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En lisant en écrivant

De la relativité de l'amour

 

/David a laissé/ un Post It où il y avait mes numéros de téléphone et une citation :

La littérature nous prouve tous les jours que la vie ne suffit pas.

Ou le contraire ?

J'ai bu un mauvais Nescafé dans son jardin de curé, les coudes sur une table en plastique blanc de camping ; c'est difficile de boire quand on ne peut cesser de soupirer.

Au sortir d'une nuit d'amour comme celle-là - et, malgré mon passé fastueux, des nuits comme celle qui venait de s'écouler je n'en avais pas tellement eu -, on a la sensation de ne plus être maître de soi, de ses lèvres, de ses mains, jusqu'à la respiration qui semble ne plus vous appartenir.

On s'est tellement mêlés, on a si prodigieusement été l'un l'outil du plaisir de l'autre, que reprendre son corps en main semble insensé.

 

Les premiers mots qui suivirent la nuit où on est non seulement tombés amoureux, mais littéralement tombés l'un dans l'autre, ont une singulière saveur de vérité. Plus qu'on ne le voudrait, on se découvre, à l'autre comme à soi.

Ils restent, ces mots-là, comme un écho qui rend tout le reste indécent.

/David/ me dit qu'il m'avait attendue ; il savait que je lui reviendrais, car j'étais faite pour lui de toute éternité ; moi seule pouvait le guérir de sa fracture profonde, de son mal de vivre ; il me dit que j'étais la femme qu'il avait le plus baisée dans sa vie, tout seul ou aux côtés d'autres.

Il me dit que son âme était à moi et qu'elle m'appartenait depuis toujours.


J'étais comme un enfant pauvre qui hérite de la fortune de Rockfeller.

En même temps, je ne pouvais pas, je ne voulais pas le croire. Ç'aurait voulu dire que je trahissais ce que j'étais, ce en quoi je croyais : que rien n'est éternel, qu'on est profondément et définitivement seuls ; et cela, au fond, me convenait parfaitement.

D'ailleurs, tout ce que j'avais vécu me le confirmait.

Mes meilleurs moments sont ceux que je passe en tête-à-tête avec moi-même, à me balader sur la berge d'un fleuve, à écouter le vent dans les feuilles des peupliers. Ou un livre à la main, étendue dans l'herbe. À écouter La Passion seon Saint Matthieu, à parler à un chat, à dormir dans un grand lit vide et un peu froid...

La présence d'un homme a toujours masqué, d'une certaine manière, mon bonheur. Je n'ai d'yeux que pour lui, alors que le reste du monde m'a toujours semblé plus intéressant que l'amour.

Il y a une vieille dame qui habite au fond de moi, une vieille dame agacée par tous ces frottements, toutes ces scènes, par les baisers et les larmes. Elle a les yeux clairs, la peau propre et sèche, et n'aspire qu'au calme pensif d'un matin d'hiver ; le reste, ça la laisse sceptique et un peu navrée.


Simonetta Greggio, Plus chaud que braise extrait du recueil de nouvelles L'Odeur du figuier.


 -----------------------------------------------    

Être d'eau

 

Je bénis l'inventeur des fiançailles. La vie est jalonnée d'épreuves solides comme la pierre ; une mécanique des fluides permet d'y circuler quand même.

Il y a des créatures incapables de comportements granitiques et qui, pour avancer, ne peuvent que se faufiler, s'infiltrer, contourner. Quand on leur demande si oui ou non elles veulent épouser untel, elles suggèrent des fiançailles, noces liquides. Les patriarches pierreux voient en elles des traîtresses ou des menteuses, alors qu'elles sont sincères à la manière de l'eau.

Si je suis eau, quel sens cela a-t-il de dire "oui, je vais t'épouser" ?

Là serait le mensonge. On ne retient pas l'eau. Oui, je t'irriguerai, je te prodiguerai ma tendresse, je te rafraîchirai, j'apaiserai ta soif, mais sais-je ce que sera le cours de mon fleuve ? Tu ne te baigneras jamais deux fois dans la même fiancée.

 

Ces êtres fluides s'attirent le mépris des foules, quand leurs attitudes ondoyantes ont permis d'éviter tant de conflits. Les grands blocs de pierre vertueux, sur lesquels personne ne tarit d'éloges, sont à l'origine de toutes les guerres.

Certes, avec Rinri, il n'était pas question de politique internationale, mais il m'a fallu affronter un choix entre deux risques énormes.

L'un s'appelait "oui", qui a pour synonyme éternité, solidité, stabilité et d'autres mots qui gèlent l'eau d'effroi.

L'autre s'appelait "non", qui se traduit par la déchirure, le désespoir, et moi qui croyais que tu m'aimais, disparais de ma vue, tu semblais pourtant si heureuse quand, et autres paroles qui font bouillir l'eau d'indignation, car elles sont injustes et barbares.

 

Quel soulagement d'avoir trouvé la solution des fiançailles ! C'était une réponse liquide en ceci qu'elle ne résolvait rien et remettait le problème à plus tard.

