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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Dimanche 13 mars 7 13 /03 /Mars 22:33

L'année en plusUn mouton, deux moutons...

Un troupeau, deux troupeaux...

Les chiffres se perdent entre les draps.

Les milieux de nuit sont lents parmi les objets pétrifiés. Sur la table basse, l'ordinateur ronronne en sourdine. Dans le couloir, des cartons de plus en plus nombreux s'empilent. Vestiges d'une vie emplie de souvenirs un à un trié, emballé, rangé, patient travail accompli seule au cours de trop nombreux après-midis.


Trois heures du matin.

Impossible de dormir malgré la fatigue, et cette évidence qui revient en boucle comme le décompte des moutons : il n'y a plus rien pour moi ici. Juste quelques voix amies qui me soufflent que ça va aller, tel un entraîneur qui regarderait depuis la berge un nageur s'épuiser.

J'ai hâte de prendre mon envol. Mais pour l'instant, j'ai les ailes sciées sous une migraine de plomb. Et il faut, encore, traverser la nuit, la tuer en repoussant les idées sombres, celles qui ne mènent nulle part hormis dans les impasses.

Et se lever le lendemain.

Et recommencer le défilé des tâches ingrates, des coups de fil ennuyeux, des démarches fastidieuses, des listes qui jamais ne se ferment. Y barrer deux lignes, c'est trop souvent en ajouter trois.


A distance, tout avait l'air facile. Rapide. Sur place, ça ne l'est pas. Du tout.

La rigueur d'un hiver trop long m'accable. Je grelotte. Tout le temps, malgré les couches de vêtements. Mes mains, mes pieds sont gelés, et lentement, le froid gagne mon cerveau.

La torpeur m'envahit. L'ennui me dévore. La pesanteur me rattrape, bouillie gluante dans laquelle je piétine, vautrée, inefficace, épuisée par ces heures insipides.

Il n'y a plus rien pour moi ici.

J'appartiens au sable, à la mer, pas à cette étendue de bitume ni à ce ciel vitrifié.

J'appartiens au voyage, pas à cette étouffante vie sédentaire.

Les yeux au plafond, je rêve de soleil sur ma peau nue, de plats-bords de bateaux baignés d'écume, d'horizons lumineux et d'immersions en apesanteur.

En quittant la France, je ne nourrissais déjà aucun doute. Mais si jamais il m'en était resté quelques-uns, ce séjour parisien les aurait balayés.

Ici je suis une étrangère. Au paysage, au climat, au mode de vie. A moi-même aussi. Coupée de ce qui me nourrit, séparée du suc, du sel, de la sève de ma vie, je m'étiole. Semaine après semaine, Ether s'en est aperçue. De l'effervescence joyeuse des premiers jours ne restent que de rares éclaircies, trouées lumineuses perforant le brouillard.

Mon retour s'est écrit sous le signe de la rupture. Avec un homme aimé sous le soleil. Avec mon père. Avec une amie d'adolescence. Eloignements nécessaires, cassures annoncées en germe depuis des mois.

"Nettoyages salutaires", dirait Bertille.

Au passé tourner le dos pour mieux profiter du futur. Alors, en transit à Paris, je dépoussière et je liquide. Mes histoires en branches mortes. Mes affaires. Mon appartement. Partie jadis avec vingt kilos, je partirai cette fois à vide, laissant quarante cartons dans mon sillage.

 

EclairciesPuis, de temps à autre, la légèreté qui s'invite.

Cette nuit-là, je ne dormais pas. Pierrig non plus, car c'était pour lui le milieu de l'après-midi. Douze heures de décalage sur le point le plus éloigné du globe et son visage sur mon écran. Encore plus bronzé qu'à Chiang Mai, avec deux taches encore plus azurées à la place des iris. Souriant, lumineux, solaire, une vraie publicité pour papier glacé européen.

Pierrig était en tee-shirt sur la terrasse d'une grande maison. Moi, en pull sous la couette. Nous parlions de notre future rencontre dans un nouveau pays.

Laos, Malaisie, deux fois de suite la Thaïlande... Après mes refus pour Singapour et les Philippines, nous avions enfreint la règle fantaisiste de nos retrouvailles nomades : un rendez-vous, un pays.

 Du fond de mon lit parisien, j'étais heureuse de me projeter loin, après, sur une plage, avec cet homme entre mes bras, cet homme qui me reprenait tandis que ma main s'égarait sous mon pull pour dévoiler mon cou, qui riait à la vue de quelques joujoux très privés à glisser dans mon sac.


Peu importait que ce projet de voyage aboutisse ou non. Il était à ce moment-là ma fenêtre ouverte sur un ailleurs, une promesse de plaisir et de découverte.

Dissoute,  la tristesse de Bangkok.

 Evaporées, les questions qui embrumaient alors ma tête.

Du lien avec Pierrig ne subsistait de mon côté que le meilleur : une attirance réciproque, une connivence sincère et amusée, une amitié franche à la lisière d'autres sentiments plus troubles, mais que ces sentiments ne troublaient plus.

Dans la constellation de mes hommes, celui-ci avait trouvé sa place, telle une pièce de puzzle parfaitement emboîtée.

Nous raccrochâmes. Je dormis d'une traite jusqu'au matin.

 

Ce soir-là avait pour cadre le bar d'un grand hôtel. Une tablée réunissant des personnes que j'apprécie. Une réception encombrée avec un homme d'affaires enregistrant ses bagages. Américain à l'accent. La quarantaine élégante en costume, les cheveux poivre et sel, un regard qui s'attacha à mes bottes et le sourire qu'il me destina.

Il s'installa à quelque distance. Notre ballet silencieux se poursuivit alors même qu'une femme le rejoignit. La sienne ? Probablement pas. C'eût été manquer de classe et cet inconnu n'en était pas dépourvu.

J'enfilai mon blouson pour fumer une cigarette. Me voyant m'habiller, il me jeta un coup d'oeil interrogateur. Je répondis en levant la main qui tenait mon paquet. Il comprit que j'allais revenir. Que le jeu pourrait continuer. Que j'étais d'accord pour le mener plus loin.

Quant à la bannière qu'il me prêtait, je l'ignore. Ce lieu chic doit attirer des escortes en quête de clients désoeuvrés pour la nuit. Avec ma robe et mes hauts talons, j'aurais bien pu en être.

Lorsque nous partîmes, je m'absentai un instant. Et, par hasard, le croisai à nouveau devant la réception. Seul.

Sans hésiter je dis :

- Sorry, we're leaving.

Il me demanda si je logeais à l'hôtel. Ca et rien d'autre, pas même mon nom.

Le sien, je ne le connais pas. Ce qu'il m'a donné, c'est son numéro de chambre.

281, jusqu'à mardi.


 

 

Photos : Jerry Uelsman, Grey Villet.

Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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Commentaires

(Une petite absence pour cause de denghe qui, bien que pas trop sévère, m'a interrompu au moment où j'allais commettre sur Chambre avec vue).

Bien vu d'ailleurs l'enchaînement des deux billets : la ballade avec Mingus -effraction- dans le tableau "vivant" d'un lieu d'enfance, un extérieur qu'il livre donc comme un accès à de l'intime ; puis l'amour lutte en un lieu clos dans Chambre dont le "avec vue" évoque, à priori, une échappée, un envol possible après une jouissance partagée.

Or justement, Elle ferme l'accès à ce partage. Elle le laisse "partir" -jouir- seul. Elle ne "vient" pas. Volontairement. Elle a gardé le contrôle. En somme, elle l'a déjà quitté avant qu'il sorte. Une façon de (se) prouver son pouvoir, comme tu le dis dans ton échange avec Coldbear, sur ses propres choix. La scène de domination n'en prend que plus de force, car même placée sous le signe d'un jeu dont l'extrème réside avant tout dans la confiance, toute attachée qu'elle soit, elle n'en devient que plus libre. Sa vue, dans cette chambre, a le regard clair.

Il fallait cela, percer l'opacité de la vitre, ce brouillard contenu dans sa propre épaisseur, la débrouiller donc, pour qu'à nouveau la fenêtre puisse être ouverte sans crainte. Eclaircies sur brouillard. Et là, une nouvelle pièce du puzzle a trouvé sa place.

Pièce, ce mot aussi pour chambre, et fenêtre comme un tableau que l'on ouvre, ou qu'on ferme pour faire écran, lequel on allume ou on éteint, libre de jouer la pièce qu'on veut. Tout va bien, dormons un peu, on verra bien demain ce que la chambre 219 nous réserve.

 

commentaire n° :1 posté par : Slevtar le: 14/03/2011 à 15h59

Arf, la dengue... J'espère vraiment que tu vas mieux. Même s'il ne s'agit pas de la forme sévère (je pense à l'hémorragique...), ce virus épuise !

Si je ne devais en juger qu'au style, tu as l'air en forme. :) Très bien vu, car je n'avais pas pensé à l'enchaînement des textes et à sa possible signification. Comme quoi l'inconscient fonctionne à plein dans les choix d'écriture de ces billets en mosaïque.

Pas de suite pour la chambre de cet hôtel de luxe... Joueuse jusqu'au bout, j'ai rappelé, mais aucune réponse. Aléas de nos emplois du temps ou envol de l'oiseau. Cette anecdote restera dans la boîte à souvenirs... et sur le blog, bien sûr.

 

En te souhaitant un rapide rétablissement (les sels de réhydratation fonctionnent très bien, j'en avais consommé pas mal à l'époque).

Des bises hivernales.

réponse de : Chut ! le: 17/03/2011 à 17h35

Et la suite?

Je passais, je repasserai, j'ai lu trop peu de choses de votre part.

Accent Grave

commentaire n° :2 posté par : Accent Grave le: 17/03/2011 à 14h22

Bienvenue, Accent Grave. Revenez quand vous le souhaitez, c'est un plaisir de vous accueillir entre ces pages !

