Dans ces bras-là...
Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.
Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire
comme jamais.
Camille
Laurens.
Décembre 2024 | ||||||||||
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J'ai onze ans et je regarde mes pieds. Leur fine largeur étirée jusqu'aux orteils bien séparés et découplés, le dernier aussi rond que le court dos d'un chat, le premier lové dans un doux ovale, le deuxième plus long, s'allongeant avec témérité au-delà de son voisin.
Mes pieds sont, de moi, la partie que je préfère.
Je me repais de leurs phalanges nettes, de la légère saillie de l'os soulignant chaque articulation, de mes ongles alignés comme des petits pois dans leur cosse.
Mon père m'a dit que j'ai le pied grec.
Grec, ça me va.
Sur le pont immaculé du bateau, mes pieds détachent leur brun doré. Leurs paumes sont plus pâles, presque rosées.
Ma peau, satin chiffonné au creux et à la pliure, tendrement plissée.
Mon grain de beauté toujours posé, à droite, entre malléole et talon.
Une vie plus tard, Ernesto le touchera d'un doigt précis et dira :
- C'est le grain de beauté du voyage.
Merveilleux. J'étais déjà enceinte de moi sans le savoir.
J'ai onze ans et je pense à un mouvement.
Sur le champ mes pieds l'accomplissent. Tendus, pliés, arqués, petits soldats zélés m'obéissant en souplesse.
Leur habileté me comble.
Leur diligence me ravit.
Je les trouve beaux. Irrésistibles même.
J'imagine un homme qui tomberait amoureux de moi pour mes pieds. Un homme pour qui la beauté d'une femme résiderait là, tout entière nichée dans cette partie du corps si méprisée.
- T'es bête comme tes pieds ! pourraient se moquer mes copines.
Je m'en ficherais car elles n'ont rien compris.
Non, mes pieds ne sont pas bêtes. Ils sont aristocratiques. Nobles, raffinés, si élégants et gracieux que les voir serait être foudroyé.
D'amour et de désir ou de désir et d'amour.
Je n'ai pas encore réfléchi au bon ordre.
Bercée par la houle dans ce port du midi, je deviens une princesse orientale. Rêve d'étoffes soyeuses s'enroulant autour de mes cuisses, mes mollets, mes chevilles pour tomber, drapées, sur mes pieds. Caressantes, précieuses, jouant à cache-cache avec ma chair brutalement révélée.
Éclair d'épiderme montrant le moins afin de mieux suggérer le tout.
Parcelle érotisée de peau et d'ongles, chute en à-pic de mon sexe à mes orteils.
Je me grise d'images et de mouvements, lentes figures de ballerine exécutées dans les airs, pointes tendues, jambes levées, fesses renversées.
Puis la danse se brise.
Je dépose mes pieds sur le pont. Les contemple à nouveau, immobiles. Me questionne sourcils froncés.
L'évidence du dernier quart d'heure ne coule soudain plus de source.
Un homme pourrait vraiment m'aimer pour mes pieds ?
Cette beauté-là est-elle essentielle pour quelqu'un ?
Je tente de me rassurer. Chacun ayant ses préférences, cela doit bien exister. Les goûts et les couleurs... On me le serine d'ailleurs à longueur de journée.
Sinon, il y aura bien une peuplade aux moeurs étranges, aux rituels exotiques. Une tribu vénérant la splendeur des pieds. De ces indigènes les miens seraient les rois. Admirés, adulés, avec tous ces hommes en extase courbés sur eux.
Alors ?
Alors je dois en avoir le coeur net.
Je demande à ma mère.
Elle éclate de rire.
Non, les pieds ne sont pas si importants. Tout à fait accessoires, même. Simple détail qui jamais n'emportera le choix d'un homme. Quant aux peuplades, elles ne peuplent que les bandes dessinées.
Si les pieds sont jolis, c'est tant mieux, bien sûr.
S'ils sont laids, bah... La beauté, celle qui compte, c'est bien autre chose. Rien à voir avec de vulgaires arpions.