Mais gagner du temps est la grande affaire de la vie.

 

Amélie Nothomb, Ni d'Ève ni d'Adam.


 -----------------------------------------------    

Bonheur

Un seul bonheur, tout d'une pièce, terrestre et céleste à la fois, temporel et éternel d'un tenant : le bonheur d'être au monde, en ce monde-ci, de l'habiter pleinement et de l'aimer tout en le reconnaissant inachevé, traversé d'obscures turbulences, troué de manque, d'attente, meurtri, raviné par d'incessantes coulées de larmes, de sueur et de sang, mais aussi irrigué par une inépuisable énergie, travaillé de l'intérieur par un souffle à la fraîcheur et à la clarté d'autore - caressé par un chant, un sourire.

Le bonheur imparti à Bernadette, comme à tous les hommes et femmes de sa trempe, consistait à avoir reçu un don de claire-voyance, de claire-audience qui lui permettait de percevoir l'invisible diffus dans le visible, la lumière respirant même au plus épais des ténèbres, un sourire radieux se profilant à l'horizon du vide, affleurant jusque dans les eaux glacées du néant.

Le don d'une autre sensibilité, d'une intelligence insolite, et d'une patience sans garde ni mesure.

Le don d'une humilité lumineuse - clef de verre, de vent ouvrant sur l'inconnu, sur l'insoupçonné, sur un émerveillement infini.

 
 

Sylvie Germain, La chanson des Mal-Aimants.

 

-----------------------------------------

Femmes, femmes, femmes...


Je me demande ce qu'aurait été ma vie plus tard si, enfant, je n'avais pas bénéficié de ces petites réceptions chez ma mère. C'est peut-être ce qui a fait que je n'ai jamais considéré les femmes comme mes ennemies, comme des territoires à conquérir, mais toujours comme des alliées et des amies - raison pour laquelle, je crois, elles m'ont toujours, elles aussi, montré de l'affection.

Je n'ai jamais rencontré ces furies dont on entend parler : elles ont sans doute trop à faire avec des hommes qui considèrent les femmes comme des forteresses qu'il leur faut prendre d'assaut, mettre à sac et laisser en ruines.

 

Toujours à propos de mes tendres penchants - pour les femmes en particulier -, force est de conclure que mon bonheur parfait lors des thés hebdomadaires de ma mère dénotait chez moi un goût précoce et très marqué pour le sexe opposé. Un goût qui, manifestement, n'est pas étranger à ma bonne fortune auprès des femmes par la suite.

Mes souvenirs, je l'espère, seront une lecture instructive, mais ce n'est pas pour autant que les femmes auront plus d'attirance que vous n'en avez pour elles. Si au fond de vous-mêmes, vous les haïssez, si vous ne rêvez que de les humilier, si vous vous plaisez à leur imposer votre loi, vous aurez toute chance de recevoir la monnaie de votre pièce.

Elles ne vous désireront et ne vous aimeront que dans l'exacte mesure où vous les désirez et aimez vous-mêmes - et louée soit leur générosité.

 

Stephan Vizinczey, Eloge des femmes mûres.

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Jeudi 10 janvier 4 10 /01 /Jan 03:46
Voici le dénouement... Mais pour le début de l'aventure, marche arrière ! :)

3 – SUCCÉDANÉ

Presque deux semaines s'étaient écoulées sur nos (d)ébats.
Deux semaines et beaucoup de retours, déjà : celui des amis qui lui voulaient du bien ; de la bonne copine qui insistait pour le voir tous les soirs, mais nu entre ses cuisses ; des dîners en bande au restau ; des dimanches en banlieue sous la tonnelle familiale.
De la vraie vie, en somme. De celle dont il m'excluait, en fait.

Insidieusement, l'actif avait viré au passif. À force de mettre des plus partout, nous en étions arrivés aux moins.
Dermott s’était rhabillé pour un été frisquet, son café ne réveillait plus les morts, sa lampe à phallus restait éteinte sur sa commode, son broken beat n’était plus que broken à défaut de beat.
Plus de soleil la nuit, qu’une lune morne à travers les nuages. Plus de retours guillerets chez moi, m
a vue s’était brouillée d’eau.
Notre théâtre vivant s’était vidé, place aux fantômes.
Embrasée plus qu’embrassée, je me mis à l’attendre au coin du bois, plus exotique que le coin de la rue. Sacrée invitation pour se faire avoir au tournant, ça.

La chair est triste et j’ai lu tous les livres…
Je retournais à la bibliothèque.
Sage précaution. Face au téléphone,
j’eu le temps de beaucoup lire sans être interrompue. Arrivée en bas de page, j’essayais de la tourner. Mais quelque chose m'en empêchait. L’angoisse de la feuille blanche, peut-être. Celle qui est à écrire alors que l’encre fait désespérément défaut.
Aucun doute, le début rejoignait la fin.

