Jeudi 1 mai
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01
/05
/Mai
21:18
J'ouvre
ma boîte à cigarettes, en prend une au hasard et l'allume. Son goût âcre me râpe la gorge. Surprise, je l'ôte de mes lèvres pour la regarder. Elle n'a pas un filtre ocre mais blanc.
Aussitôt, je comprends : ce n'est pas une des miennes mais une des siennes. L'une des deux qu'il a laissées en partant. Elles ont longtemps traîné sur mon bureau, rangées dans leur paquet, avant
que je ne les en déloge pour les placer dans ma boîte.
Zut. Je ne voulais pas les fumer bêtement, mais les réserver pour une (ou plutôt deux) occasion(s) spéciale(s). Sans compte que leur mauvais tabac trop fort ne va pas arranger mon mal de tête.
Cette clope venue d'ailleurs, c'est une option sur la migraine carabinée.
Tant pis. J'assume et tire une autre bouffée pour démarrer mon voyage à l'envers.
Un vendredi soir, deux jours avant son arrivée :
- Inutile de te déplacer à l'aéroport. Mon avion arrive à l'aube, les formalités de douane prendront peut-être du temps. Attends-moi plutôt à la maison.
À la maison, a-t-il dit. Je me suis répété ces quelques mots, bêtement émue.
À la maison, c'est en vérité chez moi. Mais son ton était si naturel que j'aurais pu croire que c'était aussi chez lui. Enfin, chez nous. Et qu'il revenait d'un banal voyage d'agrément.
De samedi à dimanche, je n'ai pas fermé l'œil. Trop énervée pour dormir ou même m'assoupir. Je pensais d'ailleurs qu'on serait à égalité, car son vol s'annonçait mal. En cela, je me trompais, mais
qu'importe.
De la fatigue de la nuit blanche je ne sentais même pas les piques.
À peine le jour s'était-il levé que l'interphone a grésillé. J'ai volé jusqu'au fond du couloir pour décrocher le combiné. Ai distingué sa voix entre deux crachotements.
Du bas de l'immeuble à mon étage, la liaison n'est pas meilleure que depuis la France à l'autre bout de la planète.
- C'est moi, a-t-il dit.
Cette phrase aussi m'a bêtement émue. On la prononce d'habitude sans y penser, en revenant des courses ou d'une balade. Rarement après une absence prolongée.
Pourtant, là encore, elle semblait naturelle. Comme s'il était parti la veille et que nous ne nous étions jamais quittés.
J'aime cette simplicité qu'il a dans le compliqué. Pile l'inverse de moi, compliquée dans les choses simples.
Son retour aurait pu être périlleux, voire casse-gueule. Mais dès cette minute, j'ai su qu'il serait sans accroc. Qu'il coulerait trop vite, mais paisible.
Évident comme ce long baiser qui nous a scellés dès l'escalier.
Harmonieux comme une belle fin de journée où nous avons fait l'amour, emportés par la voix de Tom Waits alors que le soleil couchant filtrait à travers les rideaux, projetant sur nos corps le
damier de ses rayons.
La cigarette est presque consumée entre mes doigts.
Mon voyage à l'envers s'achève.
J'écrase la cigarette dans le cendrier.
Je reprends mon voyage à l'endroit.
Par Chut !
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Publié dans : Feu mon amour
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