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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 26 novembre 4 26 /11 /Nov 01:11
Je m'en vais.
Demain au matin je saisirai mon sac pour traverser le couloir de mon appartement. M'arrêterai à la porte et, me détournant, embrasserai l'espace du regard, du mini-bar au canapé violet surplombé de ses chevaux sauvages accrochés un dimanche d'ennui. M'inclinerai et dirai "au revoir, maison" avant d'éteindre la lumière.
J'ai l'habitude un peu stupide de saluer, pièce par pièce, les lieux que je quitte. Ils ne sont pas pour moi que de simples habitations mais des personnes qui partagèrent une tranche de vie.

Mon petit cérémonial achevé, je claquerai la porte. Confierai le dernier double de mes clefs à Ether. Sa main triste dans la mienne tremblante mais persuadée d'être dans le juste, dans cet alignement intérieur si difficile à expliquer mais que je ressens au fond, comme des briques empilées trouvant enfin leur juste place.

Ces clefs, je ne les veux pas dans mon sac. Pour une raison pratique car je risquerais de les perdre. Mais comme souvent, la véritable raison est ailleurs : je refuse que leur métal m'alourdisse, sonne et pèse à mes chevilles comme un boulet.
Je m'en vais, rompant les ponts avec ma vie d'ici, bâtissant des passerelles vers un ailleurs. Et je me souviens de cette conversation de minuit avec Salomé où, accoudée sur un parapet parisien, en équilibre au-dessus de la Seine roulant en contrebas, je parlai de la vie comme d'un chaudron ou d'un patron de couturier, d'ingrédients qu'on y jette ou de pièces de tissu qu'on découpe.
À nous de mélanger les bons flacons, de sortir les ciseaux pour nous parer d'un habit de reine ou de pauvresse, nous tailler une vie à la (dé)mesure de nos rêves, une robe couleur du temps à la Peau d'âne.
Alors, quel besoin aurais-je de ce fichu trousseau de clefs ?

Mes attaches sont des fils invisibles, ténus et pourtant solides, me reliant à ceux que j'aime.
Dans mon cœur et non dans mon sac, symbolisées par une corde tendue et non trois bouts de métal froid. Mon appartement aura beau être vide de ma présence, il est ouvert à ceux j'aime.
Je le leur ai d'ailleurs dit un par un :
"Si vous avez besoin d'un pied-à-terre, venez ici. Restez-y, allez, passez, partez. Vous n'avez ni compte à me rendre ni permission à me demander. Je n'aime pas les lieux morts et celui-là, vous le ferez vivre."
Le problème, j'en ai conscience, est sûrement mes affaires. Difficile de se sentir chez soi chez moi, tant elles débordent des tiroirs, ornent les murs, les recoins, saturent l'espace de mes périples, mes emplettes, mes souvenirs.

À mon retour d'un long voyage, nous en plaisantâmes avec Ether :
- Ces chouettes, me dit-elle en désignant un couple en carton-pâte perché sur le frigo, cinq mois que je les vois... À la longue, je ne peux plus les encadrer.
Je m'étonnai qu'elle ne les ait pas fourrées dans un placard.
- Ben... répondit-elle, même pas pensé.
Investir l'espace de quelqu'un, c'est aussi le pousser pour se ménager de la place, le remiser dans la commode pour s'autoriser à vivre pleinement en dehors de son ombre. Ether, trop respectueuse de moi, n'a pas osé. Mais de ce respect sourcilleux jamais je ne la blâmerai : attentive au bien d'autrui, elle le préserve comme le sien propre, attentive au moindre détail, au moindre objet.

Et là, je souris en songeant à ces oignons tout secs de l'appartement qu'elle vient de quitter, à cette bouteille de rhum agonisante sous le bar, à cette bougie cassée dans la chambre.
- Tu ne les jettes pas ? demandai-je.
- Nan, c'est pas les miens. Je pars en laissant tout en l'état.
Oui, je sais, ma belle, je confonds, car voilà encore un autre sujet. Un qui touche au sans-gêne des propriétaires et hypothétiques acheteurs qui défèquent dans vos toilettes sans tirer la chasse.

Mais si j'apprécie les musées, je déteste les mausolées.
Qu'un ami s'arrose de "ma" douche après une partie de bonne baise, j'applaudis. Qu'il se régale dans "mes" assiettes, se cuite dans "mes" verres, pioche au hasard un bouquin de "mon" encombrante bibliothèque, s'en délecte sous "ma" couette, le trouve génial à pâlir ou nul à vomir, je suis pour. Bon... S'il s'agit des Liaisons dangereuses, un de mes livres de chevet, chef-d'œuvre absolu à mes yeux, je ferai certainement la grimace.
Mais pourquoi pas,
après tout? Mes amis ont  le droit de trouver Laclos chiant comme la pluie.

Pour moi qui ai vécu entourée de tant d'affaires en reflets du présent ou témoins du passé, ce départ a quelque chose de vertigineux, presque des allures de saut dans le vide si je n'avais déjà planté quelques jalons.
Parachutiste la fille ?
Oui, mais pas kamikaze.

N'empêche que ça me fait bizarre de ne partir qu'avec un sac
. Une enveloppe de matière postée dans le couloir en mise en abyme, maison dans la maison que je remplis au fur et à mesure, presque au hasard de ce qui me tombe sous la main et ne veux pas oublier : un fond de teint pour ma future peau bronzée, des radios cardiaques, des lentilles de contact et des préservatifs, le masque de plongée offert par Salomé.
Sac en raccourci de moi où se côtoie le futile, le médical, le passionnel. Tous les plans, tous les pans de mon existence juxtaposés en vingt kilos.
Vingt kilos, le poids de ma nouvelle vie.

"Nous vivons dans l'oubli de nos métamorphoses
Le jour est paresseux mais la nuit est active
Un bol d'air à midi la nuit le filtre et l'use
La nuit ne laisse pas de poussière sur nous"
...
Encore les mots d'Éluard qui me viennent, superposés à ceux d'Ether :
"Quel chemin parcouru en quelques mois. Tu te rends compte ?"
Peut-être que non. Ou oui, tant il est des mesures difficiles à estimer. Ce que je sais, c'est que j'avance sur ma route en me dépouillant en chemin de mes peaux inutiles. Que je parviens à une épure qui la rend difficile à exprimer.
Ce départ est au cœur de moi, une nécessité en suite logique d'une gestation plusieurs fois avortée.
Si je peine à parler de ceux qui restent, qu'ils sachent qu'ils sont là, tout près, essentiels à la femme que je suis. Et nul besoin de trousseau de clefs pour leur ouvrir cette porte.
Par Chut ! - Publié dans : Au jour le jour
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