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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Samedi 22 novembre 6 22 /11 /Nov 03:27

Lundi soir, je suis devenue une Cendrillon sans robe de bal.

Point de volants ni de fanfreluches sur ma jupe droite, point de dentelles sur mon chemisier. Mes seules fantaisies sont deux cadeaux de femmes que j'aime : Ether pour les boucles d'oreille en forme de cadenas, ma mère pour les liens tressés de perles ceignant ma taille.


Partout où je vais, j'emporte avec moi, sur moi, des traces de mes proches. Et plus je pars loin, plus j'en ai besoin. Peut-être pour leur rendre hommage ou pour garder une marque palpable, rassurante, de leur amour.

Peut-être, aussi, parce qu'aucun d'eux n'irait où je vais.

Ce soir-là, c'est une certitude : je serai seule à me rendre chambre 12.

 

Arrêt devant la glace du couloir.

Je m'y vois en pied, Cendrillon noire, toute noire à l'exception de mes bras gris et de mes escarpins prune.

Achetées sur un coup de folie, ces chaussures ont en elles-mêmes un sens : celui de la féminité absolue. Chic comme leurs paillettes discrètes, brillante comme les strasses de leur bride, vertigineuse comme leurs talons aiguille de dix centimètres.


Ces escarpins sont sans conteste superbes. Et lorsque je les enfile, je me sens femme. Femme malgré ce ventre qui déconne, ces ongles longtemps cassés par l'anesthésie et ces cheveux jadis ternes que j'ai failli couper à ras.

C'était un jour de désespoir, à mi-chemin entre l'entrée en clinique et un mail de Feu mon amour. Il m'y écrivait que dans sa vie, je n'étais "qu'un problème de plus à gérer".

"Un de plus" revient forcément à "un de trop".

De fait, face à la glace du couloir, je détaillais ma gueule de problème. Moche et gonflée de chagrin, mais là n'était pas le problème, puisque le problème, c'était moi.

J'ai soudain songé à ces femmes indiennes qui se rasent la tête en signe de deuil.

J'ai pensé qu'en les imitant, je ferais place nette. Ce qui repousserait sur mon crâne serait à l'image de ma nouvelle vie. Sans lui. Timide. Tâtonnante. Cafouilleuse.

J'ai aussi pensé que n'étant plus une femme, je n'avais qu'à ressembler à un garçon.

La tonsure ne m'irait pas, je le savais et m'en réjouissais. Puisque j'étais si repoussante, je n'avais qu'à m'enlaidir encore, ne serait-ce que pour lui donner raison.

 

Chambre 12 2bisMe détachant de mon reflet pour mieux y revenir, j'ai attrapé une paire de ciseaux et ma chevelure.

Au dernier moment, j'ai tremblé. Pour ne finalement couper que la hauteur des talons de mes escarpins.

Mais avec eux aux pieds, devant cette même glace, je n'étais plus la vilaine sorcière des contes. J'étais Cendrillon souriant à son reflet, se dressant toute droite pour mieux virevolter.

Lorsque la porte claqua derrière moi, l'homme de la chambre 12 finissait son repas.

 

Je sortis du métro en claudiquant. Fichus escaliers trop raides pour mes mollets trop cambrés, fichus grilles et pavés trop espacés et si traîtres pour mes talons si fins.

Trop de "trop", trop de "si"... Le trajet conduisant à la chambre 12 était semé d'embûches.

Dégainant mon portable, je soufflai néanmoins à son occupant :

- Je suis là. Dans cinq minutes. 

Les cinq minutes devinrent dix, puis vingt à mesure de trottoir déroulé.

Quand je franchis le seuil de l'hôtel, j'avais une bonne demi-heure de retard.

 

J'étais exténuée et le concierge au téléphone. Il ne me fit pas signe de patienter mais je piétinai derrière le comptoir, hésitante. Devais-je annoncer mon arrivée ? Me faufiler jusqu'à l'ascenseur sans un mot ?

Il raccrocha enfin.

- Madame ?

- Je vais chambre 12.

- Chambre 12 ? Parfait.

Il se détourna pour fouiller dans un casier. Me tendis une clef que je me sentis obligée de prendre. Desserrant les doigts, je la fis rouler au creux de ma paume pour en vérifier le numéro.

11.

Ce n'était pas la bonne chambre.

- Il y a erreur, rectifiai-je en lui rendant la clef. Je suis attendue chambre 12.

- Ah... Chambre 12... Pardonnez-moi.

 

Chambre 12 3À cet instant précis, je m'inclinai vers lui et ses yeux traversés d'une lueur vite éteinte.

Qu'une femme pomponnée, en tailleur et escarpins, entre dans un hôtel en pleine nuit en affirmant être attendue laisse peu de place à l'interprétation.

Je souris, car j'aimais l'idée qu'il me prenne pour une putain.

L'homme de la chambre 12 attend sa catin, sa fille de joie, sa cocotte, sa grisette, son hétaïre... Voilà qui faisait bien du monde résumé en ma personne.

- Au premier, au fond à droite, précisa-t-il. Bonne soirée, Madame.

Je faillis m'étrangler de rire en appelant l'ascenseur.

 

Premier étage. Couloir ocre et champêtre rehaussé de peintures naïves. Chambres 9, 10, 11.

Au fond à droite, comme promis, la 12.

Deux coups légers à la porte et l'homme vint m'ouvrir. Il est encore en smoking, mais sans cravate ni chaussures. J'avais sur lui l'avantage de mes escarpins tandis qu'il m'étreignait comme une femme longtemps perdue de vue.

- Le jacuzzi est prêt.

Je hochai la tête, déboutonnai mon chemisier, dézippai ma jupe debout face à la glace. La même que celle de mon couloir, le fer forgé en moins.

Dépouillée de mon superflu, je n'étais plus noire, toute noire, mais grise et prune, presque nue.

 

- Viens.

L'homme me tendit la main. J'y posai ma paume confiante.

Des mois auparavant, cheveux coupés, j'avais pourtant refusé cette main tendue. Et à cet homme dit "non, plus tard".

Parce qu'il aurait voulu me rendre visite à la clinique et c'était hors de question. Non, il ne verrait pas la femme coupée, cropetonnée au fond du lit avec une perfusion dans la veine.

Parce qu'il aurait voulu m'apporter des chocolats et que j'avais rétorqué :

- On ne fête pas un désastre.

Il n'avait pas insisté, juste gardé les chocolats pour cette nuit-là, emballés dans leur jolie boîte.

J'en ai croqué un en jubilant comme une enfant.

- Merci.

- Merci à toi... d'être venue.


Dans la salle de bains j'ai ôté mes bas et mes chaussures. Suis entrée dans l'eau clapotante en m'appuyant sur son bras.

Adossés nus, face à face dans la baignoire, massés par des geysers à haute température, nous avons siroté un bon vin. Nous sommes lovés ensuite dans les couvertures pour garder la chaleur du jacuzzi. Puis serrés l'un contre l'autre pour garder la chaleur des couvertures.


Je quittai l'hôtel au milieu de la nuit en saluant le concierge.

Le lendemain, il dira que les locataires de la chambre 21, à l'aplomb de la 12, ont été dérangés dans leur sommeil par des hurlements de plaisir.

Il dira aussi avoir vu s'éclipser au petit matin une femme aussi superbe que ses escarpins.

Il ne dira pas que c'était une putain, mais ses yeux jaloux le diront à la place de ses lèvres.

 

Et moi, regardant mes cheveux pousser dans la glace de mon couloir, mes chaussures remisées dans la penderie, je croquerai des chocolats en riant de cette méprise : cette femme-là, ce n'était pas moi.

 

 

Merci à l'occupant de la chambre 12 de ce soir-là. Et merci pour le chocolat tout chabrolien.

"D'estrade en estrade, j'ai fait danser tant de malentendus,

Des kilomètres de vie en rose..."

You cut your hair...

Par Chut ! - Publié dans : Eux - Communauté : xFantasmesx
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