Jeudi 3 janvier
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Comme nombre de gens, j'ai plusieurs adresses mails.
L'une, ancienne, avec mon nom et prénom, me servait surtout pour le travail.
L'autre, plus récente, pour les amis, les connaissances... et tous ceux auxquels je n'avais pas envie de communiquer ma véritable identité.
La ligne de partage était claire et mon affaire roulait : une place pour chaque mail, chaque mail à sa place. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes virtuels... jusqu'à l'été
dernier.
Ce fut d'abord un grain de sable intitulé Viagra. Il avait dû ricocher sur un caillou pour atterrir dans ma boîte. Je me suis étonnée sans m'inquiéter. L'ai supprimé sans le lire ni
oublier de ricaner :
- Hin hin, bien essayé ! Tu pensais ptêtre m'avoir comme ça ?
Le lendemain, le grain s'était dédoublé. Le surlendemain, démultiplié.
Au bout d'une semaine, à force de tomber avec une régularité de métronome, il avait
transformé ma messagerie en plage déserte : la petite pilule aussi bleue que les flots y
avait planté son parasol et déplié son transat. Et pour mieux occuper le terrain, elle avait sournoisement changé de maillot. Mais à mes yeux excédés, vilagra, V*agra, c'était
blanc bonnet (de bain) et bonnet blanc (de bain, toujours).
Quel que soit le nom, je m'en cognais tout pareil. Non, je n'ai pas de pénis. De verge à surdimensionner. De femme à contenter.
Rien à faire élargir, même pas mes idées.
Et toc.
N'empêche qu'à force, ma boîte avait pris des allures de décharge publique (ce qui, pour un médoc luttant contre l'érection molle, peut être considéré comme un gage de
succès).
Les messages intrus y fleurissaient comme des fleurs de pavé. Je les arrachais une à
une, mais obstinées, toujours elles repoussaient. J'oubliais un jour de séparer le bon grain de l'ivraie ? J'en avais pour des heures à remettre mes plate-bandes d'équerre. Étouffés par la
luxuriance de la jungle publicitaire, mes mails de boulot dépérissaient. Si j'en crois les coups de fil impatientés, la machette vengeresse de ma souris a même dû en décapiter
quelques-uns.
Je croyais être au bout de mes peines, je me trompais. Après le v**gra ont rappliqué les replica. Les Re:, Hi ! et Good news émanant de parfaits inconnus au
bataillon.
De guerre lasse, j'ai fini par transvaser ma boîte pro sur ma boîte perso. Elle, au moins, est dotée d'un anti-spams qui ne se
confond pas avec une passoire.
Monde mercantile, je n'aurai que trois lettres à ton endroit : STM (Spam Ta Mère).
À l'envers et dans le privé, je les préfère sans T...
Par Chut !
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Publié dans : Au jour le jour
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