Présentation

Paroles de lecteurs

Images Aléatoires

  • Borobudur--L-assise.jpg
  • Petite-fille.png
  • Dur, d'être un oursin
  • Junglle-de-beton.jpg
  • Cook

En lisant en écrivant

De la relativité de l'amour

 

/David a laissé/ un Post It où il y avait mes numéros de téléphone et une citation :

La littérature nous prouve tous les jours que la vie ne suffit pas.

Ou le contraire ?

J'ai bu un mauvais Nescafé dans son jardin de curé, les coudes sur une table en plastique blanc de camping ; c'est difficile de boire quand on ne peut cesser de soupirer.

Au sortir d'une nuit d'amour comme celle-là - et, malgré mon passé fastueux, des nuits comme celle qui venait de s'écouler je n'en avais pas tellement eu -, on a la sensation de ne plus être maître de soi, de ses lèvres, de ses mains, jusqu'à la respiration qui semble ne plus vous appartenir.

On s'est tellement mêlés, on a si prodigieusement été l'un l'outil du plaisir de l'autre, que reprendre son corps en main semble insensé.

 

Les premiers mots qui suivirent la nuit où on est non seulement tombés amoureux, mais littéralement tombés l'un dans l'autre, ont une singulière saveur de vérité. Plus qu'on ne le voudrait, on se découvre, à l'autre comme à soi.

Ils restent, ces mots-là, comme un écho qui rend tout le reste indécent.

/David/ me dit qu'il m'avait attendue ; il savait que je lui reviendrais, car j'étais faite pour lui de toute éternité ; moi seule pouvait le guérir de sa fracture profonde, de son mal de vivre ; il me dit que j'étais la femme qu'il avait le plus baisée dans sa vie, tout seul ou aux côtés d'autres.

Il me dit que son âme était à moi et qu'elle m'appartenait depuis toujours.


J'étais comme un enfant pauvre qui hérite de la fortune de Rockfeller.

En même temps, je ne pouvais pas, je ne voulais pas le croire. Ç'aurait voulu dire que je trahissais ce que j'étais, ce en quoi je croyais : que rien n'est éternel, qu'on est profondément et définitivement seuls ; et cela, au fond, me convenait parfaitement.

D'ailleurs, tout ce que j'avais vécu me le confirmait.

Mes meilleurs moments sont ceux que je passe en tête-à-tête avec moi-même, à me balader sur la berge d'un fleuve, à écouter le vent dans les feuilles des peupliers. Ou un livre à la main, étendue dans l'herbe. À écouter La Passion seon Saint Matthieu, à parler à un chat, à dormir dans un grand lit vide et un peu froid...

La présence d'un homme a toujours masqué, d'une certaine manière, mon bonheur. Je n'ai d'yeux que pour lui, alors que le reste du monde m'a toujours semblé plus intéressant que l'amour.

Il y a une vieille dame qui habite au fond de moi, une vieille dame agacée par tous ces frottements, toutes ces scènes, par les baisers et les larmes. Elle a les yeux clairs, la peau propre et sèche, et n'aspire qu'au calme pensif d'un matin d'hiver ; le reste, ça la laisse sceptique et un peu navrée.


Simonetta Greggio, Plus chaud que braise extrait du recueil de nouvelles L'Odeur du figuier.


 -----------------------------------------------    

Être d'eau

 

Je bénis l'inventeur des fiançailles. La vie est jalonnée d'épreuves solides comme la pierre ; une mécanique des fluides permet d'y circuler quand même.

Il y a des créatures incapables de comportements granitiques et qui, pour avancer, ne peuvent que se faufiler, s'infiltrer, contourner. Quand on leur demande si oui ou non elles veulent épouser untel, elles suggèrent des fiançailles, noces liquides. Les patriarches pierreux voient en elles des traîtresses ou des menteuses, alors qu'elles sont sincères à la manière de l'eau.

Si je suis eau, quel sens cela a-t-il de dire "oui, je vais t'épouser" ?

