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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Vendredi 24 mai 5 24 /05 /Mai 17:35

L'épisode précédent ici.

 

Trinidad 6Le quartier routard de Kao San regorge d'hôtels bon marché, de bouis-bouis, de bars branchés et de vendeurs de tout : bijoux, vêtements, sacs, chaussures, souvenirs...

Sur Rambuttri Road se tient un magasin improbable, une épicerie-drugstore-papeterie-grossiste, îlot de résistance incongru entre deux 7-11. Difficile de le remarquer en passant. Mais une fois qu'on l'a remarqué, on ne voit plus que lui.

C'est là que j'emmène Stefan.

Cui cui cui !

Le chant de l'oiseau carillon donne le ton.

Bâtie en longueur, l'échoppe est aussi délabrée que ses tenanciers. Se relaient à la caisse lui, le Papy décharné en marcel et short crasseux, et elle, la Mamie obèse en chemise trouée.

Poussiéreux, les rayons croulent sous la marchandise bon marché entassée dans le plus joyeux désordre. Les brosses à dents voisinent les enveloppes, les enveloppes les bougies, les bougies les tournevis.

En fouillant, on exhume aussi des briquets, des tapis de sol, des élastiques, des ampoules, des panières... Impossible d'y dénicher son bonheur sans demander de l'aide aux propriétaires, qui parlent tout juste deux mots d'anglais. Souvent il faut mimer ce qu'on veut, sans garantie d'être compris.

Faire ses courses ici est une expérience en soi, et notre seule chance un dimanche à 20 heures.

Sinon, où pourrions nous acheter des cordes ?


Les cordes du magasin nous arrachent cependant une moue de dépit. Grossièrement teintes en rouge vif, vert pisseux, bleu chantier ou jaune canari, elles s'avèrent trop minces, et surtout en plastique.

D'un qui ne se plie guère.

D'un qui doit érafler la peau et la brûler en filant entre les noeuds.

- You have different ?

Anglais minimum pour choix minimaliste : des rubans en raphia ou des spaghettis en caoutchouc.

Va pour le plastique, alors.

Stefan vérifie le métrage et choisit les couleurs. Rouge, vert, bleu, deux de chaque, une vingtaine de mètres au total.

Il tente un noeud, une attache, un autre noeud. Je l'observe avec intérêt. Clair qu'il n'en est pas à son coup d'essai. Clair que ce savoir-faire m'enchante. Les adeptes du shibari ne sont pas si nombreux... Ma chance est d'en avoir rencontré un.

Par hasard, même.

 

Trinidad 7 Par hasard, vraiment ? Je m'interroge.

Aurais-je, à mon insu, un radar qui me pousse vers eux ?

Ou une aura sexuelle qui les attire à moi ?

Ou ceux qui se ressemblent finissent-ils toujours par s'assembler ?

- What else do we need ?

Mmmh. Je réfléchis.

Un godemiché ?

Oui, mais la boutique a ses limites.

Du lubrifiant ?

Pourquoi pas, mais pas ici non plus.

Des pinces à linge ?

Non. Trop douloureux sur les tétons.

Stefan s'empare d'un paquet de baguettes chinoises. Parfait, j'ai du fil chez moi.

How much, please ?

Papy encaisse la monnaie, Mamie enfourne nos emplettes dans un sac.

Nous pouffons en complices. Au grand jamais le couple ne se doutera de notre nuit.

 

Retour à Sukhumvit.

Au pied du métro Nana, le marché de nuit propose ses DVD pirates, ses cigarettes électroniques, ses pompes pour agrandir le pénis, ses pilules miracle contre l'impuissance et la frigidité.

Superflu dans notre cas. L'aube dernière nous l'a prouvé : le corps de Stefan et le mien s'emboîtent à la perfection. Ses paumes ont l'exacte taille de mes seins, sa langue celle de ma chatte, son sexe celle de mon fourreau.

Coulé en moi, mon amant est à ma délicieuse mesure. Démesure, aussi. XL comme ces préservatifs que nous cherchons dans tous les 7-11, écumant les présentoirs, retournant les boîtes et déchiffrant les étiquettes à l'affût des plus larges dimensions.

Vite une conclusion s'impose : XL n'est souvent qu'un argument de vente, une taille standard habillée d'une exagération et d'une flatterie. Nous voilà bien en Asie, continent où les vérités sont rarement bonnes à dire...

Notre sésame en poche, nous ressortons sur le boulevard.

Des godemichés alignés tels les Dalton sur un étal nous arrêtent. Du même brun que la verge de Stefan, le plus imposant m'attire. Mais une fois niché dans ma paume, la déception.

Mou, trop mou, ce jouet a l'érection en tour de Pise.

Le vendeur blasé retire les piles pour les introduire dans son voisin. Rose vif, sa tige dévoile les entrailles de sa batterie.

Bingo, celui-ci vibre droit sans le crin-crin d'une moulinette.

Une bouteille de vin, du chocolat, un baiser et nous voilà dans mon studio, bouclés à triple tour. 


Trinidad 8bisRouges zébrures cisaillant ma poitrine, pourpres éraflures dupliquant mon échine, balafres carmin entaillant ma croupe, les cordes sont serrées.

Leur grisante géométrie m'épouse, leurs noeuds pointus labourent mon dos, leur diamètre pénètre mes grandes lèvres alors que Stefan s'engouffre en moi.

À l'aplomb de son torse, les baguettes ceignent mes tétons. Supplice chinois brun violet, couleur étranglement, lancinante cisaille qui n'est rien, je le sais, comparée à ce qui viendra.

Lorsque Stefan tranchera les fils qui retiennent le bois.

Lorsqu'il le décollera de ma sueur.

Lorsque le sang affluera en force pour irriguer mes pointes. Pointes de chair parcourues de pointes de soufre aiguës comme des allumettes.

Mon ventre se révolte, ma gorge se rétracte. La verge de Stefan en jaillit dans un chapelet de bave.

Il me dit que je suis belle. Belle quand il baise ma bouche, plus belle encore quand il la viole. Je ne peux rien répondre. Il m'a déjà remplie.

Une gordée de vin roule de sa langue à mon palais. Je ne m'y attendais pas. Je tousse. Je m'étouffe.

Stefan s'excuse. Stefan rit.

Mes escarpins se collent à ses flancs.

Soudain mes jambes se déplient pour les déchirer. Mon amant gémit, lâche un mot comme un juron.

- Salope...

Je le défie du regard. Il me sourit, caresse ma gorge et me gifle.

Une gifle sèche qui rebondit sur ma joue.

Une gifle qui me fait hoqueter de surprise.

Je vais lui dire qu'il n'a pas le droit. Je vais lui dire et je me tais. Le seul mot que ma bouche peut former n'est pas non mais encore. Encore de sa force sur mon visage, entre mes jambes et dans mon cul.

Le long de mon échine les noeuds se resserrent encore.

Contre mon sang bat un autre pouls. Un qui m'écrase, me ploie et me fend.

C'est si bon d'être prisonnière.


Après l'amour, une cigarette sur le balcon. Stefan est nu, moi toujours en escarpins, cordes et baguettes.

Peu importe. À quatre heures du matin la résidence est déserte, l'immeuble d'en face éteint.

Personne ne nous regarde. Personne ne nous a vus.

Enfin... C'est ce que nous croyions.

 

 

Photos : 1re, Lew Rubens ; 2e, Frank Horvat.

Par Chut ! - Publié dans : Eux - Communauté : les blogs persos
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