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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 17 janvier 4 17 /01 /Jan 08:44

Le début ici.

 

L'homme de la yourte 5Ayal quitte Oulan Bator le lendemain, direction le parc national de Gorkhi-Terelj. À sa lisière se dresse la yourte de Boro, son guide. Il y passera une nuit avant de s'enfoncer à cheval dans la steppe.

Ce matin, il eut la surprise de se retrouver seul. Nicolas le Français s'en est allé sans prévenir. Sac au dos et bille en tête, cap lui aussi sur Terelj.

- Bizarre, le Nicolas... Il aurait pu m'attendre, non ?

Je glousse :

- Si ça se trouve, tu vas le croiser !

- M'étonnerait, le parc est vaste... Mais vu qu'il n'y connaît personne et a égaré son guide de voyage, probable qu'il reste bloqué.

Nous plaisantons gentiment de Nicolas et des pluies torrentielles de la journée.

- Le pauvre... dis-je. Il n'a pas dû arriver sec à l'arrêt de bus !

Ayal éclate de rire, à hoquets si communicatifs que bientôt, je me tiens les côtes.


Notre dernière soirée - pensons-nous - se déroule comme la précédente : en tête-à-tête sur l'escalier de la guesthouse, à papoter en fumant des cigarettes.

Lorsque nos bouteilles de jus de fruit, de pâles imitations de Schweppes sans bulles, sont vides, l'un de nous s'approvisionne à la cahute du bas des marches. Dans cette pauvre cabane en planches loge un couple âgé, sans doute les gardiens et employés à tout faire du patron.

La porte, fermée, isole l'intérieur du froid mordant de la nuit. Les meubles sont rares et bancals. Une vieille télé aux images brouillées crachote une émission quelconque. Les articles à vendre, pas plus de deux par tête, sont rangés avec soin sur des étagères.

Il n'y aura bientôt plus de jus de fruit.


En attendant la panne sèche, nous continuons à discuter. L'horloge de la salle commune indique minuit et demi, mes paupières s'alourdissent, mes jambes s'ankylosent mais je m'en fiche.

J'écoute Ayal.

Celui-ci croit en Dieu et donc à l'absence de hasard. Rien n'arrive juste comme ça, par accident. Tout événement, même le plus anodin, même le plus déplaisant, a un sens, une fonction, une utilité.

La gageure ? Découvrir laquelle.

Ayal est intimement convaincu que chaque rencontre, unique, est porteuse d'un enseignement ou d'un message. Cachés souvent, évidents parfois.

- Toi, par exemple, souffle-t-il, je t'ai vue en rêve.

- Pardon ?

- Oui, une semaine avant d'atterrir en Mongolie.

Il me raconte son drôle de songe, la silhouette de cette femme blonde, évanescente tel un fantôme, qui portait mon prénom.

- Une simple coïncidence, Ayal...

 

L'homme de la yourte 7Je l'affirme sans véritable conviction, presque pour me rassurer. Comme Ayal je crois qu'à certains moments-charnières, lors de périodes de questionnement, de mal-être ou de doute, le "hasard" place, tel un petit Poucet, des signes sur notre route.

Des signes ou quelqu'un.

C'est ainsi que, décidée à quitter la France, je me suis retrouvée à Koh Tao, ainsi que j'ai fait la connaissance d'Ethan, ainsi qu'ont commencé mes aventures de plongeuse nomade.

La durée de la rencontre importe peu, c'est son contenu, sa densité qui comptent.

Brève, elle peut ne tenir qu'en une phrase, mais une phrase décisive.

Longue, en une histoire d'amour.

Moyenne, en une conversation. Sur les marches d'une guesthouse à Oulan Bator, pourquoi pas ?

 

Ayal sourit et son visage s'éclaire en creusant les rides au coin de ses yeux. Profondes, elles le font paraître plus âgé sans rien lui enlever de son charme.

Ayal est beau quand il sourit, mais depuis la veille je le sais : ses nombreux sourires dissimulent beaucoup de tristesse, coupe trop remplie qui déborda lors de notre visite au monastère de Gandan.

En raison de l'heure tardive, les lieux semblaient désertés. Menaçant de crever en averse, un ciel blanc d'orage pesait sur les toits. Les touristes s'acheminaient vers la sortie alors que nous zigzaguions entre les flaques. Un moine empestant l'alcool gardait le bâtiment principal. Il accepta, bougon, de nous laisser passer. Nous lui achetâmes trois tickets et, à peine entrés dans la salle, l'émotion nous submergea.


Sur les autels surchargé de fruits, de gâteaux et d'encens, des bougies brûlaient. Un monumental Bouddha d'or se dressait devant nous, minuscules humains peinant à égaler la taille de sa paume. Tout le long de la paroi l'entourant, des milliers de répliques dorées priaient derrière les vitres.

Ça et là, un billet glissé en offrande.

Un moulin à prières égrenait des mantras, rassurante litanie invitant au recueillement.

 L'air était lourd d'encens, de cire fondue et de dévotion.

Bertille empoigna son appareil photo. J'avançai avec respect vers la gigantesque statue. Seul Ayal resta en arrière, immobile, comme pétrifié par la solennelle beauté du temple, son aura de sérénité et de paix sans mélange.

Des larmes montèrent à ses paupières. Je me détournai.

Je fus la première à sortir de la salle, Ayal le deuxième. Je ne m'approchai pas de lui. Surtout ne pas le déranger, ne pas interrompre ses pensées ni en perturber le cours.

Il viendrait à moi lorsqu'il serait prêt. Ce qu'il fit avec un sourire troublé, au creux d'un silence qui unit nos yeux.


L'homme de la yourte 6Ayal traverse une intense période de doute. Moi aussi.

Depuis les marches mangées de nuit je songe à Noam, que chaque mot hébreu sorti de la bouche d'Ayal ressuscite.

Noam qui depuis plusieurs semaines habite chez moi.

Noam qui, je m'en doutais, a abusé de ma confiance.

Noam qui jour après jour me déçoit.

Noam qui me met en colère et que je n'ai plus envie de retrouver.

Sacré retournement de situation.


Ayal, lui, a besoin de ce voyage en solo pour réfléchir. À la prochaine extension de sa clinique, un projet qui l'absorbera à temps plein alors que le temps, il court déjà après.

À la vie filant de plus en plus vite entre ses doigts. À son sentiment d'impuissance, sa frayeur, ses regrets de la voir lui échapper.

À la souffrance de ses patients qu'il tente de soulager. À la mort aussi prochaine qu'inéluctable de certains d'entre eux.

À ses enfants, ses deux amours qu'il a failli perdre et qu'il évoque les prunelles brillantes.

À son couple qui bat de l'aile. À l'incompréhension mutuelle qui se creuse, au désir en fuite, à l'intimité, la joie perdues, abîmées par la routine, les contraintes, les disputes.

Tant et si bien qu'avant le départ d'Ayal, sa compagne lui a dit :

- Pars donc, si cela peut t'apaiser. Mais reviens-moi plus heureux, s'il te plaît.

Je hoche la tête. Sages paroles.

 

La petite aiguille de l'horloge s'est arrêté sur le un, la grande sur le six. Demain le réveil sonne, impitoyable, à sept heures.

M'en fiche, je veux prolonger ces instants. Lorsqu'Ayal reviendra à Oulan Bator, Bertille et moi en seront déjà parties.

Probable qu'après cette soirée, je ne le revois plus jamais, ni lui ni ses immenses sourires. Il aimerait, certes, prendre une ration de soleil aux Philippines, y voyager et y plonger en ma compagnie. Mais d'Israël à mon île la distance est grande, du genre de celles qu'on ne s'inflige pas pour un week-end.

Puis, très vite, s'interposent les ennemis qui dévore Ayal : ses responsabilités et son manque chronique de temps.

Un résident de la guesthouse pousse le portail. Nous nous écartons pour le laisser gravir l'escalier et reprenons nos places, un peu plus proches.


L'homme de la yourte 8Deux heures et quart.

Ayal bâille. Je l'imite. La fatigue, nous le savons, a hélas gagné la partie.

La veille nous nous étions levés d'un même élan pour retourner dans la salle commune. Un peu gauche, je faisais face à Ayal en me demandant quel au revoir convenait en clôture à nos longues conversations.

Une poignée de main ? Bien trop formel.

Deux bises ? Trop osé, peut-être.

Un simple salut ? Impossible, trop froid.

Ayal trancha d'un :

- Can I give you a hug ?

Me serrer dans ses bras ?

Bien sûr qu'il le pouvait ! Avec plaisir, même !

En un éclair je fus happée, enlacée, embrassée sur les tempes, le front, le nez. Lorsqu'Ayal me lâcha, j'avais le coeur battant et les joues roses.

Ce fut en chancelant que je retournai à la chambre où dormait Bertille.

 

Ce soir-là, je le sens, sera différent. Différent comment ? Aucune idée.

Celle-ci se précise quand Ayal, un peu nerveux, un peu timide, demande :

- Viendrais-tu dans ma yourte ? Je n'ai pas envie de dormir seul. J'ai besoin de tendresse, je crois.

Et que, sans hésiter ni réfléchir, je réponds :

- Oui.

 

 

La suite ici.

 

 

Après une longue pause, je m'interroge sur le devenir de ce blog.

Chaque article me demande beaucoup de temps et le très faible nombre de retours me déçoit. Ce sentiment n'est pas nouveau, il avait contribué à mon arrêt.

Pas certaine, donc, de vouloir poursuivre.

À voir.

 

Photos : Horst P. Horst, DR,

Alexandre Vitkine, William Wegman.

Par Chut ! - Publié dans : Eux - Communauté : les blogs persos
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