Là serait le mensonge. On ne retient pas l'eau. Oui, je t'irriguerai, je te prodiguerai ma tendresse, je te rafraîchirai, j'apaiserai ta soif, mais sais-je ce que sera le cours de mon fleuve ? Tu ne te baigneras jamais deux fois dans la même fiancée.

 

Ces êtres fluides s'attirent le mépris des foules, quand leurs attitudes ondoyantes ont permis d'éviter tant de conflits. Les grands blocs de pierre vertueux, sur lesquels personne ne tarit d'éloges, sont à l'origine de toutes les guerres.

Certes, avec Rinri, il n'était pas question de politique internationale, mais il m'a fallu affronter un choix entre deux risques énormes.

L'un s'appelait "oui", qui a pour synonyme éternité, solidité, stabilité et d'autres mots qui gèlent l'eau d'effroi.

L'autre s'appelait "non", qui se traduit par la déchirure, le désespoir, et moi qui croyais que tu m'aimais, disparais de ma vue, tu semblais pourtant si heureuse quand, et autres paroles qui font bouillir l'eau d'indignation, car elles sont injustes et barbares.

 

Quel soulagement d'avoir trouvé la solution des fiançailles ! C'était une réponse liquide en ceci qu'elle ne résolvait rien et remettait le problème à plus tard.

Mais gagner du temps est la grande affaire de la vie.

 

Amélie Nothomb, Ni d'Ève ni d'Adam.


 -----------------------------------------------    

Bonheur

Un seul bonheur, tout d'une pièce, terrestre et céleste à la fois, temporel et éternel d'un tenant : le bonheur d'être au monde, en ce monde-ci, de l'habiter pleinement et de l'aimer tout en le reconnaissant inachevé, traversé d'obscures turbulences, troué de manque, d'attente, meurtri, raviné par d'incessantes coulées de larmes, de sueur et de sang, mais aussi irrigué par une inépuisable énergie, travaillé de l'intérieur par un souffle à la fraîcheur et à la clarté d'autore - caressé par un chant, un sourire.

Le bonheur imparti à Bernadette, comme à tous les hommes et femmes de sa trempe, consistait à avoir reçu un don de claire-voyance, de claire-audience qui lui permettait de percevoir l'invisible diffus dans le visible, la lumière respirant même au plus épais des ténèbres, un sourire radieux se profilant à l'horizon du vide, affleurant jusque dans les eaux glacées du néant.

Le don d'une autre sensibilité, d'une intelligence insolite, et d'une patience sans garde ni mesure.

Le don d'une humilité lumineuse - clef de verre, de vent ouvrant sur l'inconnu, sur l'insoupçonné, sur un émerveillement infini.

 
 

Sylvie Germain, La chanson des Mal-Aimants.

 

-----------------------------------------

Femmes, femmes, femmes...


Je me demande ce qu'aurait été ma vie plus tard si, enfant, je n'avais pas bénéficié de ces petites réceptions chez ma mère. C'est peut-être ce qui a fait que je n'ai jamais considéré les femmes comme mes ennemies, comme des territoires à conquérir, mais toujours comme des alliées et des amies - raison pour laquelle, je crois, elles m'ont toujours, elles aussi, montré de l'affection.

Je n'ai jamais rencontré ces furies dont on entend parler : elles ont sans doute trop à faire avec des hommes qui considèrent les femmes comme des forteresses qu'il leur faut prendre d'assaut, mettre à sac et laisser en ruines.

 

Toujours à propos de mes tendres penchants - pour les femmes en particulier -, force est de conclure que mon bonheur parfait lors des thés hebdomadaires de ma mère dénotait chez moi un goût précoce et très marqué pour le sexe opposé. Un goût qui, manifestement, n'est pas étranger à ma bonne fortune auprès des femmes par la suite.

Mes souvenirs, je l'espère, seront une lecture instructive, mais ce n'est pas pour autant que les femmes auront plus d'attirance que vous n'en avez pour elles. Si au fond de vous-mêmes, vous les haïssez, si vous ne rêvez que de les humilier, si vous vous plaisez à leur imposer votre loi, vous aurez toute chance de recevoir la monnaie de votre pièce.

