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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Mercredi 2 novembre 3 02 /11 /Nov 16:27

 

Juste avant, il y avait ça...

 

 

 

Bondage UW 4C'est une journée magnifique. Une de bleu philippin intense, à peine rafraîchie d'un souffle de vent. Mingus et moi apportons le matériel de plongée au bord de la piscine. Trois clients de l'hôtel s'y baignent. Ils nous regardent nous préparer. Distraitement, mais avec davantage d'attention lorsque Mingus entoure mon cou d'une corde prénouée.

Combinaison contre maillot, nos tenues éveillent peut-être aussi leur curiosité.

Nous nous mettons à l'eau.

Absorbés par le bleu, nous ne verrons bientôt plus les clients, ni ne saurons s'ils restent à nous guetter.


Je descends dans la zone la plus profonde de la piscine. Le tuyau de l'octopus, quoique plus long que celui du détendeur, ne me permet pas d'atteindre le fond. Batailler contre l'embout qui se tord entre mes lèvres, nager chargée de plusieurs kilos est épuisant.

J'indique à Mingus la partie où j'aurai pied. Il me suit.


Pesant sur mes mollets, une ceinture garnie de plombs. Elle me retient agenouillée sur le carrelage de la piscine. Face à moi, les iris de Mingus pâlis de plaisir, assombris de concentration. Autour de ma poitrine, sur mes côtes, entre mes jambes, dans mon dos, la corde passe et repasse entre les noeuds. Serpents paresseux gorgés d'eau, ses deux bouts libres ondulent à nos côtés.

D'une pression, les paumes de Mingus me tournent et retournent. Il travaille vite, à gestes précis.

Pendant ce temps, je suis le trajet de nos bulles jusqu'à la surface. A la fois absente et lointaine. Ici, dans cette eau tiède et là-bas, sous la voûte du ciel. Dans mon corps et en dehors, flottant comme ces particules en suspension qui, lentement, s'en vont rejoindre le fond. 

Mingus me lie les mains. Ma respiration ne change pas. Toujours calme et profonde tandis que la corde enserre mes chevilles, puis que sa tension m'arque en demi-cercle.

Privée de mouvements, je souris. Me voilà enfermée dans un harnais dont la symétrie souligne mes courbes et déliés, me faisant paraître, comme je le découvrirai par la suite, aussi menue que vulnérable.


Mingus me désigne son octopus. J'acquiesce. D'accord pour partager la même bouteille. Maintenant.

Ôter le détendeur, le remettre, le purger afin de ne pas avaler d'eau... Geste routinier en plongée. Mais cette fois, ce n'est pas moi qui le maîtrise, et cette absence même de contrôle me le rend moins familier, presque étrange.

Mingus enlève doucement l'embout de mes lèvres pour y placer aussitôt le sien. Mon équipement rendu à sa liberté part à la dérive. Par précaution, nous le prendrons avec nous : vu sa carrure, Mingus consomme beaucoup plus d'air que moi, et il n'est pas question de nous retrouver en panne sèche.

Direction la zone profonde. Immobilisée par ma gangue de cordes, je ne peux pas nager. C'est donc Mingus qui m'emmène, me tractant à vigoureux coups de palmes sur toute la longueur de la piscine. Je me fais l'effet d'un poids mort ayant gagné un tour de manège.

Il s'arrête au bord de la haute marche séparant le petit bassin du grand. Encore quelques centimètres, un saut, et la ceinture enroulée autour de mes jambes me fera couler à pic.

Je suis prête.


Bondage UW 6La ceinture a quitté mes jambes pour reposer sur les carreaux bleus. Reliée à elle par une longue corde prise dans mon harnais, je peine à trouver un quelconque équilibre.

Chaque inspiration me projette vers la surface, chaque expiration vers le fond. Même en l'absence de courant ou de vaguelettes, mon corps ballotte de droite et de gauche, tantôt croupe, tantôt épaules en haut.

Impossible, évidemment, d'utiliser mes bras pour me stabiliser.

Concentration. Recherche de mon centre de gravité, les paupières closes pour retrouver la sensation unique de l'eau, l'abandon sans poids ni efforts.


Mingus m'aide en réajustant la corde de suspension. Plus courte, elle restreint d'autant ma liberté, mais me garantit moins de turbulences.

Enfin. Pour quelques secondes ou minutes, j'atteins le point d'équilibre parfait. Celui où toutes les forces et tensions s'annulent. Celui où, bien que captive, je me sens entièrement libre.

Une lueur traverse les yeux de Mingus.

Que lit-il dans les miens ? Sûrement le même éclat, la même satisfaction d'une petite victoire.

Complicité, partage, et une pause pour savourer l'instant.


Le repos ne dure pas, car je sais ce qui va suivre. D'un geste, Mingus me demande la permission de me priver d'air. J'accepte. L'octopus sort de ma bouche pour flotter à mes côtés, si proche et en même temps inaccessible.

