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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

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Mercredi 9 janvier 3 09 /01 /Jan 03:05
Ami lecteur, le début est plus haut... up, up !

TACOTAC (suite)

Dermott respecta avec scrupule les lois de l’hospitalité : qui invite mène la visite. Après une station au salon, je fus conviée à poser mon soulier dans la chambre. Il me souleva telle une brindille pour m'y porter.
Terminus, tout le monde descend sur un lit de 2m20. Seule, j’y aurais été perdue. Avec lui, j’y étais comblée.
La réalité dépasse parfois la friction.

Jeux de jambes et appels du pied. Cris et chuchotements. Nos vêtements atterrirent en boule aux quatre coins de la pièce.
Souffles accordés, mains pressées, nos corps se cherchaient pour s’apprendre. Apprendre… je ne demandais que ça. J’écartais ses livres pour emprunter le plus court chemin entre travail et plaisir. Pratiquais le raccourci comme d’autres la brouette japonaise.
Dermott changea la musique entre deux baisers. Des myriades multicolores éclatèrent sur l’écran de son ordinateur. Ensemble de formes géométriques se cherchant, se frôlant, s’entrelaçant sous hypnose. Feu d’artifice sans fard, révélation des sens. Je perdais le nord dans ce bal magnétique qui se jouait paupières closes à guichets fermés.

Les corps ne savent pas mentir, le mien encore moins. Le désir me vrillait de sa grenaille de plomb. G
renade dégoupillée. Ravissement en bombe à neutrons. Lui et moi brûlions sans cessez-le-feu nos premières cartouches.
Entre nous cette nuit-là, seule la littérature formait écran. À l’heure encore incertaine des politesses, nous avions parlé des Liaisons dangereuses. Roman qui me concernait au premier chapitre. Dermott, ayant suivi mon discours à la lettre, me prenait pour une Merteuil croqueuse d’hommes. Mais dans son grand lit, je n’étais qu’une Tourvel répugnant à le consommer trop vite.
Le "trop" souvent écœure et nous n’en étions qu’à la mise en bouche, dans une position qui ne manquait pas de piment. Malgré mon appétit, je voulais rester sur ma faim pour remettre le couvert à une prochaine. À chacune sa petite cuisine.
La mienne me conseillait de ne pas être anthropophage.

Pourtant, j’aimais son corps délié et sa nudité sans complexe, paradant lumières allumées et rideaux ouverts. Ses mains aux ongles si rongés qu’il les cachait au creux de ses paumes. Sa lèvre supérieure plus épaisse. Son profil buté.
Selon une amie, les vraies beautés étaient celles de profil. Vu sous cet angle, Dermott décrochait la palme.
Décrochée, précisément, j’aurais voulu l’être. Décrochée plutôt qu’accrochée, toujours.

Mais voilà... J’aimais tant sa peau qu’il devait y avoir un péché là-dessous. Les vœux de modération ne servent de rien lorsqu'on a la ferme intention de recommencer. Dans les plus brefs délais si possible.
Dermott le voulait. Moi aussi.


Mes nuits n’étaient plus faites pour dormir. Couchée, cinq heures. Levée, six heures. Je menais une double vie sans tromper quiconque, don de double vue oblige : de mon lit je suivais Dermott partout, en catimini sous la douche puis à la gare, incognito dans le train et au labo.
Vivre pour soi est déjà épuisant. Vivre pour deux est tuant. Au bout de cinq jours, j’étais morte.
Il me fallait renouer avec des moyens oubliés des histoires anciennes. Je marchais des heures dans la ville. J’achetais des stylos, des cahiers remplis de pages blanches. Me réconciliais avec l’écriture. Repris la gymnastique du coude levé pour le cul sec des fonds de verre. Me poussais au point de rupture. Et quand l’épuisement ne suffisait pas, j'avalais des somnifères.
Mes nuits étaient moins belles que ses jours.

À ce train-là, notre première semaine fut brève et éblouissante. Aveuglante de soleil par des nuits sans lune. Dermott luttait contre la fatigue pour me voir, faisait du café à réveiller les morts, vidait ses placards pour mon appétit d’oiseau, puis s’endormait dans l’oreiller. Je le déshabillais et partais comme l’on s’esquive. Vite, avant que le carrosse ne se transforme en citrouille.
Car mine de rien, des grains de sable s'étaient glissées dans le conte de fées.
De tous mes parfums, Dermott préférait celui du premier soir. Je le remis donc. Mais il préférait toujours celui du premier soir. Soit sa madeleine proustienne était définitivement rassise, soit son nez vraiment bouché.

Il
me complimentait sur mon dos, ma taille, mes yeux, mes caresses. Gentillesses pour mieux me vider son sac et déballer que non, toutes les femmes offertes n'étaient pas des cadeaux. Que le droit de cuissage avait parfois des allures de devoir. Mais qu’au jeu du qui perd gagne, j'avais décroché le gros lot de la semaine.
Je comprenais que, décidément, j'avais le ticket.
Que ma voix lui parlait, surtout quand elle n’articulait pas.
Pour l’éloge de l’intelligence, prière de postuler au second tour.