Elles ne vous désireront et ne vous aimeront que dans l'exacte mesure où vous les désirez et aimez vous-mêmes - et louée soit leur générosité.

 

Stephan Vizinczey, Eloge des femmes mûres.

Tic tac

Mai 2024
L M M J V S D
    1 2 3 4 5
6 7 8 9 10 11 12
13 14 15 16 17 18 19
20 21 22 23 24 25 26
27 28 29 30 31    
<< < > >>

Recherche

Profil

  • Chut !
  • Le blog de Chut !
  • Femme
  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.

Flux et reflux

Syndication

  • Flux RSS des articles

Créer un Blog

Mercredi 2 janvier 3 02 /01 /Jan 21:21

Tandis que certains s'abandonnent avec délice au sommeil, je lui résiste et ne lui succombe qu'épuisée.
Les bras de Morphée me sont rarement accueillants. Comme ceux de Néron, ils m'embrassent pour mieux m'étouffer, peuplant mes nuits de meurtres, de tortures et de fantômes.
Je me réveille apeurée, fatiguée, le cerveau en charpie.
Je me lève. Une brume diffuse d'angoisse s'interpose entre moi et la réalité. La dissiper me prend du temps. De la lumière. Un café.

Certains rêves angoissants sont des one shots : ils me transpercent mais ne reviennent jamais.
D'autres, au contraire, me collent au corps. Ce sont mes "rêves immobiliers", coulés dans le béton et le plâtre de maisons ou d'appartements. J'ai vécu dans certains de ces lieux ; je n'ai jamais mis les pieds dans d'autres.
En apparence, tous ces rêves sont différents : le scénario, les acteurs, les couleurs changent. Mais en dépit de leurs variations, je les reconnais et les identifie pour ce qu'ils sont : l'expression d'angoisses profondément enracinées.

La première me confronte à un dédale.
Je suis dans une maison que je connais par cœur (en général celle de ma grand-mère) et pourtant, je m'y perds. Les pièces ont changé de place. Je veux aller au salon, je me retrouve dans une chambre. En sors et cherche mon chemin en vain. M
e cogne aux murs. Tente d'ouvrir une porte. Elle est verrouillée.
La maison jadis rassurante s'est changée en piège hostile.
Elle était familière, elle me devient inconnue. Elle ne me protège plus, elle m'enferme.

Moi qui la voyais comme un ensemble fini de pièces ordonnées, je la découvre en expansion : ses couloirs s'ouvrent sur d'autres couloirs ; les marches de son escalier n'en finissent pas de monter ; des réduits la percent de trous d'ombre ; des pièces inconnues jaillissent de la brique.
J'erre dans ce labyrinthe sans issue. Je n'ai plus de repères.

Dans la seconde, je tiens à la fois le rôle de l'étrangère et de l'intruse. Mais n'est-ce pas le même, au fond ?
Les rêves qui s'y rapportent se déroulent en général dans le même lieu, réel : l'appartement où j'ai vécu en colocation après avoir quitté celui de ma mère.
Je sonne à la porte. Je vois le rond du judas s'ouvrir de l'autre côté. J'entends le cliquetis de la chaîne de sécurité mis pour barricader la porte.
Je sonne encore. Attends. Tambourine contre le battant.
Personne ne m'ouvre, et à raison : ce n'est plus chez moi, je n'ai pas le droit d'entrer.

Une variante : je me suis introduite là sans permission. Pour y pénétrer, j'ai escaladé la façade, enjambé le balcon, ou utilisé mon ancien jeu de clés. Le nouvel occupant n'a pas pris la peine de changer la serrure.
Je visite les lieux en notant les changements apportés durant mon absence. Je les squatte la peur au ventre, me déplaçant à pas de loup. Je crains que le locataire ne débarque, que les voisins ne m'entendent.
Le moindre bruit me fait sursauter.
Si ma présence est découverte, je serai chassée.
À la fin, je suis toujours contrainte de partir. Délogée comme une indésirable, alors que je souhaitais juste récupérer ce qui était mien.

Aujourd'hui, je suis propriétaire de mon appartement. J'ai beau connaître son nombre exact de pièces, savoir que personne ne m'en renverra, je continue à faire ces rêves.
À peine moins souvent qu'auparavant.




