Présentation

En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

Derniers Commentaires

C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

Avril 2024
L M M J V S D
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30          
<< < > >>

Recherche

Images Aléatoires

  • Sur-le-pont.jpg
  • Yangon-Novice-sur-la-pagode.png
  • Mandalay-Tailleur-de-Bouddha.png
  • La bande des trois
  • A-croquer.png

Syndication

  • Flux RSS des articles

Profil

  • Chut !
  • Le blog de Chut !
  • Femme
  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.

Feu mon amour

Vendredi 3 octobre 5 03 /10 /Oct 04:10

Parce que certains jours, je tourne chez moi comme une bête encagée puis ouvre la porte qui me'emprisonne pour m'échapper.
Parce que certains soirs, je mords les oreillers à m'en étouffer puis crache leur bourre pour respirer enfin.
Parce que certaines nuits, je regarde le vide sous ma fenêtre puis lève les yeux en pensant que c'est beau, la nuit.
Parce que le lendemain venu, je pense au lendemain.

Parce que Sven m'a écrit :

"Pour t'avoir vue heureuse j'ai envie de te dire de rester entière, humaine, écorchée... Celui qui souffre est celui qui vit."
 

Parce que toi, Ether, tu as eu cette phrase qui parmi mille m'a marquée :
- Je suppliais mes amies qu'elles me coupent les mains pour ne pas le rappeler.
Parce que je pense que mes mains ont mieux à faire qu'être coupées. Elles peuvent encore servir.
 

Parce qu'un après-midi, Marianne, une amie de trente ans, m'a affirmé que j'étais "une survivante" et que j'ai répondu :
- Non, je suis vivante !
Et que je me suis levée pour faire l'amour ou croquer dans un fruit bien mûr, le menton dégoulinant de jus sucré.


Parce qu'il y a des lustres, Hervé, un amant dont j'étais toquée, m'a glissé lors de notre ultime rendez-vous :
- L'oubli est la condition de la nature humaine. Heureusement qu'il existe. Sinon nous deviendrons tous fous.
Cet homme avait perdu sa femme, fauchée par un camion sur l'autoroute.

J'étais trop jeune pour comprendre sa douleur.



Parce que 2Parce qu'un soir, j'ai confié à Paulien :
- L'amour, c'est te dire que j'aime celle que je suis avec toi. Là, j'ai envie de te dire que je t'aime parce que tu me rends meilleure.
Je pensais alors incapable de lui pardonner, à cet autre tant aimé me condamnant à me sentir si petite et minable.

C'était en partie de ma faute.


Parce qu'au fil des jours j'ai soutenu sans mentir :
J'ai déjà plongé dans mon enfer et de cet enfer je suis revenue. Ce n'est donc pas ça qui m'abattra !
Parce que j'ai un putain d'orgueil,
qu'il y a d'autres voyages qui m'attendent, des avions à prendre, le monde à embrasser, d'autres hommes à étreindre.
Peut-être même un enfant à faire avec un que j'aimerais de mes tripes.
En attendant, je l'avoue, je dérouille.


Parce que cet homme-là, il était loin d'être n'importe qui. Mais je m'aime plus que je ne l'aime, lui.
Sinon je ramperais à ses pieds en le suppliant de m'accorder les bribes d'une affection qu'il a bien voulu me garder.

De ces miettes je ne veux pas. J'ai mieux à offrir que la face terne de la médaille.
Mon corps peut jouir encore et que je peux rire de tout, à commencer de moi-même.
Jamais, je me le souhaite, je ne deviendrai une vieille femme aigrie résumée à ses blessures et ses regrets, incapable d'écrire comme lui jadis :
"Je leur laisse leur raison, je garde mes rêves. Je préfère mourir malheureux que de vivre en étant vide. Et s'il y a une vie après la mort, on verra bien qui, de moi ou eux, sera le plus chiant à table."
Si un jour je deviens la plus chiante à table, ce jour-là, j'aurai suffisamment vécu.

Par Chut ! - Publié dans : Feu mon amour
Ecrire un commentaire - Voir les 4 commentaires
Vendredi 5 septembre 5 05 /09 /Sep 05:50
La première fois que j'ai vu Feu mon amour, je ne l'ai pas trouvé beau.
A
u premier regard je fus frappée par la proéminence de son front dominant son nez court, par l'avancée volontaire de son menton démentant la finesse de sa bouche.
Il avait un visage en déséquilibre. Moi, l’esprit en bascule.
J'aime, j’aime pas...
Mon regard rebondissait en ping-pong de son front à ses lèvres, de ses pommettes peu marquées à sa barbe naissante.
J'aime pas, j’aime...

