- On arrive bientôt, j'espère ? J'ai mal au cœur !
- Tu es sûr que ton GPS est bien réglé ? Il dit n'importe quoi, là...
- Ras-le-bol... On n'est pas prêts de se garer, tous les parkings sont pleins !
Soudain, dans une rue à sens unique, j'avise une place. Je hurle derechef :
- Là !! Elle est magnifique, elle nous attend !
Mon ami rechigne. C'est une place de livraisons, sûrement trop étroite pour son gros véhicule. Moi, je trépigne :
- Mais pourquoi tu ne la prends pas ? Fais demi-tour, nom de nom !
Il hausse les épaules.
- Bah... Le temps qu'on revienne, elle sera déjà prise...
Je crie, je m'énerve :
- Marche arrière, je te dis ! D'ailleurs, je ne te le dis pas, je te l'ordonne ! Voilà, je te l'ordonne ! Elle est splendide, cette place... Elle est pour nous, j'en ai assez de tourner !
De guerre lasse, il exécute en vitesse le tour du pâté d'immeubles. Par miracle, la place est encore libre... Mais le sens unique nous est devenu sens interdit.
- M'en fous ! Marche arrière, toute !
Sûrement aussi lassé que moi du "jeu" de la place introuvable un samedi soir dans un quartier fréquenté de la capitale, il obéit... En matière de code de la route, tout bon soumis - et amoureux - qu'il soit, il a raison de ne pas m'écouter, mais nécessité fait loi.
Crissement des pneus sur l'asphalte. Je gratifie le panneau d'un bras d'honneur tandis qu'il se gare dans un créneau impeccable.
Ouf, nous voici enfin à bon port.
J'ouvre la portière sans ménagement, jaillis hors de la voiture. Lui dépose notre gros ballot de vêtements fetish et d'accessoires sur l'épaule. Prend la rue en pointe, d'un claquement de bottes aussi décidé que martial. Fouille mon micro sac en vinyle à la recherche d'une babiole et pile net en m'indignant :
- Aaaaaargh, la bride s'est cassée !
Mon brusque arrêt fait que mon ami, attaché à mes pas, me rentre dedans. Derrière lui, le talonnant d'aussi près, un autre homme manque de le percuter. Il oblique sur la rue en pestant entre ses dents.
Je lui jette un regard courroucé et peste à mon tour :
"Quoi, comment ? On n'a même plus le droit de marquer un stop sur un trottoir, maintenant ? Pfff... Et le droit de libre circulation, vous y avez pensé... Non, hein ?"
Mon regard outré le toise de haut en bas. Il s'en fiche, il me tourne le dos. Mais moi, je remarque un détail fort intéressant : sous son manteau de demi-saison, une jupe en vinyle bat ses mollets.
Aussitôt, je comprends que nous nous dirigeons vers le même lieu.
Nous nous y retrouverons plus tard.
Lui en tenue de travesti, avec un corset sanglé au-dessus de la jupe ; moi en Domina, munie d'un paddle pour châtier les insolents.
Il est venu me parler. De sa délectation à se soumettre et des rues en sens interdit de Paris. Je n'ai pas feint de ne point le reconnaître. J'ai même pris un malin plaisir à lui signifier que je l'avais reconnu.
Il m'a confié qu'il adorait qu'une Maîtresse lui maltraite les tétons. Je m'en doutais au vu de l'allongement anormal des siens. Les lui ai pincés et tordus avec joie, de plus en plus fort, en scrutant ses yeux qui se révulsaient de plaisir, en écoutant sa bouche qui m'encourageait à poursuivre, encore et encore, plus que je ne l'aurais osé.
Il s'est mis à genoux pour que je le frappe. Je lui ai administré de bon cœur des coups vigoureux. Peu à peu, ses fesses se mirent à rougir sous mes assauts.
À la fin de la séance, nous avons discuté. Il n'avait pas joui mais m'a remerciée, m'a évoqué sa vie de couple avec une Domina de son âge.
Nous avons commandé un verre, trinqué en poursuivant cet échange respectueux, cordial, détendu.
Vraiment, cet homme mûr était charmant. Mais alors qu'il me parlait, je le revoyais dans la rue, maugréant contre moi, expectorant son mécontentement, et pensais qu'une telle inversion des rôles est très rare... soirées SM exceptées.
Je l'avoue, j'en ai ri.
Est-ce un mal ? Je ne crois pas. Plutôt un juste retour de bâton.
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