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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Mercredi 2 janvier 3 02 /01 /Jan 16:30

PardonVoilà plusieurs jours que le thème du pardon me trotte dans la tête. Qu'il s'impose à mon esprit sans que je n'arrive à le déloger. J'avais écrit un long article sur le sujet, je ne l'ai pas mis en ligne. Trop perso, sans doute, mais aussi trop décalé : je tournais autour du sujet sans en atteindre le cœur. Je l'effleurais sans trancher dans le vif, peut-être parce que j'ignorais moi-même où trancher.
J'essaie de nouveau aujourd'hui. L'accouchement promet d'être aux forceps.

Avant, j'étais rancunière. Je pouvais remâcher des jours entiers une remarque vexante, m'échauffer les flancs contre celui (celle) qui me l'avait lancée. En vouloir à quelqu'un pour des broutilles, les lui reprocher à l'occasion d'une conversation qui tournait mal.

J'avais l'excuse difficile. Ou plus exactement, j'excusais mais n'oubliais pas. Ce qui m'avait déplu me restait en travers de la gorge, puis en arrière-fond sur le coeur, prêt à resurgir si l'on me blessait encore.
A ma décharge, j'avais (et j'ai encore, mais peut-être moins) un niveau élevé d'exigences envers moi-même.
Travail, amour, amitié, même combat : je suis ma première juge et ma première critique. Il y a des phrases que je regrette d'avoir prononcées, des comportements que je me reproche d'avoir tenus, des engagements que je m'accable de n'avoir pas honorés.
Certains ont beau être anciens, j'en ai encore honte.

Pour cela, j'aime l'ivresse. Quand j'ai (un peu trop) bu, j'ai l'esprit de concorde, le désir profond qu'aucune fausse note ne vienne perturber la fête.
Dissoutes dans le vin, mes fautes m'apparaissent vénielles, celle des autres sans importance. Je les comprends, les explique, les justifie. Elles perdent de leur réalité, ne m'atteignent plus. Je les balaye d'un revers de main.
Tout le monde, à commencer par moi, me paraît aimable.
Encore un verre et je pleurerais d'émotion, serrerais mes ennemis dans mes bras. Je baigne dans l'amour, j'atteins les sommets de la bienveillance. Je voudrais ne jamais en redescendre.

Le décès de ma mère m'a projetée dans une autre dimension.
Elle est morte ensevelie dans une avalanche, en suivant le guide en qui elle avait toute confiance. U
ne amitié discrète s'était nouée entre eux, il avait la connaissance de la montagne, il était réputé sur la station. Elle n'avait donc aucune raison de se défier de lui, de ses compétences ni de ses choix.
Pourtant, ce jour-là, il n'aurait jamais dû quitter les pistes balisées, et encore moins accompagné : le bulletin de Météo France,
alarmiste, annonçait un risque de 4 sur 5.
Elle est morte sur le coup, roulée dans la neige et les cailloux. Lui, arrêté plus haut sur la combe, n'a rien eu.


Pardon 2
Neuf mois plus tard, le rapport de police m'apprendrait qu'il avait commis une autre erreur. Trop sûr de lui ou trop négligent, il n'avait pas consulté la carte des avalanches.

S'il l'avait fait, il aurait su que ce n'était pas la première qui se produisait là.


Après l'accident, je suis allée à Bourg Saint-Maurice avec le compagnon de ma mère.
Lorsque nous sommes sortis du funérarium, nous avons vu le guide arriver. Incapable de marcher seul, appuyé sur un ami, chancelant comme un homme ivre.

Défait et incapable de nous regarder en face.


Mon beau-père bouillait d'une rage froide. Il aurait voulu l'empoigner, le jeter à terre, lui coller ses poings dans la figure.

Moi, non. Je le savais responsable mais n'éprouvais aucune haine. D'une certaine façon, j'avais même pitié de lui.

Je lui ai proposé de voir le corps. Il était la dernière personne à avoir vu ma mère vivante, je souhaitais qu'il lui dise adieu.

Adieu et pardon.
Il s'est approché d'elle en tremblant. Il a effleuré son visage et éclaté en sanglots.

Nous avons quitté la pièce. Je l'ai invité aux funérailles. Il a refusé. J'ai insisté.
Je voulais que le jour de son enterrement, tous les gens qui l'avaient aimée soient réunis. Il en faisait partie.
Je voulais qu'elle entre au cimetière accompagnée de ceux qui la regrettaient. Il en faisait partie.
J'avais beau être assommée de chagrin, sa détresse me touchait. Et même s'il m'avait fait plus de mal que quiconque, je ne lui voulais pas de mal.
Je voulais que lui aussi puisse faire son deuil, même s'il ne me concernait pas.
Je voulais qu'apaisé, il la laisse partir.