Il s'est incliné pour me saluer. Courtoise attention, vu que je lui arrivais à peine à l'épaule.
Mes yeux ont plongé dans les siens, étirés à l’aplomb de ses sourcils épais. Arc de cercle contre angle droit, iris foncés sur le blanc de ses globes de lait.
Des prunelles sombres de crooner ou de bandit. Venues d'ailleurs, en vérité.
Mais cela, je l'ignorais encore.
J'aime…
Noir contre bleu, il avait gagné.

Lorsqu'il sourit, ses lèvres découvrirent des dents parfaites. Des pattes d'oie plissèrent le coin de ses yeux, une rangée de stries son front.
Je découvris alors un autre visage. Pétillant, candide, (d)étonnant de malice et de timidité.
J'ai aimé... certainement une fois de trop.

Le soir même, le surlendemain, les quelques jours avant son départ, je l'ai trouvé beau.
La dissymétrie de ses traits n'était même pas charmante, elle s'était tout simplement effacée. Et alors qu'écartelée sur mon lit, il me pénétrait, que des rides transversales coupaient son front en autant de plis, je buvais son visage.
Je le buvais d'un trait, cul sec, comme on se grise. Saoule de le voir et de le sentir en moi, tellement ivre de son plaisir que j'aurais pu jouir comme ça, rien qu'en le regardant.
Il partit.

Un mois plus tard, il m'envoya une photo de sa "nouvelle sale gueule" (sic). Il craignait apparemment de ne plus me plaire ou d'avoir trop changé pour me séduire encore. Lui mal nourri, pressurisé dans son ailleurs, me supposait les joues roses et l'allure replète des gens d'ici.
Il ignorait que depuis plus d'un mois, cloîtrée dans mon ici, je vivais au rythme de son ailleurs. Que je ne mangeais plus guère et dormais encore moins.
Mais ce n'est pas moi qui allais le lui dire.
J'ai ma fierté, merde.
Sur la photo, il avait en effet les cheveux et la barbe mal taillés, le teint grisâtre et les traits creusés.
Je ne l'ai pas trouvé laid, je l'ai trouvé triste.
Triste et beau comme le fantôme de lui-même.


Un mois plus tard encore, il revint, épuisé, plus maigre qu'il n'était parti.
Je le trouvai plus que beau et sa beauté me faisait mal.
Cet homme était mon soleil, cet homme était ma mort. Et comme ni l'un ni l'autre ne peuvent se regarder en face (La Rochefoucauld dixit), je le regardais à la dérobée. Discrètement, quand il ne me voyait pas, comme un misérable paparazzo volant des images interdites.

Clic clac.

Chaque instantané de lui m'était un coup de canif au cœur, une intrusion de lame suraiguë
sur la pellicule ultrasensible de ma mémoire photographique.

Clic clac.
Je me souviens de ce jour où nous avions rendez-vous sur le quai d'un métro aérien. Je sortis en courant de chez mon amie Ether afin de le rejoindre plus vite. Puis, arrivée sur le quai, je ralentis le pas pour mieux savourer mon bonheur.

Un homme m'aborda. Je le repoussai d'un geste, tout entière aimantée par sa silhouette à lui, imprécise et courbée sur un banc, un livre sur les genoux.
Je m'approchai en m'efforçant de ne point faire claquer mes talons.
Je ne voulais pas qu'il lève la tête, du moins pas encore.
Je voulais regarder son profil fermé sur les lignes qu'il déchiffrait, son profil qui allait devenir face quand il se tournerait vers moi, quand cet instant en suspension serait rompu.
Même pantalon, même veste en jeans... Nous nous étions quittés à peine trois heures plus tôt et il m'attendait, habillé comme la veille et le jour d'avant.


Il m'attendait, moi...
Une vague me submergea.
J'eus envie de lui hurler que j'étais là, juste à ses côtés, que je l'aimais, lui, cet anonyme sur ce quai aux yeux des autres, mon astre beau à en crever aux miens.
J'eus envie de lui hurler tout ça, toutes ces conneries, mais je me tus.
Parce que j'ai ma fierté, merde.
Parce que crier sur un quai de métro, ça ne se fait pas, sauf dans les films.
Parce qu'entretemps, ses yeux d'ailleurs s'étaient posés sur moi.
Les mots rentrèrent dans ma gorge comme les sabres d'un avaleur de couleuvres.


Clic clac.
Je me souviens du jour où je portais à la fois la mort et le mariage. C'était celui de la robe noire et des bas blancs, celui où il fit couper ses cheveux en broussaille.
Dans la rue les regards des hommes caressaient mes jambes, ceux des femmes son visage au crâne tondu.
Il était si beau que je marchais pendue à son bras, l'âme fière et le cœur chaviré. 
Il était si beau que je me découvrais
louve et me désirais propriétaire, en me méprisant d'être aussi mesquine. Au temps pour moi, la fille aux idées censément larges, ouverte au partage des corps et des culs.

C'était un jour de belle dégringolade, un jour où j'aurais mordu celles qui s'approchaient de lui d'un tantinet trop près, où j'aurais imploré les plus jolies de disparaître pour me le laisser.
Rien que pour moi, rien qu'un peu.
S'il vous plaît... et a fortiori puisqu'il vous plaît.
Je n'étais pas en danger, je crois. Mais ainsi que la beauté est dans l'œil
de celui qui regarde, je me sentais assaillie de toutes parts, grignotée, friable, soudain vilaine, minuscule du haut de mon âge et du bas de mes cernes.
Quand il me fit l'amour ce soir-là, j'eus envie de pleurer, mais mes sanglots butèrent contre mes amygdales.
J'ai ma fierté, merde.

Clic clac.
Je me souviens du jour où, fin de break oblige, il s'envola à nouveau vers son ailleurs.
Ce fut une fin de partie à la Beckett, Samuel, à peu près aussi absurde.

Nous étions dans la voiture d'Ether. Nous nous efforcions, lui à l'arrière, moi à l'avant, de deviser sans y croire, alignant les phrases avec la légèreté plombée de ceux qui vont bientôt se séparer, sans encore savoir que c'est pour toujours.
Lorsqu'il me serra dans ses bras pour un dernier baiser, sa beauté me tétanisa.
J'étais horriblement mal, toute molle dans son étreinte, trop occupée à ne pas m'effondrer pour penser à quoi que ce soit d'autre.
J'ai ma fierté, merde.

Clic clac.
Ma mémoire de "paparazza" captura cette presque dernière image de lui penché sur moi, avec une tendresse si évidente, si palpable qu'elle ne pouvait être feinte.
Mais la tendresse au regard de l'amour n'a jamais suffi.

A
près l'indifférence, elle est même la pire des insultes.
- Prends soin de toi... Ça va aller, on se revoit bientôt, me dit-il.
- Bien sûr, répondis-je.
P
ersuadée du contraire, je m'arrachai un sourire.
Parce que j'
ai ma fierté, si petite et comprimée soit-elle.
Merde.

Par Chut ! - Publié dans : Feu mon amour
Ecrire un commentaire - Voir les 4 commentaires
Jeudi 31 juillet 4 31 /07 /Juil 01:50
Un jour, Giuseppe, un Italien rencontré en Chine, m'a dit :
- Maintenant, je ne désire plus que les Asiatiques. J'aime leurs yeux d'amandes noires et surtout, j'aime passionnément leur peau.
J'en suis restée interdite. Qu'est-ce que la peau des Asiatiques a donc de plus que celle des Européennes, des Africaines ou des Papoues ?
Moins de deux ans plus tard, j'ai compris Giuseppe. Parce que l'homme de mon cœur était à demi asiatique, et que moi aussi, j'aimais passionnément sa peau.

Sa peau, je l'ai aimée dès le premier contact, dès la première caresse. Dès qu'un soir d'hiver, j'ai fait passer son tee-shirt par dessus la barrière de ses épaules et que j'ai posé ma paume - juste ma paume, pas encore ma bouche - sur son flanc.

Sa peau était imberbe, lisse, douce et dense. D'une douceur et d'une densité à affoler les sens, à donner le vertige. Et j'ai fermé les yeux pour mieux la sentir à l'aplomb de mes doigts. Et j'ai gardé les paupières closes
pour mieux la goûter de ma langue. Et c'est avec délectation que je suis venue humer, laper, boire les gouttes qui perlaient à ses aisselles.
Sa peau était une île que j'abordais à genoux.
Sa peau était une terre qui m'arrimait au grand large.
Sa peau était aussi une muse pour mes écrits :

Mon nez se niche dans son cou. Son parfum me grise. Je le respire à petites bouffées teintées de l'odeur irremplaçable et si particulière de sa peau.
Dans mes bras, il n’est pas beau mais plus que ça : il est nu. Sa peau pressée contre ma poitrine n’est plus le continent inconnu du premier soir, mais la cote familière que je rêve d’aborder. Pour enserrer son corps dans la corde de l’ancre, le river plus étroitement au mien, nous lier pour dériver dans un lit bateau, ivres des vagues qui déferlent et nous roulent, nous soudent sur le sommier.
Ce soir, c’est le dernier soir, c’est la tempête.


