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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Le blog de Chut !
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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 2 septembre 4 02 /09 /Sep 17:14

Sari-sariJ'ai traversé la route en évitant les voitures, les motos et les flaques. Comme chaque jour, il se tient derrière la grille de son sari-sari.

Comme chaque jour il me sourit, d'un blanc sourire qui plisse ses yeux et creuse ses fossettes. 

Il est dedans, moi dehors. Au milieu, ce grillage qui nous divise en une parfaite symétrie. A ses yeux j'apparais zébrée de fils, parsemée de croisillons, découpée en rectangles de vide cernés de fer. Et je le vois comme il me voit, intersection métallique fichée en pleine joue, pointe dure saillant au ras de la paupière.

Mais de nous deux, qui est le prisonnier ?

 

J'ai envie d'attraper son poignet afin de le tirer brutalement à moi. Coller son visage contre cette grille, main captive mais lèvres libres, offertes à mon baiser. Lèvres que je lui ordonnerai de garder closes parce que je veux laper leur rondeur, lécher leur pourtour en me donnant l'impression de le forcer un peu.

Ma bouche s'ouvre, oui, mais pour demander :

- Do you have load ?

Mon téléphone n'a plus de crédit, il me faut le recharger. Vider pour mieux remplir, remplir pour mieux vider, à l'image de tous ces gestes en balance continue, dérisoires répétitions d'une vie qui s'écoule.

Ma batterie d'ordinateur à plat que, chaque soir, je nourris à la prise.

Mon corps que, chaque matin, je lave avant de le salir.

L'air de ma bouteille de plongée, tari au rythme de mon souffle puis recompressé.


Il me répond que oui, il a le crédit qui me fait défaut. Je lui passe sous la grille un papier plié avec quatre suites de chiffres.

- The first one, please.

- Is it your number ?

J'acquiesce. En effet, c'est mon numéro. Et à ce moment-là, je sais avec une certitude absolue, comme si j'ouvrais son crâne pour y lire ses pensées, qu'il a la même idée que moi. Garder ces chiffres en mémoire pour en user, me coller contre le mince rempart qui nous sépare et fermer mes lèvres de ses dents.

Le téléphone sonne dans mon sac telle une confirmation.

- Thank you, dis-je en lui tendant un billet.

Il le prend dans une timide caresse. Lentement, avec précautions, comme si le papier pouvait se déchirer sous ses doigts.

 - You're welcome. Come again...

Revenir, c'est ce que je fais souvent. Apprêtée ou avec ma tête des mauvais jours, regard éteint et cheveux en bataille.

A mon tour je lui souris.

- Sure.


Alors que je tourne le dos à la boutique, je sens ses yeux courir sur ma nuque, s'attarder sur mes omoplates, glisser le long de mon échine. Seulement nue des épaules aux reins mais soudain déshabillée.

Sachet de lessive, oeufs, gâteau... Bientôt je le reverrai pour un achat futile. Mais, pas plus qu'aujourd'hui, n'esquisserai un geste.

En face, c'est encore trop près.

 

Photo : Miroslav Trichy.

Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines
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