Dans ces bras-là...
Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.
Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire
comme jamais.
Camille
Laurens.
Décembre 2024 | ||||||||||
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Deux couples s'installent au bar de la plage. La serveuse, jupette et sourire de rigueur, vient noter leurs commandes.
Une femme blonde :
- Un Coca, s'il vous plaît.
Son compagnon :
- Deux !
L'autre couple :
- Trois !
- Quatre !
Un quart d'heure plus tard, la Filipina revient, son plateau chargé de bouteilles. En pose une devant la femme blonde, deux devant son compagnon, trois puis quatre devant l'autre couple.
Soit... dix Coca en tout.
Un autre bar.
Désespérant d'attirer l'attention d'un serveur, je passe commande au comptoir :
- Un jus de calamansi froid, please.
- Un jus ? Un seul ?
- En effet. Juste pour moi, merci.
- Chaud ou froid ?
- Froid...
- Je répète, Mââm : un jus de calamansi froid !
- C'est bien ça, oui...
Cinq minutes se passent et la serveuse arrive à ma table avec... un Coca.
De quoi rire mais dans le fond, c'est triste.
Ces mésaventures quotidiennes m'évoquent aussitôt une conversation avec Dee, une copine allemande. Dee a étudié un semestre dans la meilleure université de la ville voisine. Fac dotée, comme il se doit, d'un nom religieux et d'uniformes comprenant une jupe grise coupée aux genoux, une chemise blanche, une cravate, une veste et des chaussures noires.
En qualité d'étrangère, Dee en était dispensée, ce qui la rendait encore plus visible. De tout l'amphithéâtre, devinez qui était la plus grande, la plus âgée, la blonde aux yeux clairs...
Dee évoque le niveau des cours, très bas selon elle, des examens qui l'ont laissée (euphémisme) sceptique : les étudiants reçoivent d'abord un texte à apprendre par coeur. Une semaine plus tard, les voilà, stylo en main, devant une feuille blanche et l'intitulé "reproduisez le texte".
Aucune liberté, aucune entorse, aucune licence n'est autorisé : tous les mots du texte original, absolument tous, doivent figurer sur la copie. Synonymes, développements et raccourcis ne sont pas acceptés. Exprimer différemment la pensée de l'auteur, en restituer les concepts à l'aide d'autres formulations, d'autres phrases, d'autres tournures, est sanctionné.
Pire, compté faux.
Le juste, le 20/20 avec félicitations du jury, c'est la répétition à la lettre, voire le rabâchage idiot.
Les étudiants ne comprennent rien de ce qu'ils recrachent ?
Peu importe tant qu'ils le recrachent à la virgule près.
Consigne est de produire un clone, non d'interpréter.
Toute discussion, toute critique sont proscrites. Et formelle l'interdiction de prendre le moindre recul ou d'oser une idée tan soit peu personnelle.
L'analyse, l'originalité, la remise en cause, c'est le mal, un impardonnable péché d'orgueil.
L'école d'ici ne fabrique pas des gens qui pensent, mais des perroquets qui répètent. Sans s'interroger, surtout, sur le bien-fondé de cette répétition.
Règle d'or et d'airain : on ne questionne ni les professeurs, ni le système, ni les règles. Le trio est infaillible parce que, du haut de sa chaire il possède, délivre, martèle la seule, l'unique bonne façon de faire :
- Répétez ! Tous en choeur !
Le formatage des cerveaux commence sans surprise dès le primaire.
Et en bout de chaîne, ça donne quoi ?
Un Coca, deux Coca, trois Coca.
À mon tour je m'interroge : les gens qui pensent seraient-ils si dangereux ?
Contiendraient-ils le ferment d'une possible révolution ?
Détiendraient-ils la capacité à faire vaciller le système établi ?
Menaceraient-ils l'équilibre d'une société traditionnelle, corsetée par les piliers de la famille et de l'Église ?
Attention, je ne dis pas que les Philippins sont idiots. Ça, ce serait pour le coup stupide. Impossible de blâmer quelqu'un de n'avoir reçu ni une formation de qualité, ni les outils adéquats, ni l'entraînement ad hoc, ni l'encouragement à se démarquer du plus grand nombre.
Penser par soi-même, c'est comme le vélo : ça s'apprend.
Rassurez-nous: le coca qu'on vous a servi, il était froid au moins?
Ah ah... À température ambiante !
Mais bien sûr que les gens qui pensent sont dangereux!! Tu le sais bien! Sauf que dans certains pays, on sait qu'on en a (un peu) besoin. Alors, on commence à leur apprendre à penser; puis, on les noie sous une tonne d'infos inutiles qui détournent l'attention pour ne pas qu'ils pensent aux sujets qui fâchent.
Et aux Philippines, ben ils se disent qu'il ne vaut mieux pas penser tout court. Moi, la question que je me pose; c'est où va un pays composé de gens ne réfléchissant pas? Et oui, la capacité de réflexion n'est pas l'intelligence. On connait tous certaines personnes capables de sortir un argumentaire super construit pour affirmer une stupidité sans nom!
Bisous ma coup's!
La question était également rhétorique... Hasard de ton comm', je te réponds depuis le Cambodge, pays où (quasi) toutes les personnes un tant soit peu éduquées ont été massacrées sous le régime de Pol Pot (qui a fait en partie ses études en France, au passage...). Tu imagines les têtes pensantes, alors qu'il suffisait d'avoir des lunettes pour être condamné à mort !
" on les noie sous une tonne d'infos inutiles qui détournent l'attention"
Bien d'accord avec toi mais il n'y a pas que ça, hélas. Il y a aussi la façon dont les faits sont présentés, traités, et les dérives d'une société de plus en plus sécuritaire et partant, liberticide.
Du formatage qui a des airs de lavage de cerveau, au final...
C'est d'autant plus apparent que, ne résidant pas en France, je vois l'évolution... de loin.
Où va le pays ?
Honnêtement, je ne sais pas.
Suis pas forcément optimiste et pour ne rien arranger, le poids de l'Eglise est carrément étouffant - même si qqs libertés, pas assez, ont été glanées deci delà.
Tu prends là, tu ajoutes l'autre, rien de bon n'en sort !
", la capacité de réflexion n'est pas l'intelligence"
Non, en effet, mais elle en fait à mon sens partie (d'autant que définir l'intelligence, pas évident ! Chacun a plus ou moins sa déf propre). Stupidité sans nom, peut-être, mais ce n'en est pas une pour l'autre qui n'est pas forcément un imbécile.
Et c'est là que les choses se corsent !