Vendredi 4 janvier
5
04
/01
/Jan
02:56
Luang Prabang (Laos)
Laos, Cambodge,
Thaïlande, Myanmar... Dans les pays bouddhistes d'Asie, une cérémonie immuable se déroule chaque jour au petit matin, alors que le soleil se lève à peine.
Sortis de leur monastère, s'avançant en rangs serrés, moines et novices collectent leur pitance quotidienne. Ils devront la manger avant midi puis s'abstenir jusqu'au lendemain.
Leur bol à offrandes serré contre leur poitrine ou porté en bandoulière, ils
cheminent pieds nus sur la terre ou les pavés, drapés dans leur robe safran.
Longue procession transie de froid en hiver, trempée à la mousson.
Un par un, les moines s'arrêtent soit devant les maisons, soit devant les fidèles agenouillés à même le sol. Ceux-ci, têtes courbées, déposent dans le bol tendu quelques mets simples : des
boulettes de riz, des fruits de saison.
La cérémonie, solennelle et de toute beauté, s'accomplit un silence recueilli... et pour cause : donner à manger à un moine est un acte sacré. D'une grande générosité parfois, les plus pauvres se
privant de nourriture pour l'offrir à ceux qui ont choisi de vivre dans le dénuement le plus complet.
Aussi fus-je bien étonnée de découvrir des mises en garde glissées dans les
cartes des restaurants de Luang Prabang... quand elles n'étaient pas placardées sur les portes des lieux fréquentés par les touristes.
Pour moi qui me considère comme simple invitée des pays que je traverse, elles énonçaient une évidence : respecter les coutumes et croyances des habitants.
Lorsque quelqu'un vous convie à dîner, vous n'essuyez pas vos pieds
dégoûtants sur la nappe. Ne jetez pas vos crottes de nez dans la soupière. N'insultez ni sa femme, ni sa religion, ni même son chien.
Votre hôte vous fait l'honneur de partager sa table et sa maison, vous n'allez pas lui cracher dessus en cadeau bonus.
C'est donc perplexe que je me suis levée à l'aube pour assister à la cérémonie.
J'ai choisi des vêtements amples et couvrants, pour masquer mes formes, mes épaules, mes jambes. J'ai pris mon appareil photo au cas où, décidée cependant à le laisser au fond de mon sac.
Une fois sur place, j'ai compris.
Le nombre de touristes excédait déjà le nombre de locaux. Affairés alors qu'il n'y avait rien à faire, ils discutaient bruyamment, riaient à gorge déployée, s'interpellaient de groupe à groupe.
- Hi, Johnny, how are you ?
- Fine ! Nice to meet here, fellow !
Heureusement qu'il faisait froid. Sinon, je parie que j'aurais assisté en avant-première au défilé du mauvais goût. Celui printemps-été du short effrangé, du débardeur transparent et de la minijupe
ras-la-touffe.
Les moines sont arrivés. Dignes, grelottant, muets. Frisson d'excitation parmi les touristes. Ni dignes, ni grelottant sous leur
polaire, ni muets. Bien au contraire, on se serait cru dans une volière.
Autour de moi, les cris redoublaient : les étrangers commentaient le spectacle, se poussaient pour mieux le voir en brandissant leurs appareils hérissés de zooms gros comme le bras.
Les flashes crépitaient sans répit.
Clic-clac dans les oreilles des
novices.
Pan ! dans les yeux des vieux moines.
Moi, je bouillais de rage.
Cette rue était devenue un zoo, je n'y avais pas ma place.
Mais comment peut-on manquer de respect à ce point ?
Par Chut !
-
Publié dans : Voyages, voyages
2
Derniers Commentaires