Mon briquet rouge avait raté son allumage, notre flamme pris des allures de pétard mouillé. Seul mon deuxième cadeau, Les Racines du mal, restait d'actualité. Voilà qui n’était pas mal trouvé, même sans chercher.

Je ne pensais pas, non plus, que l’infidélité viendrait si tôt. La maîtresse de Dermott avait changé, je soupçonnais même son initiale : F. Mais de Florence, Fanny ou Françoise, point. De fatigue, beaucoup. Fatigue… Maître-mot d’un abandon qui s’accomplit en douce et vous allonge sans poser de questions.
Cette maîtresse, je l’avais souvent fréquentée jadis. Je connaissais ses pointes sèches qui creusent les contours. Ses traits cernés à coups de pinceau. Ses repentirs avant de passer à l’encrage.
Je sais que la fatigue rend la main malhabile et mène à l’épure.
Oublier les fioritures, glisser l’esquisse dans un carton, le remiser au rayon des affaires classées... J'ai pratiqué. Seul manquait au tableau le coup de gomme final.


Je suis injuste, probablement. J’exagère, sans doute. Mais mesure et modération n’ont jamais été mes forts. La preuve ? Sur les étagères de l’amour, je ne me suis jamais rangée au bon endroit. Ni rangée tout court. Il est des cases qui manquent, et pas seulement dans ma tête. Je fais partie de ces récipients estampillés « défaut de fabrication » : attrayants à première vue, mais fragiles, poreux et prêts à se casser entre les doigts en blessant.
Le rouge du sang est aussi signe de vie.
L'hématologie était la spécialité de Dermott. Aussi ne fut-il pas surpris lorsque je décidai de stopper l’hémorragie. L’heure tardive aidant, il prit
même le parti d’être franc : dévêtue sur son lit, je lui plaisais énormément. Sinon, ça se discute.
« Je t’aime beaucoup. »
« Tu me plais beaucoup. »
Dans les phrases de Dermott, il y avait toujours un mot de trop. Pas de bol, c'était toujours le mauvais.
Je claquai sa porte en doutant de la langue française. Pourquoi de savants théoriciens prétendent-ils que deux vrais synonymes n’existent pas ?
Pour Dermott, celui de « coucher » était « faire l’amour ».
Pour moi, celui de « franchise » était « cruauté ».

À y songer, tout cela était déjà plié : excitantes nos étreintes et exquise ma compagnie, cela faisait nombre d’ex. Et exquis n’est pas si loin d’exit sur la carte du Tendre, version amour vache. De détour par le lac de la Tranquillité, point. Car Dermott ne m’aimait pas, c’était un fait. Et non des moindres.
Son superflu était mon essentiel. Une vie sans superflu est assez triste. Mais une vie sans essentiel est invivable.
Bien que médecin, il ne pouvait m'anesthésier de ce mal-là. À se demander à quoi servent tant d’études, hormis à se cuirasser le cœur et à trouver charmantes des filles que l’on n’aimera jamais, même avec des louches de bonne volonté…

Certaines fractures ne se résorbent pas.
Lorsque la gangrène s'est installée, autant éviter emplâtres et attelle pour couper court.
- Je ne veux pas te faire de mal.
En guise de vœu pieux, il y a mieux. Surtout prononcé par un homme qui vous piétine le cœur. À son corps défendant, paraît-il. Mais ce n'est ni une consolation, ni un début d’excuse, ni même une vérité.

- Je ne serai jamais ton amie.
- Je sais.
Chute de rideau dans la sciure. Applaudissements du public. Claquement de talons et claquage de porte. Le troisième étage me tendait ses marches. Je n‘avais qu’à les dévaler sans me prendre les pieds dans le tapis. Trop facile avec ma jupe large et mes chaussures plates.

Je rentrai dans mon antre fêter à grandes eaux ma place de perdante. En ressortis la semaine suivante pour une tournée nocturne de cigarettes et tombai sur un copain fêtard.
Le hasard arrange parfois bien les choses.
Une fermeture de bar plus tard, nous étions deux plus un :
à mon copain s'était adjoint un garçon au physique décoratif de jeune premier, avec lequel je passai ce qu’il restait de la nuit. Ni confident ni premier rôle, il s’invita en troisième couteau. Je le reçus en figurant pour jouer le rôle de la fille qui s'allonge. Couchée, certes, mais indifférente à la lutte de nos corps sur le sommier. Si peu concentrée que je me fourvoyai sur son prénom. Tellement ailleurs que je m'en aperçus seulement lorsqu'il leva la tête, abasourdi, en glapissant sa didascalie :
- Hein ?

Le lendemain, je me ruai à la douche pour enlever le maquillage. Sous l’eau courante je n’avais plus la main baladeuse. Il me tardait d’en finir.
Post coïtum animal triste. Je l’étais au-delà de la mesure conseillée.
Nous nous embrassâmes sur le pas de la porte. Je fermai les rideaux et pris un bouquin. Il s’appelait Se perdre. Vaste programme pour un petit appartement.