Cette alchimie est un secret qui ne s'explique pas. Elle est ou n'est pas. Et si elle n'est pas, rien ne peut la créer ni y suppléer. Et perdre l'autre, c'est aussi faire le deuil de sa peau.
J'ai fait le mien début juillet, la dernière fois que nous nous sommes vus. Je ne m'y attendais pas du tout, il m'a rappelée tandis qu'il était de passage en France. Nous sommes allés boire un verre, non loin du café où nous nous étions fixés notre premier rendez-vous en tête-à-tête.
Après une heure de discussion heurtée, j'ai murmuré :
- J'ai beaucoup de peine.
- Moi aussi, a-t-il répondu.
Puis, aussitôt après :
- Je ferais mieux de partir.
Il a quitté son siège, un peu raide. A contourné la table et s'est penché sur moi. A posé ses lèvres sur une de mes joues, puis sur l'autre. Mais au lieu de se redresser, il est resté courbé, longtemps, tête baissée, joue appuyée contre la mienne. Tendrement, je crois.
Lorsqu'il s'est relevé, ses longs yeux d'ailleurs étaient embués de larmes.
Puis il est parti, vite, comme on se sauve.
Je suis restée clouée sur ma chaise. Le cœur déchiré à regarder sa longue silhouette tanguer parmi les passants, un diable et un ange sur chaque épaule perchés, hurlant à qui mieux mieux :
- Lève-toi et cours-lui après !
- Ne bouge surtout pas, reste assise !

Je suis restée assise.
Ce contact fut le dernier, doux de sa peau et piquant de sa barbe.

Ce contact sera aussi le dernier après le mail que je lui ai envoyé cette nuit. Non que j'ai le pouvoir de décider seule du devenir d'une histoire (toute reprise était sûrement condamnée depuis notre rupture), mais parce que ce mail signe l'aveu de mon retour à d'autres peaux.

À la peau de ceux qui sont, ou ont été, mes amants au cours de ce mois de juillet brûlant.
À la peau de ceux qui ont caressé, pétri, mordu, mes épaules, mes seins, mes cuisses, mon sexe.
Aux doigts de ceux qui ont effleuré, massé, embrassé les cicatrices de mon bas-ventre.
S'en sont étonnés, émus, inquiétés pour moi, parfois.
Les ont vues comme des coutures à embrasser avec précaution du bout des lèvres, ou comme les anses refermées d'une femme-ruban se déroulant sous leurs paumes.
Ou comme toi,
Emmanuel, à la façon d'ornements qui rehaussaient ma beauté.

Par la chair du désir de mes amants la mienne est revenue à la vie.
J'étais morte, ils m'ont ressuscitée.
Lentement mais sûrement, oui, la peau neuve repousse par dessus mes cicatrices.
Empreintes en croix de ma vie tatouée à même ma peau plus dure qu'il n'y paraît.
Par Chut ! - Publié dans : Feu mon amour - Communauté : xFantasmesx
Ecrire un commentaire - Voir les 7 commentaires
Dimanche 29 juin 7 29 /06 /Juin 21:51
- Il faut que je te parle, rappelle-moi.
À peine avait-elle écouté mon message qu'elle m'avait rappelée, sûrement alertée par ma voix blanche.
Lorsque mon portable avait sonné, je remontais une rue très passante qui mène chez moi.
- Ça ne va pas ?
Raffut de klaxons d'automobiles.
- Non.
- Que se passe-t-il ?
Sirène de pompier. Le camion grille le feu rouge.
- J'ai rencontré quelqu'un.
Son rire et sa
conclusion, prononcée d'un ton léger, avaient résonné par dessus le vacarme du dehors et le fracas qui tempêtait sous mon crâne :
- Oh, mais ce n'est que du bonheur, ça !

Étonnant comme la vision du bonheur de nos ami(e)s ne cadre pas du tout avec la nôtre, parfois. Pour ne pas dire qu'elle se situe - parfois - à l'exact opposé.
Pour moi, cette rencontre n'était pas un bonheur.
C'était juste une catastrophe. Un énorme pavé balancé dans ma mare. Une claque qui m'arrivait en pleine figure alors que j'avais appris (pensais-je) à parer les coups.