Par Chut ! - Publié dans : Bribes perso
Ecrire un commentaire - Voir les 1 commentaires
Mercredi 2 janvier 3 02 /01 /Jan 16:30

PardonVoilà plusieurs jours que le thème du pardon me trotte dans la tête. Qu'il s'impose à mon esprit sans que je n'arrive à le déloger. J'avais écrit un long article sur le sujet, je ne l'ai pas mis en ligne. Trop perso, sans doute, mais aussi trop décalé : je tournais autour du sujet sans en atteindre le cœur. Je l'effleurais sans trancher dans le vif, peut-être parce que j'ignorais moi-même où trancher.
J'essaie de nouveau aujourd'hui. L'accouchement promet d'être aux forceps.

Avant, j'étais rancunière. Je pouvais remâcher des jours entiers une remarque vexante, m'échauffer les flancs contre celui (celle) qui me l'avait lancée. En vouloir à quelqu'un pour des broutilles, les lui reprocher à l'occasion d'une conversation qui tournait mal.

J'avais l'excuse difficile. Ou plus exactement, j'excusais mais n'oubliais pas. Ce qui m'avait déplu me restait en travers de la gorge, puis en arrière-fond sur le coeur, prêt à resurgir si l'on me blessait encore.
A ma décharge, j'avais (et j'ai encore, mais peut-être moins) un niveau élevé d'exigences envers moi-même.
Travail, amour, amitié, même combat : je suis ma première juge et ma première critique. Il y a des phrases que je regrette d'avoir prononcées, des comportements que je me reproche d'avoir tenus, des engagements que je m'accable de n'avoir pas honorés.
Certains ont beau être anciens, j'en ai encore honte.

Pour cela, j'aime l'ivresse. Quand j'ai (un peu trop) bu, j'ai l'esprit de concorde, le désir profond qu'aucune fausse note ne vienne perturber la fête.
Dissoutes dans le vin, mes fautes m'apparaissent vénielles, celle des autres sans importance. Je les comprends, les explique, les justifie. Elles perdent de leur réalité, ne m'atteignent plus. Je les balaye d'un revers de main.
Tout le monde, à commencer par moi, me paraît aimable.
Encore un verre et je pleurerais d'émotion, serrerais mes ennemis dans mes bras. Je baigne dans l'amour, j'atteins les sommets de la bienveillance. Je voudrais ne jamais en redescendre.

Le décès de ma mère m'a projetée dans une autre dimension.
Elle est morte ensevelie dans une avalanche, en suivant le guide en qui elle avait toute confiance. U
ne amitié discrète s'était nouée entre eux, il avait la connaissance de la montagne, il était réputé sur la station. Elle n'avait donc aucune raison de se défier de lui, de ses compétences ni de ses choix.
Pourtant, ce jour-là, il n'aurait jamais dû quitter les pistes balisées, et encore moins accompagné : le bulletin de Météo France,
alarmiste, annonçait un risque de 4 sur 5.
Elle est morte sur le coup, roulée dans la neige et les cailloux. Lui, arrêté plus haut sur la combe, n'a rien eu.


Pardon 2
Neuf mois plus tard, le rapport de police m'apprendrait qu'il avait commis une autre erreur. Trop sûr de lui ou trop négligent, il n'avait pas consulté la carte des avalanches.

S'il l'avait fait, il aurait su que ce n'était pas la première qui se produisait là.


Après l'accident, je suis allée à Bourg Saint-Maurice avec le compagnon de ma mère.
Lorsque nous sommes sortis du funérarium, nous avons vu le guide arriver. Incapable de marcher seul, appuyé sur un ami, chancelant comme un homme ivre.

Défait et incapable de nous regarder en face.


Mon beau-père bouillait d'une rage froide. Il aurait voulu l'empoigner, le jeter à terre, lui coller ses poings dans la figure.

Moi, non. Je le savais responsable mais n'éprouvais aucune haine. D'une certaine façon, j'avais même pitié de lui.

