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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Dimanche 8 avril 7 08 /04 /Avr 17:25

MattUne heure et demi de yoga intensif, une heure d'équitation, une douleur sourde dans les cuisses et Matt chez moi.

Matt arrivé en avance alors qu'à peine sortie de la douche, je croyais avoir le temps de me préparer.

En France, le léger retard des invités s'appelle joliment "le quart d'heure de politesse". Mais nous sommes aux Philippines, Matt est anglais et a très envie de cette soirée. Plus tôt dans l'après-midi, il m'a sur le champ dit oui.

Oui pour venir chez moi.

Oui pour dîner en tête-à-tête.

Oui pour un film sur la grande télé que je n'ai jamais allumée.

 

Entre deux étirements et trois postures, la première à me parler de Matt fut Yaelle.

- J'ai un autre élève pour le yoga, me dit-elle. Matt... Très sympa et très souple, ce qui est plutôt rare pour un homme. 

J'acquiesçai en songeant à Ethan qui, jambes tendues, ne touchait que ses genoux.

- Matt est là depuis deux mois pour son dive master, poursuivit-elle. Vous pourriez pratiquer ensemble, non ?

Mon air intéressé lui dessina deux fossettes.

- Et il est euh... comment ?

L'hésitation de Yaelle me fit craindre le pire.

- Pas mal, je crois... De toute façon, je suis tellement difficile pour les hommes que je leur trouve toujours un truc qui cloche.

- Et chez Matt alors, qu'est-ce qui cloche ?

Yaelle réfléchit, passant sous ses paupières demi-closes son élève en détail.

- Voyons... Il est grand, athlétique... Blond. La bonne trentaine, mais paraissant moins. Musclé aussi. Très.

Ce portrait me semblait fort encourageant. Jusque-là, rien à redire.

- Mais ? hasardai-je.

- Mais...

Yaelle eut un sourire malicieux.

- Mais je crois que son énergie sexuelle n'est pas très développée.

- Oh... fis-je. Et comment le sais-tu ?

- Une impression... Difficile à expliquer. Quand je me connecte à son énergie, je ne sens... pas grand-chose, en fait. Ca ne vibre pas. C'est plutôt mou, comme tassé. Tu vois ?


Hum. Je ne voyais pas vraiment. Je songeai à Bertille qui, à la simple vue d'un homme, était capable de prédire et son comportement et ses aptitudes au lit. Afin de confronter ses intuitions à la (ma) réalité, je l'avais interrogée sur mes quelques amants qu'elle connaissait aussi.

Après coup, bien sûr, pour ne pas fausser mes perceptions.

Jamais mon amie ne s'était trompée.

Impressionnée, presque incrédule, j'avais rugi :

- Mais comment fais-tu ??

Comme Yaelle, Bertille évoqua une question d'énergie, de vibrations, d'aura.

Sinon, elle ne savait pas. Ou plutôt savait, sans l'ombre d'un doute.

Je soupirai, infichue que j'étais, moi, d'une telle clairvoyance. Aveuglement m'ayant coûté quelques risibles déconvenues, mais également gratifiée de belles surprises.

- Pfff... Je vous envie, les filles.

Yaelle eut le même sourire que Bertille. Amusé, sibyllin, refermé sur sa part de secrets.

Avant d'entamer un périlleux grand écart, je lançai étourdiment :

- Ah, oh ! Peut-être, un jour, aurai-je l'occasion de vérifier ton impression. Compte sur moi pour t'en donner des nouvelles !


Matt 2bisHier je ne vis pas la silhouette de Matt remonter la courte allée de ma villa, ni se pencher sur ses chaussures pour les délacer.

Sa voix me cueillit face au miroir, une noisette de crème sur le nez.

Je criai à travers la maison vide :

- Yes, I'm coming ! Get in !

Comme il n'entrait pas, je sortis.


Matt se tenait sur le bord de la terrasse, une bouteille de soda orange contre la poitrine. Les tatouages ornant ses avant-bras se fondaient à la nuit. Flottant blanches sur le noir, ses mains paraissaient détachées de son buste, pressées autour d'une offrande qu'il me tendit.

Je l'acceptai de bon coeur. Lui proposai d'acheter du rhum au sari-sari voisin. J'avais du Coca, du jus d'orange, mais rien pour des cocktails.

- Ne te donne pas cette peine. Je bois très rarement, à peine une fois tous les six mois.

Avec malice je demandai si un semestre s'était écoulé depuis la dernière fois.

- Pas encore !

Sa réponse me soulagea. Hors de question de laisser un nouveau Mingus entrer dans ma vie, dût-il y passer en coup de vent.

Matt se pencha vers moi. Je déposai un baiser sur ses joues. Heureuse qu'il soit là et déjà tellement à l'aise avec lui.

Yaelle avait dit "sympa, grand, blond et musclé, très".

Elle avait raison.

 

La première fois que j'aperçus Matt, sa démarche confiante me poussa à tourner la tête. Et ses épaules carrées à me retourner, fascinée par le soleil noir incendiant l'une d'elle.

Je pensai qu'il s'agissait peut-être de l'autre élève de Yaelle. L'espérai, car cet inconnu était fort à mon goût.

Un visage ouvert, régulier, harmonieux, avenant. Un nez court, légèrement en trompette, surmonté d'yeux marine.

Et ce corps, surtout, long, ramassé, puissant.

Puis j'avais faim. Voilà des semaines que personne n'avait touché ma peau. Qu'elle se creusait, impatiente, à l'affût d'une caresse.

Un soir en compagnie d'Emmanuel me revint en mémoire. À l'évocation de changements intervenus dans ma vie, il m'avait coupée d'un ton dramatique :

- Dis... Tu ne serais pas amoureuse, par hasard ? Ou enceinte ? Ou, horreur... sexuellement abstinente ?

J'avais ri aux éclats.

- Non, non, rassure-toi. Rien de tout ça !


Lorsque je m'allongeai sur mon tapis violet, Matt était déjà sur le sien. Torse nu, une pyramide chair et noire gravée sur le coeur, genoux pliés, bras étendus jusqu'à presque toucher mes mains.

Les exercices se succédaient. Je l'observais à la dérobée, me repaissant de son profil pur, des collines de ses muscles s'élevant et s'abaissant sous sa peau hâlée.

J'imaginais le poids de son corps sur le mien. Ses doigts fouaillant ma chair. Ses ongles imprimés sur mes fesses. Ses coudes serrés contre mes côtes. Ses jambes m'emprisonnant à me briser.

Cet homme et moi dans un lit. Enlacés, accouplés, roulés dans les flots furieux du douloureux désir monté des cuisses à mon ventre, déroulé à longues spirales sous mon sternum.

En sueur et en rythme, haletant sous l'effort, imposant à mes tendons un nouveau tour de vis, une ouverture supplémentaire à mes articulations, je serrai les dents pour ne pas hurler.

Une énergie brûlante dévalait sur ma chair, m'enveloppait, me pénétrait, me cuisait tout entière de sa lumière blanche, jaune, pourpre.

- Respirez, soufflez !

J'entendis à peine la voix de Yaelle.

Nos postures disloquées avaient lâché la bête.

Et Matt, front contre terre, souriait.

 

 

À suivre ici.


Photos : Jean-François Jonvelle, Horst P. Horst. 

Par Chut ! - Publié dans : Eux - Communauté : les blogs persos
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