J'étais prise au dépourvu, totalement.
- Et je fais quoi, là ? Je suis censée faire quoi ?
- Vivre. Te taire.
Me taire... Pas pu.

Mon sexe ne donne pas sur mon cœur. L'un et l'autre fonctionnent pour moi de manière décloisonnée : je peux prendre du plaisir, et même le rechercher, avec des hommes que je n'aime pas. Qu'ils me plaisent est suffisant. Qu'ils soient doués pour les jeux du lit est nécessaire, même si cette appréciation est en grande partie subjective.
De même, je n'attends et n'espère d'eux aucun sentiment. Je souhaite même qu'il n'y en ait pas. Qu'ils m'apprécient est suffisant. Qu'ils me respectent est nécessaire.
Entre eux et moi, c'est clair : il s'agit d'un partage de moments sans engagement. Ils ne me doivent rien, je ne leur dois rien non plus. Et une fois la porte de l'appartement refermée, nous reprenons chacun notre vie.

Je peux envisager ce type de relations charnelles en étant en couple, à condition que mon partenaire soit d'accord. Mais m'attacher à un autre homme au point qu'il emplisse ma tête, faire l'amour avec lui en y mêlant des sentiments alors que je suis en couple, très difficile. À la limite de l'impossible, même.
Là est pour moi la véritable tromperie : penser à un homme en étant avec un autre, lui mentir sur l'essentiel, payer ses sentiments en monnaie de singe.
Je coupe aisément mon corps de mon cœur. Mais couper mon cœur, je ne peux pas.
Cela aurait été de plus déloyal vis-à-vis de mon compagnon de l'époque. Je n'avais rien à lui reprocher, au contraire.
Alors, lui faire ça à lui ?
Impensable. J'aurais été incapable de me regarder en face.
Je n'ai pas suivi le conseil de mon amie.
J'ai parlé. J'ai rompu. Et j'ai vécu. Ou tenté de.

Il faut peu de temps pour entrer dans la vie de quelqu'un. Il faut aussi peu de temps pour en sortir. Pour celui ou celle qui reste, l'arrachement est toujours à la mesure de l'attachement.
Mon ex-compagnon en a fait l'expérience.
Moi, je la fais aujourd'hui.
Aucun de nous deux n'étant du genre à courir après les absent(e)s, cette sortie a toutes les chances d'être définitive : on ne convainc personne de rester. Il ne faut même pas essayer, surtout pas.

Tu as envie d'être là pour moi comme moi, je le suis pour toi ?
Voilà qui ressemble au bonheur.

Tu en doutes ?

Réfléchis, mais pas trop longtemps.

Tu penses que non ?

Va-t'en.
Mais même si l'on croit - ou que l'on sait - que c'est mieux ainsi, n'empêche que ça fait mal. Horriblement. La rupture nous plonge dans un abîme. L'absence de l'être aimé nous dévore et nous ronge, anéantissant notre
âme, notre cœur et notre peau.

On a le mal de l'autre comme le mal du pays natal quitté trop vite ou pour trop longtemps. Un pays pour lequel il n'y a ni passeport ni visa, à l'entrée défendue par une barricade de barbelés.
Une rupture est une lente et longue errance à travers un no man's land de ruines.
Tout est à reconstruire, mais autrement et ailleurs.

La couleur de la rupture, c'est blanc cassé.
Par Chut ! - Publié dans : Feu mon amour
Ecrire un commentaire - Voir les 2 commentaires
Jeudi 26 juin 4 26 /06 /Juin 01:33
Quand le réservoir d'essence fut vide, l'aiguille du compteur entra dans la zone rouge : celle de la réserve. Le carburant allait manquer, c'était une évidence. Seul restait l'espoir qu'il m'en resterait assez pour arriver au bout de la route.

Peu à peu, la réserve elle aussi s'était amenuisée. Mais la route, elle, ne s'était pas raccourcie. Au contraire, elle me semblait de plus en plus longue, escarpée, périlleuse. Un immense ruban de sable, hérissé de cailloux et de cactus, se déroulant à perte de vue sous un soleil de plomb.

À un moment, l'aiguille du compteur a chuté et s'est bloquée sur la gauche.
Game over
.
La réserve était épuisée. Plus de combustible à cramer, la panne sèche. Et sur la route, aucun point d'approvisionnement, bien sûr.
Hormis dans les films, il n'y a jamais de station-service en plein désert.