Oui, sans conteste, on vit dans un monde injuste. Dermott, en me rappelant, l'apprit à ses dépens. Au lieu de me précipiter rue de la Croquette, je repoussai nos rendez-vous aux calendes grecques ;
renvoyai sa personne à tous les diables et son cœur aux filles qu'il préfère : de belles brunes dotées de longues jambes, de taches de rousseur et d'immenses yeux bleus.
Un peu salope, les brunes, si possible. Mais point trop quand même.
Parce que dans le fond, ce garçon est fragile. En creusant bien. Sur un chantier. À la pelleteuse.
Mais si je dois superviser l’avancée des travaux, par pitié, prêtez-moi un casque. Parce que la suite, je ne veux pas l’entendre. Je la connais sur le bout des doigts.

Et si mon chien laisse encore des poils sur le pantalon de qui que ce soit, ma décision est prise : je l’étrangle.
Par Chut ! - Publié dans : Nouvelles et essais
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Mercredi 9 janvier 3 09 /01 /Jan 20:05
Depuis que je me suis lancée dans la blog aventure, ma vie a marqué un sérieux coup d'arrêt.
Les soirées, je les passe désormais chez moi à
écrire ou raccrocher les wagons pour le travail.

J'en oublie presque qu'il y a des gens dehors, des cafés, des restaus. Le planning de mes sorties se réduit à l'essentiel : des incursions au supermarché pour remplir le frigo. J'achète des plats surgelés que je grignote devant mon écran ; des plateaux de sushis que je mange avec les doigts, en collant du riz gluant sur la souris ; des gâteaux que j'engloutis en transformant mon clavier en champ de miettes.

L'écriture et ce blog, ou plus justement l'écriture de ce blog, me hantent.
Je réfléchis aux thèmes que j'aimerais y développer. À la meilleure façon de les aborder. Je les note sur des feuilles volantes que je ne retrouve pas. Pas grave, mon inspiration se déjoue de mes listes : chaque jour, un sujet s'impose sans que je l'aie choisi. C'est lui qu'il me faut séance tenante convertir en mots. Si j'y coupe, je me sens frustrée.

J'ai la chance énorme d'être avec quelqu'un qui comprend mes obsessions ; qui les subit sans s'en plaindre et pousse l'abnégation jusqu'à les encourager. Parce qu'il veut que je m'épanouisse, bien sûr. Mais aussi parce qu'il sait à quel point l'écriture est vitale pour moi, à quel point j'ai usé de ruses pour la contourner et toujours y revenir, mais sans conclure. P
our avoir les moyens de mes ambitions, la ténacité me manquait autant que les mots.

Mais dimanche soir, ras-le-bol. L'heure de la relâche avait sonné, celle du bon temps était arrivée. J'avais trop envie d'une soirée à deux, tranquille, reposante, agréable. Un thé bien chaud, un film, divertissant... et pourquoi pas le reste ?
Au début, nos retrouvailles se sont déroulées comme prévu. Le thé était bon, le film (The Dish) loin d'être mauvais. La situation s'est gâtée au moment de notre dernière cigarette, quand j'ai eu la mauvaise idée de relever mes mails.
Un message p
as très plaisant m'attendait. Aussitôt, ma pression artérielle est montée en flèche.
La nuit portant conseil, j'ai décidé de remettre ma réponse au lendemain.

Nous sommes allés nous coucher. Lovés l'un contre l'autre, puis l'un sur l'autre
, en amoureux.
Je fermais les yeux pour mieux goûter le moment. Rien à faire, je me sentais mal. Les phrases du mails dansaient la farandole sous mes paupières.
Je les chassais, agacée. Elles revenaient s'inscruster.
Je leur ordonnais de se tirer vite fait bien fait. Elles s'installaient en camp retranché.
À un moment critique, j'ai craqué. Me suis brusquement dressée sur le sommier. Ai repoussé chéri et couette dans un geste brutal, en lançant :
- Désolée, j'ai un mail à envoyer.
C'est sorti tout seul. Air effaré de mon ami et triple idiote que je suis.
Impossible de rattraper la bourde. Ce mail, je devais à présent l'écrire et le poster, sous peine de simuler ou de ne pas dormir.

En dix minutes, il fut rédigé. Je retournai au lit apaisée. Repris les choses au point où nous les avions laissées. Enfin presque. Car en pleine action, je ne sais quelle mouche est venue me piquer pour me changer en furie.
Sans préavis, j'ai mordu mon ami au sang ;
lui ai enfoncé mes ongles dans les flancs et collé une magistrale fessée.
Douche froide assurée pour tout homme non préparé. Ce fut la débandade sur fond d'égalité restaurée : un partout pour ruiner la fête.

Finalement, les histoires de migraine, c'est dépassé. Grâce à Internet, les filles en mal d'excuse (ce que je n'étais pas ce soir-là, attention) disposent d'une toute trouvée :
- Chéri ? Désolée, j'ai un mail à envoyer.
Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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Mercredi 9 janvier 3 09 /01 /Jan 03:05
Ami lecteur, le début est plus haut... up, up !

