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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Voyages, voyages

Lundi 7 janvier 1 07 /01 /Jan 23:31

Voilà déjà une paire d'années que j'ai contracté le virus de la bougeotte. Lorsqu'il se réveille, les symptômes en sont évidents : j'ai la tête qui chauffe, les jambes qui me démangent. Je tourne en rond comme un hamster dans sa roue. Je mouline à vide. Je m'ennuie. Je me racornis, je m'étiole.
Les couleurs de ma ville s'affadissent, les perspectives perdent leur relief. Le monde devient gris et plat.

Dans les librairies, seule la section consacrée aux guides de voyagem'attire. Sur le net, seuls les sites de vols secs m'intéressent. J'y rentre des destinations au hasard. Je vérifie les disponibilités, compare les prix.
J'égrène à haute voix des noms comme autant de formules magiques : Kuala Lumpur, Oulan Bator, Antananarive, Nouakchotte, Colombo...

Scotchée à mon écran, je me prends à rêvasser : la semaine prochaine, je pourrais piquer une tête dans l'océan indien ; explorer les îles sauvages d'Andaman ; galoper à cheval dans les steppes ; traverser le désert à dos de chameau ; dormir à la belle étoile ou déguster des brochettes de scorpionL

L'ailleurs m'obsède. Je veux y aller, je veux l'étreindre.
Croquer dedans, mordre au travers.
Vivre plus fort, vivre plus vite. Vivre, tout simplement.

Un mois pile que je suis rentrée d'Asie et je brûle déjà de repartir.
J'ai la profonde nostalgie des sourires birmans, des épices thaïes qui emportent la bouche, de l'odeur tenace et écœurante de l'encens. De langues que je ne comprends pas et de l'anglais que je m'efforce de parler sans accent. Des promenades sans but et des visites guidées. Du silence des temples et de la cacophonie des klaxons. Du bruit des ventilateurs et du ressac des vagues.
Cette année, je l'espère, je retaillerai la route. Chargée de mon sac, d'un calepin et d'un appareil photo.Un aller simple en poche, sans date fixe de retour ni plan de voyage. L'inconnu ne me fait pas peur, c'est lui que je viens chercher. Enfin disponible, ouverte, nettoyée de la crasse qui m'oxyde les yeux et m'entartre le cerveau.
Je ne souhaite rien prévoir ni calculer. Juste jouir de la liberté totale d'être ici aujourd'hui, demain où je veux. Il y aura toujours un bus, un train, un bateau ou une barque pour m'emmener.

Tailler la route2En voyage, je me laisse porter par les rencontres.

Je passe une heure, un jour, une nuit ou une semaine avec quelqu'un que je ne reverrai jamais.

Peu m'importe. Nous avons partagé des instants, c'est cela qui compte : le présent mais pas l'après.
Toi, tu as l'heure ; moi, j'ai le temps.
Et si je ne l'ai pas, je le prends.


Bien sûr que certains jours où je regrette d'être là, à l'autre bout du monde. Livrée à moi-même, aux hasards et contrariétés qui m'agressent.

Je tuerais les chiens et les punaises qui m'ont empêchée de dormir la nuit.

J'exterminerais les moustiques qui me dévorent.

Je râle contre une chambre d'hôtel payée dix fois trop cher pour un confort minable.

Je peste contre les 7 heures enfermée dans un bus cahotant.

Je maudis la mousson qui me détrempe, faisant pourrir mes vêtements.
Je suis épuisée, nauséeuse, je vendrais mon âme pour rentrer chez moi.
Puis ras-le-bol et découragement s'estompent.

Le soleil se lève, je suis requinquée, prête à reprendre mon chemin.

Pour certains, le voyage est une fuite. Pour d'autres, une simple évasion. Pour moi, c'est une prise de recul.
À des milliers de kilomètres de ma vie quotidienne, je la saisis sous un autre angle. Je relativise l'accessoire, m'approche de l'essentiel.
La pauvreté des pays que je traverse me rappelle que je suis née avec un frigo plein et une cuillère d'argent dans la bouche. Ma trousse à pharmacie que je serai soignée si je suis malade. Mes carnets que je ne serai pas torturée pour y avoir couché mes idées.
J'ai eu la chance de naître libre dans un pays libre et pourtant, j'ai envie de le quitter.

C'est probablement le paradoxe du voyage : tout avoir et désirer autre chose. Encore plus, peut-être.

Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages
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Vendredi 4 janvier 5 04 /01 /Jan 20:11
Myanmar, novembre 2007.
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Mon ami et moi sommes à Mandalay, au nord du Myanmar. Notre prochaine étape est Bagan, un site réputé pour ses innombrables temples et stupas.
Comme nous ne voulons pas prendre l'avion, la seule solution est le bus. Et comme nous ne voulons pas perdre une journée en trajet, il nous faut voyager de nuit.
Le réceptionniste de l'hôtel nous prévient :
- It's better for you to take the day bus... The night one is very uncomfortable !
(Vous feriez mieux de prendre le bus de jour... Celui de nuit est très inconfortable !)
Inconfortable ? Pas grave, on en a vu d'autres.
Il sert aussi au transport de marchandises ? Aucune importance, nous ne reculerons pas devant quelques sacs de riz.

Un pick-up nous emmène à la gare routière.
Première vision du bus : un amas de tôle antédiluvien, à la peinture écaillée, affaissé sur ses roues arrière.
La cause ? L'ahurissante masse de caisses, paquets et ballots qu'il contient. À l'arrière, à l'avant, collés aux fenêtres, amassés sur le toit... Ils débordent de partout.
Mais la touche finale, ce sont les "ballots" surprise. À savoir, deux militaires en uniforme, à l'air patibulaire et aux fusils longs comme le bras. Ils établissent leur camp sur le toit, scrutant les voyageurs sous la visière de leur casquette.
Seuls Blancs parmi les locaux, cibles parfaites pour l'armée, nous commençons à regretter notre témérité...

L'heure de départ est plus que dépassée. Mais pour l'instant, personne n'est encore autorisé à bouger. Nous squattons un tas de gravats. Cherchons celui qui nous entaille le moins les fesses.
Voilà dix minutes d'écoulées.
Enfin calés sur nos cailloux, nous zyeutons alentour. Une conclusion s'impose : pour entrer dans ce bus, ça sera la foire d'empoigne. J'estime au jugé le nombre de sièges à 20, nous sommes au moins 40. Mais en tant que touristes, nous allons jouir d'odieux privilèges : avoir une place numérotée et le droit de s'asseoir avant les autres.

Nous nous hissons à bord. J'inspire un grand coup et manque de m'étrangler. L'odeur est infâme... Mélange de merde, de vomi et de pourriture saturée de chaleur.
On n'a pas démarré que j'ai déjà la nausée. Et pour atteindre notre "banquette", bonjour la grimpette : il faut escalader les ballots amoncelés dans l'allée, marcher sur les caisses de bouteilles sans les briser.
Les Birmans nous suivent. S'entassent sur les sièges. Se poussent pour laisser de la place aux nouveaux arrivants. Le bus est archi-complet mais il y a encore des voyageurs.
Les derniers seront casés aux forceps dans l'allée.
Sans accoudoir ni dossier, le derrière à même les goulots de bouteilles.
Personne n'a d'espace pour respirer.

Le conducteur s'installe au volant a
vec plus d'une heure de retard. Nous quittons la gare au pas, en zigzags, dans un bruit tonitruant de ferraille.
J'ai cru qu'on ne dépasserait
jamais le kilomètre un. Erreur ! Notre épave roule tant bien que mal et nous secoue plus mal que bien.
Virage à gauche. Mes voisins me tombent dessus, m'écrasant contre la vitre.
Virage à droite. Je me venge en leur rendant la politesse.
Sur les routes défoncées, je suis un pop-corn pris entre une poêle brûlante et un couvercle en fer-blanc.

Le vacarme de la tôle mise au supplice est bientôt couverte par un autre : celui d'une télé tressautante. Désynchronisées par rapport à l'image, les voix des chanteurs birmans en vogue voudraient égayer notre voyage. Il n'en sera que pire... Le crin-crin de leurs chansons pop p
oussées à plein volume nous vrille les tympans, finissant de nous assommer.

Dans de telles conditions, le temps avance aussi vite que notre bus. Soit à une allure d'escargot. Et pour l'allonger encore, on peut compter sur les multiples
check-points.
Dix fois, nous nous désencastrerons pour mettre pied à terre et présenter nos papiers à l'armée. Puis nous réencastrerons en attendant de repartir. Le tout sans moufter. Protester serait un acte de rebellion. Pas franchement recommandé en dictature.
Seul point positif : le chauffeur met ces haltes à profit pour inonder d'eau fraîche le moteur surchauffé. Ce serait bête, en effet, qu'il nous lâche en cours de route...

Arrêt
au milieu de nulle part en pleine nuit. Tout le monde descend, c'est la pause dîner. Enfin, la pause brouet. Une serveuse sourde-muette nous gratifie d'une écuelle de riz surmontée d'un truc non identifié.
Le mode d'ingestion en est simple : se boucher le nez, fermer les yeux et prier pour ne pas le rendre sur la table en plastique.

