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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

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  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 10 juin 2 10 /06 /Juin 02:07
C'est l'histoire d'un trou qui s'agrandit. D'une faille qui se creuse. Et on voit le trou s'agrandir, la faille se creuser sans être capable de faire quoi ce soit pour les en empêcher.
Un jour, on ne voit plus le trou ni la faille, parce qu'on est dedans.

Ça a commencé vite. Ça a commencé fort. Parce qu'on brûlait tous deux, je crois, du désir de se découvrir. De désir tout court, parce que nos corps au lit s'accordaient merveilleusement.
Du temps, il y en avait peu, si peu : quelques jours à peine, à prendre ou à laisser.

On a pris, à pleines mains. On n'a pas réfléchi, on a foncé. La réflexion viendrait peut-être plus tard. Une fois qu'on serait séparés, qu'il resterait de longs mois pour redescendre.
La platitude vient toujours assez tôt, inutile d'aller la chercher.

Mais on n'est pas redescendus tout de suite, loin de là. Les débuts furent étincelants comme un magnifique soleil d'automne. Il y avait de la lumière, la nôtre, des ombres aussi, les nôtres, mais plus de l'une que des autres.
Ce fut l'époque des rituels, des mails fleuves arrachés à la fatigue. Une correspondance riche, nourrie, intense, magnifique, remplie d'anecdotes, de confessions personnelles, d'aveux à demi mot, de mots doux et tendres. De ceux qu'on écrit après avoir longuement hésité, qu'on efface et qu'on remet, tout en se demandant comment l'autre va les recevoir. Et en craignant un peu qu'il ne les reçoive pas très bien.
N'était-ce pas trop, trop tôt ?

Souvent, on s'est dit qu'on était un peu fous : si peu de jours avaient passé depuis le début... Qu'importe, nous avions l'impression qu'il s'agissait de mois entiers.
Notre temps
était celui de nous, plus celui du calendrier.
Pourtant, il nous blessait, ce calendrier. Nous avions beau galoper, les jours, eux, défilaient à une allure de tortue. Certains soirs on aurait payé cher, très cher, pour la possibilité d'un seul baiser.
Une bribe de présence et de tendresse à troquer contre cette distance qui nous blessait.

D'un autre côté, nous savions aussi que cet éloignement était nécessaire. Qu'il nous aurait manqué si nous en avions été privés, que nous l'aurions peut-être réclamé : nous avions tant à régler chacun de notre côté.
Alors, en attendant, on se découvrait, on se dévoilait. Ses mots me touchaient au-delà de toute mesure, à commencer par celle du raisonnable. Mail après mail se dessinait le portrait sensible d'un homme émouvant. Marchant de guinguois, certes (mais jamais je ne reprocherai cela à quiconque, ce serait d'un comique achevé venant de moi), mais droit dans ses bottes. Charmant, attentif, attentionné, d'une grande délicatesse connaissant parfois quelques ratés (mais qui n'en a jamais ?).
Entre nous je voyais les ressemblances, pas encore les différences. Et j'avais l'impression de le sentir, de le deviner et de tomber juste à chaque fois.
Oui, cet homme-là, je le ressentais. Il était gravé en moi, vivant dans ma chair et battant dans mon sang.

Puis les épreuves ont commencé. Ce fut ma semaine dans mon là-bas, d'abord. La vision de ma petite grand-mère
urinant dans ses couches, incapable de se lever et de manger seule. Les attitudes déplacées de mon père, l'évocation des vieux sujets qui déchirent... Tous les culs de basses-fosses de ma province natale.
Je suis rentrée chez moi vannée, pompée jusqu'à l'os.

Puis il est revenu, plus longtemps que prévu.
Il a tout fait pour être disponible, j'ai tout fait pour qu'il se sente bien. J'ai eu à cœur de lui faire plaisir, de lui donner ce dont il avait été privé dans son ailleurs. Ravie de me consacrer à lui, de lui ouvrir grand ce que je possédais.
"Sers-toi, prends, j'aime te voir heureux."
Je lui avais demandé, en partant, de me faire des marques pour un mois. Malgré son application et le douloureux plaisir qu'elle me procura, les zébrures et bleus de chambrière ornant mon dos, mes fesses, mes cuisses, disparurent en une semaine.

Puis il repartit. Et là commença la lente dégringolade, de marche glissante en marche pourrie. Chacune avait beau être pénible, terriblement pénible, elle n'était qu'un avant-goût de celle d'après.
Le pire n'est jamais certain.
Non, en effet, il y a toujours pire que le pire qu'on croit vivre.

Pour lui ce fut un événement que je ne dirai pas ici, il lui appartient.
Pour moi ce fut la santé. Le scanner, les rendez-vous médicaux, une entrée ajournée à l'hôpital, la peur d'une opération
réelle et inévitable, la symbolique affolante de tout ce qu'elle fait résonner en moi.

La perception du temps qui soudain change, non de mon fait, mais pour des raisons bassement matérielles : je croyais en avoir beaucoup, du temps, j'en ai sûrement moins que prévu.
Puis l'incertitude torturante, obsédante. Ce que j'ai est-il réparable ? Que va-t-on me faire ? Comment affronter si c'est la carte du pire qui sort ?
Tout ceci ajouté à la conscience aiguë d'être privée des trois personnes dont j'aurais eu besoin à ce moment-là, parce qu'elles sont mortes ou absentes.
Ce qui n'est bien sûr par leur faute. Sauf pour une, mais qui n'est pas lui.

Et puis nous ne parlions plus, si peu.
Plus de communication, plus d'échanges. Notre belle histoire devenait un pauvre chiffon malmené.
J'essayais désespérément de trouver la sortie, de raccommoder, je me heurtais à des portes fermées. Peu à peu, vaincue, je me suis retranchée. Mais à force de retrancher sur du peu, il ne reste plus grand chose.
J'étais dans mon enfer, lui dans son ailleurs. Et dans cet ailleurs il n'y avait plus vraiment de place pour moi. Ou si, une, mais réduite à ce que j'étais devenue : une peau de chagrin.

Puis, il y a deux jours, la réponse.
Quand elle est élégante, on peut l'appeler "franchise" ; quand elle ne l'est pas, "cruauté". Cruauté de phrases abruptes qui tapent pile où ça fait déjà si mal.
Dans ce type de circonstances, il y a selon moi un minimum de gentillesse à observer, une ligne à ne pas franchir. Qu'il s'agisse d'amitié ou d'amour, peu importe. À partir du moment où on a un tant soit peu d'affection, d'estime pour l'autre, il est des choses qu'on ne balance pas de cette façon, surtout à une semaine d'une opération.
Mais lui et moi n'avons ni la même perception du minimum, ni le même tracé de la ligne.
Et ça aussi, ça fait un mal de chien. Devoir me dire que je suis trompée, pire, ai été induite en erreur. Abandonnée en plein milieu du gué par quelqu'un qui m'a poussée à sauter, autrefois.
"Mais est-ce qu'au moins tu te rends compte, est-ce que tu mesures ?
Sincèrement, je n'espère pas. Ou alors tu es un monstre de ton parfum.

Il y a quelques mois, je me demandais dans ce blog même :
"Qu'advient-il de ces rencontres si spéciales ?"
Maintenant, je sais.
Et cette connaissance-là,
je n'ai pas fini de la payer.

*J'ai fini par le dire qu'on éviterait le pire
Qu'il valait mieux couper plutôt que déchirer
J'ai fini par me dire que ptêtre on va guérir
Et que même si c'est non, et que même si c'est con
Tous les deux, nous savons, que de toute façon...
T'as eu ce que t'as voulu, même si t'as pas voulu ce que tu as eu*

Quel gâchis, quel monstrueux gâchis.
Par Chut ! - Publié dans : Feu mon amour
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Commentaires

Bon courage. Perso je pense que tu aurais pû laisser l'article précédent, afin en quelque sorte de laisser uun fil conducteur à cette histoire. Bisous
commentaire n° :1 posté par : astredidi le: 11/06/2008 à 01h56
Merci beaucoup, Astre. J'en ai en fait supprimé deux : un qui, je crois, était incompréhensible, quoique limpide pour moi. Et celui duquel tu parles probablement et que je remettrai peut-être un jour. Mais je me suis surtout retenue de ne pas en supprimer bien davantage. Bisous à toi aussi.
réponse de : Chut ! le: 11/06/2008 à 02h06
bonsoir chut. je n'avais pas envie d'etre juste des yeux anonymes qui se sont posés sur ton texte et qui d'un clic ferment la page et passes a autres choses. je n'ai aucun mot qui ne soit maladroit alors juste te souhaiter du courage et beaucoup d'estime de soi.
commentaire n° :2 posté par : intrigue le: 11/06/2008 à 21h01
Je ne savais pas que les femmes aussi pouvaient ressentir à ce point la cruauté accompagnant la fin d'une histoire, je pensais que certaines souffrances à en crever étaient uniquement réservées aux hommes...Cruauté n'est il pas un mot féminin ? En te lisant, je doute...Je t'embrasse
commentaire n° :3 posté par : Léo le: 25/09/2008 à 12h41
Là, j'avoue que tu m'étonnes. Si, si, bien sûr, les femmes peuvent aussi souffrir à en crever ! Et non parce que "sensibilité" est un mot féminin, mais parce que ces souffrances n'ont en fait pas de sexe. Peut-être l'expression en est-elle en revanche plus féminine que masculine, tant on a "appris" aux hommes à serrer les dents, sous peine de passer pour des lavettes.
Quelle erreur !
réponse de : Chut ! le: 25/09/2008 à 15h58
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