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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Lundi 27 octobre 1 27 /10 /Oct 02:58
Prendre de la hauteur... Impossible, rivée comme je l'étais à mon fauteuil telle une moule à son rocher.
Imitant les enfants qui se croient cachés en fermant les paupières,
j'ai levé un regard incertain sur le deuxième étage de l'amphithéâtre pour fuir ma propre déconfiture.
L'incident était clos.
Le cours reprit. Je ne lui prêtais plus qu'une attention distraite.
Ce qui me fascinait n'était pas l'évolution du substantif travail (étymon tripalium, instrument de torture à trois pieds), mais une silhouette que mes yeux avaient capturée.

Une seconde auparavant, la porte du deuxième étage s'était ouverte. Une forme en avait surgi d'un habile mouvement de chat. Un mouvement si précis et rapide que la silhouette avait paru sortir du néant pour se matérialiser là, en fin de travée.

Les ténèbres qui l'entouraient ne me permettaient pas de bien la voir, juste d'en percevoir les contours.
Ombre foncée sur ombre plus claire, mise en abyme des dégradés de l'obscur.
À peine deviné-je qu'elle portait
un ample pardessus et des cheveux mi-longs.

Cette silhouette aurait pu être celle d'une femme. Mais j'étais sûre, ma tête à trancher sur le billot si je me trompais, qu'elle appartenait à un homme.
À un homme qui m'observait intensément, sans ciller ni se détourner.
Tout le temps que dura encore le cours, je me sentis scrutée. Scrutée ou plutôt sondée, détaillée, fouillée, mise à nue par des yeux sans visage.

Carrée dans mon fauteuil, je me traitais de folle.
"Que vas-tu imaginer là ? Tu crois que ce type n'a que ça à fiche... Te reluquer ?"
Non, bien sûr, mais le fait est que son attitude était étrange. Alors que tous les étudiants notaient religieusement le sens premier de vertu (id est pouvoir, puissance, du latin virtus dérivé de vir, viris), l'homme de l'ombre, lui, n'écrivait rien. Et pour cause : il n'avait sorti ni classeur ni stylo.
Les bras ballants, il se tenait immobile, droit, impavide.
Souverain en son royaume, roi noir d'un peuple gris, écrasant ses laborieux
sujets de l'indifférence de sa superbe.

Je fronçais les sourcils pour forcer mes yeux à voir.
Je restais aveugle.
Autour de l'homme, l'ombre était trop opaque. Ou l'homme lui-même était trop opaque. Ou sa part d'ombre trop grande.
Je me forçais à me concentrer sur le substantif talent (issu de talentum, poids et somme d'argent en Grèce). Mon regard, hypnotisé, quittait ma feuille pour filer au deuxième étage et fixer ce visage absent comme lui me fixait.
Intensément, sans ciller ni se détourner.
Par dessus la marée des têtes courbées s'établissait une connivence secrète.
"Je t'ai vu, tu m'as vue. Tu sais que je sais, je sais que tu sais."
Mais entre deux regards ma raison me martelait :
"Que vas-tu imaginer là ? Tu crois que ce type n'a que ça à fiche... ?"
Non, certainement pas.
Pourtant, je savais, de toute la force de mon intime conviction,
que l'homme et moi étions dans cet amphithéâtre unis comme deux amants ou deux cambrioleurs.

La fin du cours sonna.
Je fourrai mes affaires dans mon sac et jaillis d'un bond du fauteuil. Il fallait absolument que j'arrive la première à la porte. Que je voie cet homme. Que je me pende à son bras ou ne lui tourne le dos.
Que je le retienne ou ne m'en délivre.
La foule des élèves, pressée de rejoindre le prochain cours, me barrait le passage.
J'écrasai des pieds, jouai des coudes pour avancer plus vite. Mais ce vite était déjà un trop lentement.
Lorsque j'atteignis le couloir, la plupart des étudiants du deuxième étage était partis.
Je descendis l'escalier, le remontai à contre-courant.
Les quelques garçons qui portaient un pardessus n'avaient pas les cheveux mi-longs.
Les quelques
garçons qui avaient les les cheveux mi-longs ne portaient pas un pardessus.

L'homme, rendu à l'ombre qui l'avait engendré, s'était évaporé.
J'ignorais encore qu'il s'appelait Vassilis.

Par Chut ! - Publié dans : Eux
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