Il n'y aura (hélas ?) pas de suite... Je n'ai pas pu revoir le monsieur. La réalité est souvent plus déceptive que le f(r)iction.

A très vite !

réponse de : Chut ! le: 17/03/2011 à 17h36

Te rends-tu compte que tu as franchi une sacrée frontière? Tu PENSES en anglais maintenant! Ai-je besoin de te donner l'indice?

commentaire n° :3 posté par : Ordalie le: 18/03/2011 à 04h52

Oui, je veux bien ! J'ai relu le texte en cherchant une tournure anglaise ou un mot qu'on utilise à présent en l'empruntant à l'anglais, avec le sens qu'il a dans cette langue (se sentir confortable, visiter un ami...). Pas trouvé. Je dois trop penser en anglais ! :)

 

Ah, petite anecdote : à force de côtoyer essentiellement des anglophones, de ne parler qu'anglais (te d'avoir été formée au niveau pro de plongée dans cette langue - mon choix, parfois durement payé : la cynétique des gaz en langue de Shakespeare, je m'en souviens encore !), c'est cette langue qui me vient le plus naturellement. Mon niveau a de fait bondi entre mon départ et mon retour en Europe. Et un jour, j'asticotais Ethan en lui disant :

"Tu vas regretter mes progrès... Maintenant que j'accède à l'humour en langue étrangère, je peux t'emmerder toute la journée". :)

réponse de : Chut ! le: 18/03/2011 à 18h32

As-tu besoin que la 219 existe pour écrire sur ce qu'il s'y passerait / passera ?

Es-tu rebelle à la fiction ? Où penses-tu que la réalité soit toujours "supérieure" ?

commentaire n° :4 posté par : COLDBEAR le: 18/03/2011 à 13h17

Rebelle à la fiction ? Non, pas du tout ! Mais là, je ne saurais pas exactement quelle histoire écrire : celle d'une courtisane ou d'un "simple" one night stand. Le point de vue changerait toute la perspective du récit...

La réalité est à mon sens bien inférieure à la fiction. Cette dernière est arrangée, quand elle n'est pas fabriquée de toutes pièces - ce qui est a priori sa définition, mais c'est en fait bien plus complexe : ce blog est une transcription du réel, au sens où j'y raconte ce que je vis. Mais il est aussi arrangé : lors de la rédaction, j'omets des passages sans grand intérêt, recentre le récit sur tel ou tel point qui m'a semblé signifiant ou digne d'intérêt, livre des analyses, réflexions dont certaines pensées après coup... C'est de la réalité, oui, mais passée par un tamis. On s'approche en ce sens de la fiction.

 

Pour moi, la mise en écriture du réel suppose prendre un certain recul (un recul certain) vis-à-vis de celui-ci. C'est cette distance qui permet autre chose qu'une retranscription brute et, bonus, me pousse à réfléchir sur ma propre vie, mes choix, mes histoires : je n'en suis pas que l'actrice, mais aussi la conteuse. C'est une position quelque peu différente.

réponse de : Chut ! le: 18/03/2011 à 18h25

"La réalité est souvent plus déceptive que la f(r)iction.": pas deceptive mais décevante ;-)) 

commentaire n° :5 posté par : Ordalie le: 19/03/2011 à 08h44

Et moi qui cherchais dans le texte ! Ha ha !

"Déceptif" était un mot employé par un de anciens profs de fac, pour exprimer un mélange de déception et de tromperie. Je viens de vérifier : il n'existe pas !

Faux ami. :)

Merci Ordalie.

réponse de : Chut ! le: 19/03/2011 à 12h25

Pas de billet depuis plus d'un mois! Et si tu donnais de tes nouvelles au moins?

commentaire n° :6 posté par : Ordalie le: 01/05/2011 à 20h38

Mail-mail. :)

réponse de : Chut ! le: 05/05/2011 à 13h31

Bonjour,

je me présente, je m'appelle Camille, je suis journaliste chez 909 production. Je recherche un ou plusieurs couples libertins qui assument et pourraient témoigner librement de leurs expériences pour un reportage. Le but serait de lever les tabous et les a priori en faisant mieux connaitre ces pratiques. Pourriez-vous nous aider à trouver ces personnes ou bien seriez-vous vous même intéressé ?

Vous pouvez me contacter au 01 .53.19.81.90 ou à l’adresse mail camille.909prod@gmail.com

Cordialement

Camille Cariou
Journaliste
commentaire n° :7 posté par : Came le: 09/06/2011 à 15h13

Bonjour Camille,

merci, mais je ne suis pas intéressée - sans compter que j'habite bien trop loin et ne me définirais pas comme libertine.

Je ne doute cependant pas que vous trouverez. Vu le messages de vos messages postés sur différents blogs, l'inverse serait étonnant. :)

 

Cordialement aussi !

réponse de : Chut ! le: 12/06/2011 à 14h46
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