisant m'attendait. Aussitôt, ma pression artérielle est montée en flèche.
La nuit portant conseil, j'ai décidé de remettre ma réponse au lendemain.
Nous sommes allés nous coucher. Lovés l'un contre l'autre, puis l'un sur l'autre, en amoureux.
Je fermais les yeux pour mieux goûter le moment. Rien à faire, je me sentais mal. Les phrases du mails dansaient la farandole sous mes paupières.
Je les chassais, agacée. Elles revenaient s'inscruster.
Je leur ordonnais de se tirer vite fait bien fait. Elles s'installaient en camp retranché.
À un moment critique, j'ai craqué. Me suis brusquement dressée sur le sommier. Ai repoussé chéri et couette dans un geste brutal, en lançant :
- Désolée, j'ai un mail à envoyer.
C'est sorti tout seul. Air effaré de mon ami et triple idiote que je suis.
Impossible de rattraper la bourde. Ce mail, je devais à présent l'écrire et le poster, sous peine de simuler ou de ne pas dormir.
En dix minutes, il fut rédigé. Je retournai au lit apaisée. Repris les choses au point où nous les avions laissées. Enfin presque. Car en pleine action, je ne sais quelle mouche est venue me piquer pour me changer en furie.
Sans préavis, j'ai mordu mon ami au sang ; lui ai enfoncé mes ongles dans les flancs et collé une magistrale fessée.
Douche froide assurée pour tout homme non préparé. Ce fut la débandade sur fond d'égalité restaurée : un partout pour ruiner la fête.
Finalement, les histoires de migraine, c'est dépassé. Grâce à Internet, les filles en mal d'excuse (ce que je n'étais pas ce soir-là, attention) disposent d'une toute trouvée :
- Chéri ? Désolée, j'ai un mail à envoyer.
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