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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mercredi 7 mars 3 07 /03 /Mars 17:28

Nusa Lembongan, Indonésie, janvier 2012.

 

 

LembonganJ'eus pour cette chambre un coup de coeur. Face à l'océan et séparée de ses marées par une étroite jetée, elle n'avait pas de murs, que de larges baies vitrées s'ouvrant sur la terrasse et la plage.

Un complexe réseau de rideaux pourpres nous dérobait à la vue des passants, locaux ou touristes flânant sur le front de mer. L'ameublement en était sommaire. Une armoire, une table, un rocking-chair, un lit double aux draps rêches de lessive.

Comme à Moalboal, cette simplicité fleurant bon le repos me charma.


Par acquit de conscience, mon samouraï et moi avions toutefois remonté un bout de l'île. Inspecté d'autres chambres, des bungalows, des cottages. Des miteux et des luxueux, avec air conditionné ou ventilateur et vue sur plage, jardin ou mur de briques.

À chaque fois j'avais dit non.

Je voulais occuper cette chambre aussi transparente qu'une cage de verre, avancée sur la mer façon cabine d'un paquebot fendant les vagues.

 

Nous étions revenus.

Je n'entendis pas le propriétaire, un vieil homme rabougri aux yeux vifs, dire à mon samouraï que de chambre, nous devrions peut-être en changer. Parce que le temps virait au gris foncé. Parce que nous étions là à la mauvaise saison. Parce qu'en cas de forte pluie, l'eau s'infiltrait par les jointures des vitres, le dessous et le dessus de leurs battants pour inonder le carrelage.

L'aurais-je su que, m'en remettant à la chance, je serais certainement restée.


C'est le vent qui me tira de mon sommeil. Un vent lourd de tonnerre, zébré d'éclairs et mêlé de pluie, déchaîné, tonitruant, roulant sa hargne à furieux coups de boutoir. On aurait juré les hurlements de fantômes échappés des forges de l'enfer, un vacarme à vous retourner et les tripes et les sangs.

Pourtant mon samouraï ne bronchait pas. Il dormait paisible sur le flanc, sa beauté lisse à peine troublée d'un froncement de sourcils.

Des raclements suivis de bruits sourds m'éveillèrent tout à fait. J'allumai ma lampe de chevet, sautai du lit à demi nue, m'enfonçai jusqu'aux chevilles dans une nappe d'eau trouble.

"Et merde ! Nos affaires...", pensai-je.

J'agrippai la main abandonnée de mon samouraï. Il grogna.

- Wake up !

- Mmmh ?

- Lève-toi !

- But why ?

- Chambre... inondée... intérieur...


Lembongan 2Mes mots se bousculaient sans apparemment faire sens. À peine levée, sa tête brune de dormeur retomba sur le polochon.

Aide-moi !

J'avais prononcé le mot magique.

Mon samouraï sortit enfin des draps. Ensemble nous repêchâmes nos vêtements trempés, jetâmes pêle-mêle nos biens encore secs dans nos sacs de voyage et les hissâmes au sommet de l'armoire.

Dehors le fracas redoublait.


J'écartai prudemment les rideaux. Une scène de désolation me glaça.

Submergeant la promenade en béton, d'énormes vagues se brisaient contre la jetée. Leurs langues d'écume venaient lécher notre terrasse, emportant en se retirant les objets que nous y avions oubliés.

Livrées aux assauts du vent, des formes éparses filaient à une vitesse vertigineuse, tour à tour tourbillonnant et s'écrasant au sol.

Telle une main implorant mon secours, un sac plastique se plaqua aux carreaux avant de s'envoler, rendu à la tourmente.

Une tuile se décrocha du toit pour exploser devant moi.

Je reculai d'un bond. Me coller ainsi à la vitre était la pire des idées. Si un objet la percutait, elle éclaterait pour me taillader à vif. D'ailleurs... Cette vitre-là puis ses voisines, je les détaillai avec méfiance et interrogeai à haute voix :

- Et si le verre n'est pas assez solide ? Et si le vent le fait exploser ?

No, honey, no worries ! voulut me rassurer mon samouraï.

Je n'étais pas convaincue. D'autant moins que soudain, la lumière de la chambre s'éteignit, suivie par toutes celles de la jetée.

Panne de courant généralisée. En temps normal pas de quoi m'impressionner, habituée que je suis aux caprices de l'électricité philippine.

Mais là, c'était différent.

 

Le vent gagnait encore en intensité. Une pluie dure comme de la grêle frappait les carreaux en volées d'épingles. Envahissant la terrasse, les vagues grossissaient pour s'allonger jusqu'à notre perron.

Je me mis à penser au tsunami qui ravagea l'Asie du sud-est. À tous ces gens happés par la lame de fond. À leurs corps roulés sur les cailloux. À leurs blessures gorgées de sable qui ne cicatrisaient pas.

Debout pieds dans l'eau, tremblante au milieu de cette chambre trop exposée, je regardais la mer en ennemie. Tentais d'échafauder un plan si elle venait à y entrer. Scrutais les murs à la recherche d'un point d'ancrage.

Il n'y en avait pas. Seul le lit, peut-être, trop massif pour être emporté.

À cette minute j'aurais bien fui à l'intérieur de l'île, accrochée au bras de mon samouraï. En pleine nuit, sans nos sacs, peu m'importait. J'avais désespérément besoin de sécurité et là, l'urgence me remuait les tripes. À tort ou à raison, je me, nous, sentais en danger. Mais quitter la chambre était impossible. Un pas dehors et les bourrasques nous feraient voltiger tels des pantins.

 

Lembongan 3- J'ai peur... balbutiai-je.

- Mais de quoi ?

Ensommeillée, la voix de mon samouraï me parvenait comme au travers de couches d'ouate.

Je me retournai. Il s'était recouché bras en croix, tête enfouie sous les draps.

De quoi ? repris-je d'un ton strident.

Je lui parlai de tsunami, d'ouragan, de cyclone. Il m'écouta sans m'interrompre puis, une fois mes mots taris, se laissa retomber sur le sommier.

- Ne me dis pas que tu vas... dormir ? lançai-je d'un ton revêche.

- Ben si. Toi aussi, tu devrais.

Je ricanai.

- Peut-être que je ne me rends pas compte du danger, acquiesça-t-il. But sometimes ignorance is bliss...

Et il sombra dans ses rêves.


Je passais l'autre moitié de la nuit à écouter la tempête lentement mollir.

Aux aguets, veilleur inutile d'un sommeil que je ne partageai pas.

 

 

 

Photos : Katie West, Udo Krause, DR.

Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages - Communauté : les blogs persos
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