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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Vendredi 21 novembre 5 21 /11 /Nov 00:52

Lorsque je verrai Azrel, il sera debout alors que je le voudrais assis seul, à la terrasse d'un bar, jambes croisées, un journal déplié devant lui, avec l'air nonchalant de ceux qui ont du temps à perdre.


Azrel sera peut-être rasé de frais alors que je lui voudrais une barbe de trois jours.

Azrel portera peut-être un pull bleu alors que je lui voudrais une chemise blanche.


Lorsque je verrai Azrel, il m'attendra déjà alors que je voudrais arriver par surprise. Avancer en tapinois, reculer la chaise qui lui fait face et m'asseoir sans bruit. Poser mes coudes sur la table, mon menton sur mes poings et le regarder lire.


Azrel prendra connaissance des nouvelles et moi, de son visage. De sa lèvre supérieure que je suppose plus épaisse, de son nez de papyrus égyptien, de son front traversé par deux rides horizontales et de ses sourcils épais. Ils se fronceront un peu, à peine, à l'annonce d'un nouveau krach boursier.


La météo à venir lui fera baisser le nez sur les cartes de France. Une mèche lui chatouillera le front. Il la remettra en place d'un geste machinal. Pile ce genre de geste que l'on a sans y penser, à condition de n'être point observé.

Sûrement sourirai-je de lui soustraire ce moment-larcin.

Peut-être imaginerai-je sa main entre mes cuisses.


Mes yeux trop clairs, qui ne savent paraît-il pas mentir, lui resteront muets : Azrel, toujours penché sur son journal, n'aura pas noté que je suis là.

J'avancerai une main vers ses cheveux, épouserai au jugé le modelé de sa mâchoire.

Non, ce n'est pas ça... Moins fine, plus carrée, je devrai rajuster et la courbe et le trait.

Têtue je recommencerai. Encore et encore, humectant mon index de l'encre de ma salive, gommant les erreurs et accumulant les repentirs, jusqu'au parfait décalque de son squelette.

- Ne te décale pas, surtout pas... Je n'ai pas fini de te dessiner... le prierai-je en silence.

Azrel, m'obéissant, restera immobile. Ou presque. Car je suis près, si près de sa peau, qu'une simple crispation de ses muscles me suffirait à la frôler.


L'esquisse d'Azrel sera mon pari pascalien.

Si je le touche, je perds tout. Qu'il me pince main en l'air et me demande "Mais que fabriques-tu donc ?" que la honte me foudroiera sur mon siège.

On ne peut impunément dessiner sur le vide un homme sans qu'il ne vous croie cinglée.

Si je ne le frôle pas, je gagne tout, c'est-à-dire rien. Rien d'autre qu'une esquisse gravée dans ma mémoire.

Ce qui est peut-être tout, finalement.

Photographe ou peintre, je ne suis qu'une petite voleuse d'images dérobées.

Alors, à peine l'esquisse sera-t-elle achevée que je me reculerai de peur d'être brûlée. Rangerai sagement mes doigts sur mes genoux à la façon militaire de pinceaux dans un pot. Par ordre de taille, comme les Dalton, et que personne ne bouge.


Lorsqu'Azrel remarquera enfin ma présence, il aura certainement cette expression étonnée des gens dérangés en pleine activité, avec les gros titres du jour encore accrochés aux pupilles.

Prononçant mon prénom d'une voix encore tâtonnante, il me demandera :
- Ça fait longtemps que tu es là ?
Je mentirai, bien sûr.

- Oh non... Je viens d'arriver. Mais tu avais l'air si absorbé que j'hésitais à te déranger.

Et il me sourira comme à un modèle de politesse.

Et je lui sourirai comme un modèle de franchise.

Et, selon l'heure, je commanderai un double express ou un verre de vin, juste histoire de trinquer.

- Tchin. À ta santé. À cette rencontre. À nous.


Peut-être même, dans le feu de l'action, le pied d'Azrel effleurera-t-il le mien.

Peut-être regrettera-t-il que je ne porte pas mes bottes fétiches mais des chaussures à talons plats. Et que je les retire comme si son simple contact m'avait brûlée.

Peut-être sourira-t-il à son message de juillet, où il me disait avoir rêvé d'une Amazone.

J'étais cette Amazone, je crois. Mais ce qu'Azrel ignore, c'est que je suis depuis longtemps tombée de cheval.


N'empêche que nous avons tous deux un compte à régler depuis cet été brûlant. J'étais prête à le laisser s'éteindre avant qu'Azrel, trois mois après, ne souffle sur les braises.

- J'aimerais avoir la chance de te voir avant que tu ne partes, m'écrit-il.

- Je ne partirai peut-être pas, rétorquai-je.

- Mais j'aimerais te voir même si tu ne pars pas.


Sa réponse tournicota une nuit entière dans ma tête. Le lendemain, j'avais un entretien professionnel important. Alors que j'en sortai, je me posai sur un muret face à l'immeuble illuminé, en songeant :

- C'est beau un bateau qui sombre...

Je composai dans le noir le numéro d'Azrel. Après dix rendez-vous remis, je m'attendais à tout, sauf à entendre sa voix.

Erreur. Elle me parvint, immédiate et chaleureuse :

- Bonsoir, toi... Comment vas-tu ?

J'en serais tombée sur les fesses si je n'étais pas déjà assise.

- Bien, et toi ? Ton rapport sur les sciences dures ?

Portée par le vent guilleret qui s'immisçait sous mon manteau, j'improvisai une série de questions qui le fit rire.


En vérité, je n'ai aucune idée du métier d'Azrel, hormis qu'il le mène à Paris, Rome, Berlin ou Pétaouchnok. Mais cette opacité je ne veux pas creuser, parce qu'elle le rend d'autant plus attirant, insaisissable comme son esquisse que je ne voudrais ni trop brune, ni trop grande.

Je voudrais qu'Azrel m'attendant, rasé de frais, avec un pull bleu, ressemble à tout, sauf à la la figure de mon idéal.

Mais en bonne Amazone, même à terre et avec des talons plats, j'irai à notre rendez-vous.

Comment mieux dire que j'ai la trouille ?

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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