Dans ces bras-là...
Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.
Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire
comme jamais.
Camille
Laurens.
Décembre 2024 | ||||||||||
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Paul me prit dans ses bras. Je frissonnai.
Non, je ne frissonnai pas, je tremblai des pieds à la tête, bras et buste agités de soubresauts incontrôlables.
Nous nous écartâmes l’un de l’autre, assez pour que ses bras se dénouent et que je puisse saisir son regard. Bleu marin pailleté de jaune, pétillant, inchangé mais aussi plus sombre, mêlé d’une
lueur particulière que j’avais discernée à plusieurs reprises au cours de ces journées.
Paul veillait sur moi. Il n’était pas vraiment inquiet, mais vigilant, attentif à mes gestes, mes expressions et mon regard. J'ignore ce qu’il lut dans le mien à ce moment-là, mais lentement il
écarta les pans de son gilet pour que je vienne y nicher mes mains.
Main gauche d’abord en poing compact. Main droite ensuite, doigts un à un étendus à l’aplomb de son cœur. Je le sentais battre à coups réguliers, égrenant les secondes se transformant en
minutes.
Deux, trois, quatre… Paul et moi ne pouvions pas bouger. Juste nous déplacer un peu, de droite à gauche, prisonniers de cette corde tendue entre nous. Je frissonnai encore, d’un grand spasme
me secouant de l’échine aux talons, me projetant un bref instant vers Paul puis m’en éloignant brusquement.
Mes doigts encore crispés un à un s’allongèrent pour me réchauffer à sa poitrine. Elle resta froide comme mes mouvements ne générant aucune chaleur, aucun répit. Je cessai de bouger pour me faire
molle, abandonnée aux caresses et baisers glacés de l’eau.
Paul glissa un bras autour de mes épaules. J’ôtai avec lenteur mes mains pour l’enlacer à mon tour, brûlant de le serrer tout contre moi et pestant d’en être incapable.
Mes mollets remontèrent à ses genoux et suivirent le trajet de ses cuisses. Alors qu’ils allaient étreindre ses hanches, je leur ordonnai de sagement redescendre dans le droit alignement de ma
colonne. Mais droit n’était pas le bon mot.
Liée à Paul par son bras qui coulissait des épaules à ma taille, me pressait doucement contre son buste, j’étais courbe ou plutôt courbée, virgule perdue dans le bleu noir immense, attachée à cet
homme par la force de ses muscles, de mes doigts entrelacés sur sa nuque et du désir que j’avais de lui.
Dans cette position nous étions comme à terre. Un
homme long, délié, debout face à une femme plus petite et dense, tous deux si proches bien que séparés d’une longueur de main.
Front baissé, je jouxtais le cou de Paul. Menton levé, je touchais sa tête. Nos lèvres étaient alors si près qu’elles auraient pu se toucher.
Elles ne le firent pas. Il y avait entre nous trop de distances impossibles à
combler.
Celle de nos combinaisons et de gilets à moitié gonflés, embarrassés de nos tuyaux, lampes, instruments, bobines de fil et couteaux. Celle de nos régulateurs enfoncés dans nos bouches avec leurs
embouts de plastique collés à nos dents. Nous aurions pu les enlever le temps d’un très court baiser, certes. Mais là encore se dressait une barrière, cette fois plus impalpable. La retenue de la
timidité réciproque sans doute, du savoir sans oser en mince cloison de papier. Un simple geste aurait suffi, je crois, à la déchirer.
Ni Paul ni moi n’en prîmes l’initiative.
La retenue du désir, voire le simple désir lui-même, était ce jour-là bien plus beau, plus intense que son achèvement.
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