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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Mercredi 3 février 3 03 /02 /Fév 10:21
ZenDepuis que je passe devant cette pancarte, je me persuade de tenter le coup, d'essayer au moins une fois pour me coucher moins bête.
Avec Jay, le frère d'Ethan qui fut de passage ici, on s'était dit qu'on testerait ensemble. Que ça nous ferait du bien. Enfin, surtout à moi vu l'énergie que j'ai à dépenser quand je me couche à une heure décente et me lève du bon pied.
Jay, il est du genre flegmatique ; moi, boule de nerfs.

On s'était dit aussi que ça nous plairait. Et que si non, pas grave. Nous aurions tout au plus perdu deux heures d'une journée et gagné une nouvelle expérience. Créé un souvenir commun à évoquer le soir autour d'un verre, voire d'un continent à l'autre par téléphone.
Jay est reparti sans qu'on en ait le temps. Charge à moi de le faire seule pour le lui raconter.  

Le yoga n'est a priori pas ma tasse de thé. Trop statique, trop lent, il me renvoie aussi à une lointaine portion de vie.
Fut un temps, je méditais. Passai même un juillet en sauvageonne dans un village en ruines. Pour se laver, l'eau glacée du puits ou de la rivière. Pour s'éclairer, des lampes à huile. Pour dormir, des matelas posés sur la poussière de la salle commune. La journée, notre groupe inspirait-expirait avant de reconstruire l'abbaye.
Cet empilage de pierres sèches, à mains nues en plein cagnard, me plaisait en métaphore. Je bâtissais en m'élevant à mesure des rangées de ciment. Ne fumais plus pour respirer mieux. M'abreuvais d'eau claire sans une goutte de whisky. Mangeais sain, plutôt frugal. Ni viande ni fromage, trop riches, gras, animaux, que des fruits ramassés sur les arbres, des carottes pelées dans le bon sens pour préserver leur énergie.
Il m'avait fait bien rire, le cours sur l'épluchage de la carotte. Dommage qu'on n'ait pas poursuivi avec la pomme de terre.

Juste avant l'arrivée dans cet autre monde, j'avais, dans les toilettes du train, troqué un tee-shirt bleu contre un noir. Échange souligné lors du séjour par notre "maître à penser", un petit homme maigrelet, demi-chauve mais doté d'une longue barbichette :
- À ton arrivée, tu étais négative. Le noir, ça dégage de mauvaises vibrations.
Ah bon ? J'avais ouvert des yeux en soucoupes. A fin de rester positive, devais-je également brûler ma chemise ? Ma culotte ? Mon soutien-gorge ?

Peut-être à cause de tout cela le yoga m'évoque-t-il la mouvance New Age. À tort plus qu'à raison, il est lié dans mon esprit au pelage de la carotte. Ou, en direct opposé, à une activité de femmes inactives, sillonnant les clubs de gym accrochées à leur tapis en mousse.
- Chéri ? J'ai eu macramé hier, ce soir c'est yoga.
Pourtant, le yoga, mon amie Anjely le pratique avec art et assiduité. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'inactive lui va comme une nuisette à une Charolaise.
Je me rappelle encore sa venue à Paris pour un stage (de yoga, bien sûr). Nous avions décidé de dîner au restaurant de l'école, un centre de danse réputé. J'en franchis la porte cochère à la nuit noire. Des formes imprécises s'agitaient dans la cour. Une, lumineuse dans l'obscurité, attira mon regard. Elle me fit signe et j'approchai, fascinée.
C'était Anjely, mais une Anjely que je n'avais jamais vue. De joli, son visage était devenu sublime, éclairé de l'intérieur par une multitude de flammèches. Ses yeux étincelaient aussi, diamants chocolat brillant sur sa peau pâle. Anjely, consumée de l'intérieur par un feu paisible, semblait concentrer la lumière afin de la restituer.
J'eus envie d'avancer la main pour la toucher. M'abstins, retenue par la stupide crainte de me brûler.
- Tu es... magnifique, balbutiai-je.
- C'est le yoga.
Le yoga, soit. Hormis la plongée qui est un sport de feignant (quoique...), mes passions furent comme mes amours, échevelées, impétueuses, violentes.