Alors je me mis à rêver, comme Lisbeth Salander de Millénium, d'un bidon d'essence et d'une allumette. Sans avoir encore tranché sur leur emploi.
Verserais-je le bidon dans le réservoir de la voiture en abandonnant l'allumette ?
Verserais-je le bidon sur les sièges de la voiture puis craquerais-je l'allumette en un ultime feu de joie ?
Ou bien me renverserais-je le bidon dessus pour devenir ma propre pyromane ?
Il fallait me décider. Et vite parce que sinon, j'allais crever là, lentement, sur cette foutue route.

J'ai regardé le bidon, j'ai regardé l'allumette. Il y eut comme un clic métallique au fond de mon cerveau.
Le mode Terminator s'était enclenché.
C'est un processus d'urgence, d'alerte rouge, non un mode de vie mais de survie. Le partage, le plaisir, la légèreté, l'insouciance, le rire... Tout ce qui fait le sel de l'existence lui est complètement étranger.
Dans ce mode-là, rien de tout cela n'existe. Et la pensée même que cela puisse exister est tout bonnement inconcevable.

Le mode Terminator est robotique, proche du végétatif. Il se résume aux besoins fondamentaux du corps, à un mode de communication ultra basique entre soi et soi, mais avec signaux brouillés : la douleur est tellement permanente, omniprésente qu'on ne sait ni d'où elle vient, ni comment la stopper.

Le mode Terminator oblige à penser, mais au niveau zéro de la connexion neuronale. Il faut par exemple penser à manger. Et une fois les aliments en bouche, penser à les mâcher.
Penser à dormir est en revanche inutile. Le sommeil et sa charge de cauchemars s'impose de lui-même.

Le mode Terminator est une hémorragie sans suture ni pansement. Une alternative entre le "m
arche ou crève !", mais sans la force de marcher.

Le mode Terminator est à lui seul une contradiction. Il faut puiser loin, très loin, dans ce qu'on n'a plus pour arracher de la substance au vide.
Plus qu'une prison, le mode Terminator est un enfer, mais un enfer qui donne tort au philosophe. Quand on est coincé entre l'être et le néant, l'enfer n'est pas les autres.
Du tout.
Les autres sont au contraire la voie pour en sortir. Et souvent, simplement la voix. Celle qui ne tient qu'à un fil : celui du téléphone.

Sans eux, et sans elle en particulier, je ne sais pas où je serais à présent.
Elle et son regard parfois si spécial dans lequel je vois d'autres yeux, très bleus. Je crois qu'elle le sait, comme elle sait que ce regard seul me donne à la fois envie de pleurer et de me battre.
Elle qui m'a recueillie, nourrie, écoutée, réconfortée - malmenée parfois :).
Elle à qui je n'ai pas les mots pour dire merci. Peut-être parce qu'aucun mot ne suffirait.
Elle grâce à qui je peux murmurer aujourd'hui "I'm back !" afin de le dire un peu plus fort demain.

I'm back, en attente de cicatriser.
Et que repousse la peau neuve par dessus les cicatrices.

Par Chut ! - Publié dans : Feu mon amour
Ecrire un commentaire - Voir les 5 commentaires
Jeudi 19 juin 4 19 /06 /Juin 16:40

- Vous avez mal ?
L'infirmière a frappé à la porte de la chambre mais je l'ai à peine entendue entrer. Elle est penchée sur moi. Je la vois floue, très floue. Je remue la tête.
- Vous avez mal ? Je vais vous passer des antidouleurs par la perfusion, vous avez une prescription pour ça.
Je bouge à nouveau la tête. Le ventre me tire, je n'ose pas me redresser ni faire un geste de peur d'aviver ces tiraillements ou de me déchirer en deux. C'est idiot, mais j'ai peur que mon ventre ne craque, que les coutures que je n'ai pas encore vues ne soient pas assez solides.

L'infirmière découpe ma blouse d'opérée aux ciseaux. Me voilà complètement nue, toute rigide dans le lit. Je me sens
minuscule, vulnérable comme un bébé chenille et j'ai froid.
- Vous avez mal ?
Oui, j'ai mal, mais la douleur physique n'est rien. Ce n'est pas au corps que j'ai le plus mal. C'est ailleurs, jusque dans le moindre recoin de mon cerveau.
J'ai mal à moi, à ce que je suis. J'ai mal
à l'âme.
J'ai mal à une partie arrachée, sans que le chirurgien n'y soit pour rien. Lui m'a en apparence laissée intacte, mais en apparence seulement. En vérité, je ne suis plus entière. Et la douleur que je ressens, c'est celle de mon membre fantôme.

De moi il n'a pris aucune nouvelle. Son silence fut pire qu'un désaveu, pire que la pire des indifférences.

L'infirmière a quitté la chambre.
- N'hésitez pas à m'appeler si vous avez besoin de quoi que ce soit.
Je ne l'ai jamais appelée. Elle ne pouvait rien pour moi.
Et j'ai regardé, longtemps, les gouttes de l'antidouleur passer du flacon de perfusion à ma veine.
Quand il a été vide, je n'ai senti aucune différence.

"Une douleur fantôme consiste à ressentir de la douleur dans un membre après que ce dernier ait été amputé. Les douleurs au membre fantôme peuvent varier en genre et en intensité. Une douleur bénigne, par exemple, peut être ressentie comme une sensation de piqûre aiguë et intermittente. Une douleur plus sévère peut donner l'impression à la personne amputée que le membre manquant est broyé."

"Un deuil, c'est une amputation sans anesthésie."
Marie-Frédérique Bacqué.

Par Chut ! - Publié dans : Feu mon amour
Ecrire un commentaire - Voir les 1 commentaires
Mardi 10 juin 2 10 /06 /Juin 02:07
C'est l'histoire d'un trou qui s'agrandit. D'une faille qui se creuse. Et on voit le trou s'agrandir, la faille se creuser sans être capable de faire quoi ce soit pour les en empêcher.
Un jour, on ne voit plus le trou ni la faille, parce qu'on est dedans.

Ça a commencé vite. Ça a commencé fort. Parce qu'on brûlait tous deux, je crois, du désir de se découvrir. De désir tout court, parce que nos corps au lit s'accordaient merveilleusement.
Du temps, il y en avait peu, si peu : quelques jours à peine, à prendre ou à laisser.

On a pris, à pleines mains. On n'a pas réfléchi, on a foncé. La réflexion viendrait peut-être plus tard. Une fois qu'on serait séparés, qu'il resterait de longs mois pour redescendre.
La platitude vient toujours assez tôt, inutile d'aller la chercher.

Mais on n'est pas redescendus tout de suite, loin de là. Les débuts furent étincelants comme un magnifique soleil d'automne. Il y avait de la lumière, la nôtre, des ombres aussi, les nôtres, mais plus de l'une que des autres.
Ce fut l'époque des rituels, des mails fleuves arrachés à la fatigue. Une correspondance riche, nourrie, intense, magnifique, remplie d'anecdotes, de confessions personnelles, d'aveux à demi mot, de mots doux et tendres. De ceux qu'on écrit après avoir longuement hésité, qu'on efface et qu'on remet, tout en se demandant comment l'autre va les recevoir. Et en craignant un peu qu'il ne les reçoive pas très bien.
N'était-ce pas trop, trop tôt ?

Souvent, on s'est dit qu'on était un peu fous : si peu de jours avaient passé depuis le début... Qu'importe, nous avions l'impression qu'il s'agissait de mois entiers.
Notre temps
était celui de nous, plus celui du calendrier.
Pourtant, il nous blessait, ce calendrier. Nous avions beau galoper, les jours, eux, défilaient à une allure de tortue. Certains soirs on aurait payé cher, très cher, pour la possibilité d'un seul baiser.
Une bribe de présence et de tendresse à troquer contre cette distance qui nous blessait.

D'un autre côté, nous savions aussi que cet éloignement était nécessaire. Qu'il nous aurait manqué si nous en avions été privés, que nous l'aurions peut-être réclamé : nous avions tant à régler chacun de notre côté.
Alors, en attendant, on se découvrait, on se dévoilait. Ses mots me touchaient au-delà de toute mesure, à commencer par celle du raisonnable. Mail après mail se dessinait le portrait sensible d'un homme émouvant. Marchant de guinguois, certes (mais jamais je ne reprocherai cela à quiconque, ce serait d'un comique achevé venant de moi), mais droit dans ses bottes. Charmant, attentif, attentionné, d'une grande délicatesse connaissant parfois quelques ratés (mais qui n'en a jamais ?).
Entre nous je voyais les ressemblances, pas encore les différences. Et j'avais l'impression de le sentir, de le deviner et de tomber juste à chaque fois.
Oui, cet homme-là, je le ressentais. Il était gravé en moi, vivant dans ma chair et battant dans mon sang.

