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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Une vie aux Philippines

Jeudi 26 août 4 26 /08 /Août 17:37

Un pour la Chine 2Il est venu à moi alors que je travaillais. Dans l’annexe de ma maison-bureau, sur la plage, face aux parasols et à la mer, sur une table ancrée de guingois dans le sable. Il s’est cérémonieusement incliné puis présenté. M’a tendu une main que, d’un geste machinal, j’ai prise et serrée.


Nous avons un peu discuté, lui debout face à moi qui ne l’invitais pas à s’asseoir. Il était trop poli pour tirer d’autorité une chaise et s’y installer. Trop timide, peut-être, pour m’en demander la permission. Cette chaise vacante à mes côtés, il se contentait de la couver des yeux comme on choierait une bouteille d’eau en plein désert.

Je feignis d’ignorer ses regards. Non par volonté d’être rude ou cruelle, simplement parce qu’il ne me plaisait pas. Et que si j’étais venue là, c’était avant tout pour travailler.

 

Son anglais était hésitant, un brin heurté. Parfois, je peinais à le suivre et fronçais les sourcils pour rétablir mentalement ce qu’il voulait dire. Gymnastique fatigante lorsque je ne possède pas les clefs de la langue-source. Les erreurs de mes compatriotes, je les comprends pour les avoir moi-même commises. Les siennes, en revanche, me restaient assez opaques.

Il est un Chinois venu de Hong-Kong. Nationalité tragique depuis la prise en otages de lundi à Manille, achevée dans un bain de sang. Dans l’autre sens, l’appartenance à une terre s’avère toutefois encore plus difficile à porter. Il semblerait en effet que, pour l’heure, les Philippins soient bannis du sol chinois.

 

Il me tendit sa carte. Les premiers mots que j’y découvris furent « Hong Kong Underwater Archeological Association ». Je pensai aussitôt que cela intéresserait Bertille de le rencontrer. Il me demanda mon numéro de téléphone et j’hésitai à peine.

Au dos de la carte, je vis qu'il collectionnait les titres honorifiques. Dont un, tout en haut : président de l'association hong-kongaise de plongée technique. Je réprimai un sourire en songeant à ce qu'Ethan m'avait souvent affirmé :

- Les plongeurs tech' ? Tous des givrés.

Une heure après que mon vis-à-vis ait tourné les talons, je reçus un texto.

Il était ravi de m’avoir rencontrée.

- Ravi ? songeai-je. Diable, moi qui ne lui ai même pas offert une chaise !

Ce fut le premier message d’une longue série où il m’invitait, selon l’heure, à déjeuner ou dîner. Me souhaitait une bonne journée ou de beaux rêves.

L’ayant rapidement croisé, Bertille s’esclaffa :

- Tu as tiré un sacré phénomène !

Je ne la contredis pas.

Un matin, j’étais plongée dans un sommeil si profond que le bip du téléphone heurta violemment mes rêves. Agacée – mais quelle heure était-il, donc ? – je ne lui répondis pas.

 

Un pour la ChineIl y eut un silence d’une journée.

Je le vis hier. Il me salua de loin, à deux reprises tandis que je partais. Aujourd’hui, osant à peine déranger le cours de mon travail, il prit ses quartiers à la table voisine. Puis congé sans s’attarder, me glissant comme une excuse que cette fois, il s’en allait le premier.

C’est au moment de régler l'addition que je tombai des nues.

- Tout a déjà été payé, pouffa la serveuse.

- Pardon ?

- Oui. C’est l’homme, là, qui…

Son bras s’agita en direction du fauteuil vide.

- Ah, fis-je.

Je le remerciai sur le champ. Sensible à son attention et n’ayant pas à cœur de lui refuser, encore, ce dîner auquel il tenait tant.

Celui-ci est fixé à demain. Où je voudrais. Quand je voudrais. Et, complétai-je pour moi-même :

« Avec la suite amoureuse que je voudrais, c’est-à-dire aucune. »

Il a pourtant l'intention de bien faire les choses. De réserver deux couverts dans le meilleur établissement de l'île si je le désire. Voilà qui est touchant, mais je me contenterai d'une grande simplicité. D'un boui-boui de rue si je ne craignais pas de l'offenser.

Peut-être ai-je eu tort d’accepter. Mais, vraiment, je me serais reproché de lui dire, une fois de plus, non. Cela aurait sonné pire qu'une ingratitude.

Un point pour la Chine.

Zéro pour la France qui déteste se trouver dans cette situation-là.


 

Photos : André Kertesz.

Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines
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Mardi 27 juillet 2 27 /07 /Juil 14:02

Du lard et du cochonLe chien blanc est maintenant attaché devant ma maison, près de la balançoire. Ses deux autres compères ont été déplacés à l’arrière, derrière les fenêtres de la petite chambre. Aucun abri ne les protège de la pluie qui tombe à verse. Lorsqu’elle cingle le toit, aussi dure que des hallebardes, ses cascades m’éveillent et je pense à eux, retenus dehors par une courte corde, prostrés à même la terre détrempée et tremblants de froid.

L’orage peut durer des heures, toute la nuit et même la journée. Leur silence de pauvres bêtes m’inspire de la pitié, mais que faire ? Dès qu’ils me voient sortir, ils hurlent pour m’arracher quelques caresses.

 

Hier, je leur portai une assiette de gâteaux rassis. L’arrière-cour était plongée dans le noir. Sans lampe de poche, je prenais garde où je mettais les pieds. Le sol mouillé était glissant, les flaques larges comme de petites piscines, les cailloux aussi coupants que traîtres.

Arrivée près du grand arbre, je crus distinguer une ombre. Je sursautai. Elle poussa un grondement sourd en se rejetant dans l’obscurité.

Un cochon. Bien gros et bien gras, ligoté par le cou et le ventre à un pilier.

Je me doutais de ce qui allait suivre. Lui lançai tous les gâteaux et repoussai la porte de chez moi.

 

A six heures et demi ce matin, ses cris me tirèrent brutalement du sommeil. Les hurlements d’un cochon qu’on égorge sont épouvantables à entendre. Ils giclent dans l’air tels des spasmes de sang chaud, saturent l’espace de leur désespoir, montent, descendent, s’arrêtent pour repartir dans les aigus et se briser dans les graves. Braillements terribles et presque humains, faiblissant à mesure que la vie s’échappe en rigoles de leur cou béant.

Je ne voulais pas les entendre. Pas imaginer la scène se déroulant à quelques mètres, la bête agonisante et les hommes aux bras éclaboussés de sang.

Je me bouchai les oreilles. En vain. Les beuglements étaient si assourdissants que j’avais l’impression d’être tout à côté. Alors, paumes pressées contre mon crâne, je me mis à chanter, de plus en plus fort.

Dix minutes et il n’y eut plus que le silence.

 

Je repensai au petit-déjeuner d’un dimanche. A l’aube le cochon de l’arrière-cour avait été tué. Sur ma terrasse je mangeais du bacon, avec pour vue immédiate une grande bassine en fer blanc. De ses bords dépassaient un ventre rond et des pattes roses bizarrement tordues, comme si l’animal, retourné, creusait la terre pour s’y enfouir.

Une grande fête avait suivi. Celle de ce soir se prépare. Dans le jardin fleurissent les chaises en plastique, sur les tables les bouteilles de bière. Des enfants jouent aux billes sur le gazon humide. Une petite fille étrangement chauve marche empêtrée dans sa robe rose.

Moi aussi je suis invitée, mais à vrai dire, je n’ai pas très faim.

 

 

Tableau de Francis… Bacon.

Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines
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Jeudi 15 juillet 4 15 /07 /Juil 18:19

 

Chroniques incisives 1Il m’avait dit qu’elle avait de petites mains. Lorsque j'entrai, ce ne furent pas elles qui me frappèrent, mais la tache de vin s’étalant sur son visage. Elle avait des yeux brillants, qui se chargèrent d’empathie lorsqu’elle vit que je ne pouvais plus parler.

 Jamais jusqu’à présent je n’avais eu de vraie rage de dents. Celle qui irradie du front au cou et bat au rythme des artères. Qui vous empêche d’ouvrir la bouche pour boire ou manger. Qui vous réveille à peine avez-vous sombré dans le sommeil, gavé de paracétamol ou d’alcool. Pour oublier la douleur tous les moyens étaient bons, mais aucun ne marchait.

C’était à se taper la tête contre les murs. Littéralement.

 

Elle m’examina tout doucement, s’excusant quand mes glapissements rentraient mon corps dans le fauteuil. Vaines tentatives pour échapper à ses outils qui redoublaient dans mes os la pulsation de mon sang. Et pendant que ses doigts me fouillaient s'attachait à mon cerveau la magique pensée que tout se réglerait de soi-même. Que je me lèverais au matin délivrée. Enfin moi, tant la sinusite combinée à la rage de dents m’avait fait m’amoindrir, racornie dans la chaleur étouffante du bungalow, épuisée d’avoir si mal et de me sentir si seule.

Elle fit claquer ses gants dans une dénégation. Rien d’anormal. Il fallait cependant faire des radios, avaler des antibiotiques, des dérivés de morphine ou d’opium. Eux seuls pourraient museler la perceuse qui, me vrillant le crâne, menaçait de me rendre folle.

Lorsque je revins la semaine d’après, j’étais loin de me douter que cette visite n’était qu’un début vers l’enfer et l’amitié.

 

Au fil des semaines, ce cabinet médical perché à l’étage d’une grande bâtisse face à l’hôpital, un peu vétuste et toujours trop chaud, est devenu la dépendance de ma maison. La salle d’attente, exiguë, s’encombre d’un bureau et d’un canapé.

J’y ai passé des heures, somnolant alors que, de l’autre côté de la porte vitrée, la roulette stridulait. Par-dessus, comme pour en masquer le bruit, la télé braillait un film ou des chansons. Maladroit moyen pour faire tenter d’oublier ce vrombissement de guêpe surexcitée que craignent tant de patients.


Lorsque c’est enfin mon tour, j’entre et les retrouve toutes les quatre : elle, Rhoda, la dentiste ; Mabel, son assistante ; Iza et Neng, les petites mains dédiées au téléphone, à l’aspiration, à la préparation des outils et des pâtes.

Ces trois jeunes filles sont d’une rare beauté. Tandis que Mabel est penchée sur moi, visage à demi camouflée par un masque de chirurgie, j’aime attraper les amandes obliques de son regard. Voir perler à son front la fine bruine de sa transpiration. Redessiner la ligne arquée de ses sourcils, me fondre dans la mousse de son chignon ébène.

Parfois la chevelure détachée de Neng me caresse l’épaule. Et parfois, lorsque l’anesthésie ne suffit pas, Iza serre mes mains dans les siennes.

 

Chroniques incisives 2C’est arrivé au cours d’une séance particulièrement pénible. Trois heures que j’étais sur le fauteuil, cou tordu, mâchoires endolories de s'ouvrir, coins de la bouche écorchés à force d’être tirés.

Neng m’apporta un coussin volé au canapé. Mabel prépara une autre injection. Sur la tablette s’entassaient déjà quatre recharges vides, mais rien n’y faisait. L’anesthésie ne prenait pas, ou pas assez.


C’était toutefois mieux qu’au départ, où le simple effleurement d’un coton sur ma molaire me faisait  hurler. Mais là, il fallait ôter le nerf.

Six injections plus tard, je souffrais encore. Renzé, un jeune dentiste venu pour courtiser Mabel, fut mis à contribution. Et je fus bientôt entourée, ployées et attentives au-dessus de moi comme pour un accouchement, cinq têtes brunes. Mabel tenait la roulette, Rhoda la lampe, Neng le tuyau à aspiration et Iza mes poignets.

Renzé, lui, ne tenait rien. Il regardait.

Soudain, il s’éclipsa avec Rhoda. Entre les aigus de la roulette je crus percevoir un murmure bas. Ils ne me l’avouèrent qu’après : assis face à face au bureau, mains jointes, ils priaient. Le saint des causes difficiles ou Notre-Dame du Bon Remède pour me soulager.

