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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 26 août 4 26 /08 /Août 17:37

Un pour la Chine 2Il est venu à moi alors que je travaillais. Dans l’annexe de ma maison-bureau, sur la plage, face aux parasols et à la mer, sur une table ancrée de guingois dans le sable. Il s’est cérémonieusement incliné puis présenté. M’a tendu une main que, d’un geste machinal, j’ai prise et serrée.


Nous avons un peu discuté, lui debout face à moi qui ne l’invitais pas à s’asseoir. Il était trop poli pour tirer d’autorité une chaise et s’y installer. Trop timide, peut-être, pour m’en demander la permission. Cette chaise vacante à mes côtés, il se contentait de la couver des yeux comme on choierait une bouteille d’eau en plein désert.

Je feignis d’ignorer ses regards. Non par volonté d’être rude ou cruelle, simplement parce qu’il ne me plaisait pas. Et que si j’étais venue là, c’était avant tout pour travailler.

 

Son anglais était hésitant, un brin heurté. Parfois, je peinais à le suivre et fronçais les sourcils pour rétablir mentalement ce qu’il voulait dire. Gymnastique fatigante lorsque je ne possède pas les clefs de la langue-source. Les erreurs de mes compatriotes, je les comprends pour les avoir moi-même commises. Les siennes, en revanche, me restaient assez opaques.

Il est un Chinois venu de Hong-Kong. Nationalité tragique depuis la prise en otages de lundi à Manille, achevée dans un bain de sang. Dans l’autre sens, l’appartenance à une terre s’avère toutefois encore plus difficile à porter. Il semblerait en effet que, pour l’heure, les Philippins soient bannis du sol chinois.

 

Il me tendit sa carte. Les premiers mots que j’y découvris furent « Hong Kong Underwater Archeological Association ». Je pensai aussitôt que cela intéresserait Bertille de le rencontrer. Il me demanda mon numéro de téléphone et j’hésitai à peine.

Au dos de la carte, je vis qu'il collectionnait les titres honorifiques. Dont un, tout en haut : président de l'association hong-kongaise de plongée technique. Je réprimai un sourire en songeant à ce qu'Ethan m'avait souvent affirmé :

- Les plongeurs tech' ? Tous des givrés.

Une heure après que mon vis-à-vis ait tourné les talons, je reçus un texto.

Il était ravi de m’avoir rencontrée.

- Ravi ? songeai-je. Diable, moi qui ne lui ai même pas offert une chaise !

Ce fut le premier message d’une longue série où il m’invitait, selon l’heure, à déjeuner ou dîner. Me souhaitait une bonne journée ou de beaux rêves.

L’ayant rapidement croisé, Bertille s’esclaffa :

- Tu as tiré un sacré phénomène !

Je ne la contredis pas.

Un matin, j’étais plongée dans un sommeil si profond que le bip du téléphone heurta violemment mes rêves. Agacée – mais quelle heure était-il, donc ? – je ne lui répondis pas.

 

Un pour la ChineIl y eut un silence d’une journée.

Je le vis hier. Il me salua de loin, à deux reprises tandis que je partais. Aujourd’hui, osant à peine déranger le cours de mon travail, il prit ses quartiers à la table voisine. Puis congé sans s’attarder, me glissant comme une excuse que cette fois, il s’en allait le premier.

C’est au moment de régler l'addition que je tombai des nues.

- Tout a déjà été payé, pouffa la serveuse.

- Pardon ?

- Oui. C’est l’homme, là, qui…

Son bras s’agita en direction du fauteuil vide.

- Ah, fis-je.

Je le remerciai sur le champ. Sensible à son attention et n’ayant pas à cœur de lui refuser, encore, ce dîner auquel il tenait tant.

Celui-ci est fixé à demain. Où je voudrais. Quand je voudrais. Et, complétai-je pour moi-même :

« Avec la suite amoureuse que je voudrais, c’est-à-dire aucune. »

Il a pourtant l'intention de bien faire les choses. De réserver deux couverts dans le meilleur établissement de l'île si je le désire. Voilà qui est touchant, mais je me contenterai d'une grande simplicité. D'un boui-boui de rue si je ne craignais pas de l'offenser.

Peut-être ai-je eu tort d’accepter. Mais, vraiment, je me serais reproché de lui dire, une fois de plus, non. Cela aurait sonné pire qu'une ingratitude.

Un point pour la Chine.

Zéro pour la France qui déteste se trouver dans cette situation-là.


 

Photos : André Kertesz.

Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines
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