La fin du parcours se déroulera comme le début. Dans la joie, la bonne humeur et la sueur partagées.
Non, vraiment, ces 9 heures furent de purs moments de plaisir masochiste.
Pour nous rendre au lac Inle, à plus d'une demi-journée de route, on a pris l'avion.
Faut pas abuser des bonnes choses.

Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages
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Vendredi 4 janvier 5 04 /01 /Jan 02:56
Luang Prabang (Laos)

undefined Laos, Cambodge, Thaïlande, Myanmar... Dans les pays bouddhistes d'Asie, une cérémonie immuable se déroule chaque jour au petit matin, alors que le soleil
se lève à peine.
Sortis de leur monastère, s'avançant en rangs serrés,
moines et novices collectent leur pitance quotidienne. Ils devront la manger avant midi puis s'abstenir jusqu'au lendemain.
Leur
bol à offrandes serré contre leur poitrine ou porté en bandoulière, ils cheminent pieds nus sur la terre ou les pavés, drapés dans leur robe safran.
Longue procession transie de froid en hiver, trempée à la mousson.

Un par un, les moines s'arrêtent soit devant les maisons, soit devant les fidèles agenouillés à même le sol. Ceux-ci, têtes courbées, déposent dans le bol tendu quelques mets simples : des boulettes de riz, des fruits de saison.

La cérémonie, solennelle et de toute beauté, s'accomplit un silence recueilli... et pour cause : donner à manger à un moine est un acte sacré. D'une grande générosité parfois, les plus pauvres se privant de nourriture pour l'offrir à ceux qui ont choisi de vivre dans le dénuement le plus complet.

Aussi fus-je bien étonnée de découvrir
des mises en garde glissées dans les cartes des restaurants de Luang Prabang... quand elles n'étaient pas placardées sur les portes des lieux fréquentés par les touristes.
Pour moi qui me considère comme simple invitée des pays que je traverse, elles énonçaient une évidence : respecter les coutumes et croyances des habitants.

Lorsque quelqu'un
vous convie à dîner, vous n'essuyez pas vos pieds dégoûtants sur la nappe. Ne jetez pas vos crottes de nez dans la soupière. N'insultez ni sa femme, ni sa religion, ni même son chien.
Votre hôte vous fait l'honneur de partager sa table et sa maison, vous n'allez pas lui cracher dessus en cadeau bonus.

C'est donc perplexe que je me suis levée à l'aube pour assister à la cérémonie.
J'ai choisi des vêtements amples et couvrants, pour masquer mes formes, mes épaules, mes jambes. J'ai pris mon appareil photo au cas où, décidée cependant à le laisser au fond de mon sac.
Une fois sur place, j'ai compris.
Le nombre de touristes excédait déjà le nombre de locaux. Affairés alors qu'il n'y avait rien à faire, ils discutaient bruyamment, riaient à gorge déployée, s'interpellaient de groupe à groupe.
- Hi, Johnny, how are you ?
- Fine ! Nice to meet here, fellow !

Heureusement qu'il faisait froid. Sinon, je parie que j'aurais assisté en avant-première au défilé du mauvais goût. Celui printemps-été du short effrangé, du débardeur transparent et de la minijupe ras-la-touffe.

Les moines sont arrivés. Dignes, grelottant, muets. Frisson d'excitation parmi les touristes. Ni dignes, ni grelottant sous leur polaire, ni muets. Bien au contraire, on se serait cru dans une volière.
Autour de moi, les cris redoublaient : les étrangers commentaient le spectacle, se poussaient pour mieux le voir en brandissant leurs appareils hérissés de zooms gros comme le bras.
Les flashes crépitaient sans répit.
Clic-clac dans les oreilles des novices.
Pan ! dans les yeux des vieux moines.
Moi, je bouillais de rage.
Cette rue était devenue un zoo, je n'y avais pas ma place.

Mais comment peut-on manquer de respect à ce point ?
Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages
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Vendredi 4 janvier 5 04 /01 /Jan 01:08
Laos, fin novembre-début décembre 2007.

 

Seule-a---table.pngAprès une virée dans le nord de la Thaïlande, j'arrive au Laos, à Luang Prabang. On m'avait prévenue : la ville est petite mais plaisante. Sans que personne ne puisse au juste expliquer pourquoi, elle exerce un fort pouvoir d'attraction sur les voyageurs.
Ainsi, nombre d'entre eux y passent en projetant d'en repartir très vite... Luang Prabang n'est qu'une étape mineure de leur voyage. Puis le charme opère et ils y restent trois jours, quatre jours, une semaine. Englués et contents de l'être.
Ce fut mon cas.
Mais alors que j'allais m'arracher à la ville, j'eus une révélation.

Au cours de mes balades, je tombais souvent sur des panneaux énigmatiques, accrochés aux carrefours : une petite souris malicieuse, portant un livre sous le bras.
Les phrases qui l'entouraient -
type Buy books, not candies (achetez des livres, pas des bonbons) - ne donnaient aucun indice. Pire, ils opacificiaient son mystère.
Ma curiosité était piquée au vif
.

Je me résignais néanmoins à quitter la ville sans avoir le fin mot de l'histoire. C'était compter sans la chance qui allait guider mes pas. Ou plutôt nos pas, car je ne quittais plus Christelle, une Française croisée par hasard en visitant un temple.

Tandis que nous discutions dans la rue, j'avise un de ces mystérieux panneaux. Non suspendu à un poteau, cette fois, mais placé dans la cour d'une maison. Au rez-de-chaussée, une sorte de boutique. À l'intérieur, un jeune Laotien, assis derrière un bureau, qui nous sourit.
Nous entrons.

Voici le mystère de la petite souris dévoilé : ce sympathique rongeur est en fait l'emblème d'une association, Big Brother Mouse.
Son but ? Fabriquer des livres made in Laos pour les distribuer dans les écoles, à des enfants qui n'ont jamais eu la chance d'en tenir un entre les mains. Et encore moins d'en posséder, vu la pauvreté de leur famille.
Les histoires sont en général écrites par Sacha, le Canadien fondateur de l'association. Elles sont ensuite traduites en laotien (et parfois en langue Hmong, une ethnie vivant dans le pays) et illustrées par de jeunes dessinateurs locaux.
Une fois mis en page et imprimés, les livres sont vendus sur place.
Christelle et moi en achetons plusieurs. Ils repartiront en France, dans nos bagages. D'un bon geste deux avantages : des sous pour l'association et des cadeaux originaux pour les enfants de nos proches.



Image-9.pngPour les voyageurs ou bienfaiteurs plus fortunés, il est possible d'organiser une book party : contre la somme de 200 dollars (ou davantage, bien sûr !), une équipe de Big Brother Mouse se rend dans une école de campagne. Chargée de livres, de stylos, de cahiers, de matériel basique pour jouer (masques, ballons, ficelles...), mais aussi de provisions pour le goûter.

Qui a dit que la littéraure ne creusait pas ?

J'ai eu la chance de participer à une book party. Ce fut une des journées les plus intenses, émouvantes, de mon voyage.


Vous avez envie de donner avec la certitude que votre argent ne sera pas gaspillé ? Pensez à la souris.
Votre route vous mène à Luang Prabang, Vientiane ou Luang Namtha ? Passez-la voir. Elle y a
déployé ses antennes et vous accueillira à pattes ouvertes.
Parole de rat... de bibliothèque !

 



Le site de l'association (en anglais) : http://www.bigbrothermouse.com/

Photo et logo fournis par l'équipe de BBM.

Autres photos visibles dans l'album Laos

Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages
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Mercredi 19 décembre 3 19 /12 /Déc 15:36

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Varanasi, Inde, septembre 2005.

 

 

Petit-déjeuner sur la terrasse de la guesthouse avec Eyalh, un Israélien rencontré à Delhi. Varanasi étant pour tous deux la prochaine étape de notre voyage, nous avions décidé de nous y retrouver.
Nous buvons un café. Une jeune femme franchit le portail. Jeune, jolie, épuisée, chargée d'une énorme valise qui l'encombre, elle a l'œil hagard de ceux qui débarquent en Inde sans se douter de ce qu'ils vont y trouver : une foule compacte qui se presse partout, vous frôle, vous touche, vous interpelle, vous bouscule ; des gamins qui s'accrochent aux revers de votre pantalon, des mendiants traînant leur misère dans la boue des égouts, des vieilles femmes qui vous sourient de leur bouche édentée, des lépreux qui vous tendent leur moignon, des culs-de-jatte qui vous escortent en caisses à roulettes ; des chiens errants qui menacent de vous mordre, des vaches qui vous barrent la route, semant leurs bouses sous vos semelles.

Et par-dessus tout cela, une moiteur tropicale qui colle à la peau, une odeur persistante d'encens, d'épices et de merde.

L'odeur de l'Inde.



Bonjour 2La jeune femme demande si la guesthouse aurait une chambre de libre. Soupire de soulagement car c'est le cas. Prend la plus belle, la plus chère, avec clim' et salle de bains privée pour se requinquer de son long voyage.
À son accent, elle est américaine. Américaine et choquée que des vaches bouffent des tas d'ordures et qu'on les trait pour boire leur lait ; que les pauvres vivent ainsi, en haillons à même le trottoir ; que des parents laissent leurs gosses jouer dans les détritus ; que des gens crèvent dans la rue et dans l'indifférence générale.


On discute un peu. Elle s'appelle Mandy, doit voyager avec un ami qui n'arrivera que demain. Et qu'après tout ce qu'elle a vu, elle n'a qu'une hâte : qu'il arrive vite !

Là, elle ne souhaite pas sortir de l'hôtel. Seule, c'est en tout cas hors de question. Elle ne supporte pas les regards insistants que les hommes posent sur elle. Le désir qu'elle y voit la tétanise. Elle a peur qu'ils ne l'embêtent, ne l'agressent, ne la violent peut-être.

Nous lui proposons de nous accompagner. Elle accepte avec gratitude et empressement.



Nous nous frayons un chemin dans les ruelles. Mandy nous suit, apeurée, en veillant à ne pas nous perdre de vue. Peu à peu, elle se détend et profite de la promenade.
Nous voici sur un ghât, à regarder le Gange couler à nos pieds. L'instant, calme, est rompu par un éclat de voix. On se retourne.

Un jeune homme tend à Mandy une main amicale :
- Hello, Miss, how are you ?
- Fine, thank you, répond-elle en serrant la paume tendue.
Le gars se fend d'un sourire immense. Il est content.

Aussitôt, son copain se précipite vers Mandy.
- Hello, Miss, how are you ?
- Fine, fine ! lui assure-t-elle dans une poignée de main.
Un homme prend immédiatement la place du copain, suivi d'un autre. Et la scène se répète, quatre, cinq, six fois. Bientôt, une queue se forme pour serrer la main de la jeune étrangère, qui s'extasie de son côté sur la gentillesse des Indiens.

Je décide d'intervenir.
- Tu sais, Mandy, on ne se salue pas de cette façon en Inde. Pour dire "bonjour", tu joins tes mains et tu les portes à ton front.
- Euh... Tu veux dire qu'on ne se touche pas ?
- Oui, c'est ça. Il ne doit pas y avoir de contact, surtout entre les hommes et les femmes.
Elle jette un regard dégoûté sur sa main, puis sur la foule de ses admirateurs.
- Mais ne leur en veux pas : tu leur as prodigué leur premier orgasme de la journée !

Elle a fait l'effort de rire. Elle était sympa, Mandy. Et moi, ce jour-là, un peu garce.

 

 

Photo : Hendrik Kerstens.

Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages
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Mercredi 19 décembre 3 19 /12 /Déc 14:55

Myanmar, octobre 2007.

 

 

Surprise nocturneJe tiens cette anecdote d'un Canadien rencontré à Bagan, au nord du Myanmar (Birmanie). Elle m'a fait bien rire.

Poussé par la soif, A. se rend de jour dans une Beer Station pour boire un coup (ou deux, ou trois...). L'établissement n'a rien d'exceptionnel : aucun effort de déco, un sol en ciment brut, des tables en bois, des chaises en plastoc, une bière bon marché vendue à la pression, une clientèle exclusivement masculine, un patron ravi de servir un étranger.

La nuit venue, A. a une insomnie. Il se tourne et retourne dans son lit. Décidément, impossible de dormir !

De guerre lasse, il décide de se lever pour faire un tour dehors. La rue de l'hôtel, plongée dans le noir, est déserte, les grilles de fer tirées sur tous les magasins. La promenade ne s'annonce pas des plus divertissantes. Ne sachant que faire, A. décide de retourner à la Beer Station de l'après-midi.
Par chance, elle est ouverte. Mais surprise, les consommateurs ont changé : fait exceptionnel, les hommes ont laissé leur place aux femmes. Beaucoup d'entre elles sirotent leurs boissons en fumant une cigarette. Double étonnement de A., dans un pays où les femmes ne boivent pas d'alcool ni ne fument.

Il s'installe seul à une des rares tables libres. Commande une pinte bien fraîche. La patron, qui l'a reconnu, la lui apporte avec un grand sourire. A. vide son verre, en réclame un deuxième. Le patron revient pour lui demander si, par hasard, il ne désire pas autre chose.

Regard interloqué de A..
Autre chose, et quoi donc ? Un Coca, un jus d'orange... ? Non merci.

Le patron secoue la tête, insiste. C'est alors que A. comprend : cette Beer Station la nuit, c'est un bordel à ciel ouvert.
Il n'a pas consommé, dit-il. :)

 

 

Photo : Christer Strömholm.

Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages
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