Je sais que Mingus me le rendra dès que j'en aurai besoin. Dès que, gauche, droite, ma tête aura exécuté ce bref mouvement qui est notre signal. Ma raison ne connaît pas l'ombre d'un doute. Mais une part enfouie, l'instinct de survie peut-être, résiste encore.

D'ailleurs, peut-être les amateurs de baptême en parachute éprouvent-ils aussi cette forme d'angoisse, cette boule en expansion au creux de l'estomac. Se jeter dans le vide est contre nature. Se couper d'air dans l'eau également. Même assuré des meilleurs garanties, notre esprit ne se laisse ni si facilement convaincre, ni si aisément apaiser.


Voici venu le tour du masque. Bientôt le monde bleu piscine va disparaître. Je risque de perdre mes lentilles de contact. Ce qui signifierait, effarante myopie oblige, qu'avec ou sans masque, il n'y aura de toute façon aucune différence.

La bride se détache de mes cheveux. Dernier regard à Mingus avant que l'eau ne se rue sur mes yeux. Sensation désagréable d'un barrage qui se rompt en pleine face. J'ouvre les paupières. Ne vois rien, hormis une vague forme s'agitant sous mon nez. Le chlore me brûle. Je voudrais me frotter le visage mais mes mains sont attachées. Je voudrais remonter mais suis prisonnière.

Toutes les alarmes de danger cornent à mes oreilles. Une peur animale éclate dans mes tripes, au-delà de la logique et des mots. Terreur primitive déjà éprouvée à Sipadan*, lorsqu'à force de lutter contre le courant, je me suis essoufflée. Suffocation à vingt mètres, avec l'impression - non, la certitude -, que le tuyau de mon détendeur était trop étroit pour me fournir assez d'air. Geste instinctif de vouloir l'arracher pour enfin respirer à pleines goulées. Intense bataille pour forcer ma raison à reprendre le dessus.


Bondage UW 7Si mon corps exigeait de l'air, là, sur le champ, mon cerveau savait qu'en rejetant mon embout, je me noierais. Alors, aggripée à un rocher, j'ai attendu que mon coeur et ma respiration se calment, que mon esprit lentement dissolve le bloc de panique qui m'écrasait.

La lutte encore, juste après. Contre la trouille mal dissipée qui brouillait mes gestes. Contre les tremblements qui m'agitaient jusqu'aux palmes. Contre l'envie de terminer immédiatement cette épreuve. Y succomber, c'était risquer de laisser la peur gâcher ma passion. De ne plus replonger sans craintes, voire de ne plus replonger du tout.

Mon adolescence de cavalière m'insuffla la force de continuer. Sitôt tombée de cheval, sitôt remontée. Mais jamais, je crois, je n'ai été si heureuse de revenir sur le bateau. Comme jamais, pour sûr, je ne fus aussi soulagée de sentir un détendeur entre mes dents.

S'apercevant de ma confusion, Mingus me l'avait aussitôt replacé. 

 

J'étais mécontente de moi, agacée de m'être abandonnée à une panique sans objet, déçue d'avoir perdu mon sens de l'eau, la complicité qui d'habitude m'arrime à elle.

Pourtant, lors de cette session, j'ai beaucoup appris. Sur une réaction inattendue en dépit de ma confiance. Sur ma capacité à malgré tout me dominer. Sur l'importance de ce que, poussés par un excès d'optimisme, Mingus et moi avions négligé : davantage procéder par petites étapes. Être privée de mouvements, d'air et de vue dès la première fois était en effet trop ambitieux.

De fait, les séances suivantes furent plus progressives. J’y gardai par exemple les mains libres. Ma source d’air ne venait pas de Mingus mais de mon propre équipement, ce qui la rendait toujours accessible.

Une part importante de notre travail consista à résoudre mon problème de stabilité sous-marine : tâtonnements avec plusieurs ceintures, différentes répartitions de poids, réglages des longueurs de cordes. Loin de gâcher notre plaisir, ces aspects concrets nous semblèrent autant de casse-têtes ludiques.

 

Avec l’arrivée de la haute saison, la piscine sera bondée. Sans doute devrons-nous interrompre nos séances de bondage. Les clients de l’hôtel pourraient s’offusquer d’un jeu qui limite leur espace de baignade. Un jeu que de plus ils ne comprennent pas, mais dont nous avons heureusement gommé la dimension sexuelle.

- Si quelqu’un s’étonne de notre activité, prétendons un entraînement pour une évacuation par hélicoptère, a suggéré Mingus.

J’ai souri. Le jardinier qui ratissait les feuilles à côté du bassin aussi.

 


* Sipadan ou "the untouched piece of art" du commandant Cousteau : île entourée de superbes sites de plongée, située en Malaisie, côté Bornéo. L'accès y étant limité, il faut au préalable obtenir un permis. 

 

 

Dernière photo : Amano.

Par Chut ! - Publié dans : En profondeur... passion plongée
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