Dans ces bras-là...
Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.
Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire
comme jamais.
Camille
Laurens.
Décembre 2024 | ||||||||||
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L'égalité hommes-femmes, ma grand-mère n'y croyait pas. Probable même qu'elle n'y avait jamais réfléchi.
Sans doute taxerait-elle les féministes d'aujourd'hui de folles furieuses, de révolutionnaires sans objet, de chercheuses d'emmerdes, de Donna Quichotte d'un ordre à ne surtout pas bouleverser.
L'ordre d'un monde qui dit que les femmes, ça file droit.
Soucieuse de ne froisser quiconque, ma grand-mère ne le tournerait pas ainsi, mais botterait en touche par une formule frappée au coin du bon sens :
- Il faut de tout pour faire un monde.
- Les goûts et les couleurs...
- Un jour comme ça, un jour autrement.
Elle agiterait en signe d'impuissance ses mains usées par une vie de labeur, lèverait au ciel des yeux qui en ont vu d'autres - et des pires -, conclurait d'un pauvre sourire avant de retourner à sa routine.
Les commissions, la cuisine, le coup de balai, la lessive dans la bassine.
Née en 1915, ma mamie appartenait à une autre génération. Une qui pensait que les femmes, sexe faible, devaient marcher dans l'ombre des hommes, sexe fort, accéder à leurs désirs, obéir à leurs ordres, respecter leurs diktats sans jamais les contredire.
Une qui professait que les femmes devaient être gentilles, douces, accommodantes. Surtout pas, non, trop indépendantes ou trop libres.
À la maison, en société ou au lit, même non-combat.
Monsieur a ses besoins ? De bon ou mauvais gré, Madame doit s'y plier. Offrir ses fesses en attendant que l'affaire soit finie, voilà l'unique option envisageable. Se dérober au devoir conjugal parfois si bien nommé serait aussi malséant que dangereux : l'envie de forniquer ailleurs risquerait de s'en mêler...
C'est ainsi que ma grand-mère a vécu. Dans l'autoritaire sillage du mari de toute une existence. S'occupant de la maison, de leurs enfants et le secondant au magasin. Se gardant d'exprimer une opinion lorsque lui, le Chef, avait parlé. Se levant de table dès qu'il réclamait du sel. Abandonnant toute activité dès qu'il la sommait d'apparaître.
Lors de ses séances de bricolage, par exemple. Avait-il besoin d'un marteau ou de la perceuse qu'au lieu de descendre de l'échelle, mon grand-père hurlait :
- Mamie ! MAMIE !
Ses cris transperçaient le plafond du garage et déboulaient, impérieux, dans la cuisine. Ma mamie lâchait aussitôt son ouvrage pour se ruer dans l'escalier.
Dire à ce grand assisté que ses outils, il pouvait les prendre lui-même ne lui aurait jamais effleuré l'esprit.
Servante dévouée, épouse exemplaire, elle était là pour lui.
Ça ne la dérangeait pas. C'était normal.
Le Pépé était un homme.
Élevée à mi-temps par cette femme que j'adorais, son modèle m'a en partie forgée. Enfant rebelle, trop gâtée peut-être, j'imitais mon papy : je la commandais.
En retour elle me cajolait, cuisinait mes plats favoris, rangeait mes affaires, m'autorisait à regarder tard la télé et ne me forçait pas à me brosser les dents.
Ravie de ce régime de vacances, j'en profitais, en abusais parfois. Piquais des crises au supermarché, m'accrochais à la caisse, courais loin devant ou refusais d'avancer, me traînais dans le couloir en frappant ses casseroles.
- Tu m'assourdis, ma puce !
Je continuais de plus belle. Elle s'énervait, criait, accusait mes "lel manières".
Les lel manières... Un leitmotiv incompréhensible.
Ce n'est qu'adolescente que je compris son secret. Qui n'existait pas puisque j'avais mal entendu.
En vérité point de lel manières.
Mais de laides manières, oui.
Une fois à bout de patience, ma mamie dégainait la menace ultime : me dénoncer à mon père. Je m'esclaffais en la traitant de rapporteuse. Elle m'aimait trop, je le savais, pour m'exposer à la violence du paternel.