Puis les épreuves ont commencé. Ce fut ma semaine dans mon là-bas, d'abord. La vision de ma petite grand-mère
urinant dans ses couches, incapable de se lever et de manger seule. Les attitudes déplacées de mon père, l'évocation des vieux sujets qui déchirent... Tous les culs de basses-fosses de ma province natale.
Je suis rentrée chez moi vannée, pompée jusqu'à l'os.

Puis il est revenu, plus longtemps que prévu.
Il a tout fait pour être disponible, j'ai tout fait pour qu'il se sente bien. J'ai eu à cœur de lui faire plaisir, de lui donner ce dont il avait été privé dans son ailleurs. Ravie de me consacrer à lui, de lui ouvrir grand ce que je possédais.
"Sers-toi, prends, j'aime te voir heureux."
Je lui avais demandé, en partant, de me faire des marques pour un mois. Malgré son application et le douloureux plaisir qu'elle me procura, les zébrures et bleus de chambrière ornant mon dos, mes fesses, mes cuisses, disparurent en une semaine.

Puis il repartit. Et là commença la lente dégringolade, de marche glissante en marche pourrie. Chacune avait beau être pénible, terriblement pénible, elle n'était qu'un avant-goût de celle d'après.
Le pire n'est jamais certain.
Non, en effet, il y a toujours pire que le pire qu'on croit vivre.

Pour lui ce fut un événement que je ne dirai pas ici, il lui appartient.
Pour moi ce fut la santé. Le scanner, les rendez-vous médicaux, une entrée ajournée à l'hôpital, la peur d'une opération
réelle et inévitable, la symbolique affolante de tout ce qu'elle fait résonner en moi.

La perception du temps qui soudain change, non de mon fait, mais pour des raisons bassement matérielles : je croyais en avoir beaucoup, du temps, j'en ai sûrement moins que prévu.
Puis l'incertitude torturante, obsédante. Ce que j'ai est-il réparable ? Que va-t-on me faire ? Comment affronter si c'est la carte du pire qui sort ?
Tout ceci ajouté à la conscience aiguë d'être privée des trois personnes dont j'aurais eu besoin à ce moment-là, parce qu'elles sont mortes ou absentes.
Ce qui n'est bien sûr par leur faute. Sauf pour une, mais qui n'est pas lui.

Et puis nous ne parlions plus, si peu.
Plus de communication, plus d'échanges. Notre belle histoire devenait un pauvre chiffon malmené.
J'essayais désespérément de trouver la sortie, de raccommoder, je me heurtais à des portes fermées. Peu à peu, vaincue, je me suis retranchée. Mais à force de retrancher sur du peu, il ne reste plus grand chose.
J'étais dans mon enfer, lui dans son ailleurs. Et dans cet ailleurs il n'y avait plus vraiment de place pour moi. Ou si, une, mais réduite à ce que j'étais devenue : une peau de chagrin.

Puis, il y a deux jours, la réponse.
Quand elle est élégante, on peut l'appeler "franchise" ; quand elle ne l'est pas, "cruauté". Cruauté de phrases abruptes qui tapent pile où ça fait déjà si mal.
Dans ce type de circonstances, il y a selon moi un minimum de gentillesse à observer, une ligne à ne pas franchir. Qu'il s'agisse d'amitié ou d'amour, peu importe. À partir du moment où on a un tant soit peu d'affection, d'estime pour l'autre, il est des choses qu'on ne balance pas de cette façon, surtout à une semaine d'une opération.
Mais lui et moi n'avons ni la même perception du minimum, ni le même tracé de la ligne.
Et ça aussi, ça fait un mal de chien. Devoir me dire que je suis trompée, pire, ai été induite en erreur. Abandonnée en plein milieu du gué par quelqu'un qui m'a poussée à sauter, autrefois.
"Mais est-ce qu'au moins tu te rends compte, est-ce que tu mesures ?
Sincèrement, je n'espère pas. Ou alors tu es un monstre de ton parfum.

Il y a quelques mois, je me demandais dans ce blog même :
"Qu'advient-il de ces rencontres si spéciales ?"
Maintenant, je sais.
Et cette connaissance-là,
je n'ai pas fini de la payer.

*J'ai fini par le dire qu'on éviterait le pire
Qu'il valait mieux couper plutôt que déchirer
J'ai fini par me dire que ptêtre on va guérir
Et que même si c'est non, et que même si c'est con
Tous les deux, nous savons, que de toute façon...
T'as eu ce que t'as voulu, même si t'as pas voulu ce que tu as eu*

Quel gâchis, quel monstrueux gâchis.
Par Chut ! - Publié dans : Feu mon amour
Ecrire un commentaire - Voir les 3 commentaires
Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés