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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mardi 6 mars 2 06 /03 /Mars 11:44

Le début là.

 

 

L'etranger et la poussiere 4En effet je revins. Davantage dépeignée si possible. Plus transpirante pour sûr. Le soleil de midi semblait bien décidé à écraser toute forme de vie ayant le front de le narguer.

L’inconnu avait changé de place. À présent, il était assis sur les marches du dive shop, un gros chien étendu contre ses mollets. Il avait toujours son air tranquille de propriétaire ou d’homme difficilement troublé.


À nouveau il détailla mes jambes. Effrontément, voudrais-je écrire, mais aucune impudeur dans son regard. De l’envie, oui, un désir patient et concentré qui allumait ses iris.

En retour le désir me prit. Aux cuisses, au bassin, à la poitrine, à la gorge. Si fort que j’en eus presque le souffle coupé. Que je dus m’appuyer contre le mur pour ne pas chanceler. Que mes mots cherchèrent ma voix pour balbutier "yes" alors que l’étranger me demandait :

- Have you found it ? (L'avez-vous trouvé ?)

J'acquiesçai. Il arbora le sourire satisfait de ceux qui ne pouvaient s'être trompés. 

 

Il m’invita à prendre place à ses côtés. J’acceptai en sachant déjà où je voulais aller.

Dans un lit. Chez lui ou chez moi, peu importe, mais dans un lit. Pour un débridé, déchaîné, délicieux corps à corps. Vite et un peu, beaucoup, comme ça. Une heure pour n’être que chair, chatte, seins, langue. Pour m’agripper à sa peau, tendre la mienne, arquer fesses, dos, nuque et jouir.

À en faire trembler les murs. À en perdre la raison.

Femme, objet, sujet. Une fois encore ne pas réfréner mes pulsions. Renoncer à les discipliner afin de les faire marcher droit, militaires, sur le chemin de ce qui est jugé acceptable. Laisser jaillir ce qui, au fond, me renverse. L'animal sauvage, exigeant, bruissant de désirs et réclamant sa part de jouissance.


Si mon esprit battait la campagne, ma bouche poursuivait son fastidieux travail de conversation. En apparence toute dédiée à celle-ci en rêvant d'être mordue de baisers. L'étranger me donnait la réplique. Avec complaisance et détachement, semblant garder par devers lui une once de muette ironie.

Il n'était pas dupe. Moi non plus. Face à face et de plus en plus près, nous étions les acteurs d'un jeu social qui dicte qu'avant de s'allonger, on fait connaissance.

Comme prolongeant le fil de mes pensées, l'inconnu dit soudain :

- Je suis fatigué des discussions, toutes semblables, avec des gens qui s'en vont. Lassé d'arriver au soir avec la question, non résolue, autour de laquelle toute la journée a tourné. Un homme, une femme... Cela pourrait être si simple.

Je clignai des paupières faussement innocentes pour hasarder :

- Aurais-tu donc une question à me poser ?

- Non. Sauf si tu souhaites y apporter une réponse.

 


L'étranger et la poussiere 4bisUn étau de chaleur se referma sur mon sexe. La cloison voisine parut basculer, cabrée sous un vertige.

J'aspirai une goulée d'air moite et la rejetai, bouche molle dans un soupir vaincu.

- Alors la réponse serait oui.

Aussitôt l'étranger sauta sur ses pieds pour me tendre la main.

- Suis-moi.

 

Une chemise en travers du canapé, une tasse de café vide à côté de l'évier, une tranche de pain émiettée... Sa maison a le désordre des lieux qui n'attendent personne. 

Soulevée de terre, je l'embrasse à pleine langue. Le poids de mon corps entre ses bras noués nous entraîne dans un titubant ballet.

Ma croupe heurte le mini-bar pour s'y poser. Mollets, genoux, cuisses, je l'enserre. Affermis ma prise alors que ma chemise voltige par dessus ma tête.

Ses lèvres se ruent sur ma peau découverte. La sienne se livre à mes mains. Brutales et tendres, légères et fouailleuses, elles dessinent les arcs et vallées de son torse, ses hanches, ses fesses, leurs bosses fermes de muscles, leurs passerelles de tendons.

Ma paume se remplit de son sexe dressé, le parcourt de bas en haut, de long en large, frémissant déjà du plaisir à venir.

- Tu es salée... murmure-t-il.

Il me déguste. Me savoure. Me lèche. Se redresse avec cet air perdu, un peu flottant, que donne le désir, attrape un préservatif dans une coupelle, l'enfile et me prend, debout, offerte et accrochée à ses épaules.

Puis soudain, il s'arrête.

- Mais au fait… Comment tu t’appelles ?

Ma mine éberluée le fait éclater de rire.

Je lui dis mon nom. Reçois le sien en retour. Et à fond de train nous repartons, emmêlés, gémissants, tout à notre étreinte.

 

Plus tard je claquai la porte de la maison. Le nom de l'étranger vacilla dans la poussière avant de retomber, nu, dans les rayons d'un soleil déclinant.

Ashes to ashes, dust to dust.

Mon nom ?

Demande à la poussière*.

 

 

* Titre du roman, certainement le plus connu, de John Fante.


 

Photos : Willy Ronis, Eikoh Hosoe.
Par Chut ! - Publié dans : Eux - Communauté : les blogs persos
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