 

Un autre jour une coupure de courant stoppa tout. La lampe médicale s’éteignit dans un brusque clac. Dans la main de Mabel la roulette cessa de tourner. J’étais là depuis des heures, j’aurais pu repartir mais la priai si possible de continuer. Elle acquiesça, un peu surprise. Prit de bizarres instruments pour remplacer celui qui ne marchait plus. La séance se poursuivit avec les moyens du bord : la lumière du téléphone portable de Neng braqué dans ma bouche.

A six heures Mabel déclara forfait. La clarté n’était plus assez forte, le soir trop avancé.

 

Un autre jour je fondis en larmes. Déjà plus d’un mois que je venais ici deux fois par semaine, nantie de l’interdiction de plonger. D’une session sur l’autre les problèmes s’ajoutaient aux problèmes, file continue de maux à soigner et d’erreurs à rattraper.

Après une dent c’était une autre qui lâchait, comme si toutes s’étaient donné le mot pour m’emmerder. Mille fois je maudis les « bons praticiens » français et leur travail bâclé.

Chaque semaine j’espérais que tout serait fini la suivante.

Chaque semaine je me trompais.

Maintenue hors de l’eau tel un poisson agonisant hors de son aquarium, je craquai, alignant sans suite des mots de déception et de colère. Rhoda faillit pleurer aussi. Honteuse de m’être laissé aller, j’ouvris aussitôt la bouche.

La séance pouvait commencer.

 

Chroniques incisives 3Au cours de ces semaines j’eus mal, j’eus peur. Peur que l’infection rongeant deux de mes molaires ne passe dans mon sang pour se répandre dans mon corps. Risque de septicémie, d’endocardite infectieuse majorée par mon souffle au cœur. Fichue valve mitrale qui résonne à chaque battement.

Alors, pour conjurer le risque, beaucoup d’antibiotiques. Beaucoup d’effets secondaires aussi. Nausées, épuisement, vertiges, problèmes cutanés, insomnies.


Jours de peine et de coton, de disette et de blues à l’âme. Cerveau englué au crâne, moite sous l’éphémère fraîcheur de la douche, rêvant d’établir asile dans mon frigo. Songeant parfois que je pourrais crever loin de ces amis qui ne prenaient ni ne donnaient de nouvelles.

Sauf elle, Méline, la compagne d’enfance à la voix rassurante et au visage de madone.

Et elle, virtuelle mais toujours présente pour accompagner mes pas.

Sauf lui, le samouraï des Perhentians, si lointain et pourtant si proche, s’inquiétant de mes silences et meublant mes nuits de messages en bouteilles à la mer.

 

Puis, à côté de ces moments, d’autres, drôles et légers comme des phares dans la brume.

Cette fête à laquelle Rhoda, devenue amie, me convia. Lorsqu’elle m’invita, je ne compris rien et me retrouvai, stupéfaite, à l’anniversaire de sa sœur, sans un cadeau à offrir.

La maison était splendide, vaste propriété ouverte sur deux jardins où des chiens gambadaient. Pas ces cabots utiles qui défendent de leurs aboiements un maigre lopin de terre. Ces chiens-là, shiatsus et caniches, étaient faits pour l’ornement et les caresses. Quant au buffet, il se tenait au salon, gargantuesque, montagnes de nourriture dévalant sur les assiettes.

 

Assise dehors, je vis défiler les invités.

Mabel, timide, m’interrogeant sur Paris comme si la capitale-lumière était la terre promise.

Un des frères de Rhoda, citoyen américain vendeur de médicaments et amoureux des armes à feu. Bowling for Columbine me trottait sur la cervelle alors que nous devisions et que j’évitai avec prudence les sujets qui fâchent.

Deux femmes apprêtées, touchantes, à l’anglais parfait. Elles s’étonnaient du mien alors que j’étais française, et mille fois s’excusèrent de quitter la place après avoir terminé leur assiette. Elles se levaient à l’aube, moi pas.

A peine toute l’assemblée fut-elle rassasiée qu’elle se sépara sans chichis. Pas plus aux Philippines qu’en Inde on ne s’attarde une fois le dessert avalé. Ici ou là-bas, la tradition du digestif-café n’existe pas, les conversations étirées en volutes dans la fumée de cigarettes non plus.

J’étais d’ailleurs, semble-t-il, l'unique fumeuse. Et par égard pour les poumons vierges de nicotine de mes voisins je m’abstins, préférant glisser un cure-dents entre mes lèvres.

 

Les longues discussions tenues au cabinet médical me remplissaient autant de joie que d’étonnement. Ni Rhoda ni ses assistantes n’avaient par exemple jamais vu de tampon. Aussi, tandis que j’en sortais un de mon sac, arrondirent-elles les yeux, me demandant si cela « ne blessait pas l’intérieur ». J’eus beau affirmer que non, elles me fixaient d’un air circonspect en se passant tour à tour la bourre d’ouate.

 

Chroniques incisives 4Quand la conversation tomba sur les pyjamas, je répondis que j’aimais dormir nue. Ma phrase fut saluée par un concert de gloussements incrédules.

Nue ? Je ne craignais donc pas de m’enrhumer ? N’avais-je pas au réveil mal au ventre ? Et si le feu se déclarait chez moi, comment me sauverais-je ? Sans vêtements ou avec une serviette hâtivement nouée ?

J’arguai que prendre froid sous un climat tropical était aussi improbable qu’un incendie ravageant ma maison. Bien qu’hochant la tête, sûrement par politesse, elles ne furent pas convaincues. Dormir nue leur paraissait aussi exotique que, pour nous, les palmiers ondoyant en plein hiver sur une mer d’huile.

 

Que je vive seule, libre et heureuse avec des amants de passage, cela leur semblait de la science-fiction. Lorsque Rhoda s’enquit du nombre de mes petits amis, elle me vit laborieusement les compter sur mes doigts. Puis m’arrêter en plein milieu pour la questionner :

- Mais euh… qu’appelez-vous boyfriends, au juste ?

S’il s’agissait d’hommes m’ayant retourné l’âme, une seule main suffisait. D’hommes avec lesquels j’eus une histoire, il me fallait solliciter mes pieds. D’hommes avec qui j’avais couché et nous y serions encore jusqu’à demain.

- Hu… As you like, trancha-t-elle sans trancher.

- They are too many anyway, louvoyai-je dans un sourire.

Un rire collégial cueillit ma réponse. Je ris aussi.

Comment leur exposer ma vision de l’amour et du sexe ?

Trop d’océans nous séparant rendent l’explication impossible ou tristement plate. Bien que femme, je ne suis promise à aucun homme, aucune moitié d’orange qui viendrait combler mes interstices. Et même si, midinette, je la cherche encore de par le monde, ce ne sont pas avec les moyens traditionnellement associés à mon sexe.

Coucher d’abord, réfléchir après.

Essayer avant de souscrire, sans oublier de lire les minuscules appendices au bas du contrat.

 

Dans trois jours Ethan arrive et ces quatre femmes en sont presque plus excitées que moi.

Pourtant Dieu sait que ça me fait plaisir. Diablement, même.

 

 

 

Et tu me demandes si j'ai bien pris ma dose ? 

 

Crédits, respectivement : photos de Hans Bellmer et Jeanloup Sieff.

Toiles de Sir Francis Bacon et Léon Spilliaert

Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines
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Jeudi 17 juin 4 17 /06 /Juin 17:28

Chez Moi (1)Voilà trois mois que je suis installée chez moi. Chez moi, c’est un bungalow planté sur un terrain en bord de route, défendu par un portail rouge.

Les trois chiens attachés aux arbres ne défendent rien, ils aboient. Pour tout et pour rien. Quand un visiteur traverse la propriété. Quand des enfants les embêtent de l’autre côté du grillage. Quand leur propriétaire leur apporte leur gamelle. Et quand je vais les voir, bien sûr, partageant entre eux caresses et restes de mon frigo.

 

Le premier ressemble à un husky, en plus petit et beige. Le deuxième, grosse boule de poils toute blanche, a une drôle de tête. La faute à ses dents mal plantées qui, lui sortant de la gueule et débordant sur ses babines, lui donnent l’air toujours prêt à mordre.

Le troisième a le pelage ras et la souplesse d’une couleuvre. De tous, c’est le plus bruyant - ce qui explique sûrement que désormais, il est enchaîné juste derrière le portail.

Sa présence n’effraie pas le chat qui chaque soir me rend visite. Yeux d’or et queue cassée, il vient mendier des restes de dîner. Des miettes d’affection dont il se détourne vite pour bondir chez moi, faire le tour du propriétaire et griffer les fauteuils.

- Chhht, dis-je en le chassant.

Il disparaît alors, happé par le noir.

 

Je reviens sur la terrasse, me réinstalle à l’ordinateur, allume une cigarette. Keith Jarrett, Köln Konzert greffée aux oreilles et cou à peine tourné, je vois la maison où j’ai vécu trop peu. Les plafonniers allumés dans le living-room immense, leur éclat blanc filtré par les rideaux fleuris. Les lampes de la minuscule chambre d’enfants ou d’amis, allumant sur la nuit des rectangles incertains.

Un lit, une table, mobilier spartiate sans qu'il y ait la place d'y caser davantage.

J’aimais, le matin, m’asseoir sur le sommier et profiter de la lumière pour me maquiller. Geste féminin et inutile, car bientôt la mer allait me prendre, grignoter la crème, délayer le blush, faire couler le mascara en rigoles.

J’aimais aussi m’étendre sur le lit de la chambre principale, si grand que je pouvais y dormir droite, en biais ou pieds contre le mur, le corps enclos de tous bords.

J’aimais surtout, au retour d’une longue journée, entendre le tintement des clés au fond de mon sac. Promesse de repos pour mon dos fatigué, mes bras fourbus de porter des tanks de plongée, mes doigts abîmés par le métal et la mer. Ongles cassés, jointures éraflées, peau cloquée d’ampoules, je disais toujours non aux femmes de la plage me proposant une manucure-pédicure.

- Un massage suffira, soufflai-je en m’abandonnant à leurs mains expertes avant de rentrer.

La porte de la maison déverrouillée, j’étais chez moi, inaccessible au monde, repliée dans mon havre.

 

Par intermittences, le monde se rappelait toutefois à moi. C’était les aboiements des chiens, les éclats d’une conversation toute proche, des rires, une coupure d’eau. Ici, il faut chaque jour remplir des baquets pour éviter la panne sèche, faire la vaisselle, tirer la chasse des toilettes, se doucher. Et on se lave, souvent à l’ancienne. Godet plongeant dans le seau, incliné à l’aplomb du crâne, souvenir de toute petite enfance lorsque ma grand-mère, courbée, me savonnait à même la bassine.

L’eau du baquet ou du robinet coule, froide, parfois glaciale. L’eau chaude est un luxe ou un hasard. Elle ne vient que si l’eau a longtemps séjourné au creux des tuyaux. Sa température impossible à régler est brûlante, trop chaude pour un jour déjà trop chaud.

 

Chez moi 3Parfois, il n’y a ni eau ni courant. La faute à la dernière saison des pluies pas assez arrosée qui assèche les barrages. Au bungalow, ces journées-là sont difficiles. Vaincue, je sors pour me diriger vers la plage, ses quelques bars et restaurants dotés de générateurs.


Quand je plongeais encore, je remarquais à peine ces temps de disette. Immergée en profondeur, j’avais de l’eau à profusion et nul besoin de courant. Une bonne fatigue, intense, qui me vrillait le corps dès huit heures du soir.

Si je m’asseyais, je piquais du nez. Si je me couchais, je m’endormais.

Combien de fois ai-je sursauté à l’aube, encore habillée de la veille, peau salie de la poussière de la route et cheveux raidis de sel ?

