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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Vendredi 18 janvier 5 18 /01 /Jan 08:14

Juste avant, c'est ici...

 

L'homme de la yourte 9Une seule lampe brûle dans la salle commune de la guesthouse. À trois heures du matin, les lieux sont calmes. Tous les résidents dorment.

- Une minute, OK ?

Je longe le couloir vide, me faufile dans ma chambre, m'empare de quelques affaires et rejoins Ayal.

Debout au centre de la pièce, planté tel un fanal sous la lumière, il n'a pas bougé. Son tout premier geste, c'est de me prendre la main.

Nous montons l'escalier menant au toit d'un pas à la fois lent et pressé. Pressé de nous réunir, lent de savourer la certitude du plaisir.

Ferons-nous l'amour ?

Probable. Je ne crois plus guère aux promesses de chaste sommeil.

Pas sûr. Ayal n'a-t-il précisé, sur une note insistante, dormir ?

Le sexe n'est d'ailleurs pas ce qu'il recherche, ce dont il a besoin. Il veut cette nuit rendre les armes et les déposer à mes pieds.

Il veut des baisers, des caresses, une trêve, une réparation dont l'espoir fait danser une phrase dans ma tête : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier*.

Ferons-nous l'amour ?

Ça m'est égal, au fond. Le partage de la douceur me suffit.

En signe d'alliance j'étreins sa paume.


La terrasse est plongée dans les ténèbres. À peine une étoile brille-t-elle par-dessus la rambarde.

Face à nous, une table surmontée d'un parasol et deux rangées de yourtes.

Entreposés plus loin, des objets au rebut. Une toilette en céramique d'un blanc presque phosphorescent offre son siège vide en exhibant ses tuyaux.

Le goudron colle à nos semelles. Chaque après-midi, la chaleur le fait fondre et chaque soirée, le froid durcir. Demain, liquéfiées par le soleil et recouvertes par d'autres traces, les nôtres auront disparu. Peut-être pas tout à fait, changeant cette allée en palimpseste de présences qui ici se sont reposées, croisées, aimées.

- C'est là...

Ayal déverrouille la porte d'une yourte. La première, strictement identique à ses voisines.

- Bienvenue !

- Merci de m'avoir invitée, plutôt.

J'entre. Sur le champ l'odeur envahit mes narines. Forte, musquée, persistante, un mélange de renfermé, de laine grasse et de bitume frais. 

- Nous aérons la journée, en pure perte... avance Ayal en guise d'excuse.

J'ai un geste indifférent. Le remugle m'est familier, agrégé depuis trois semaines à mes vêtements, mon sac de voyage et mes souvenirs.

Au retour un simple lavage ne l'effacera pas. Il en faudra au moins quatre.

Ce parfum-là, c'est pour moi la Mongolie. Et ce soir, c'est Ayal aussi.

 

L'homme de la yourte 10Ayal lâche ma main pour m'enlacer. Mes hanches lui répondent, mon ventre se niche contre son bassin, mon visage contre son cou.

Je le respire.

Il sourit dans mes cheveux, chuchote mon prénom, me berce au rythme d'une musique qu'il est seul à entendre. Alanguie je le laisse me ravir, tanguant à mon tour, esquissant un pas de deux qui nous fait tournoyer d'un même élan.

Un entrechat et nous chutons sur des draps défaits, tendres lutteurs emportés dans le même combat.

L'étreinte est périlleuse, le lit étroit. Taillé pour une seule personne, il a bien du mal à nous contenir. Pour ne pas culbuter sur le plancher, nous devons trouver le juste équilibre dans le mouvement, l'exact emmêlement de nos os.

Si je chavire, Ayal me remet d'aplomb.

S'il vacille, je le rattrape.

Les matelas superposés se changent une chaloupe risquant à tout instant de verser. Et Ayal et moi, en naufragés soudés par le désir, celui-là même qui entre ses cuisses fait se dresser un mât de tempête et voile mes yeux.


Brutalement Ayal s'arrache à moi. Je l'agrippe pour l'en empêcher, le rabattre entre mes jambes. Déjà à genoux il s'esquive pour déboutonner sa chemise, l'enlever, la lancer chiffonnée à terre.

- Non !

Il me fixe surpris.

- Tu ne veux pas ?

- Si, mais pas comme ça... Je veux te déshabiller moi.

Il sourit encore, du même air vaincu qu'il eut en acceptant la dhel.

- Laisse-moi...

Son tee-shirt roule par-dessus ses épaules.

- ... te mettre...

La boucle de la ceinture résiste. Ayal tente de m'aider. Je le repousse.

- ... à nu...

La ceinture se faufile le long des passants.

- ... s'il...

Un caleçon blanc apparaît derrière les replis de la braguette.

- ... te...

Le jeans s'entrouvre comme une fleur qui éclôt.

- ... plaît.

Mes lèvres se déposent sur la verge érigée, la mordillent à travers le tissu. Bientôt mes doigts s'y joignent pour abaisser ce rempart inutile, honorer le velouté de la peau si fine, l'encercler et l'attirer contre ma langue.

- Pas si vite ! implore Ayal. Je ne suis plus habitué...

Obéissante je m'interromps. Il a le sourire navré des hommes qui se craignent mauvais amants.

 - D'accord, dis-je. Pas si vite. Et je suis encore habillée, pas vrai ?


L'homme de la yourte 11Ayal se saisit aussitôt de l'invitation.

Ronronnante contre son torse, arrimée à ses épaules, j'imbrique chaque parcelle de mon épiderme au changeant paysage de sa peau, épouse ses courbes de mes creux, ses creux de mes courbes.

Plein serti au délié, osmose parfaite.

Ses paumes incrédules dessinent mes seins, soulignent ma taille, creusent mon échine en une interminable caresse.

- Tu as un corps de jeune fille ! s'émerveille-t-il.

Lui a un corps d'homme aux cuisses solides, au buste carré, au ventre un peu lourd.

Un corps d'homme qui a vécu, connu bien des lits et des passions.

Un corps si puissant que sa tendresse n'en paraît que plus suave, ses doigts plus patients.


J'effleure la toison moutonnant de sa poitrine à son nombril, l'embrasse à en perdre le souffle. Le désir me porte, et si loin que bientôt je le mords, le pince, le griffe.

Ayal s'en étonne.

Ayal se dérobe.

Ayal dit que je suis un animal, un fauve qui réclame sa pitanceMe dévorant soudain la bouche il devient tigre, me crucifie de tout son poids, me croque l'oreille, me tord les tétons, m'étrangle.

Je gémis qu'il me fait mal, d'un mal que je chérirai un autre soir. Pas celui-ci, pas entre nous.

Il acquiesce. Ses mains redevenues légères me cueillent sur le matelas, me retiennent lorsqu'en arrière il bascule. Amazone en déroute je le chevauche, chancelle et me courbe jusqu'à son sourire.

C'est maintenant.

- Condom ?

- Of course.

Je sors un préservatif de mon sac, en déchire l'enveloppe.

- Cela fait si longtemps que...

- Tu n'en as pas utilisé. Je me doute.

- En effet. Ma femme...

Mon index appliqué sur ses lèvres fait barrage aux mots. Cette nuit est la nôtre, une bulle d'irréalité arrachée au quotidien, toute brillante sur le noir.

Personne ne doit y pénétrer.

Demain viendra toujours assez tôt.


Les couvertures rabattues sur nos têtes forment un nid douillet.

Lovés dans son giron, Ayal et moi en petites cuillères. Membres reposant selon le même angle, articulations pliées au même degré, nos deux corps s'allient à la perfection.

Nous ne bougeons pas. Interdit. Déplacés lors de notre étreinte, les matelas s'affaisseraient alors sur le plancher.

L'oreiller trop dur et trop épais me scie les vertèbres. La couverture rêche me gratte le nez. Mes genoux dépassent des draps. Les pieds d'Ayal aussi, sans doute.

Le contraste entre l'air ambiant, frais, et la chaleur de mon amant me fait frissonner.

L'un de nous pourrait utiliser le lit de Nicolas, il est vide. Il n'en a pas été question.


L'homme de la yourte 12Partager le sommeil, c'est prolonger l'amour. Je détesterais avoir à me relever, me rhabiller, me séparer d'Ayal et regagner ma chambre.

Je pense d'ailleurs que demain, après son départ, Bertille et moi demanderons à prendre cette yourte.

Ainsi fuirons-nous la chambre-caveau.

Ainsi me recoucherai-je dans ce lit et humerai-je ces draps imbibés de notre plaisir. 

Ayal s'en va demain et je suis triste.

- Tu dors ? interroge-t-il.

- Pas encore.

- Je voulais te demander... Euh... Tu, hum, m'accompagnerais au parc de Terelj ?

Entre mes côtes mon coeur s'autorise un petit bond.

Je dis oui.

Encore une fois.

 

La suite ici.

 

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier : essai de Stieg Dagerman, d'abord paru en 1952 dans un journal suédois.

 

Toutes les photos sont de Jan Saudek.

Par Chut ! - Publié dans : Eux - Communauté : les blogs persos
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