TACOTAC (suite)

Dermott respecta avec scrupule les lois de l’hospitalité : qui invite mène la visite. Après une station au salon, je fus conviée à poser mon soulier dans la chambre. Il me souleva telle une brindille pour m'y porter.
Terminus, tout le monde descend sur un lit de 2m20. Seule, j’y aurais été perdue. Avec lui, j’y étais comblée.
La réalité dépasse parfois la friction.

Jeux de jambes et appels du pied. Cris et chuchotements. Nos vêtements atterrirent en boule aux quatre coins de la pièce.
Souffles accordés, mains pressées, nos corps se cherchaient pour s’apprendre. Apprendre… je ne demandais que ça. J’écartais ses livres pour emprunter le plus court chemin entre travail et plaisir. Pratiquais le raccourci comme d’autres la brouette japonaise.
Dermott changea la musique entre deux baisers. Des myriades multicolores éclatèrent sur l’écran de son ordinateur. Ensemble de formes géométriques se cherchant, se frôlant, s’entrelaçant sous hypnose. Feu d’artifice sans fard, révélation des sens. Je perdais le nord dans ce bal magnétique qui se jouait paupières closes à guichets fermés.

Les corps ne savent pas mentir, le mien encore moins. Le désir me vrillait de sa grenaille de plomb. G
renade dégoupillée. Ravissement en bombe à neutrons. Lui et moi brûlions sans cessez-le-feu nos premières cartouches.
Entre nous cette nuit-là, seule la littérature formait écran. À l’heure encore incertaine des politesses, nous avions parlé des Liaisons dangereuses. Roman qui me concernait au premier chapitre. Dermott, ayant suivi mon discours à la lettre, me prenait pour une Merteuil croqueuse d’hommes. Mais dans son grand lit, je n’étais qu’une Tourvel répugnant à le consommer trop vite.
Le "trop" souvent écœure et nous n’en étions qu’à la mise en bouche, dans une position qui ne manquait pas de piment. Malgré mon appétit, je voulais rester sur ma faim pour remettre le couvert à une prochaine. À chacune sa petite cuisine.
La mienne me conseillait de ne pas être anthropophage.

Pourtant, j’aimais son corps délié et sa nudité sans complexe, paradant lumières allumées et rideaux ouverts. Ses mains aux ongles si rongés qu’il les cachait au creux de ses paumes. Sa lèvre supérieure plus épaisse. Son profil buté.
Selon une amie, les vraies beautés étaient celles de profil. Vu sous cet angle, Dermott décrochait la palme.
Décrochée, précisément, j’aurais voulu l’être. Décrochée plutôt qu’accrochée, toujours.

Mais voilà... J’aimais tant sa peau qu’il devait y avoir un péché là-dessous. Les vœux de modération ne servent de rien lorsqu'on a la ferme intention de recommencer. Dans les plus brefs délais si possible.
Dermott le voulait. Moi aussi.


Mes nuits n’étaient plus faites pour dormir. Couchée, cinq heures. Levée, six heures. Je menais une double vie sans tromper quiconque, don de double vue oblige : de mon lit je suivais Dermott partout, en catimini sous la douche puis à la gare, incognito dans le train et au labo.
Vivre pour soi est déjà épuisant. Vivre pour deux est tuant. Au bout de cinq jours, j’étais morte.
Il me fallait renouer avec des moyens oubliés des histoires anciennes. Je marchais des heures dans la ville. J’achetais des stylos, des cahiers remplis de pages blanches. Me réconciliais avec l’écriture. Repris la gymnastique du coude levé pour le cul sec des fonds de verre. Me poussais au point de rupture. Et quand l’épuisement ne suffisait pas, j'avalais des somnifères.
Mes nuits étaient moins belles que ses jours.

À ce train-là, notre première semaine fut brève et éblouissante. Aveuglante de soleil par des nuits sans lune. Dermott luttait contre la fatigue pour me voir, faisait du café à réveiller les morts, vidait ses placards pour mon appétit d’oiseau, puis s’endormait dans l’oreiller. Je le déshabillais et partais comme l’on s’esquive. Vite, avant que le carrosse ne se transforme en citrouille.
Car mine de rien, des grains de sable s'étaient glissées dans le conte de fées.
De tous mes parfums, Dermott préférait celui du premier soir. Je le remis donc. Mais il préférait toujours celui du premier soir. Soit sa madeleine proustienne était définitivement rassise, soit son nez vraiment bouché.

Il
me complimentait sur mon dos, ma taille, mes yeux, mes caresses. Gentillesses pour mieux me vider son sac et déballer que non, toutes les femmes offertes n'étaient pas des cadeaux. Que le droit de cuissage avait parfois des allures de devoir. Mais qu’au jeu du qui perd gagne, j'avais décroché le gros lot de la semaine.
Je comprenais que, décidément, j'avais le ticket.
Que ma voix lui parlait, surtout quand elle n’articulait pas.
Pour l’éloge de l’intelligence, prière de postuler au second tour.


