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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 10 janvier 4 10 /01 /Jan 03:46
Voici le dénouement... Mais pour le début de l'aventure, marche arrière ! :)

3 – SUCCÉDANÉ

Presque deux semaines s'étaient écoulées sur nos (d)ébats.
Deux semaines et beaucoup de retours, déjà : celui des amis qui lui voulaient du bien ; de la bonne copine qui insistait pour le voir tous les soirs, mais nu entre ses cuisses ; des dîners en bande au restau ; des dimanches en banlieue sous la tonnelle familiale.
De la vraie vie, en somme. De celle dont il m'excluait, en fait.

Insidieusement, l'actif avait viré au passif. À force de mettre des plus partout, nous en étions arrivés aux moins.
Dermott s’était rhabillé pour un été frisquet, son café ne réveillait plus les morts, sa lampe à phallus restait éteinte sur sa commode, son broken beat n’était plus que broken à défaut de beat.
Plus de soleil la nuit, qu’une lune morne à travers les nuages. Plus de retours guillerets chez moi, m
a vue s’était brouillée d’eau.
Notre théâtre vivant s’était vidé, place aux fantômes.
Embrasée plus qu’embrassée, je me mis à l’attendre au coin du bois, plus exotique que le coin de la rue. Sacrée invitation pour se faire avoir au tournant, ça.

La chair est triste et j’ai lu tous les livres…
Je retournais à la bibliothèque.
Sage précaution. Face au téléphone,
j’eu le temps de beaucoup lire sans être interrompue. Arrivée en bas de page, j’essayais de la tourner. Mais quelque chose m'en empêchait. L’angoisse de la feuille blanche, peut-être. Celle qui est à écrire alors que l’encre fait désespérément défaut.
Aucun doute, le début rejoignait la fin.

Mon briquet rouge avait raté son allumage, notre flamme pris des allures de pétard mouillé. Seul mon deuxième cadeau, Les Racines du mal, restait d'actualité. Voilà qui n’était pas mal trouvé, même sans chercher.

Je ne pensais pas, non plus, que l’infidélité viendrait si tôt. La maîtresse de Dermott avait changé, je soupçonnais même son initiale : F. Mais de Florence, Fanny ou Françoise, point. De fatigue, beaucoup. Fatigue… Maître-mot d’un abandon qui s’accomplit en douce et vous allonge sans poser de questions.
Cette maîtresse, je l’avais souvent fréquentée jadis. Je connaissais ses pointes sèches qui creusent les contours. Ses traits cernés à coups de pinceau. Ses repentirs avant de passer à l’encrage.
Je sais que la fatigue rend la main malhabile et mène à l’épure.
Oublier les fioritures, glisser l’esquisse dans un carton, le remiser au rayon des affaires classées... J'ai pratiqué. Seul manquait au tableau le coup de gomme final.


Je suis injuste, probablement. J’exagère, sans doute. Mais mesure et modération n’ont jamais été mes forts. La preuve ? Sur les étagères de l’amour, je ne me suis jamais rangée au bon endroit. Ni rangée tout court. Il est des cases qui manquent, et pas seulement dans ma tête. Je fais partie de ces récipients estampillés « défaut de fabrication » : attrayants à première vue, mais fragiles, poreux et prêts à se casser entre les doigts en blessant.
Le rouge du sang est aussi signe de vie.
L'hématologie était la spécialité de Dermott. Aussi ne fut-il pas surpris lorsque je décidai de stopper l’hémorragie. L’heure tardive aidant, il prit
même le parti d’être franc : dévêtue sur son lit, je lui plaisais énormément. Sinon, ça se discute.
« Je t’aime beaucoup. »
« Tu me plais beaucoup. »
Dans les phrases de Dermott, il y avait toujours un mot de trop. Pas de bol, c'était toujours le mauvais.
Je claquai sa porte en doutant de la langue française. Pourquoi de savants théoriciens prétendent-ils que deux vrais synonymes n’existent pas ?
Pour Dermott, celui de « coucher » était « faire l’amour ».
Pour moi, celui de « franchise » était « cruauté ».