Au cours des deux années suivantes, j'ai reçu quelques lettres et messages de lui. Je n'ai répondu à aucun.
Avec des mots malhabiles, il me demandait, m'implorait mon pardon.
Je suis incapable de le lui donner. Pourtant, je ne le hais pas.
Parfois, bien sûr, j'ai éprouvé de la colère contre lui. Mais pas une colère qui aurait réclamé de l'anéantir, de le réduire à ma merci, de saccager son existence.
Mais l'absence de colère ou de haine n'implique pas le pardon.
Pour moi, pardonner cet homme serait comme effacer ce qu'il a fait et qui ne pourra jamais être réparé. Ce qu'il m'a pris, rien ni personne ne pourra jamais me le rendre. Sans le vouloir, il m'a condamnée à vivre avec un trou, une suspension : ce qui aurait pu être mais ne sera pas, parce que la mort s'en est mêlée.
L'accepter au lieu de le subir est déjà un long chemin.
Franchir la dernière marche, celle du pardon, m'est impossible.

Pardon 3Faudrait-il qu'il en soit autrement ?

Je ne pense pas.
La religion nous exhorte à "pardonner à ceux qui nous ont offensés".

Je ne suis pas croyante.
Je ne crois pas, non plus, que le pardon soit la condition nécessaire pour vivre en paix. Rien de pire que les faux pardons : arrachés ou accordés du bout des lèvres, ils n'ont aucune valeur.


Ne pas pardonner ne signifie pas être dure ou inexorable. C'est reconnaître que notre limite a été atteinte. La prendre en considération et la respecter.

Si on la franchit, on se renie.


Ne pas pardonner, c'est finalement s'accorder le droit d'être soi-même, détaché des faux-semblants d'une générosité inaccessible.
Soi-même, avec une
grandeur d'âme à capacité limitée et une souffrance toujours vivace.

 

 

Toiles de Fabienne Verdier, auteure du très beau Passagère du silence.

Par Chut ! - Publié dans : Bribes perso
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Commentaires

J'ai adoré cet article. Il est terriblement vrai et magnifiquement écrit. Toutes mes félicitations, et au passage bonne année!!
commentaire n° :1 posté par : astredidi le: 03/01/2008 à 03h17
Merci, Astre ! Bonne année à toi aussi... Je te souhaite tout ce que tu désires, en espérant que tu l'obtiennes !
réponse de : Chut ! le: 03/01/2008 à 03h38
Le pardon christique n'est souvent que posture et duplicité " Je suis supérieur à toi qui m'a fait du mal, bien que je te hais et méprise je t'accorde le pardon " . C'est un pardon en forme de bénédiction et non un geste du coeur . Tu ne peux dire pardon à ce guide, mais qui dans la même situation pourrait le faire ... le faire en toute sincérité ? Vis à vis de lui, tu as fait quelque chose de bien plus important que ce mot . Tu l'as invité à partager ta douleur et deuil, dans le moment ou sa faute t'avait brisé . Chut lui accordé ton pardon, ce serait un dénit de ce qui est en toi et ne lui serait d'aucun repos . Il t'écrit pour quêter en apparence ce mot, mais n'est ce pas plus une forme de pénitence qu'il s'impose ? Pourquoi ne pas lui adresser ce que tu viens d'écrire là, tu solderais une part de ta souffrance .
commentaire n° :2 posté par : Trekker le: 03/01/2008 à 03h52
Honnêtement, je ne crois pas qu'il m'ait écrit par pénitence. Rien, dans ses mots, ne me l'a fait penser. Quant à lui adresser ce texte, c'est hors de question. Je ne souhaite aucun contact avec lui. La mort de ma mère nous a d'une certaine façon attachés aux deux bouts de la même corde : lui en tant que responsable, moi en tant que (seconde) victime. Mais je ne veux ni me complaire dans cette position, ni qu'il sache ce que je peux éprouver à présent. En fait, cela ne le concerne pas... ou plus.
réponse de : Chut ! le: 05/01/2008 à 02h02
C'est respecter ce que l'on est, c'est admettre l'intensité de la douleur que de ne pas pardonner, parfois. Je retrouve beaucoup dans cet article, coupine, tu le sais peut être... Plein de bisous!!
commentaire n° :3 posté par : ether-et le: 03/01/2008 à 05h54
Oui, coupiiiiine, je le sais... Allez, je te l'avoue : j'ai aussi pensé très fort à toi en l'écrivant. Tu t'en es douté ? :)
réponse de : Chut ! le: 05/01/2008 à 02h04
J'ai été très émue par ce texte, je l'ai lu et relu. Comme tu t'exprimes bien! Je comprends parfaitement la décision que tu as prise: une limite a été atteinte, rien n'est acceptable au-delà. "Le décès de ma mère m'a projetée dans une autre dimension", dis-tu. J'ai également éprouvé cela: tant de choses ont perdu pour moi toute signification et tout intérêt. Je t'encombre de mes commentaires, excuse-moi, mais j'avais besoin de m'épancher.
commentaire n° :4 posté par : Orage le: 01/02/2009 à 11h51
Non, pas du tout, Orage, tu ne m'encombres pas. Bien au contraire !
Confronté à la mort d'un être cher, on révise, je crois, ses priorités et son échelle de valeur. On se dénude de l'accessoire pour toucher à l'essentiel, et tenter de s'en rapprocher, aec la conscience aiguë que le temps est parfois plus compté qu'on ne le suppose.
De fait, le chemin du deuil peut paradoxalement devenir un chemin... de vie.
réponse de : Chut ! le: 02/02/2009 à 02h03
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