Présentation

En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

Derniers Commentaires

C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

Mai 2024
L M M J V S D
    1 2 3 4 5
6 7 8 9 10 11 12
13 14 15 16 17 18 19
20 21 22 23 24 25 26
27 28 29 30 31    
<< < > >>

Recherche

Images Aléatoires

  • A-croquer.png
  • Pr-tre-dansant.jpg
  • Homme-du-bateau.jpg
  • Time to pray
  • Lac-Inle-Indein.png

Syndication

  • Flux RSS des articles

Profil

  • Chut !
  • Le blog de Chut !
  • Femme
  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 24 août 2 24 /08 /Août 19:53

Après la pluie 3 Bill BrandtCe que Stefan me voulait, je finis par le savoir au terme d’une étrange soirée.

D’abord, l’électricité capricieuse plongea une fois de plus l’île dans le noir. Ensuite, à court de batterie, mon ordinateur rendit l’âme au milieu de The Pursuit of happiness. Un titre prédestiné, que je troquai aussitôt contre un autre : La Chanson des Mal-aimants de Sylvie Germain, parcouru dans la chambre à la lueur des bougies.

 

Alors que je me préparais à dormir, Stefan m'envoya un message. Il pourrait être dans une demi-heure chez moi, « pour un dernier verre ». L’implicite du message me fit sourire tant il me semblait décalé.

Mes derniers verres avaient jusque-là été parisiens. Gardaient sur mes lèvres un goût de ville, de portes cochères, d’escaliers et d’appartements, goût qui ne se mariait ni avec la mer, ni avec le pays vert forêt, jaune sable et bleu ciel que j’habite maintenant.

Après tous ces atermoiements, quarts de tour et voltes-faces, étais-je tentée par ce dernier verre-là ? Malmenée sur trop de routes contradictoires, mon envie ne s’était-elle pas perdue en chemin ?

 

La pendule scandait qu’il était déjà horriblement tard. La raison que je ferais mieux de me coucher, seule et tranquille. Mais par dessus les couches de « il faudrait » surnageait une écume de désir. De la curiosité aussi.

Curiosité de voir ce que ce garçon si indécis tenterait, s’il tentait toutefois quelque chose. Avec lui, je m’attendais désormais à tout et ce tout m’amusait, comme un pari à l’aveugle ou un jeu dont les enchères montaient en secret, puisque chacun ignorait la mise la mise de l’autre.

Curiosité de son corps, de sa peau, de son sexe et ses baisers. L’inconnu des hommes, surtout s’ils sont beaux, me fascine. Ce qui se cache sous le tissu m’aiguillonne en surprise à déballer, mains impatientes tirant les rubans, déchirant l’enveloppe scellée de Scotch, froissant les gangues protectrices de papier.

Je décidai que ce soir, Stefan était mon cadeau. Et tapotai, prosaïque :

« Va pour le dernier verre. »

 

Il s’assit sur le canapé. Au lieu de m’installer à ses côtés, je choisis un siège bas, ni trop loin ni trop près. Nous parlâmes un peu, échange aussitôt orienté vers le contenu des placards de mon lointain appartement. Puis les questions du respect et des limites s’en mêlèrent.

- A propos des limites, justement… avança Stefan.

La discussion arrivait à un tournant. Levant mon verre pour en siroter une gorgée, je haussai un sourcil.

- J’ai beaucoup réfléchi et… et…

Il cala. Je le relançai d’un « Mmmh ? » assez neutre pour ne pas trop le presser, assez intéressé pour le pousser à continuer.

- Et… J’ai une proposition à te faire.

- Je t’écoute.

 Il grimaça, gêné. Réprimant un demi-sourire, je songeai à la prédiction de Bertille :

« Oh, avec ce garçon-là, tu n’es pas arrivée… peut-être pas partie, même ! »

 

Après la pluie 2Après un silence, il se lança :

 - Voilà… Je te propose un massage.

- Un massage ? repris-je, étonnée.

Des massages, je pouvais en avoir tant que je le voulais à la plage. Nul besoin d’être plantée dans mon salon, sur un pouf à deux heures du matin. Cependant, la dimension érotique de l’offre ne m’échappait pas, à condition que cet homme soit doué de ses mains, ce qui restait encore à démontrer.

- Oui, un massage, mais… spécial.

- Spécial ?

- Spécial, car je te voudrais… attachée.

- Attachée ?

En doublonnant ses propos, je songeais au film Un divan à New York. Juliette Binoche, parisienne, y remplace malgré elle le psy avec lequel elle a troqué son appartement foutraque. Ignorant la façon de mener un entretien convenable, elle se contente de répéter le dernier mot de « ses » patients.


Et ça marche comme ça marchait pour moi qui, à force d’échos, avait l’impression d’accoucher ce garçon de son propre désir. De le libérer d’un scénario aussi longuement mûri que réfréné. De le délivrer d’une obsession qui plusieurs jours durant l’avait tenaillée, puisqu’il m’avoua, touchant, impudique, égaré :

- Lorsque je me couche, c’est à toi que je pense, et non à ma copine. Je ne comprends pas. Je m’en veux.

Je résistai à lui poser la question qui me brûlait les lèvres :

- Et lorsque tu te réveilles ?

Pour au moins trois hommes importants de ma vie, la pensée du matin était celle qui faisait la différence, le tamis entre les femmes destinées à passer et à rester. L’un d’eux avait d’ailleurs placé ce critère en pôle position. La première pensée était son étalon d’amour, incapable qu’il était de s’avouer ses sentiments à lui-même, et davantage encore à moi.

Le jour où, lassée, je faillis partir, il me balbutia comme un enfant :

- Mais c’est… à toi que… je songe… quand je me réveille.

J'étais restée.

 

Avec Stefan, il n’était néanmoins pas question d’amour. D’emballement tout au plus, car je ne nourrissais aucune illusion : à ses yeux, je représentais autant la femme accessible qu’interdite.

Accessible parce que j’étais de toute manière d’accord. Sinon, l’accueillir chez moi, en pleine nuit, pour un « dernier verre », n’aurait eu aucun sens.

Interdite parce que me toucher représentait la transgression de l’histoire à laquelle il se destinait. Béance au contrat qu’il s’efforçait de limiter à de simples accrocs, à des entailles de canif en petits arrangements avec sa conscience.

Il ne ferait que me masser.

Il ne me pénétrerait pas.

Il m’attacherait. Clouée au lit je deviendrais sa prisonnière, incapable de renverser le cours d’un jeu qu’il dicterait en maître.

- Toi qui aimes jouer avec la frustration, c’est pour te frustrer un peu… argumenta-t-il.

Je ne le crus pas. Mes liens n’étaient pas destinés à m’ôter ma liberté pour rehausser la sienne, ils étaient là pour le protéger.

Un mensonge de plus ajouté aux autres, que je feignis de prendre pour une vérité.

 

- Le baiser appartient-il au programme ? Ou se trouve-t-il, déjà, hors des limites de Monsieur ? demandai-je dans un sourire.

- Mmmh… Le baiser est possible, oui.

- Alors je le prends en apéritif, tranchai-je en me coulant sur le canapé.

Assise sur ses cuisses, lèvres rivées aux siennes, je murmurai :

- Son massage, Monsieur veut-il me le prodiguer… Pardon, me le faire subir… nue ou habillée ?

- De jolis dessous seront parfaits...

- Objection, votre Honneur : je n’ai pas de culotte.



(A suivre)

Première photo de Bill Brandt.

Par Chut ! - Publié dans : Eux
Ecrire un commentaire - Voir les 5 commentaires
Retour à l'accueil
Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés