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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • 02/03/1903
  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Dimanche 15 août 7 15 /08 /Août 16:46

 

Apres la pluie 5Une table, quelques chaises serties entre des portes rouges… La cour séparant les salons ressemblait à un décor de théâtre. J’y passais le plus clair de la soirée, ne rentrant que par occasion dans la pièce que nous avions louée.

Stefan me rejoignit dehors.

L’heure se faisait tardive, nous flottions dans le bien-être de l’alcool. C’était l’heure des confidences.

Il aimait voyager, était entre deux boulots, sans problèmes d’argent. Aussi lui demandai-je :

- Puisque tu es libre de tes mouvements, pourquoi ne pas partir ?


Son visage eut une légère crispation. Libre, il ne l’était pas tant que ça. Sa petite amie l’attendait en France. Ils s’étaient séparés, rabibochés et s’installaient ensemble à la rentrée. Alors qu’il me parlait de ce projet, je ne décelais aucun élan, aucun enthousiasme particulier. Plutôt l’impression d’une mise en pratique des paroles de la chanson d’Higelin :

« Ce qui est dit doit être fait,

Ce qui est fait était écrit,

C’est comme ça, c’est la vie… »

 

Avec ma manie des questions qui fâchent, je lançai étourdiment :

- Mais tu es amoureux ?

Le silence qui précède la réponse à cette question n’est jamais de bon augure. Le sien dura deux secondes. Deux secondes en forme d’aveu qui, au fond, ne me regardait pas.

Il finit par dire « oui, bien sûr. » Et ce « bien sûr »-là sonnait comme une fausse certitude, de celles qu’on affirme pour se convaincre soi-même, d’autant plus haut et fort qu’on n’est pas convaincu.

Plus tard, il expliqua :

- Ma copine n’aime pas le sexe. Enfin… Elle n’en a pas besoin. Moi, si. Alors je m’occupe d’elle et ensuite, je m’endors.

Je hochai la tête pour signifier que je comprenais. En vérité, je comprenais de moins en moins.

Au cours de ces dernières années, j’ai croisé plusieurs hommes englués en couple avec des femmes n’ayant pas les mêmes besoins. Ne les désirant pas, ou plus. S’acquittant du devoir conjugal seulement quand il s’avérait nécessaire. Sans plaisir, sans joie, dans le noir, à la va-vite.

« Prends ça et fiche-moi la paix jusqu’au mois prochain. »

Dorian et Andrea en faisaient partie. Feu mon amour aussi, sauf que lui était célibataire. Et je savais, pour les avoir vues chez ces hommes aimés, les lézardes à l’estime de soi que trace le manque d’envie de l’autre. Les entailles que creuse son manque d’attention. Les blessures lorsqu’il ne vous regarde plus, ou plus vraiment. La cuisante brûlure d’être ravalé au rang de meuble, d’objet du quotidien dont on use avant de le remiser au placard.

Quand le mal au sexe devient mal à l’âme, les lignes de faille sont difficiles à combler. Impossibles, même, par une fille rencontrée en terre étrangère, dans un décor de comédie entre des salons de karaoké. Une fille qui, ravalant sa langue, se contentait d’approuver.

 

Plus tard encore la discussion dériva sur mes placards parisiens. Sur ce que j’y avais prélevé pour ma nouvelle vie et surtout laissé. Trop frileuse pour passer les douanes avec un sac bourré de joujoux aux formes étranges. Trop soucieuse de me fondre dans la masse des aéroports sans biper sous tous les portiques.

La seule fois où l’on m’arrêta fut à Manille. Je transportais un long couteau de plongée dont la lame fit sursauter le préposé aux rayons X.

- Are you planning to kill somebody ? m’interrogea-t-il, soupçonneux.

Je rétorquai avec mon plus beau sourire:

- Oh, no, sir… I’m planning to dive.

Signe de la main en laisser passer pour l’autre côté.

Je franchis l’obstacle en pouffant. Si vraiment j’avais prévu de tuer quelqu’un, croyait-il que je le lui avouerais comme ça, juste parce qu’il me posait la question ?

 

Lorsque je me penchai pour reprendre mon sac, il s’ornait d’un téléphone.

- Le mien, me dit Stefan. Je voudrais que tu me laisses ton numéro.

Ce que je fis, pensant peut-être n’avoir aucune nouvelle de lui.

Je me trompais.

Coincée avec Bertille sous la pluie, j’entendis mon portable sonner. Un message de lui.

Il se disait prêt à me rejoindre chez moi. Sauf que je n’y étais pas. Qu’il était abominablement tard. Que je n’avais cette soir-là aucun goût pour une étreinte vite conclue.

« Savourer… pensai-je. Voyons si ce désir dure jusqu’à demain. »

Je tapotai en retour :

« Une autre fois. Passe une bonne nuit. »

Me calant sur le siège du camion, je me retournai vers la route. Elle avait déjà disparu dans la buée.


 

(A suivre)

Tableau d'Edward Hopper.

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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