À y songer, tout cela était déjà plié : excitantes nos étreintes et exquise ma compagnie, cela faisait nombre d’ex. Et exquis n’est pas si loin d’exit sur la carte du Tendre, version amour vache. De détour par le lac de la Tranquillité, point. Car Dermott ne m’aimait pas, c’était un fait. Et non des moindres.
Son superflu était mon essentiel. Une vie sans superflu est assez triste. Mais une vie sans essentiel est invivable.
Bien que médecin, il ne pouvait m'anesthésier de ce mal-là. À se demander à quoi servent tant d’études, hormis à se cuirasser le cœur et à trouver charmantes des filles que l’on n’aimera jamais, même avec des louches de bonne volonté…

Certaines fractures ne se résorbent pas.
Lorsque la gangrène s'est installée, autant éviter emplâtres et attelle pour couper court.
- Je ne veux pas te faire de mal.
En guise de vœu pieux, il y a mieux. Surtout prononcé par un homme qui vous piétine le cœur. À son corps défendant, paraît-il. Mais ce n'est ni une consolation, ni un début d’excuse, ni même une vérité.

- Je ne serai jamais ton amie.
- Je sais.
Chute de rideau dans la sciure. Applaudissements du public. Claquement de talons et claquage de porte. Le troisième étage me tendait ses marches. Je n‘avais qu’à les dévaler sans me prendre les pieds dans le tapis. Trop facile avec ma jupe large et mes chaussures plates.

Je rentrai dans mon antre fêter à grandes eaux ma place de perdante. En ressortis la semaine suivante pour une tournée nocturne de cigarettes et tombai sur un copain fêtard.
Le hasard arrange parfois bien les choses.
Une fermeture de bar plus tard, nous étions deux plus un :
à mon copain s'était adjoint un garçon au physique décoratif de jeune premier, avec lequel je passai ce qu’il restait de la nuit. Ni confident ni premier rôle, il s’invita en troisième couteau. Je le reçus en figurant pour jouer le rôle de la fille qui s'allonge. Couchée, certes, mais indifférente à la lutte de nos corps sur le sommier. Si peu concentrée que je me fourvoyai sur son prénom. Tellement ailleurs que je m'en aperçus seulement lorsqu'il leva la tête, abasourdi, en glapissant sa didascalie :
- Hein ?

Le lendemain, je me ruai à la douche pour enlever le maquillage. Sous l’eau courante je n’avais plus la main baladeuse. Il me tardait d’en finir.
Post coïtum animal triste. Je l’étais au-delà de la mesure conseillée.
Nous nous embrassâmes sur le pas de la porte. Je fermai les rideaux et pris un bouquin. Il s’appelait Se perdre. Vaste programme pour un petit appartement.

Oui, sans conteste, on vit dans un monde injuste. Dermott, en me rappelant, l'apprit à ses dépens. Au lieu de me précipiter rue de la Croquette, je repoussai nos rendez-vous aux calendes grecques ;
renvoyai sa personne à tous les diables et son cœur aux filles qu'il préfère : de belles brunes dotées de longues jambes, de taches de rousseur et d'immenses yeux bleus.
Un peu salope, les brunes, si possible. Mais point trop quand même.
Parce que dans le fond, ce garçon est fragile. En creusant bien. Sur un chantier. À la pelleteuse.
Mais si je dois superviser l’avancée des travaux, par pitié, prêtez-moi un casque. Parce que la suite, je ne veux pas l’entendre. Je la connais sur le bout des doigts.

Et si mon chien laisse encore des poils sur le pantalon de qui que ce soit, ma décision est prise : je l’étrangle.
Par Chut ! - Publié dans : Nouvelles et essais
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Commentaires

Si l'on dit trouver un avantage à Dermott, c'est que grâce à lui, nous avons eu un texte fabuleux à lire!! Biz ma belle!!
commentaire n° :1 posté par : ether-et le: 15/01/2008 à 15h04
Merrciii ma coupine ! Tu m'encourages à en mettre d'autres, du coup !  Bises .. et bon courage pour le lever quotidien aux aurores...
réponse de : Chut ! le: 15/01/2008 à 21h45
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