Un jour, un autre, puis un autre encore. L’écheveau du temps et les lignes de son corps se dévidaient sous mes doigts. Je veillais à ne point y mettre les ongles. Patte blanche patte de velours, gare aux gestes inconsidérés. Tombé sur une faille que l’on ne soupçonnait pas, o
n écorche parfois sans vouloir blesser.
Des failles, je lui en prêtais beaucoup sans lui en connaître aucune.
J'avais beau les chercher, je repartais bredouille. À croire qu'il était l’exception qui confirme la règle, soit un garçon pas comme les autres. Par principe ou par système, Dermott parlait très peu de lui. Du coup, mes conclusions épousaient les courbes de l’encéphalogramme plat : chez lui, rien à recoudre ni à suturer. Les lèvres de ses plaies restaient obstinément closes. Pour l’opération à cœur ouvert, changez de bistouri et contactez un autre médecin.

Tempête, gros grain ou orage glissaient sur cet homme imperméable. Ouvertures à vif, déchirements, laissez ces saletés à d’autres. Lézardes, entailles, fêlures qui accrochent, écorchent ou écharpent, vous plaisantez, je suppose. Rangez donc le sparadrap et allez voir ailleurs si Dermott s’y trouve.
Avec un peu de chance, vous l’y rencontrerez.
Trente et un ans et des poussières de vie à se planquer à l’abri, à se cadenasser en jetant la clef. Et moi qui débarquais en croyant le mouiller… Quelles que soient mes questions, je me heurtais au silence en épine dans le pied, sans pince ni loupe pour l’enlever.
Il n’y avait certes pas de quoi faire un éclat. Juste matière à y laisser des plumes et trésors de patience. Lassée du courant alternatif, j’optai pour l'électrochoc. Sortis des ténèbres nantie d'une révélation qui n’endommagerait ni ma rétine ni mon cristallin. Car la réponse de Dermott fut aussi claire qu'eau de roche :
« Je suis d’humeur égale. »
Merci de la précision. L’évidence aurait crevé d’autres yeux que les miens sans rendre les borgnes aveugles.
En résumé : sa vie était aussi lisse que les tables du bar où je l'avais connu.
J’invoquais les proverbes qui parlent d’eau dormante et de feu sous la glace, en attendant qu'éclate le vernis. Celui même qu'il détestait sur les ongles des femmes, surtout s'il était rouge.
« Le rouge est vulgaire. ».
Je ne te le fais pas dire. Voir rouge face à un mur est d’un mauvais goût achevé, d’une indécence rare. Et le rouge de la passion carrément porno, surtout en levrette sur un lit de 2m20.
La vérité, c’est que je ne la trouvais pas.

Paradoxalement, si Dermott restait muet sur son compte, il était prolixe sur le nôtre. De demi-déclarations en moitié d’aveux, il m’entraînait sur un terrain si glissant qu'inévitable, le claquage de cheville se profilait.
Réflexion faite, je préférais le silence qui laisse supposer le pire comme le meilleur. Du mien il s’étonnait parfois. Surprenant ? Non. Plus tu parles, plus je suis autorisée à me taire. Ce n’est pas que je cours moins vite que toi. Pas du tout. En dépit de tes longues jambes et de mon paquet de clopes quotidien, tu me rends même deux longueurs.

« Ma chérie, caresse-moi le dos. »
Et moi de m’exécuter dans un sourire béat. Autres temps autres mœurs. Les miennes n'étaient plus guerrières. Avec d'autres, j'aurais eu en guise de douceur la main lasse et non lascive de la caresse en paire de claques. Celle qui remet les idées en place et la tête dans le traversin.

« Dis-moi quelque chose de gentil, même si ce n’est pas vrai. »
Avec d’autres, cela n’eût guère tardé, après choix de la version: brutale du coup de pied ; civile du soufflet ; impolie de la grimace. Suivie du ramassage de fringues pour fuir illico, au cas où le mal serait contagieux.

« Tu verras, tu prendras goût à moi. »
Avec d’autres, l’affaire eût été entendue : l’autocongratulation et l’assurance m’ennuient. Que les prétendants au titre de petits-maîtres s’ébattent ailleurs que dans mon jardin. Nul besoin de vanter ses entournures pour valoriser le costume, un bon tailleur suffit.
Mais le pire est que Dermott avait raison, sauf pour la conjugaison : point de futur, que du passé composé. Goût comme pli étaient déjà pris.

« Nous finirons fous amoureux, mariés avec plein d’enfants. »
Tu parles, Charles. Finir n’est pas un aboutissement, le mariage et les enfants pas une consécration. Je le plaisantais sur d'interminables week-ends à Trifouilly, avec effluves de sandwiches et de chien qui pue. Nous avions fini par en rire, ce qui n’était pas un aboutissement non plus.
Au fond, cela n’était pas drôle. À moins, bien sûr, de rire aux larmes pour s’étouffer avec.
Par Chut ! - Publié dans : Nouvelles et essais
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Mercredi 9 janvier 3 09 /01 /Jan 01:52
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2 - TACOTAC

Au TacOtac de l’amour, « une chance au grattage, une chance au tirage », je croyais avoir tiré le bon numéro. Bercée par les affichettes des tabacs annonçant chaque semaine un super gagnant, j’avais cru lire mon nom en toutes lettres. La faute à cette myopie galopante que mon ophtalmologiste renonce à
opérer et s'acharne à corriger : on ne se refait pas si facilement.
Poker et psychanalyse, même combat.
Jouer franc jeu, voilà une belle phrase... sur le divan ou dans les romans. Car à l’heure des cartes sur table, croyez-moi, mieux vaut se garder une poire pour la soif, un os à ronger et un as dans le revers de sa veste.
Histoire de mieux prendre celle qui suit.
Entre le pigeon et le dindon, il y a toujours une histoire de farce. Et la différence ne tient qu’au livre de recettes. C’est trop tard qu’on s’aperçoit à quelle sauce on a été accommodée puis mangée. Alors, si un expert ès plats du jour vous invite à visiter les cuisines, refusez tout net : il s'y trouvera toujours un gâte-sauce pour vous précipiter dans la marmite, là où il vous en cuira.

Dans notre début de parcours, ma route et celle de Dermott - l’homme tronc - n’avaient rencontré ni feux rouges, ni déviations, ni sens interdits. La ligne à ne pas franchir étant encore loin, nous
convergions vers un proche embranchement.
Marche avant toute, sans ratés ni accrochages.
Le deuxième jour, après l’épisode des poils de chien, je tournai la clef de contact et lui offris mon premier cadeau : un briquet rouge. Couleur de l’amour pour allumer sa flamme et ses cigarettes.

Le troisième jour, débrayage. J’étais d’humeur mélancolique et Dermott de passage. Notre tête-à-tête prit des allures de tête-à-queue. Il partit pour l’exposition d’une obscure artiste Chinoise. Je restai face à un sombre sentiment de fête manquée, une chaise et deux tasses vides. J’aurais bien bu à la sienne dans un baiser froid, mais je m’abstins. Je me contentai de rafler les sucres de sa soucoupe et en bourrai Socrate.
Le plus content de nous deux, c’était bien lui.

Le quatrième jour, nous passâmes à la vitesse supérieure, en roue libre et au régime du tout permis. Une page arrachée à un agenda et roule ma poule : Dermott avait mon numéro, moi le sien, histoire d'enrichir mon opérateur et sa collection de coups de fils.

Au sixième jour, il était temps d’appuyer sur le champignon. Je l'appelai. Il décrocha.
Grésillements. Friture sur la ligne en guise de coup de feu inaugural. Salutations sur les starting-blocks, égrènement des « Ça va ? » pour partir du bon pied, courtes phrases dans une
rapide foulée. Nul besoin de second souffle pour connaître l’euphorie de la course de fond. J’ignorais encore que la nôtre se jouerait sur quatre cents mètres - la distance de chez lui à chez moi - et non sur un marathon.
De fait, cinq minutes suffirent. Quand le désir s'en mêle, les longs discours sont inutiles.
Fesses sur le parquet et combiné raccroché, je remerciais France Telecom qui simplifie la vie des gens (mais allait compliquer la mienne), Socrate et son incontinence capillaire. Mais ce jour-là, ma gratitude eut des limites : la tournée de vessie canine serait pour plus tard. Conviée à sabler le champagne, je refusais de trinquer dans le verre du quotidien.
Remisé dans son panier, Socrate me regarda vider les lieux les yeux humides. Eh oui, le bonheur est égoïste et les chiens fidèles, le mien est bien payé pour le savoir.

Avec Dermott, nous projetions d’aller au cinéma. Tartuferie des débuts. Au lieu de me diriger vers une salle obscure, je cinglais vers son appartement.
Deux cents mètres de piste balisée dans le tout droit-à gauche-traverser sans regarder et, déjà, la respiration me manquait. Un simple accident de parcours et j’achèverais mon tour de piste face sur le trottoir. Alors… adieu veau, vache, cochon.
Perspective aussi réjouissante que de me jeter du cinquième étage duquel j’étais descendue.
Pour une soirée placée sous auspices animaliers - Socrate exclu - c’eût été vache, voire rosse.

Six-neuf, rue de la Croquette. J’arrivai enfin, déchirant le ruban de la victoire.
Dermott m’avait indiqué les codes de ses portes d’entrée.
« Homme bien gardé en situation d’ouverture », pensais-je en pianotant sur le clavier métallique.
Mais en cette matière, nous allions nous borner au matériel. Au bois, au fer, à l’acier trempé. À un tout ce qui vous blesse, vous glace, vous brise le nez.