Zen 3L'équitation, d'abord, ses souvenirs de chevauchées à perdre le souffle, de galops à cru dans les prés, mains enroulées de poignées de crins, jambes chevillées à ma monture. Son cœur battant entre mes talons, le mien cognant au rythme de ses sabots.
Vite, toujours plus vite, ivre de vent, de liberté, de sueur et d'espace, hurlant follement au ciel un cri d'unisson. Je suis, nous sommes cette vitesse, ce vert d'herbe tendre, ce bleu d'azur et de nuages, ces arbres qui défilent, cette terre fouaillée de quatre fers, cette encolure perlée d'efforts, cette odeur âcre et ce bout de lande qui vient vite, trop vite.

Si je tombe maintenant, je me tue.
Et j'étreignais la crinière à m'en écorcher les doigts, hurlait à m'en arracher la gorge pour mieux repartir dans l'autre sens. Ivre toujours mais n'ayant pas bu le calice jusqu'au tanin, ivre de soif, de renverser la coupe, la faire déborder d'entre mes lèvres, couler sur ma poitrine. Sauvage, haletante, enfin réunie.
La chevauchée terminée, je glissais à terre les jambes molles, m'appuyais tremblante sur le flanc de mon cheval, le caressant et lui murmurant les mots réservés à l'être aimé.
"Mon beau, mon doux, mon tendre, mon roi..."
Puis, osant un regard tendre de cils à cils, susurrai soudain effrontée, comme réjouie d'une bonne blague :
"Toi et moi... On s'est bien amusés, pas vrai ?" 

Un sport de combat, ensuite, ses souvenirs de remugles de vestiaires en préludes au combat. Cet agacement à voir les garçons se détourner sous prétexte que je n'étais qu'une fille, donc un être moins fort à ménager.
- Mais frappe, bordel ! Je suis pas là pour tricoter !
Ma place gagnée, ces souvenirs durs de coups donnés et reçus. Mes paumes bleues d'uppercuts décochés par un partenaire trop zélé. Cet impact qui, abîmant mes yeux, me fit voir des chandelles. Elles défilèrent longtemps devant mes rétines, voilant le monde d'une pluie de lumières.
Plus tard, ce garçon qui abandonna la lutte, bras levés en signe de reddition, cédant place à un autre adversaire. Il était si gros, si fort que mes gants de boxe s'enfonçaient dans sa chair avec un bruit mat de cuir dans un sac de sable.

Debout, ma petite taille me désavantageait. Je préférais me battre à même le ciment. Mon partenaire de hasard et moi y roulâmes un jour, emmêlés en une coïtale parodie d'Andromaque. Le dominant et affermissant ma prise contre ses cotes, je fis mine de lui taper le crâne contre le sol. Pour les coups dangereux nous faisions semblant, ombres de combattants en décalques de nous-mêmes.
- Encore, vas-y, oui... m'encouragea-t-il dans un souffle.
Autour de nous les autres s'attroupaient, voyeurs d'une défaite ou d'une victoire, spectateurs de ces noces de chair et de sueur. J'esquissai un geste vers ses yeux, arrêtant mes ongles au bord de ses paupières.
- Oui, oui, c'est bon, très bon, ça... Continue... râla-t-il au bord de l'extase.
Un coup de sifflet décapita notre plaisir.
La séance était terminée.
Tels deux amants gênés après leur première nuit nous nous saluâmes gauchement.
- Merci, me glissa-t-il à l'oreille.
- Merci à toi, répondis-je en joignant les mains contre la poitrine.
C'était sincère. Ce jour-là je compris qu'il n'est nul beau combat sans bon adversaire. Que la beauté de la lutte tient à l'égalité des forces.

Zen 2Je dus stopper ce sport suite à un problème de cheville. Il n'arriva même pas à l'entraînement, mais connement comme nombre d'accidents. Une copine m'attendait au cinéma. En retard, je courus pour la rejoindre et m'emmêlai les pieds dans mes talons hauts.
Il y eut un crac, une fouleur fulgurante, mon corps soudain plié s'accrochant à une poubelle où je vomis mes tripes.
L'année d'après je voulus reprendre mais j'étais trop faible.
Le corps avait lâché. Le mental aussi, sans doute.

Demain, donc, yoga. Expérience, souffle, musique douce et plénitude. Alors que j'écris, des clameurs s'élèvent du stade de boxe tout proche. La voix du commentateur parle une langue que je n'ai pas besoin de comprendre, tant elle est universelle. Et soudain le goût du combat me manque comme un corps-à-corps perdu.

Pas grave. Je vais mettre de l'encens sur la terrasse. Manger une salade au poulet. Regarder un film. Dormir pour clore le théâtre des affrontements.
Zen, on a dit.
Demain, c'est yoga. Y a Jay qui attend le débriefing. Je voudrais pas le décevoir.
Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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