Si ce modèle d'un autre temps berça mon enfance, je m'aperçus en grandissant qu'il clochait.
Pourquoi ma grand-mère courbait-elle toujours l'échine devant les hommes ?
Pourquoi reproduisait-elle avec son gendre le schéma qui l'attachait à son époux, alors décédé ?
La réponse était simple : mon père aussi était un homme.
À ses paroles dures jamais elle ne réagissait. À ses avis tranchés jamais elle ne s'opposait. Dans nos conflits elle se gardait prudemment d'intervenir. Me donnait-elle raison en privé qu'elle me désavouait en public.
Son ultime argument en appelait autant à la famille qu'à la virilité :
- C'est ton père, quand même...
Ses reculades me mettaient en rage. Je l'accusais de ne pas prendre parti, de ne pas me protéger. D'être faible, d'être hypocrite. Pire, de me trahir.
Je ne comprenais pas que ma mamie ne pouvait faire autrement. Ou plutôt, je ne l'acceptais pas.
Je la poussais à secouer ses chaînes. À sortir de ce que j'estimais sa passivité. À dire non, à dire merde.
Merde à ce qui lui déplaisait.
Merde aux contraintes.
Merde à l'autorité.
Merde aux bonshommes.
Merde !
Impossible pour elle, bien sûr. D'autant qu'elle n'était ni frustrée, ni malheureuse.
Un merde pour quoi, alors ? Pour rien.
Cette soumission programmée eut sur moi de drôles d'effets. Entre distorsion et écartèlement j'évoluais sans harmonie aucune, chaque pied ancré sur la rive d'un gigantesque fossé.
D'un côté je considérais de mon devoir de satisfaire les hommes - a fortiori le mien.
Si quelqu'un devait, en plein repas, ramener le beurre, c'était moi.
Si l'un de nous deux devait céder, ce serait encore moi.
L'amour à mort m'obsédait.
L'abnégation me subjuguait.
L'abandon de soi pour l'autre me fascinait.
Appartenance, ferveur et dévotion me tranportaient.
Je trouvais des beautés au sacrifice, un goût enivrant à la docilité, un grisant vertige à l'esclavage.
"Ma facette ancillaire", comme je l'appelle. Elle amuse ceux qui me connaissent bien, étonne ceux qui me croient si forte et libérée. Aussi incongrue que déplacée, à l'opposé de ce que je dégage.
J'ai tenté de la chasser, cette importune. Elle est restée. Quoiqu'elle et moi ne soyons pas encore réconciliées, il me revient à présent de l'accueillir.
On ne se défait pas si aisément de l'héritage de sa lignée.
De l'autre je vomissais toute emprise et refusais toute tâche qui, par tradition, revient aux femmes.
Le ménage ? Hors de question pour moi bordélique en diable !
La couture ? Encore moins, sauf pour créer des robes importables.
La cuisine ? Allons donc, infichue que j'étais de cuire des pâtes !
Mon plus fidèle allié, c'était le micro-ondes que je bourrais de conserves et de steak haché. Deux années à Paris sans allumer une fois mes plaques de cuisson.
Mes lacunes ne me dérangeaient pas. Loin d'y remédier, je les brandissais comme autant de fiertés, autant de médailles raflées à la guerre des sexes.
Bizarre guerre, paradoxale même, puisque jamais je n'ai considéré les hommes en ennemis. N'empêche qu'après l'ère "fée du logis", je décrétai l'avènement de la "marâtre de l'immeuble".
Hilare j'affirmais que personne ne m'épouserait pour mes qualités domestiques. Ce qui tombait bien : aucune envie de devenir femme de. D'accord pour le nom, mais niet pour la particule. Sauf pour le symbole, et encore...
Par plaisanterie je disais que le jour dudit mariage, je choisirais également un avocat.
Pour mon futur divorce.
Mon nez reniflait dans cette institution trop de possibles relents de soumission, trop de risques inutiles auxquels exposer mon indépendance. Ma préférence allait à l'union libre.
Pour le "libre" dedans, sans doute.
En attitude, en volonté, en crudité, je me suis longtemps efforcée d'égaler les hommes.
Parfois avec bonheur, souvent avec excès.
Je ne reculais devant aucun défi qu'ils auraient, eux, relevé. Les prenais pour mieux les congédier. Collectionnais les amants en hurlant à l'injustice qui m'étiquetait "salope" alors que mes partenaires se transformaient en Don Juan.
Je jurais comme un charretier, fumais comme deux pompiers. Parlais fort, gouaillais grossier, à propos de sexe si possible.
Mes interlocuteurs se récriaient ?
Je jubilais.
Petites natures !
Après l'équitation qui, gamine, affermit mon caractère déjà bien trempé, je choisis un des plus violents sport de combat. Enjoignais mes adversaires à lâcher leurs coups, m'énervais de leur réserve et les frappais en retour à pleine puissance.
Qu'ils comprennent enfin que je n'étais pas là pour tricoter !
Je m'agaçais des filles agissant en fifilles. Méprisais les mijaurées, les chichiteuses, les capricieuses. Les jamais contentes à la récrimination perpétuelle. Les vénales qui exigeaient d'être couvertes de cadeaux. Les princesses qui refusaient de bouger le petit doigt. Les gnagnagna qui se plaignaient d'avoir à ouvrir une porte.
Je les accusais de se comporter en assistées. De nourrir le cliché de l'infériorité féminine. De porter tort à leurs semblables.
Elles réclament respect, indépendance, égalité ? Qu'elle oeuvrent pour, bon sang !
Je clamais que lorsque la liberté n'est pas offerte, il faut la conquérir.
Ma grand-mère me désapprouvait, bien sûr. S'inquiétait, aussi.
- Change, ma puce. Sinon, tu ne trouveras jamais d'homme !
Lassée de la prédiction, je finis par rétorquer :
- Pas grave, j'en aurai plusieurs !
Elle pouffait. S'amusait de mon franc-parler qui lui arrachait des :
- Ah lala, sacrée toi !
Je riais aussi. Sans trouver ça drôle, au fond. Surtout lorsque le sujet de mes ruptures tombaient sur le tapis :
- Avec le copain, ça marche encore ?
- Non, mémée, c'est terminé.
- Mais pourquoi donc ?
Mes raisons lui tiraient des mimiques sceptiques. En général ma vibrante tirade butait sur un :
- Tu en demandes trop, ma chérie ! Faut accepter !
- Accepter ? Pourquoi donc ? Et si ça me déplaît ?
Anticipant une dispute, ma grand-mère battait en retraite :
- Bah, je dis ça, je dis rien... Tu fais bien comme tu veux...
- Voilà, merci. Comme je veux.
Chacune de mes relations avortées renforçait son intime conviction : sa petite-fille préférée se condamnait au célibat.
À force d'être martelée, sa conviction devint mienne. En toute inconscience ma mamie m'avait enferrée dans un réseau de "trop" et de "pas assez".
Trop libre. Trop exigeante. Trop difficile à vivre.
Pas assez douce. Pas assez soumise. Féminine d'apparence, certes, mais pas assez femme en dessous.
- Qui voudra de toi, je me le demande...
Moi aussi je me le demandais. Me persuadais que je ne tournais pas rond. Que la solitude était mon lot sans consolation, mon unique horizon, ma fatalité.
À jamais je serais la clef sans trousseau, la boîte sans couvercle, l'orange sans moitié. Mon coeur était d'or, peut-être, mais mon âme déficiente.
- Toi, jamais tu ne trouveras d'homme !
J'espère bien que ma grand-mère se trompait. Car aujourd'hui je le sais : l'opinion de nos proches sur nous n'est qu'une opinion, non une vérité.
Leur regard ne nous résume pas.
Leurs certitudes peuvent s'avérer fausses, leurs oracles mensongers.
Le reflet qu'ils nous renvoient, les critiques dont ils nous abreuvent, l'image dans laquelle ils nous enferment devient une prison si et seulement si nous y souscrivons.
Là où la liberté n'est pas offerte, il faut la conquérir. La lutte commence par détricoter, maille après maille, le carcan qui colle à notre être véritable telle une seconde peau.
Si familière qu'on en oublie qu'elle n'est pas la nôtre.
Si rassurante que, par peur de l'inconnu, on la laisse nous asphyxier.
Si profondément ancrée qu'on lui permet de nous couler corps et biens.
Ce qui ne m'empêche d'être toujours célibataire... mais heureuse.
Photos : Will Wegman, Zhang Peng, Saudek, Jeanloup Sieff, Marcin Twardowski.
Alors, heureuse ? Tout bien considéré, tu réponds oui … tant que je garde le choix de mes liens. C’est-à-dire de les nouer et les dénouer librement, quand et si tu le décides. Ta "facette ancillaire" et ta volonté d'indépendance ne sont plus paradoxe à résoudre mais capacité à peser en permanence ce qui te correspond. Après bien des "détricotages, maille après maille" entre ces pôles, tu te connais suffisamment pour te maintenir en équilibre. Aspiration – respiration, trouver le bon souffle, comme ta Mamie finalement. A la différence qu'elle n'a jamais conçu d'autre liberté que celle qui lui était accordée. Etre malheureuse était moins compliqué pour elle : elle était heureuse.
D'autant qu'elle, elle avait un homme. L'Homme, le facteur déterminant. Pour toi aussi naturellement, mais pas que, et pas forcément toujours le même … .
En attendant mieux ?
Cher Slev,
merci pour tes mots, beaux et justes comme toujours.
Ceci est particulèrement vrai, sauf que je ne me l'étais jamais formulé de cette manière :
"Ta "facette ancillaire" et ta volonté d'indépendance ne sont plus paradoxe à résoudre mais capacité à peser en permanence ce qui te correspond. "
Ce qui me permet en effet d'ajuster, d'accepter ou... de briser le lien lorsqu'il s'altère et/ou ne me correspond plus. Que je finis par mettre en péril, voire perdre une part de moi-même au lieu de m'épanouir.
Toute relation doit rester à mes yeux un supplément, ne pas être ni devenir une béquille nécessaire pour avancer sur le mode de "sans l'autre, on s'effondre". Ou pire, un boulet !
Ma mamie a eu l'immense chance de rencontrer en mon papy l'homme de sa vie : ils se sont mutuellement choisis et aimés tout au long de leurs vies.
Le divorce eût-il été possible qu'ils n'y auraient pas songé une seconde. Non parce que pour cette génération, on se mariait (en général) jusqu'à la mort, mais parce qu'ils étaient bien ensemble, en symbiose parfaite : le caractère autoritaire de l'un s'emboîtait parfaitement avec l'acceptation de l'autre.
Sinon leur union n'aurait jamais été possible...
J'espère, oui, rencontrer un jour prochain celui qui.
Me voilà (presque prête), je crois, pour cette grande aventure-là. Partager davantage qu'un peu et continuer à évoluer... à deux.
Beau défi, il me semble.
Ha comme j'aime ce billet qui me rappelle également ma petite mamie ! Elle ressemble beaucoup à la votre,( probablement une histoire de génération, elle est née en 18) et tentait encore il y a peu de me convaincre de "retrouver quelqu'un pour s'occuper de toi quand tu seras vieille !"
Assumer son célibat, le vivre le plus sereinement possible et défendre cette liberté demande parfois beaucoup d'énergie. Tenter de sortir de la route que notre éducation semble avoir tracée d'avance est déjà difficile. A cela il faut ajouter tous les bien-pensants (souvent des femmes d'ailleurs ...) qui vous rappelent que vous n'êtes pas dans la "norme" et qu'il faudrait penser à y revenir. On m'a même dit dernièrement que "peut être j'étais trop difficile" ! ( un comble venant d'une femme au mari officiellement volage).
Quand il m'arrivera de douter, je repenserai à votre conclusion et je me souviendrai qu'il ne tient qu'à nous de nous débarrasser de certaines de nos chaines.
Merci Sophie !
Sans aucun doute une affaire de génération, oui. De culture, voire de développement du pays dans lequel on vit, peut-être aussi. Ce que vous dit votre mamie, je l'entends souvent ici, aux Philippines, mais plutôt au sujet des enfants :
- Mais si vous n'en avez pas, qui prendra soin de vous quand vous serez vieille ?
Les enfants, le compagnon sont l'assurance des vieux jours... Et certes cela a quelque chose de vieillir tout(e) seul(e). (Suis mal barrée, rires !)
Il existe en effet cette fichue norme et ses défenseurs qui tapent sur ceux qui en dépassent, parfois avec les meilleures intentions du monde. Mais l'enfer en est pavé, n'est-ce pas ? Rentrer dans le rang leur semble gage de bonheur, ou du moins de tranquillité.
Pas forcément faux pour cette dernière, d'ailleurs...
À Paris les dernières années, j'avais droit aux regards suspicieux de certaines épouses qui envsageaient ma liberté d'un très mauvais oeil. Comme si je les mettais en danger, elles, ou allaient leur piquer leurs moitiés ! Je sentais de la méfiance, du dédain parfois, une pointe de jalousie souvent, parfois même de la compassion (surtout autour de la question des enfants - je ne peux pas en avoir). Très désagréable...
A l'exercice du "bien dans la norme, sus à ceux qui en dérogent", les femmes me semblent d'ailleurs plus redoutables que les hommes...
Vous avez bien raison d'affirmer vos désirs, de mettre le doigt sur ce qui ne vous satisfait pas et de souhaiter que la situation s'améliore. Non, ce n'est pas être trop difficile. C'est être lucide et s'accorder du respect ! Respect de ses besoins, de ses envies, de ses aspirations.
Charité bien ordonnée... Vous connaissez la suite. :)
Sincèrement ravie si ma conclusion peut servir de remède au doute. Plus nous sommes nous-mêmes persuadé d'être les acteurs, penseurs, créateurs (osons le grand mot !) de notre propre vie, moins nous lui laissons de place !
En lisant votre texte, je comptais commenter dans le même sens que vous; le regard des autres ne nous résument pas...
Et pourtant dans un certain sens, il me construit ce regard... Ils me construivent plutôt, tant les personnes et les "cercles" différents dans lesquels je peux évoluer posent des regards différents sur la même personne que je suis: douce, réservée, sauvage, gentille, solitaire, sociable, drôle ou cynique... Infiniment variable... En fonction de ce que j'ai envie d'être avec telle personne et pas avec telle autre.
Un seul regard, d'une seule personne, ce serait vraiment trop limitant...
Exact, chaque cercle connaît une facette différente de nous (celle qu'on veut bien leur présenter ?)... et serait certainement surpris d'avoir accès aux autres !
Le souci me semble être quand le jugement, le regard se "calcifie" pour nous enfermer dans une petite boîte. Comme si l'on ne pouvait pas, jamais, être autrement ni changer. Comme si nous n'avions pas ces autres facettes qui font de nous des personnes complexes et uniques. Comme si nous étions condamnés à n'être que d'une seule pièce, avec des réactions prévisibles, un mode de pensée linéaire - et un futur tout tracé, pendant qu'on y est !
Je crois qu'on est tout à fait d'accord, Latis !
"aucune envie de devenir femme de. D'accord pour le nom...": tu veux dire prendre son nom? Pas pour moi, j'avais un nom à la naissance et je l'ai gardé, non mais! J'ai dû me battre avec l'E.N et leur citer la loi jusqu'à ce qu'ils capitulent.
"l'opinion de nos proches sur nous n'est qu'une opinion, non une vérité." Je ne suis pas entièrement d'accord, ils voient juste, à part le fait qu'ils ne voient que les défauts et se plaisent à les souligner
"Les enfants, le compagnon sont l'assurance des vieux jours." Les enfants, et exclusivement les filles, d'ailleurs.
Quand elle venait à la maison et faisait la cuisine, ma grand-mère préparait un plat spécial pour son fils; il le partageait, à sa grande désolation.
Coucou Ordalie !
Prendre son nom, oui, avec le jeu de mot femme (nom) suivi de la particule (de).
À choisir, je préférerais garder mon nom et y adjoindre celui de mon mari, mais mon nom s'accommode assez mal d'un deuxième. Le résultat promet d'être plutôt vilain !
"Je ne suis pas entièrement d'accord, ils voient juste, à part le fait qu'ils ne voient que les défauts et se plaisent à les souligner."
Tout dépend des proches... Vrai que la tendance est souvent, hélas, de ne repérer et ne communiquer que sur les points négatifs. Mon père est un spécialiste de la chose ! :)
A contrario, j'ai une amie d'enfance qui élèvent ses filles en mettant l'accent sur leurs qualités et ce qu'elles font de bien. L'erreur n'est pas conçue comme une faute (et encore moins sanctionnée), mais comme la possibilité de s'améliorer.
Vision très positive qui renforce drôlement les petites !
Cette tendance du tout critique est vraiment dommage(able). Au final, elle donne des personnes incapables d'accepter un compliment. Parce qu'elles ne savent pas comment le recevoir et, prisonnières d'une image dégradée d'elles-mêmes, sont persuadées qu'elles ne le méritent pas.
Je reste quand même persuadée que nos proches ne voient pas forcément juste.
Beaucoup s'accrochent - et nous accrochent avec eux - à une image partielle et partiale de nous-mêmes. Ils ont des certitudes sur notre compte, certitudes qu'ils nous assènent comme des vérités intangibles alors qu'entretemps, nous avons évolué. Eux sont restés à la perception de la gamine terrible, de l'adulte fofolle ou mal dans sa peau (ou atre) et nous y renvoie sans cesse à coup de jugements, de petites phrases ("ah, c'est bien toi, ça !", "Je te reconnais bien là !", etc), d'anecdotes.
Voilà qui m'en rappelle une un peu caricaturale : une tante que je n'avais pas vue depuis mes 7 ans.
15 ans plus tard, elle s'écrie en m'apercevant :
- Oh, mais tu as grandi, dis donc !
Ben oui, euh... J'ai 23 ans. Mais elle était restée fixée sur moi en fillette !
"Les enfants, et exclusivement les filles, d'ailleurs."
Tout dépend aussi de la culture du pays. En Inde par ex, on dit qu'avoir une fille, c'est nourrir la vache du voisin. Il faut d'abord s'entter pour lui constituer une dot et, une fois mariée, celle-ci part traditionnellement vivre dans la famille du mari. Un investissement en pure perte, en somme...
Pas étonnant que les femmes ne veulent que des fils !
Bonsoir Chut,
Beaucoup de choses dans ce billet. Qui me donne d'ailleurs envie de poursuivre l'écriture d'un post sur mon blog, commencé et jamais terminé, sur mes aieules. Mais ce n'est pas de cela que je veux te parler maintenant.
Bien sûr les femmes de cette génération n'étaient que rarement féministes au sens de "avoir une conscience politique" de cette chose là. En revanche, certaines, plus nombreuses qu'on ne croit je pense, ont cheminé vers une indépendance matérielle (en travaillant), morale (avec un niveau d'éducation qui n'a fait qu'augmenter) et plus tard amoureuse avec la contraception qui est arrivée dans les années soixante. Trop tard pour nos grand-mères, pas pour nos mères. Le chemin n'est pas terminé...
Pour ce qui est de l'image de nous-mêmes forgée par les autres, je plussoie. Longtemps j'ai été autre dans bien des domaines, que ce que je suis réellement, et qu'il m'a fallu longtemps pour découvrir. Par exemple mon corps, rond (voire très rond!) pendant des années avant que je ne fasse le pas qui m'a conduite à le sortir de sa gangue. Et pour le coup, je crois bien que le regard de ma grand-mère (adorée) ne m'a pas beaucoup aidé dans le genre "il vaut mieux faire envie que pitié"... Et d'autres choses encore. La ronde exubérante et sympa par exemple. Je suis bavarde, exubérante et sympa. Mais pas que. Et les regards les mieux intentionnés, ceux des nôtres, les regards d'amour souvent de nos parents, de nos modèles, enferment tant...Je t'embrasse ma belle.
Oh oui Marie, écris-le, ce billet !
Je sais que tu cours après le temps en permanence (bienvenue au club !), mais j'aurais hâte de le découvrir !
Tu as raison de souligner qu'un immense chemin a été parcouru depuis nos mamies. Malgré d'excellentes résultats scolaires, la mienne avait le diplôme minimum (le certificat d'études, pas assez d'argent dans la famille pour continuer au-delà), n'était pas indépendante financièrement et ne conduisait pas (cela dit, moi non plus, ah ah !).
La pilule, elle ne l'a jamais prise : elle a vécu sa vie de femme à l'époque où toute contraception était bannie en France. Et oui, interdite, et je ne parle même pas de l'avortement !... Triste période qui ne tolérait pas que les femmes disposent de leurs propres corps. Nous, petites-filles, avons tendance à oublier que ce dont nous jouissons auj' et nous semble tout à fait normal fut le résultat d'âpres combats. Certains remis en cause, d'ailleurs, ne serait-ce que par le manque de moyens/structures qui leur sont alloués (je pense en particulier à l'avortement, mais pas que).
Ah, toi aussi tu es passée par le fameux "l'envie vs la pitié"... Ce que ça pouvait m'énerver alors que je ne supportais pas les kilos qui m'encombraient ! Enfermer, oui, même avec plein d'amour dedans. Preuve que l'amour, dans ce domaine-là comme dans d'autres, ne suffit pas.
Moi aussi je t'embrasse !
(Là, je suis sur la rampe de lancement destination Bangkok, ce sera un peu plus posé là-bas, j'espère !)
Hey coup's!!
En lisant ce billet; je me disais "mais c'est incroyable, elle décrit l'exact opposé de ma grand mère!".
De la même génération (elle est née en 1907); ma grand mère était tout sauf soumise. Son mari était tout sauf un homme; un vrai.
Elle dirigeait son monde d'une main de fer, écrasait joyeusement toute véléïté de rebellion. Mon grand père se réfigiait à la pèche ou au sous sol dans son atelier de peur que la tigresse ne l'envoie encore sur les roses.
C'était un vrai matriarcat. Elle a été jusqu'à sa mort le seul et l'unique chef de famille; celle qui nous faisait tous trembler d'avance, tellement ses répliques pouvaient être cinglantes. Ses enfants; pourtant grands parents quand elle est morte, se faisaient tout petit devant elle, de peur de...
Et à l'opposé; ma mère. Soumise dans l'âme, se pliant en quatre pour faire plaisir à son homme, et avant tout à ses enfants. A la maison, j'étais la seule fille; la seule, donc à devoir faire le ménage avec maman, le repassage, la cuisine. Ca me rendait folle!!
Et même si (tu le sais) j'adorais ma grand mère; c'est l'éducation que ma mère m'a insufflée qui a tendance à me conditionner aujourd'hui; pas du tout ma grand mère.
La suite du débat sur le fémisnisme... Bref, hein!
Mais il y a bien quelque part un homme qui saura composer avec ces deux parties de toi. Surtout un homme qui les sentira et les respectera sans même que tu n'aies à le tester! Bisous coup's
Hello Coups,
tout d'abord, pardon pour le long temps de réponse... Tu sais pourquoi.
Oui, il y a aussi des dragons issus de cette génération ! Pas étonnant que le mari de ta grand-mère se soit fait tout petit, il n'avait tout bonnement pas de place. Ni à la maison, ni ailleurs là où régnait (sévissait ?) le matriarcat.
Avec un homme, un vrai, la relation aurait été par trop conflictuelle - s'il y avait eu la moindre relation possible (j'en doute...).
Pour te connaîre un peu (hé hé), j'ai le sentiment que tu as hérité de ta mère, oui, mais pas seulement. Il y a en toi beaucoup de force, de résolution et une saine envie de ne te laisser ni enquiquiner, ni marcher sur les escarpins !
Je sais que tu peux donner beaucoup à l'homme que tu aimes, jusqu'à tes propres dépens parfois, mais à force de tirer sur la ficelle, celle-ci finit par se rompre. Et là... Outch ! Rebel inside ! :)
Pour l'homme : oui, il en existe des qui sont capables de composer avec et surtout respecter ces deux parties a priori opposées. Reste à en trouver un !
Toi et moi même comba, coupsss !
Des bises à nouveau philippines (et bien heureuses de l'être !).