Trois étages, trois coups pressés. Sa porte s’ouvrit.
Aucun doute possible : nous étions seuls et Dermott toujours aussi grand. À hauteur de baiser, son sternum ou son tee-shirt, incongrus pour une première prise de contact.
Je me bornais donc à l’embrasser du regard. Il se plia en quatre pour atteindre ma joue. Principe biblique oblige, je lui tendis l’autre en un recueillement parfait.
Il ne manquait plus que les grandes orgues pour commencer la messe.
Elles se turent néanmoins. Côté musical, Dermott ne vibrait que sur la fibre païenne. J’avais choisi le vin, il avait choisi la musique. Preuve qu’il voulait accorder nos violons. Mais dès l’introït se profilait le couac : ce qui tournait en boucle sur sa platine m’était aussi étranger que la demi-mesure.
Je prêtais l’oreille, toutefois. Je n’aimais pas, pourtant. Le broken beat branché dont il faisait ses délices n’était décidément pas dans mes cordes.
Si j’avais su, je lui aurais demandé de changer de disque.

Ce soir-là, Dermott passa l’éponge sur mes débordements. Encore une histoire de maladresse, involontaire cette fois : d’un coup de talon, je renversai sans le casser mon verre en le levant.
Ce soir-là aussi, je fus présentée à ses plantes vertes, ses photos, sa lampe à cire. Une lampe qui chauffe à mesure que la tension monte, libérant des formes phalliques qui s’élèvent en apesanteur. Complices, nous commentions la levée des pénis comme d’autres les passes d’un match de foot.
Ce soir-là enfin, nous passâmes une délicieuse soirée autour de nos verres pleins. Et si j’étais ivre, ce n’était ni de musique ni de vin.
In vino veritas.
La vérité sonna à deux heures du matin, lorsqu'il m’empoigna. Je ne songeai même pas à protester. On se défend rarement de ce que l’on a longtemps attendu. On devrait peut-être, par principe de précaution. Mais, oubliant d’assurer mes arrières, je tombai en avant dans ses bras sur le carrelage froid.

La douceur de sa bouche me fit redouter le pire. Le pire, c’est que la suite allait être bien.
Mieux que bien, même.
Par Chut ! - Publié dans : Nouvelles et essais
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Mardi 8 janvier 2 08 /01 /Jan 03:33

HIV negatifPendant plus de deux ans, je me suis impliquée dans la section HIV-sida-prévention d'un forum aussi connu que fréquenté.
J'ai passé des heures rivée à l'écran de mon ordinateur, à répondre aux questions de routine, à rassurer les angoissés (il y en avait toujours la nuit, et la nuit, je ne dors pas), à remonter le moral à des déprimés.
Cela dit, je ne me décerne aucune médaille. Pour la simple raison que je n'en mérite pas.

Avant d'arriver sur le forum, j'avais des connaissances précises mais basiques sur le virus.

Je savais par exemple les modes de contamination (ni par contact, masturbation, baiser ou fellation reçue, au passage...) et le risque de transmission. Celle-ci étant très loin d'être automatique, et bien en deçà des chiffres que les gens se figurent.
Mon savoir été affiné par les intervenants réguliers, bien plus calés que moi. La plupart ne fréquente plus le site, mais je les en remercie.

J'ai une dette envers eux.
 
Durant ces années, je n'ai jamais été seule. Entrée sur le forum par la petite porte et sur la pointe des pieds, j'avais conscience qu'il existait un noyau dur : un groupe d'intervenants
motivés, toujours présents, liés par une histoire commune et un combat actif contre les préjugés.
Ils m'ont acceptée parmi eux.
Au fil du temps, des pseudos sont devenus des amis. Virtuels pour la plupart, ce qui n'empêche ni la sympathie, ni la franche rigolade, ni la rigueur.

J'ai perdu le contact avec certains, mais qu'importe. Ils sont là, présents.

Le forum m'a apporté bien plus que le temps qu'il ne m'a pris.
Grâce à lui, j'ai rencontré des personnes formidables, qui n'économis(ai)ent ni leur énergie, ni leurs heures à aider, orienter, témoigner.
Ensemble, c'est tout.

Et nous formions une fameuse équipe, soudée par la volonté de soutenir, d'informer, de lutter contre les idées reçues.

Ce fut l'âge d'or du forum. Un moment de cohésion et de grâce. De partage absolu et de rencontres réelles. De moments forts et de vraies amitiés (coupine, couz', Poussin, si vous m'entendez...).
Puis des personnes sans âme ni scrupules (trolls en jargon Internet) sont arrivées. Ont cassé notre motivation, saccagé notre travail, ruiné "notre" forum et humilié ses intervenants.
À nos yeux, il était infiniment plus qu'un espace virtuel. L'attaquer revenait à nous meurtrir.
Nous en avons pleuré
, de rage et d'impuissance. Passé des journées et des nuits blanches à lutter pied à pied, arguments contre mauvaise foi, besoin de rétablir la vérité contre envie d'en découdre.
Sur la toile, les lâches tissent la leur en se gardant la part du lion.

Aujourd'hui, la blessure se referme à peine.
Mais ici ou ailleurs,
HIV + ou -, la lutte continue.

 

 

Photo : William Wegman.

Par Chut ! - Publié dans : Bribes perso
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