Un jour, un autre, puis un autre encore. L’écheveau du temps et les lignes de son corps se dévidaient sous mes doigts. Je veillais à ne point y mettre les ongles. Patte blanche patte de velours, gare aux gestes inconsidérés. Tombé sur une faille que l’on ne soupçonnait pas, o
n écorche parfois sans vouloir blesser.
Des failles, je lui en prêtais beaucoup sans lui en connaître aucune.
J'avais beau les chercher, je repartais bredouille. À croire qu'il était l’exception qui confirme la règle, soit un garçon pas comme les autres. Par principe ou par système, Dermott parlait très peu de lui. Du coup, mes conclusions épousaient les courbes de l’encéphalogramme plat : chez lui, rien à recoudre ni à suturer. Les lèvres de ses plaies restaient obstinément closes. Pour l’opération à cœur ouvert, changez de bistouri et contactez un autre médecin.

Tempête, gros grain ou orage glissaient sur cet homme imperméable. Ouvertures à vif, déchirements, laissez ces saletés à d’autres. Lézardes, entailles, fêlures qui accrochent, écorchent ou écharpent, vous plaisantez, je suppose. Rangez donc le sparadrap et allez voir ailleurs si Dermott s’y trouve.
Avec un peu de chance, vous l’y rencontrerez.
Trente et un ans et des poussières de vie à se planquer à l’abri, à se cadenasser en jetant la clef. Et moi qui débarquais en croyant le mouiller… Quelles que soient mes questions, je me heurtais au silence en épine dans le pied, sans pince ni loupe pour l’enlever.
Il n’y avait certes pas de quoi faire un éclat. Juste matière à y laisser des plumes et trésors de patience. Lassée du courant alternatif, j’optai pour l'électrochoc. Sortis des ténèbres nantie d'une révélation qui n’endommagerait ni ma rétine ni mon cristallin. Car la réponse de Dermott fut aussi claire qu'eau de roche :
« Je suis d’humeur égale. »
Merci de la précision. L’évidence aurait crevé d’autres yeux que les miens sans rendre les borgnes aveugles.
En résumé : sa vie était aussi lisse que les tables du bar où je l'avais connu.
J’invoquais les proverbes qui parlent d’eau dormante et de feu sous la glace, en attendant qu'éclate le vernis. Celui même qu'il détestait sur les ongles des femmes, surtout s'il était rouge.
« Le rouge est vulgaire. ».
Je ne te le fais pas dire. Voir rouge face à un mur est d’un mauvais goût achevé, d’une indécence rare. Et le rouge de la passion carrément porno, surtout en levrette sur un lit de 2m20.
La vérité, c’est que je ne la trouvais pas.

Paradoxalement, si Dermott restait muet sur son compte, il était prolixe sur le nôtre. De demi-déclarations en moitié d’aveux, il m’entraînait sur un terrain si glissant qu'inévitable, le claquage de cheville se profilait.
Réflexion faite, je préférais le silence qui laisse supposer le pire comme le meilleur. Du mien il s’étonnait parfois. Surprenant ? Non. Plus tu parles, plus je suis autorisée à me taire. Ce n’est pas que je cours moins vite que toi. Pas du tout. En dépit de tes longues jambes et de mon paquet de clopes quotidien, tu me rends même deux longueurs.

« Ma chérie, caresse-moi le dos. »
Et moi de m’exécuter dans un sourire béat. Autres temps autres mœurs. Les miennes n'étaient plus guerrières. Avec d'autres, j'aurais eu en guise de douceur la main lasse et non lascive de la caresse en paire de claques. Celle qui remet les idées en place et la tête dans le traversin.

« Dis-moi quelque chose de gentil, même si ce n’est pas vrai. »
Avec d’autres, cela n’eût guère tardé, après choix de la version: brutale du coup de pied ; civile du soufflet ; impolie de la grimace. Suivie du ramassage de fringues pour fuir illico, au cas où le mal serait contagieux.

« Tu verras, tu prendras goût à moi. »
Avec d’autres, l’affaire eût été entendue : l’autocongratulation et l’assurance m’ennuient. Que les prétendants au titre de petits-maîtres s’ébattent ailleurs que dans mon jardin. Nul besoin de vanter ses entournures pour valoriser le costume, un bon tailleur suffit.
Mais le pire est que Dermott avait raison, sauf pour la conjugaison : point de futur, que du passé composé. Goût comme pli étaient déjà pris.

« Nous finirons fous amoureux, mariés avec plein d’enfants. »
Tu parles, Charles. Finir n’est pas un aboutissement, le mariage et les enfants pas une consécration. Je le plaisantais sur d'interminables week-ends à Trifouilly, avec effluves de sandwiches et de chien qui pue. Nous avions fini par en rire, ce qui n’était pas un aboutissement non plus.
Au fond, cela n’était pas drôle. À moins, bien sûr, de rire aux larmes pour s’étouffer avec.
Par Chut ! - Publié dans : Nouvelles et essais
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