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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Lundi 26 septembre 1 26 /09 /Sep 16:51

Projet bondage UWLa piscine de l'hôtel est déserte. Tant mieux. Mingus et moi ne souhaitons pas de spectateurs. Notre session d'aujourd'hui risquerait fort de les dérouter, voire de les déranger. Ou de leur donner une fausse idée de la plongée, ce qui n'est pas le but.

Le nôtre est purement ludique, esthétique, expérimental. Égoïste aussi, car il ne vise aucun public.

Un jour, peut-être proposerons-nous une formation, un atelier découverte. Mais ce jour semble si lointain qu'il se perd dans la brume.


Voilà quelque temps que l'idée a surgi. Qu'elle a refait surface au gré de nos échanges. D'abord comme une plaisanterie, un défi de coin de table. Ensuite comme une piste à creuser. Puis, cette semaine, la décision : trêve de discussions, place à l'action.

En l'occurrence, à la séance test de bondage sous-marin.

Depuis notre premier essai en Thaïlande, à sec dans un bungalow de Koh Tao, Mingus s'est découvert la passion du shibari. A lié un mois durant toutes sortes de corps féminins. Les gracieux aux formes esquissées d'adolescente, les plantureux de l'âge plus mûr. 

Moi qui tourne autour des jeux de cordes depuis quelques années, je brûle de découvrir sous ses doigts la sensation de ne rien peser. D'évoluer, libre et entravée, en apesanteur.

À notre connaissance, personne n'a encore jamais vraiment croisé le bondage et la plongée, ni établi de passerelle de l'un à l'autre. Sûrement parce que les adeptes de ces deux disciplines se comptant en petit nombre, leur intersection n'en est que plus limitée.

Peut-être pour des raisons de sécurité, quoique celles-ci ne soient pas si difficiles à résoudre. Chaque jour, d'ailleurs, une foule de gens tentent sans filet des expériences plus périlleuses.

Pour nous, le filet n'est pas en option, mais tant que possible solidement tressé.


Avant de nous lancer, brève recherche Internet. Tout conseil, exemple, astuce est bon à prendre. Sans surprise, les sites pornographiques tiennent le haut du pavé. La plongée s'y limite à une courte immersion, le shibari à un vague ligotage.

Ni art ni recherche, juste du cul à consommer.

Sur un site, une photo attire mon regard. Une femme blanche et nue, potelée, mains encordées dans le dos, allongée sur le ventre dans une baignoire remplie. Coupant ses cheveux, la lanière d'un masque. Entre ses lèvres invisibles, un tuba.

Vision incongrue de deux mondes qui se superposent.

Le cliché me rebute. Il m'évoque le supplice du seau, au cours duquel les bourreaux plongent le tête de leur victime dans un baquet, jusqu'à l'étouffement, la presque noyade. La photo semble d'ailleurs sorti d'un lieu du crime ou d'un rapport de police estampillé "décès loufoques". Echouée face contre la faïence, cette femme figée paraît morte. Je me demande combien de temps, prisonnière, elle est restée là, abandonnée au bon vouloir de son Maître.

Puis, comme souvent, des questions sans importance prennent le relais :

"Fut-elle directement attachée dans la baignoire ?"

"L'eau était-elle tiède ou froide ?"


 

Bondage UW 3Dans notre version achevée, les jeux de liens se dérouleront à moyenne profondeur, en pleine mer.

Mingus m'attachera d'abord le corps. Entrelacs de cordes passant et repassant entre mes seins, sur mon ventre, mes cuisses, ma colonne vertébrale, mes épaules.

Ensuite viendront les poignets et les chevilles, ensemble, dans le dos.

Pour moi, pas de combinaison de plongée mais un simple maillot de bain, sans masque ni détendeur en bouche.

Pour Mingus, un équipement complet. Avec la certitude qu'il me fournira de l'air selon mes besoins. Plus encore que les fils tressés, c'est son octopus* qui, en signe du lien, formera notre alliance.

Pour lui, un travail sur la précision, l'adresse, la rapidité.

Pour moi, sur la confiance, le souffle et l'abandon.

 

Côté poids, nous ne savons pas encore. J'en ai besoin pour me maintenir au fond, mais une ceinture de plomb est inesthétique. Il est par ailleurs exclu que les cordes la chevauchent : en cas de problème, l'un de nous doit être capable de l'ouvrir d'un geste pour me laisser remonter.

Notre préférence ira certainement à des poids fixés à mes chevilles par une boucle. Ou à une corde arrimée à un rocher.

Régler cette question n'est toutefois pas une priorité. Nous voulons d'abord nous entraîner, vérifier le comportement des cordes mouillées et explorer les sensations d'une expérience qui a tout l'air d'un défi.

Qu'est-ce que ça fait d'attacher un corps privé de poids ? De le faire tourbillonner entre ses paumes, d'une simple pression ?

Qu'est-ce que ça fait d'être attachée sous l'eau ? Et sans masque ? Puis sans air ?

 

Voilà les questions que je me pose.

Aujourd'hui elles trouveront autant de réponses.

 

 

* Octopus : source d'air dite "alternative" (ou de secours) reliée, comme le détendeur principal, à la bouteille. Le tuyau de l'octopus et l'embout lui-même sont d'une couleur différente que le détendeur - en général jaune vif - pour être identifié facilement.

 

 

Photo de bondage : Nabuyoshi Araki.

Par Chut ! - Publié dans : En profondeur... passion plongée
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