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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 15 janvier 2 15 /01 /Jan 13:01

Vous pouvez répéterDeux couples s'installent au bar de la plage. La serveuse, jupette et sourire de rigueur, vient noter leurs commandes.

Une femme blonde :

- Un Coca, s'il vous plaît.

Son compagnon :

- Deux !

L'autre couple :

- Trois !

- Quatre !

Un quart d'heure plus tard, la Filipina revient, son plateau chargé de bouteilles. En pose une devant la femme blonde, deux devant son compagnon, trois puis quatre devant l'autre couple.

Soit... dix Coca en tout. 

 

Un autre bar.

Désespérant d'attirer l'attention d'un serveur, je passe commande au comptoir :

- Un jus de calamansi froid, please.

- Un jus ? Un seul ?

- En effet. Juste pour moi, merci.

- Chaud ou froid ?

- Froid...

- Je répète, Mââm : un jus de calamansi froid !

- C'est bien ça, oui...

Cinq minutes se passent et la serveuse arrive à ma table avec... un Coca.

De quoi rire mais dans le fond, c'est triste.

 

Ces mésaventures quotidiennes m'évoquent aussitôt une conversation avec Dee, une copine allemande. Dee a étudié un semestre dans la meilleure université de la ville voisine. Fac dotée, comme il se doit, d'un nom religieux et d'uniformes comprenant une jupe grise coupée aux genoux, une chemise blanche, une cravate, une veste et des chaussures noires.

En qualité d'étrangère, Dee en était dispensée, ce qui la rendait encore plus visible. De tout l'amphithéâtre, devinez qui était la plus grande, la plus âgée, la blonde aux yeux clairs...

Dee évoque le niveau des cours, très bas selon elle, des examens qui l'ont laissée (euphémisme) sceptique : les étudiants reçoivent d'abord un texte à apprendre par coeur. Une semaine plus tard, les voilà, stylo en main, devant une feuille blanche et l'intitulé "reproduisez le texte".

Aucune liberté, aucune entorse, aucune licence n'est autorisé : tous les mots du texte original, absolument tous, doivent figurer sur la copie. Synonymes, développements et raccourcis ne sont pas acceptés. Exprimer différemment la pensée de l'auteur, en restituer les concepts à l'aide d'autres formulations, d'autres phrases, d'autres tournures, est sanctionné.

Pire, compté faux.

 


Vous pouvez répéter 2Le juste, le 20/20 avec félicitations du jury, c'est la répétition à la lettre, voire le rabâchage idiot.

Les étudiants ne comprennent rien de ce qu'ils recrachent ?

Peu importe tant qu'ils le recrachent à la virgule près.

Consigne est de produire un clone, non d'interpréter.

Toute discussion, toute critique sont proscrites. Et formelle l'interdiction de prendre le moindre recul ou d'oser une idée tan soit peu personnelle.

L'analyse, l'originalité, la remise en cause, c'est le mal, un impardonnable péché d'orgueil.

 

L'école d'ici ne fabrique pas des gens qui pensent, mais des perroquets qui répètent. Sans s'interroger, surtout, sur le bien-fondé de cette répétition.

Règle d'or et d'airain : on ne questionne ni les professeurs, ni le système, ni les règles. Le trio est infaillible parce que, du haut de sa chaire il possède, délivre, martèle la seule, l'unique bonne façon de faire : 

- Répétez ! Tous en choeur !

Le formatage des cerveaux commence sans surprise dès le primaire.

Et en bout de chaîne, ça donne quoi ?

Un Coca, deux Coca, trois Coca.


À mon tour je m'interroge : les gens qui pensent seraient-ils si dangereux ?

Contiendraient-ils le ferment d'une possible révolution ?

Détiendraient-ils la capacité à faire vaciller le système établi ?

Menaceraient-ils l'équilibre d'une société traditionnelle, corsetée par les piliers de la famille et de l'Église ?

Attention, je ne dis pas que les Philippins sont idiots. Ça, ce serait pour le coup stupide.  Impossible de blâmer quelqu'un de n'avoir reçu ni une formation de qualité, ni les outils adéquats, ni l'entraînement ad hoc, ni l'encouragement à se démarquer du plus grand nombre.

Penser par soi-même, c'est comme le vélo : ça s'apprend.

 

Pin up de Gil Evgren, photo de Willy Ronis.
Par Chut ! - Publié dans : Une vie aux Philippines - Communauté : les blogs persos
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