Je lui ai proposé de voir le corps. Il était la dernière personne à avoir vu ma mère vivante, je souhaitais qu'il lui dise adieu.

Adieu et pardon.
Il s'est approché d'elle en tremblant. Il a effleuré son visage et éclaté en sanglots.

Nous avons quitté la pièce. Je l'ai invité aux funérailles. Il a refusé. J'ai insisté.
Je voulais que le jour de son enterrement, tous les gens qui l'avaient aimée soient réunis. Il en faisait partie.
Je voulais qu'elle entre au cimetière accompagnée de ceux qui la regrettaient. Il en faisait partie.
J'avais beau être assommée de chagrin, sa détresse me touchait. Et même s'il m'avait fait plus de mal que quiconque, je ne lui voulais pas de mal.
Je voulais que lui aussi puisse faire son deuil, même s'il ne me concernait pas.
Je voulais qu'apaisé, il la laisse partir.

Au cours des deux années suivantes, j'ai reçu quelques lettres et messages de lui. Je n'ai répondu à aucun.
Avec des mots malhabiles, il me demandait, m'implorait mon pardon.
Je suis incapable de le lui donner. Pourtant, je ne le hais pas.
Parfois, bien sûr, j'ai éprouvé de la colère contre lui. Mais pas une colère qui aurait réclamé de l'anéantir, de le réduire à ma merci, de saccager son existence.
Mais l'absence de colère ou de haine n'implique pas le pardon.
Pour moi, pardonner cet homme serait comme effacer ce qu'il a fait et qui ne pourra jamais être réparé. Ce qu'il m'a pris, rien ni personne ne pourra jamais me le rendre. Sans le vouloir, il m'a condamnée à vivre avec un trou, une suspension : ce qui aurait pu être mais ne sera pas, parce que la mort s'en est mêlée.
L'accepter au lieu de le subir est déjà un long chemin.
Franchir la dernière marche, celle du pardon, m'est impossible.

Pardon 3Faudrait-il qu'il en soit autrement ?

Je ne pense pas.
La religion nous exhorte à "pardonner à ceux qui nous ont offensés".

Je ne suis pas croyante.
Je ne crois pas, non plus, que le pardon soit la condition nécessaire pour vivre en paix. Rien de pire que les faux pardons : arrachés ou accordés du bout des lèvres, ils n'ont aucune valeur.


Ne pas pardonner ne signifie pas être dure ou inexorable. C'est reconnaître que notre limite a été atteinte. La prendre en considération et la respecter.

Si on la franchit, on se renie.


Ne pas pardonner, c'est finalement s'accorder le droit d'être soi-même, détaché des faux-semblants d'une générosité inaccessible.
Soi-même, avec une
grandeur d'âme à capacité limitée et une souffrance toujours vivace.

 

 

Toiles de Fabienne Verdier, auteure du très beau Passagère du silence.

Par Chut ! - Publié dans : Bribes perso
Ecrire un commentaire - Voir les 4 commentaires
Mardi 1 janvier 2 01 /01 /Jan 18:57

En français, aimer est un drôle de verbe : on aime indifféremment sa femme, son chien, ses enfants et les pains au chocolat. L'anglais a l'avantage d'être plus subtil : de like à love, un océan de gradations se dessine, un saut qualitatif qui assigne sans détour à l'autre sa place :
"I like you."
En un mot, tout est dit : tu as compris qu'on t'aime bien, mais qu'on ne t'aime pas tout court. Et peut-être es-tu prêt à te battre pour un changement de verbe.

Dans l'absolu, aimer beaucoup, c'est déjà ne pas aimer assez. La restriction de l'adverbe, cruelle, met le cœur à mal.

Pour ma part, j'ai tendance à préférer l'implicite à l'explicite. Ce qui affleure au lieu de se montrer, se devine au lieu de s'affirmer. La suggestion plutôt que l'aveu, l'en-deçà plutôt que l'au-delà.

