Jeudi 26 novembre
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Je m'en vais.
Demain au matin je saisirai mon sac pour traverser le couloir de mon appartement. M'arrêterai à la porte et, me détournant, embrasserai l'espace du regard, du mini-bar au canapé violet surplombé de
ses chevaux sauvages accrochés un dimanche d'ennui. M'inclinerai et dirai "au revoir, maison" avant
d'éteindre la lumière.
J'ai l'habitude un peu stupide de saluer, pièce par pièce, les lieux que je quitte. Ils ne sont pas pour moi que de simples habitations mais des personnes qui partagèrent une tranche de vie.
Mon petit cérémonial achevé, je claquerai la porte. Confierai le dernier double de mes clefs à Ether. Sa main triste dans la mienne tremblante mais persuadée d'être dans le juste, dans cet
alignement intérieur si difficile à expliquer mais que je ressens au fond, comme des briques empilées trouvant enfin leur juste place.
Ces clefs, je ne les veux pas dans mon sac. Pour une raison pratique car je risquerais de les perdre. Mais comme souvent, la véritable raison est ailleurs : je refuse que leur métal m'alourdisse,
sonne et pèse à mes chevilles comme un boulet.
Je m'en vais, rompant les ponts avec ma vie d'ici, bâtissant des passerelles vers un ailleurs. Et je me souviens de cette conversation de minuit avec Salomé où, accoudée sur un parapet parisien, en
équilibre au-dessus de la Seine roulant en contrebas, je parlai de la vie comme d'un chaudron ou d'un patron de couturier, d'ingrédients qu'on y jette ou de pièces de tissu qu'on découpe.
À nous de mélanger les bons flacons, de sortir les ciseaux pour nous parer d'un habit de reine ou de pauvresse, nous tailler une vie à la (dé)mesure de nos rêves, une robe couleur du temps à la
Peau d'âne.
Alors, quel besoin aurais-je de ce fichu trousseau de clefs ?
Mes attaches sont des fils invisibles, ténus et pourtant solides, me reliant à ceux que j'aime. Dans mon cœur
et non dans mon sac, symbolisées par une corde tendue et non trois bouts de métal froid. Mon appartement aura
beau être vide de ma présence, il est ouvert à ceux j'aime.
Je le leur ai d'ailleurs dit un par un :
"Si vous avez besoin d'un pied-à-terre, venez ici. Restez-y, allez, passez, partez. Vous n'avez ni compte à me rendre ni permission à me demander. Je n'aime pas les lieux morts et celui-là,
vous le ferez vivre."
Le problème, j'en ai conscience, est sûrement mes affaires. Difficile de se sentir chez soi chez moi, tant elles débordent des tiroirs, ornent les murs, les recoins,
saturent l'espace de mes périples, mes emplettes, mes souvenirs.
À mon retour d'un long voyage, nous en plaisantâmes avec Ether :
- Ces chouettes, me dit-elle en désignant un couple en carton-pâte perché sur le frigo, cinq mois que je les vois... À la longue, je ne peux plus les encadrer.
Je m'étonnai qu'elle ne les ait pas fourrées dans un placard.
- Ben... répondit-elle, même pas pensé.
Investir l'espace de quelqu'un, c'est aussi le pousser pour se ménager de la place, le remiser dans la commode pour s'autoriser à vivre
pleinement en dehors de son ombre. Ether, trop respectueuse de moi, n'a pas osé. Mais de ce respect sourcilleux jamais je ne la blâmerai : attentive au bien d'autrui, elle le préserve comme le sien
propre, attentive au moindre détail, au moindre objet.
Et là, je souris en songeant à ces oignons tout secs de l'appartement qu'elle vient de quitter, à cette bouteille de rhum agonisante sous le bar, à cette bougie cassée dans la chambre.
- Tu ne les jettes pas ? demandai-je.
- Nan, c'est pas les miens. Je pars en laissant tout en l'état.
Oui, je sais, ma belle, je confonds, car voilà encore un autre sujet. Un qui touche au sans-gêne des propriétaires et hypothétiques acheteurs qui défèquent dans vos toilettes sans tirer la
chasse.
Mais si j'apprécie les musées, je déteste les mausolées.
Qu'un ami s'arrose de "ma" douche après une partie de bonne baise, j'applaudis. Qu'il se régale dans "mes" assiettes, se cuite dans "mes" verres, pioche au hasard un bouquin de "mon" encombrante bibliothèque, s'en délecte sous "ma" couette, le trouve génial à pâlir ou nul à vomir, je suis
pour. Bon... S'il s'agit des Liaisons dangereuses, un de mes livres de chevet, chef-d'œuvre absolu à mes yeux, je ferai certainement la grimace.
Mais pourquoi pas, après tout? Mes amis ont le droit de trouver Laclos chiant comme la pluie.
Pour moi qui ai vécu entourée de tant d'affaires en reflets du présent
ou témoins du passé, ce départ a quelque chose de vertigineux, presque des allures de saut dans le vide si je n'avais
déjà planté quelques jalons.
Parachutiste la fille ?
Oui, mais pas kamikaze.
N'empêche que ça me fait bizarre de ne partir qu'avec un sac. Une enveloppe de matière
postée dans le couloir en mise en
abyme, maison dans la maison que je remplis au fur et à mesure, presque au hasard de ce qui me tombe sous la
main et ne veux pas oublier : un fond de teint pour ma future peau bronzée, des radios cardiaques, des lentilles de contact et des préservatifs, le masque de plongée offert par Salomé.
Sac en raccourci de moi où se côtoie le futile, le médical, le passionnel. Tous les plans, tous les pans de mon existence juxtaposés en vingt kilos.
Vingt kilos, le poids de ma nouvelle vie.
"Nous vivons dans l'oubli de nos métamorphoses
Le jour est paresseux mais la nuit est active
Un bol d'air à midi la nuit le filtre et l'use
La nuit ne laisse pas de poussière sur nous"...
Encore les mots d'Éluard qui me viennent, superposés à ceux d'Ether :
"Quel chemin parcouru en quelques mois. Tu te rends compte ?"
Peut-être que non. Ou oui, tant il est des mesures difficiles à estimer. Ce que je sais, c'est que j'avance sur ma route en me dépouillant en chemin de mes peaux inutiles. Que je parviens à une
épure qui la rend difficile à exprimer.
Ce départ est au cœur de moi, une nécessité en suite logique d'une gestation plusieurs fois avortée.
Si je peine à parler de ceux qui restent, qu'ils sachent qu'ils sont là, tout près, essentiels à la femme que je suis. Et nul besoin de trousseau de clefs pour leur ouvrir cette
porte.
Par Chut !
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Publié dans : Au jour le jour
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Et là; avant de partir bosser, j'ai une grosse boule qui vient de se former dans ma gorge.
Je sais et maintiens; je suis contente que tu te réalises, que tu fasses vivre ton rêve.
Je tiendrai ma promesse; je viendrai plonger à tes côtés, nous irons à Hangkor (orthographe?), je verrai le gros bouddha de Bangkok avec toi en témoin de mon émerveillement.
Je sais que ton sac reviendra avec toi fouler notre bitume pour des visites, nous innonder du bonheur de te revoir un moment; forcément trop court.
Comme ce billet jamais publié le disait, mais que je t'ai lu la voix brisée de sanglots; tu es entrée dans ma vie en y semant du bonheur et de la joie.
je t'ai aimé de suite et cet amour n'a fait que grandir en 3 ans.
Là, je me sens orpheline, privée d'une essentielle. même si je sais que tu restes là.
Putain, ça va être chaud dimanche!!
Je découvrirai Skype pour toi, pour nous.
Je t'aime ma belle, vis cette vie comme tu le souhaites. Mais garde nous une place dans ton coeur.
ton mot m'a bouleversée. Je suis pas toujours douée pour exprimer ce que je ressens sur le moment mais aaarh, ça remue là-dedans. Sois certaine que tu vas sacrément me manquer, comme un bout de moi qui reste ici ou, plus justement, parce que tu es une fille exceptionnelle. Si on ne s'était pas rencontrées, j'aurais pu me mordre les doigts de ne jamais t'avoir connue.
J'ai des souvenirs qui remontent en pagaille, comme ce fichu pot-au-feu à la ficelle, nos discussions vautrées sur le canap', ce 31 de l'an dernier, nos fous rires...
Dimanche, j'essaie de ne pas trop y penser. Je sens, comme je te l'ai dit, que ça peut se terminer façon flaque. C'est même sûrement comme ça que ça va se passer.
Sache que je t'attends là-bas. Oui, on va se le taper, et même trois fois si tu veux, le gros Bouddha !!!
Moi aussi je t'aime et la place, elle restera. Peu importe les kilomètres.
Je t'embrasse fort fort.
Bon voyage à toi! Mes pensées t'accompagnent.
Je vais être sobre aussi : je te dis un énAUrme m*rde pour ta suite. Que tes projets se réalisent et que tu partes toi aussi vers une nouvelle vie. Tu as toutes les cartes en main, ce n'est qu'une question de patience.
Je t'embrasse.
Oui Couz comme quelqu'un de la famille qu'on n'a pas vue depuis longtemps, qu'on ne sait pas quand on la reverra mais qu'on sait aimer tout pareil le jour des retrouvailles.
Mais pour avoir au fond de moi cette âme d'explorateur, je suis heureux pour toi car je sais que tu trouveras certainement ce frisson d'excitation, de renouveau, d'imprévu au détour d'une rencontre, de retrouvailles, de découvertes et même si ce n'est pas sans concessions parfois douloureuses, la liberté qui rime avec vie.
Je t'embrasse tendrement,
je n'ai qu'un regret, ne pas pouvoir moi aussi t'acompagner à l'aéroport. Pour te dire à bientôt, pour être aussi avec Ether après, pour avoir encore un fou rire avec vous et voir ton regard légérement concentré quand tu nous poses une question très philosophique ou intime avec ces hésitations qui caractérise le choix de tes mots.
Attention aux coups de soleil :)
Bizzzzzzzzzzzzz
merci pour ce message, il me touche énormément. Tu fais partie de ces belles rencontres-cadeaux et je me souviendrai toujours, en riant, de nos délires nocturnes (ah, notre réécriture salace d'Harry Potter !), de notre dernière longue discussion nocturne vautrés sur le canapé, de nos coucous sur msn. C'était il y a longtemps, déjà, mais ça ne me semble pas si loin.
Je sais que tu as toi aussi l'âme globe-trotteuse... Alors si le cœur te dit de pousser ta route jusqu'en Asie, tu seras le bienvenu ! (Et là, j'imagine une rencontre au sommet de notre "trio infernal" : toi, Ether, moi pour une expédition sous-marine suivie de trinquages abusifs de mojitos on the beach).
Moi aussi je t'embrasse tendrement.
Puis comme ton surnom est couz, ben, tu fais partie de la famille, pas vrai ? :)
A bientôt
Prends bien soin de toi et des tiens.
A très bientôt, ma BBP !!
J'ai passé le pire dimanche depuis des années avec cette impression minute après minute, au fur et à mesure que l'heure fatidique approchait, qu'une partie de moi m'était arrachée ... je me dis que tu seras heureuse là-bas, que je serais égoïste de vouloir te retenir... mais putain c'est dur, de laisser partir ceux qu'on aime. De te laisser partir toi que j'aime.
Où que tu sois, quoique je fasse, je pense à toi. Mon amie, ma confidente et bien plus encore, soit heureuse.
tu vas me faire pleurer. Tu sais que je n'ai jamais aimé les départs... Être celle qui s'en va rend peut-être les choses plus faciles, même si le sentiment de manque dû à l'absence est, lui, identique.
Je voulais te remercier encore une fois d'être revenu me chercher. Sinon, on ne se serait probablement jamais revus. On avait tellement à vivre encore que cela aurait été un beau gâchis.
Y a des moments où je me demande si on n'a pas loupé quelque chose. Tu te souviens, je t'avais glissé cette petite phrase il y a plusieurs années, alors que nous nous séparions devant le métro St Paul. La vie est étrange, parfois.
Je te souhaite tout le bonheur du monde. Mets toutes les clefs sur la table, prends les bonnes et ouvre les serrures, c'est un vrai chagrin pour moi de ne pas te savoir entièrement heureux. Il y a une phrase de René Char que j'aime beaucoup, qui m'a soutenue dans mes choix et mes heures les plus noires. Je te la dédicace ici, un peu comme un gri-gri ou un mantra :
"Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront."
Je ne sais même pas comment t'appeler hormis par ton prénom. Pour moi aussi, tu es un ami, un confident et bien plus. Tu aurais même pu devenir le père de mon enfant si la nature l'avait voulu.
Tu es quelqu'un de bien et tu as besoin d'aller de l'avant. Tu sais si je n'avais pas trouvé mon Roméo et si je n'avais pas eu mes enfants, je serais moi aussi partie, j'aurais pu moi aussi tout quitter, je l'ai fait d'une autre façon,parce que c'était çà ou me foutre en l'air à petit feu, me faire crever....
Ne regrette pas n'ais pas de peine, regardes devant, droit devant sans te retourner, sans regrets, cecon eux qui nous empêchent d'avancer.
Je te souhaite de te trouver, de te retrouver, de laisser sur ta route tout ce qui t'empêche de réellement d'exister.
Je t'embrasse.
Ta BBP
Plein de bises ensoleillées à toi, ton Roméo et tes loulous.