Je grimace. Je suis déçue. Horriblement, comme lorsqu'un rêve s'effondre. Alors je souhaite avec ardeur, quand je serai grande, être belle. De la beauté qui importe pour foudroyer un homme.
Mes pieds, c'était du sûr. Eux ne changeront pas beaucoup. Leur physionomie est là, déjà achevée malgré mes onze ans. Là comme toujours ils seront, au bout de mes jambes, aériens et mignons.
Ah, si seulement ma mère avait su...
Photos : Horst P. Horst, Elmer Batters.
Les pieds, se sont les négligés. Peut-être parce que bien souvent, ils ne sont pas beaux. De beaux pieds? Évidemment que les hommes apprécient ça!
Grand-Langue
Oh merci, Grand Langue ! D'autant plus important que je vis essentiellemeznt pieds nus. :)
Voilà le genre de récit qui me fascine, mais dans lequel je ne me retrouve que depuis quelque temps. J'ai passé mon enfance, mon adolescence et le début de ma jeunesse avec des chaussettes, des sandales à bout fermés, et des sandalettes "méduses" à la plage. Complexée, pas vraiment sur ce point, simplement, pour moi, c'était des choses qu'on ne montrait pas. Dans le même ordre d'idée, je ne suis pas sortie de chez moi "en cheveux" avant mes seize ans. Ce qui ne m'a d'ailleurs été imposé par personne, à part moi même, mes parents n'étant pas vraiment stricts. Et puis sont venus les jeux avec Simon. Devoir se déchausser était devenu un élément du jeu-punition. Et je ne sais pas comment ça s'est goupillé dans ma tête, mais je ne cherche plus du tout à cacher mes pieds depuis ça. En bibliothèque, coincée pour la journée, j'enlève mes chaussures au moment de m'asseoir, j'oublie régulièrement qu'il faut les remettre pour aller aux toilettes. Je me suis déjà retrouvée, à quatre pattes, en train de chercher sous la table une ballerine partie trop loin parce que je joue avec en travaillant. Mais j'en connais un à qui ça plaît assez.
Je ne sais pas si mes pieds sont beaux ou pas. Simon les aime parce que ce sont les miens. Mais je pense qu'avoir de beaux pieds est un atout majeur en matière de sex appeal.
En matière de jeux sexuels aussi ! Les pieds sont souvent les grands oubliés des préliminaires. Quel dommage parce que, mine de rien, ce sont des zones terriblement érogènes. Un massage, un léchage d'orteils, de vrais bonheurs (et les oreilles, ah, je défaille) ! :)
Il semble que tes jeux avec Simon aient réinvesti des parties de ton corps jusque-là délaissés. Comme une liberté que tu te serais accordé, doublée d'une (dé)charge érotique. Aussi plaisant que bénéfique !
Moi non plus je n'arrive pas à garder mes chaussures, et les cherche souvent à quatre pattes. J'aime trop le contact du bois, de la terre, de l'herbe, du sable pour m'en priver. Même les cailloux qui pourtant attaquent la voûte plantaire ne me sont pas vraiment désagréables... Gamine, il était impossible de me faire porter des chaussons, même sur un carrelage froid.
J'ai hésité jusqu'ici, mais je mettrai quand même mon grain de sel inutile pour signaler que vous avez bien de la chance d'avoir de jolis pieds!
Car.....on peut aussi avoir honte de ses pieds, si, si! Parce qu'ils sont "égyptiens" et donc qu'ils ne se laissent pas apprivoiser aussi bien que les vôtres dans des chaussures.
Sans parler des pieds qui se déforment, ont des "hallus valgus" et on comprend tardivement qu'on ne peut rien y faire car mère et grand-mère en souffrent aussi et l'ont caché. Cette génératon là savait bien camoufler!