Les "grandes déclarations" par exemple, je ne sais comment les recevoir. Elles me heurtent de plein fouet sans que j'aie le temps de me composer un visage ou une attitude. Bien sûr qu'elles me touchent, je n'ai pas un cœur de glace. Il n'empêche que, sauf rares exceptions, elles m'embarrassent.
Ne pas leur répondre ? Un silence équivaudrait à un camouflet, une fin de non-recevoir aussi glaçante que polie.
Avancer un simple "moi aussi" ? C'est commode mais faiblard. L'autre nous a livré ses tripes, il convient de lever en retour le voile sur nos boyaux.

Quant à la communion des âmes, elle me laisse perplexe. La formule sonne jolie aux oreilles de certains. Aux miennes, elle tinte faux. Ce qui ne signifie pas que je n'y prête aucune foi, mais que les images qu'elle éveille sont celles de la foi, justement : une cohorte de jeunes vierges en robe blanche qui défile sous mes yeux en rangs serrés. Paupières closes, mains jointes, elles ouvrent la bouche pour goûter au corps du Christ.
Transcendance et consécration.
Amen.

Longtemps, je n'ai pu dire "je t'aime" à mes proches. J'avais le sentiment, ou plutôt la certitude, que ces mots signeraient leur arrêt de mort.
Comme si le lien, une fois énoncé, ne pouvait être que tranché.
Comme si trop de félicité ne pouvait conduire qu'à sa ruine.
Gamine, une légende m'avait marquée : les dieux avaient deux urnes à leur disposition. Dans la première, tous les bonheurs de la terre ; dans la seconde, tous les malheurs. Soucieux de justice, ils les répartissaient à égalité entre les mortels. Il arrivait néanmoins que certains passent entre les mailles du filet. Insouciante, leur vie n'était que joie. Mais cette situation idéale ne pouvait durer. Toujours, les dieux s'apercevaient de leur erreur et la corrigeaient en puisant dans l'urne nefaste.
Aussitôt, une poignée de malheurs s'abattait sur le dos de l'humain épargné.
Durant de longues années, cette légende m'a terrifiée. Alors, à la manière des enfants qui ferment les yeux et se croient cachés, je pensais protéger (mes proches) en (me) dissimulant.
Vaste connerie, évidemment.

Par Chut ! - Publié dans : Bribes perso
Ecrire un commentaire - Voir les 3 commentaires
Samedi 29 décembre 6 29 /12 /Déc 18:57

Quand on vit en appartement, c'est forcément la grande question : mes voisins baisent-ils aussi ?


Certains soirs, on a la réponse alors qu'on s'en passerait bien. Des hurlements à vous vriller les tympans traversent vos murs. Tranquillement installé devant votré télé, vous vous emparez de la télécommande pour les couvrir en montant TF1 (France2-3, Arte, le porno de Canal) à plein volume.
Peine perdue.

Les cris de bête s'obstinent en un crescendo  /descrescendo qui vous cloue au canapé. Bientôt, des "Oui, oh oui encore, OUIIIIIIII !" viennent enrichir la bande son.
Les mains sur les oreilles, vous priez pour que Madame la lui coupe ou que Monsieur soit un éjaculateur précoce. Prématuré, pardon, c'est plus politiquement correct.

Lorsqu'ils en ont enfin terminé, c'est vous qui jouissez... du silence.
Vous pouvez enfin passer à l'horizontale avec un bon bouquin. Ignorer ces gêneurs qui vous marchent sur la tête et vous courent sur le haricot.
Mais pervers comme ils sont, ils remettent ça dans la nuit ou à l'aube, vous tirant des rêves où bien sûr, ils ne sont pas : vous les avez tués en vous endormant.

Vos voisins sont de chauds lapins, votre prouesses à vous se résument à peau de chagrin ? Vous vous sentez le laissé-pour-compte de l'immeuble. Le plus moche, le plus nul, le plus minable de la cage d'escalier.
Vos voisins n'ont pas de vie sexuelle, vous non plus ? Un partout la balle au centre.
Rassurant. Vous voilà bercé par l'idée qu'un jour néanmoins, votre tour viendra (avant le leur, si possible).