 

Ces matins-là, mon estomac criait famine. Si je n’avais rien dans le frigo, je me précipitais au magasin attenant à la propriété. Achetais des gâteaux, rassis d’être restés trop suspendus, des œufs, des crackers. Des bonbons, des nouilles, n’importe quoi de comestible, même si le poisson séché au réveil, je n’ai jamais pu.

 

Cette minuscule épicerie s’appelle un sari-sari. Aux Philippines, il y en a des milliers éparpillés en bord de route, au voisinage des maisons ou des arrêts de bus.

Un sari-sari offre un peu de tout, des recharges de téléphone aux élastiques, de la Javel au rhum national, le Tanduay, liquoreux comme un sirop et traître comme un coup de machette.

Tout s’y vend, oui, mais à l’unité. Cigarettes, lessive, médicaments ou shampooing sont disponibles à la pièce. C’est sûrement pour cette raison que Madame Figueras, la patronne du mien, m’apprécie beaucoup. A ses yeux, je suis l’étrangère qui ne détaille pas. Celle qui lui achète le paquet pour fumer, le stock de lessive pour nettoyer son linge et le savon entier pour se doucher.


Malgré ses grands sourires, nos rapports sont cependant limités. Dans un sari-sari on n’entre pas. On commande au comptoir lorsqu’il y en a un, debout derrière la grille qui protège la marchandise. Et la tenancière, ouvrant un petit carré mobile percé dans la grille, vous sert avec plus ou moins de bonne grâce. Tout dépend de son humeur et de l’heure. De son envie de fermer ou d’attendre le client.

Les heures d’ouverture ? Elles n’existent pas.

Il est des après-midis où, en dépit de la grille ouverte, je renonçais à me faire servir. Pas le cœur à réveiller Madame Figueras pesamment endormie sur sa chaise.

Il est des soirs où, dès sept heures, des planches doublonnent la grille. La boutique rouvrira plus tard… ou demain, si Dieu le veut bien.

D’autres où, à dix heures passées, le néon est encore allumé. Où la télé braille un combat de boxe ou une série à l’eau de rose. Les Feux de l’Amour philippins attirent leur quota de spectateurs. Assis en rang sur les bancs rouges jouxtant l’échoppe, partageant une bouteille de Tanduay, ils regardent le petit écran à travers la grille. S’inclinent au gré des péripéties pour le voir en entier. Commentent à grand bruit un bon coup de poing ou les amours contrariées de l’héroïne.

Une fois la boutique close, il leur arrive d’être encore là. Ivres mais bon enfant, m’invitant tandis que je passe à partager un fond de bouteille.

- Non merci, dis-je toujours, un sourire aux lèvres pour atténuer le refus.

 

Chez moi 4Depuis que je suis là, les motos-taxis - abal-abal en visaya – ne me demandent plus mon adresse. Dès qu’ils me voient remonter de la plage, ils crient :

« Figueras, Figueras ! Ride, Mâ’âm ! »

Mâ-âm, abréviation de madame, est certainement le mot que j’ai le plus entendu ici. Il accompagne chaque phrase comme une identité. Laisser-passer d’étrangère trop blonde et trop clairs d’iris pour se fondre à la population.

Pour eux je serai toujours l’autre, la blanche, celle qu’ils prennent pour une Américaine avant de me poser la question rituelle :

- What is your country, Mâ-âm ?

Et je clame “France !” à tous les vents, m’étonnant moi-même de me sentir si patriote.

 

Figueras, du nom du sari-sari, est pour mes chauffeurs d’un moment mon adresse, vu que le bungalow n’en a pas. J’habite un endroit qui n’existe sur aucune carte, un lieu difficile à trouver même pour qui en connaît le nom.

Un jour, celui qui allait devenir mon amant voulut me rejoindre, honorant sa promesse de la veille :

- I’ll find you wherever you are.

A pied, en moto, il tourna en vain. La nuit qui nous avait séparés avait gardé son secret, confondant les routes, les maisons, les terrains. A la clarté du soleil tout semblait différent, brouillé dans un même paysage.

 

Il dut renoncer et c’est finalement au bar de la plage que nous nous revîmes.

Le crépuscule était maussade et je portai, je m’en souviens encore, un pull, dérisoire protection de tissu contre ma violente déception d’un rendez-vous manqué. Alors que je le rêvais entre mes cuisses, je le supposais à tort indifférent, peut-être déjà parti.

L’ayant face à moi, étouffant sur la laine, je dus alors m’éclipser aux toilettes pour me changer, troquer ma carapace contre un simple tee-shirt qu’il m’enlèverait plus tard, une fois que la nuit aurait rendu son secret.

- Figueras… Les bancs rouges… murmura-t-il. J’aurais dû me rappeler.

 

Figueras, les bancs rouges… Les vendeurs d'excursions massés à l’entrée de la plage ignorent sûrement mon adresse. Mais depuis que je suis là, ils me reconnaissent et ne me proposent plus leurs services. S’amusent même d’un jeune zélé qui, tout à la joie d’avoir déniché une cliente potentielle, me propose un tour sur les Chocolate Hills.

A leurs yeux je ne suis plus une touriste. Toujours blanche malgré ma peau tannée, certes, mais agrégée depuis le temps au décor.

Il est d’ailleurs plus d’une fois arrivé que mon chauffeur, m’ayant vu transbahuter caisses et bouteilles de plongée de la boutique au bateau, puis du bateau à la boutique, me glisse d’un air complice en démarrant son moteur :

- It was a hard day, Mâ-âm.

Et moi, épuisée, de lui répondre, résistant à l’envie de flancher du nez dans son cou :

- Yes, a hard day indeed… Drive me back home, please !

Me retournant, je regardais la mer disparaître au gré de la route. Me souhaitant chez moi, vite. Fermant les yeux giflée par le vent, m’en remettant entièrement à lui qui savait où j’habitais.

Figueras, les bancs rouges.

 

Depuis que je ne plonge plus, je ne me retourne plus quand on m’emmène. J’ai trop la nostalgie de la mer pour y ajouter, nageoires coupées, ma tristesse.

Vivre à côté et ne pouvoir faire corps avec, voilà mon impatience. Mais si tout va bien, dans quelques semaines je retrouverai le chemin de la boutique. Dos fourbu, ongles cassés et mains blessées, enfin comblée de ma vie, de fatigue et d’aubes nouvelles. Loin des hauts-le-cœur quotidiens, l’estomac révulsé par les médicaments, si près de vomir à chaque fois que je me lève.

Et si tout va vraiment bien, je quitterai enfin le bungalow pour la maison.

 

 

Et cela qui toujours me fait des frissons.

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Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines
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Dimanche 6 juin 7 06 /06 /Juin 16:41

Menagere 2Chez  le dentiste, une pile de magazines était posée sur la table basse. J’en pris un au titre familier : Cosmopolitan.

En anglais, version Philippines, mais étrangement semblable à son homologue français, anglais, espagnol ou russe : de la publicité - beaucoup -, des photos de mode, des interviews de stars - asiatiques, pour le coup -, du shopping, des fiches cuisine.

Je le feuilletais en chemins balisés, dans la géographie d’un féminin qui me parut, soudain, tristement prévisible.

À longueur de pages une ode à la femme-belle enveloppe, un appel à la femme-consommatrice, une célébration de la mère-ménagère.

Le journal fournit à ses lectrices leur opium en part de rêve (rajeunir, embellir, rencontrer le prince charmant) et de frustration (tous ces mannequins au physique de rêve, ce luxe inaccessible étalé). Flattant d’une main (« Oui, vous êtes uniques ! »), corrigeant de l’autre (« Masquez vos imperfections, débarrassez-vous de vos capitons ! ») pour faire miroiter la promesse d’une vie meilleure.

Rien de nouveau sous le soleil, en somme.

 

Mais là, ça me hérisse. Sûrement parce que, depuis mon départ, j’ai perdu l’habitude de ces lectures. Qu’elles ne correspondent ni à ma vie, ni à la vision que j’en ai, ni à mes aspirations.

Avant je m’amusais de Cosmo, Biba ou Marie-Claire. Guettais leur sortie en kiosque pour m’en régaler. M'agaçais si un titre de couverture ne tenait pas ses promesses.

Autant dire que souvent, j’étais déçue.

 À la lecture d’une page consacrée au sexe, mon exaspération attint son comble. J’ai oublié le titre de l’article, mais il pourrait être, au choix :

Comment rendre un homme heureux le matin ?

Comment l’attacher à vous ?

Comment vous assurer qu'il ne cavalera pas ailleurs ?

La réponse tient en une ligne - qui fournirait également un bon titre : faites-le partir du bon pied avec la bouche.

Vous n’en avez pas envie ?

Allons donc, faites un effort !

 

MenagereDes extraits d’un manuel scolaire d'économie domestique, publié en 1905 et destiné aux jeunes filles, me revint alors en mémoire.

Sous une forme édulcorée, l’article de Cosmo prolongeait tous les clichés et injonctions d’une éducation pas si révolue :

- l’érection matinale, signe évident du désir masculin à combler et, partant, appel à la docilité féminine ;

En 1905 : « En toute chose, soyez guidée par les désirs de votre mari et ne faites en aucune façon pression sur lui pour provoquer ou stimuler une relation intime. »

« Gard/ez/ à l'esprit que le plaisir d'un homme est plus important que celui d'une femme. Lorsqu'il atteint l'orgasme, un petit gémissement de votre part l'encouragera et sera tout à fait suffisant pour indiquer toute forme de plaisir que vous ayez pu avoir. »


- l’échappée vers la salle de bains pour une toilette pré-coïtale aussi nécessaire que rapide, car monsieur pourrait s’impatienter.

En 1905 : « Prenez quinze minutes pour vous reposer afin d'être détendue lorsqu'il rentre. Retouchez votre maquillage, mettez un ruban dans vos cheveux et soyez fraîche et avenante. » 

 

- Les positions à adopter pour éviter d’infliger à chéri les désagréments du matin (entre autres, la coiffure qui ne ressemble à rien) ;

En 1905 : « Si vous devez vous appliquer de la crème pour le visage ou mettre des bigoudis, attendez son sommeil, car cela pourrait le choquer de s'endormir sur un tel spectacle. »

 

En un siècle complet, a-t-on tellement avancé ? Sous couvert de prise de pouvoir au féminin, de femme « guerrière » initiant le rapport sexuel, c’est la soumission qui semble mener la danse, ou plutôt la suivre.

Et cette fausse libération sonne dans ce pays d’autant plus grinçante à mes oreilles.

 

Eternel féminin 2bisAux Philippines, fervente terre catholique, on se signe en passant devant une église. Avant de démarrer sa moto, de prendre sa voiture ou de monter dans un bus.

Parfois, avant le départ du bus, un croyant monte, récite une oraison et fait la quête.

Trois fois par jour, au supermarché, dans les boutiques, les restaurants, la foule tout à coup se fige pour prier.

Jésus et Marie se vendent en statuettes, en colliers, en amulettes, en posters et fonds d’écran pour téléphone portable.

Le divorce n’existe pas, l’avortement est bien sûr interdit, l’éducation sexuelle proche de zéro.

Dans l'épicerie du coin, les préservatifs ne sont pas exposés en rayon mais cachés dans une boîte, sous le comptoir de la caisse.

« Pour ne pas choquer les enfants », m’a expliqué la patronne.

A côté de ça, les enfants se choquent-ils de voir les filles se prostituer dans les bars ? Déambuler au bras d’hommes en âge d’être leur grand-père ?

Les Philippines sont, comme la Thaïlande, une destination privilégiée du tourisme sexuel.

 

Je rejetai en soupirant le magazine sur la table.

C’était mon tour de m'asseoir sur le siège du dentiste.

- Y a du boulot, dit-elle.

- Oh oui… pensai-je. Y a du boulot.

 

 

Le texte original du Manuel d’éducation pour jeunes filles. Lisez, ça en vaut vraiment la peine.

 

Menagere 3FAITES EN SORTE QUE LE SOUPER SOIT PRÊT.

Préparez les choses à l'avance, le soir précédent s'il le faut, afin qu'un délicieux repas l'attende à son retour du travail. C'est une façon de lui faire savoir que vous avez pensé à lui et vous souciez de ses besoins. La plupart des hommes ont faim lorsqu’ils rentrent à la maison et la perspective d'un bon repas (particulièrement leur plat favori) fait partie de la nécessaire chaleur d'un accueil.

 

SOYEZ PRÊTE.

Prenez quinze minutes pour vous reposer afin d'être détendue lorsqu'il rentre. Retouchez votre maquillage, mettez un ruban dans vos cheveux et soyez fraîche et avenante. Il a passé la journée en compagnie de gens surchargés de soucis et de travail. Soyez enjouée et un peu plus intéressante que ces derniers. Sa dure journée a besoin d'être égayée et c'est un de vos devoirs de faire en sorte quelle le soit.

 

RANGEZ LE DÉSORDRE.

Faites un dernier tour des principales pièces de la maison juste avant que votre mari ne rentre. Rassemblez les livres scolaires, les jouets, les papiers, etc. et passez ensuite un coup de chiffon à poussière sur les tables.


PENDANT LES MOIS LES PLUS FROIDS DE L'ANNÉE :

Il vous faudra préparer et allumer un feu dans la cheminée, auprès duquel il puisse se détendre. Votre mari aura le sentiment d'avoir atteint un havre de repos et d'ordre et cela vous rendra également heureuse. En définitive veiller à son confort vous procurera une immense satisfaction personnelle.

 

RÉDUISEZ TOUS LES BRUITS AU MINIMUM.

Au moment de son arrivée, éliminez tout bruit de machine à laver, séchoir à linge ou aspirateur. Essayez d'encourager les enfants à être calmes. Soyez heureuse de le voir. Accueillez-le avec un chaleureux sourire et montrez de la sincérité dans votre désir de lui plaire.


Menagere 5ÉCOUTEZ-LE.

Il se peut que vous ayez une douzaine de choses importantes à lui dire, mais son arrivée à la maison n'est pas le moment opportun. Laissez-le parler d'abord, souvenez-vous que ses sujets de conversation sont plus importants que les vôtres. Faites en sorte que la soirée lui appartienne.

 

NE VOUS PLAIGNEZ JAMAIS S'IL RENTRE TARD À LA MAISON.

Ou sort pour dîner ou pour aller dans d'autres lieux de divertissement sans vous. Au contraire, essayez de faire en sorte que votre foyer soit un havre de paix, d'ordre et de tranquillité où votre mari puisse détendre son corps et son esprit.

 

NE L'ACCUEILLEZ PAS AVEC VOS PLAINTES ET VOS PROBLÈMES.

Ne vous plaignez pas s'il est en retard à la maison pour le souper ou même s'il reste dehors toute la nuit. Considérez cela comme mineur, comparé à ce qu'il a pu endurer pendant la journée. Installez-le confortablement.
Proposez-lui de se détendre dans une chaise confortable ou d'aller s'étendre dans la chambre à coucher. Préparez-lui une boisson fraîche ou chaude.
Arrangez l'oreiller et proposez-lui d'enlever ses chaussures. Parlez dune voix douce, apaisante et plaisante. Ne lui posez pas de questions sur ce qu'il a fait et ne remettez jamais en cause son jugement ou son intégrité.
Souvenez-vous qu'il est le maître du foyer et qu'en tant que tel, il exercera toujours sa volonté avec justice et honnêteté.

 

LORSQU'IL A FINI DE SOUPER, DÉBARRASSEZ LA TABLE ET FAITES RAPIDEMENT LA VAISSELLE.

Si votre mari se propose de vous aider, déclinez son offre car il risquerait de se sentir obligé de la répéter par la suite et après une longue journée de labeur, il n'a nul besoin de travail supplémentaire.
Encouragez votre mari à se livrer à ses passe-temps favoris et à se consacrer à ses centres d'intérêt et montrez-vous intéressée sans toutefois donner l'impression d'empiéter sur son domaine. Si vous avez des petits passe-temps vous-même, faites en sorte de ne pas l'ennuyer en lui parlant, car les centres d'intérêts des femmes sont souvent assez insignifiants comparés à ceux des hommes.


Menagere 4À LA FIN DE LA SOIRÉE :

Rangez la maison afin quelle soit prête pour le lendemain matin et pensez à préparer son petit déjeuner à l'avance. Le petit-déjeuner de votre mari est essentiel s’il doit faire face au monde extérieur de manière positive. Une fois que vous vous êtes tous les deux retirés dans la chambre à coucher, préparez-vous à vous mettre au lit aussi promptement que possible.

 

BIEN QUE L'HYGIÈNE FÉMININE…

… soit d'une grande importance, votre mari fatigué ne saurait faire la queue devant la salle de bain, comme il aurait à la faire pour prendre son train.
Cependant, assurez-vous d'être à votre meilleur avantage en allant vous coucher. Essayez d'avoir une apparence qui soit avenante sans être aguicheuse. Si vous devez vous appliquer de la crème pour le visage ou mettre des bigoudis, attendez son sommeil, car cela pourrait le choquer de s'endormir sur un tel spectacle.

 

EN CE QUI CONCERNE LES RELATIONS INTIMES AVEC VOTRE MARI :

Il est important de vous rappeler vos vœux de mariage et en particulier votre obligation de lui obéir. S'il estime qu'il a besoin de dormir immédiatement, qu'il en soit ainsi. En toute chose, soyez guidée par les désirs de votre mari et ne faites en aucune façon pression sur lui pour provoquer ou stimuler une relation intime.


VOTRE MARI SUGGÈRE L'ACCOUPLEMENT ?

Acceptez alors avec humilité tout en gardant à l'esprit que le plaisir d'un homme est plus important que celui d'une femme. Lorsqu'il atteint l'orgasme, un petit gémissement de votre part l'encouragera et sera tout à fait suffisant pour indiquer toute forme de plaisir que vous ayez pu avoir.

 

SI VOTRE MARI SUGGÈRE UNE QUELCONQUE DES PRATIQUES MOINS COURANTES :

Montrez-vous obéissante et résignée, mais indiquez votre éventuel manque d'enthousiasme en gardant le silence. Il est probable que votre mari s'endormira alors rapidement ; ajustez vos vêtements, rafraîchissez-vous et appliquez votre crème de nuit et vos produits de soin pour les cheveux.

 

VOUS POUVEZ ALORS REMONTER LE RÉVEIL

… Afin d'être debout peu de temps avant lui le matin. Cela vous permettra de tenir sa tasse de thé du matin à sa disposition lorsqu'il se réveillera.

Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines
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Dimanche 23 mai 7 23 /05 /Mai 15:30

Rien de graveQuand c’était comme ça, ma mère me disait :

- Tu en tiens une bonne couche.

La formule m’agaçait autant que l’empathie dans son regard. Et je grommelais avec des b à la place des m :

- Boui, bon… Chui balade, baban.

Depuis plusieurs jours, je suis malade, en effet. Je dirais bien comme un chien si ça pouvait empêcher ceux de la propriété d’aboyer cinq minutes. Ou les aficionados du karaoké voisin de brailler des chansons ineptes, le plus faux possible (depuis que je suis ici, je suis d’ailleurs d’avis d’interdire cette distraction à ceux qui ne savent pas chanter, mais personne ne m'écoute).

Les uns comme les autres, ils tiennent la forme. Olympique, même, pendant que je me traîne misérablement.

 

Et voilà, encore une expression d’enfance :

"Arrête donc de traîner ta misère !"

Arrêter, je voudrais bien. Pour un instant cesser d’avoir mal, comme si toute mon existence s’était retranchée dans mes sinus malmenés. Le paracétamol me fait autant d’effet que des carrés de sucre. Je porte ma tête comme un roc fissuré sous des coups de piolet, faisant surgir à contretemps les larmes de mes yeux.

 

- Are you crying ? m’a demandé ce matin mon voisin anglais.

- No, I’m sick. Still.

Il a levé un sourcil avant de me proposer un café. Lorsque j’ai éternué dans la tasse, il s’est reculé poliment.

Faut dire que le nez bouché et la plongée, ça fait mauvais ménage. D’ailleurs, je ne plonge plus, je comate. A longueur de journée vautrée sur des coussins dans la fraîcheur illusoire du ventilateur, à me bassiner les tempes au baquet d’eau froide.

La fatigue me rend plus vulnérable, plus perméable encore au temps perdu de mon enfance. Nul besoin de gratter les couches du souvenir pour le retrouver, elles remontent toutes seules par bribes, images, pans entiers.

 

C’est l’après-midi mais les volets de ma chambre sont tirés. La lumière vive me fait trop mal aux yeux. A côté de moi, un soleil inoffensif. Pourpre, il est composé de brins de laine que ma grand-mère a patiemment disposés sur un canevas. Elle ne devait plus avoir assez de jaune pour le ciel, alors elle l’a mélangé de vert pâle. J’aime bien, même si le coussin, trop rembourré, m’interdit d’en faire un oreiller. A défaut, je le pose à côté du mien, sur le couvre-lit en crochet crème et les couvertures bien tirées.

Ciel et herbe mêlés, contact rêche sous mes doigts, cadeau de labeur et d’amour rien que pour moi.

 

Ce que personne ne sait, c’est que je roule des bouloches de laine pour les enfouir au creux du troisième rayon. Impossible d’expliquer pourquoi leur présence me rassure. Elle me rassure et c’est assez. Je suis une enfant de rituels qui n’a pas besoin d’explications.

Comprendre ce besoin d’ériger des objets, des signes en paratonnerre à angoisses, cela viendra plus tard. Encore allongée, mais sur un divan, pas dans ce lit-bateau où, petite chouette tombée du nid, je transpire ma grippe dans mon pyjama.

 

Ma mère a sorti le jeu de l’oie de son enfance à elle. Bien qu’il me paraisse un peu vieux, j’aime ses dessins à l’ancienne mode, ses consignes à moitié effacées. Les mots manquants sont mes alibis pour tricher :

- Il y a bien marqué « avancer de trois cases », maman ?

Le mot commence par « rec » mais ma mère approuve. Aussitôt prise de remords, je corrige en toussant :

- Mmmh… Je crois que je dois reculer, en fait. Ah zut, je tombe sur la case prison.

Ma mère m’embrasse dans un élan de tendresse. Elle n’a pas peur de mes microbes. Mes microbes, elle leur déclare la guerre à coups de gouttes homéopathiques et de breuvages bizarres. Et quand ni l’un ni l’autre ne suffisent, elle implore.

Le dieu de la maladie, s’il existe, de me laisser tranquille.

La douleur de passer de moi à elle, pour la supporter à ma place, la prendre et la réduire. Parce qu’elle m’aime jusqu’au sacrifice, que je suis son enfant unique, sa chérie, sa prunelle, plus précieuse que sa vie même.

 

Rien de grave 2Une nuit, le tympan droit déchiré par une otite fulgurante, je me mets à crier.

Ma mère affolée accourt.

- Qu’as-tu ? Que se passe-t-il ?

Incapable de parler, je désigne mon oreille en hurlant. Elle me relève sur les coussins. Me cajole, m'apaise. Me donne des cachets, des infusions.

Le mal ne cède pas. En désespoir de cause, elle a recours à un remède de grand-mère : des oignons bouillis dans un gant de toilette.

- Donne-moi ta souffrance, donne-la moi, je t’en prie !

Au petit matin, je ne sens plus rien, hormis sa chaleur. Nous nous sommes endormies joue contre joue.

 

Les chiens se sont tus, les aficionados du karaoké aussi. Il ne reste en moi que la douleur tenace d’un mauvais rhume et le silence des souvenirs.

Mais je sais qu’elle est là, tout près.

Et que dans mon sommeil ma joue vienne caresser la sienne.

 

 

Musique de circonstance, de lui qui me berce si souvent.

Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines
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