Bref, une opération, puis deux, mais si c'est efficace pour un pied, ça ne l'est pas forcément pour l'autre qui continue à se déformer et à être douloureux quand le temps change. Et pour finir on en a marre de passer sur le billard pour un résultat non garanti.
Alors, puisque vous avez de jolis pieds.....eh bien profitez-en, mes belles!
Mais non Ordaie, ton commentaire n'est pas inutile du tout ! Désolée surtout de ne le publier qu'avec retard. La dernière combinaison yoga/cheval m'a moyennement réussi : après avoir marché comme Averell Dalton, me voilà avec un torticolis d'enfer !
Tu as raison pour la déformation : moi qui pensais garder mes pieds en l'état, ils n'échapperont sûrement pas à l'arthrose déformante qui a abimé les pieds et les mains de ma grand-mère. Ma mère aussi commençait à sérieusement en souffrir...
Vite, ma plus jolie paire de tongs ! :)
Oui, en fait, avant Simon, c'était un peu comme si mon corps ne comptait pas. Pour moi, il était de toute façon gros, difforme et repoussant, et personne ne s'y intéresserait. Par conséquent, ça ne valait pas la peine de m'y intéresser, moi aussi.
Même au début de notre relation, dans ma tête, Simon m'aimait pour ce que j'étais à l'intérieur, et c'était ça qui lui faisait supporter mon extérieur déplorable. La première fois qu'il m'a dit que pour lui, j'étais belle, j'ai fondu en larmes. Cela me paraissait tellement improbable, tellement impossible...
Et pourtant, quand il ne s'agit pas de mon corps, j'excelle en massages, sous toutes leurs formes, y compris les massages de pied. (Je n'ai pas réussi à garder ça secret. Non seulement j'ai converti Simon aux papouilles, mais ma maman, son frère, et bon nombre de nos relations m'en réclament à la moindre occasion).
Et c'est vrai qu'on oublie souvent certaines zones, dans les préliminaires. Je ne pensais pas que je me mettrais à ronronner rien que parce qu'on fait mumuse avec mes oreilles, par exemple.
"c'était ça qui lui faisait supporter mon extérieur déplorable"
mais chère Constance, c'est là ton propre jugement et non celui de Simon - et à n'en pas douter celui d'autres hommes ! La preuve, puisqu'il te trouve belle...
C'est fou comme la perception de notre apparence peut avoir été altérée, et bien souvent dès l'enfance. Très compliqué de parvenir ensuite à une image plus juste que soi, tellement on a fait sien un regard déformé et déformant, qui ne laisse guère de place à l'acceptation. Et je ne parle même pas de tendresse ou d'appréciation (les étapes suivantes).
Ah, les massages, j'adore ! Mais les gens qui savent vraiment bien masser sont hélas trop rares. En couple, cela ouvre à un bel échange sensuel, qu'il y ait ou non sexe ensuite. Les peaux aussi se parlent. D'ailleurs, certaines s'accordent parfaitement, d'autres pas du tout. Le pb étant que lorsque la peau de l'autre n'est pas à notre goût (texture, contact, odeur...), c'est euh... sans issue ?
J'adhère totalement ! Heureux ceux et celles qui dans leurs jeux savent aussi prendre leurs pieds.
Oui ! Et vive ton pluriel, toujours mieux que le singulier ! Pourquoi se priver lorsqu'on peut avoir davantage, et ce pour le plus grand plaisir des deux parties ?
de jolis pieds sont une invitation de plus à parcourir et à aimer les corps.
Oui, on suit juste l'ordre en vigueur consistant à partir du haut (visage) pour se diriger vers le bas. Commencer par là où d'autres finissent, joli programme !
moi je n'ai pas d'ordre établi. je vais et je viens. et j'aime tout caresser et embrasser. c'est tellement divin.
Argh, et vous dites ça à une femme seule chez elle ! J'avoue que j'aurai bien passé différemment cette 2e partie de soirée. :)
Et forcément, vore commentaire m'évoque la sensualité torride de Gainsbourg et Birkin : je vais, je vais et je viens...