Chez moi, je ne rencontre aucun de ces problèmes. J'habite le seul
immeuble d'abstinents du quartier. Ou de frigides, mais puisque je n'entends pas la différence, elle m'importe peu.
Le cul entre mes voisins du dessous tient en un mot : rien.
Celui entre mes voisins du dessus en trois : pas grand chose.
À leur décharge, ils sont frère et sœur. Plutôt avantagés de leurs personnes, au passage. Je les soupçonne de fait d'aller s'éclater ailleurs que sur mon plafond.
Non, non, je ne m'en plaindrai pas. Les soupirs
non équivoques que j'ai déjà perçus certains petits matins m'ont suffi.

Il est très embarrassant de croiser ses voisins après les avoir entendus jouir : invité malgré vous à leurs ébats, vous êtes entrés par effraction dans leur jardin secret.
Certaines portes doivent rester fermées. C'est préférable pour le droit à la jouissance des occupants de la communauté.

Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour - Communauté : xFantasmesx
Ecrire un commentaire - Voir les 2 commentaires
Samedi 29 décembre 6 29 /12 /Déc 02:08

Mot de passe...
L'expression me plaît. Elle évoque l'interdit, le passage, le pouvoir du langage.

Prononcer ce mot, c'est comme réciter une formule magique. Il est le sésame qui ouvre la porte d'un club privé, d'un lieu interlope, d'une réunion de conspirateurs.
Si on le connaît, on entre.

Si on l'ignore, on reste dehors.

Dans l'univers BDSM, il a une signification différente : il n'autorise aucun après, il interrompt.

Lancé par le soumis (ou la Maîtresse), son stop signe la fin de la séance.

Poursuivre serait un manque de respect, une entorse flagrante au contrat de confiance liant les partenaires. De passe, le mot devient de sauvegarde (safe word).

Mais pour jouer son rôle de filet, il doit être choisi avec soin.
Le simple non est déconseillé : il cache trop de "oui". D'un non désireux - et craint - d'être forcé à un non catégorique, seule l'intonation change. Trop pris par le jeu, on en oublie parfois le sens de la nuance.
S'arrêter sur un non qui demande davantage, c'est frustrer le soumis... et soi-même.
Poursuivre en dépit d'un non qui en a plus qu'assez, c'est une catastrophe.

Une fois j'entendis un safe word crié par un "soumis". En vérité cet homme ne l'était pas, ou à certaines conditions que je ne remplissais pas.
Le BDSM ne l'attirait pas plus que ça. Il y avait déjà songé, oui, mais seulement dans le cadre d'une relation installée : son humiliation nécessitait une complicité et un abandon qui excluaient la première Maîtresse venue.
Or, avant qu'il ne se trouve nu devant moi, nous ne nous étions jamais vus.
Avec un homme rompu à ces pratiques, j'ignore comment je prendrais un refus. Peut-être pas très bien. Non à cause de lui (je ne le taxerais pas de faux-soumis-même-pas-motivé-qui-me-les-brise-menu), mais à cause de moi.
Si mon partenaire se dérobe, cela signifie que je suis allée trop loin. Que j'ai, sans le vouloir, outrepassé ses limites. Que j'ai infligé ce qu'il ne pouvait supporter. Que j'ai été trop (dure, exigeante, violente) ou pas assez (prévenante, intuitive, perspicace).
En un mot, que j'ai été mauvaise.

Mot de passe 2Être une bonne Maîtresse est un art complexe. Sûrement parce qu'en idéal, le BDSM est un art tenant autant de l'improvisation maîtrisée, de l'exercice de haute voltige que du funambulisme.
Mon partenaire et moi, nous marchons en équilibre sur la corde tendue de nos désirs, de nos émotions, mais aussi de nos peurs.
Je suis là pour le guider, il m'éclaire en retour le chemin.

Si je trébuche, il me retient.

S'il hésite, je prends sa main pour l'emmener plus loin.

Nous cheminons l'un derrière l'autre, puis l'un devant l'autre, sur la corde qui nous relie. Mais, fragile, elle peut aussi se dérober sous nos pas et nous séparer.

 

 

Photo de Gilles Berquet.

Par Chut ! - Publié dans : Classé X - Communauté : xFantasmesx
Ecrire un commentaire - Voir les 4 commentaires
 
Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés