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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

Tic tac

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  • plongeuse nomade
  • Expatriée en Asie, transhumante, blonde et sous-marine.
Jeudi 1 mai 4 01 /05 /Mai 21:18
J'ouvre ma boîte à cigarettes, en prend une au hasard et l'allume. Son goût âcre me râpe la gorge. Surprise, je l'ôte de mes lèvres pour la regarder. Elle n'a pas un filtre ocre mais blanc.

Aussitôt, je comprends : ce n'est pas une des miennes mais une des siennes. L'une des deux qu'il a laissées en partant. Elles ont longtemps traîné sur mon bureau, rangées dans leur paquet, avant que je ne les en déloge pour les placer dans ma boîte.

Zut. Je ne voulais pas les fumer bêtement, mais les réserver pour une (ou plutôt deux) occasion(s) spéciale(s). Sans compte que leur mauvais tabac trop fort ne va pas arranger mon mal de tête.
Cette clope venue d'ailleurs, c'est une option sur la migraine carabinée.
Tant pis. J'assume et tire une autre bouffée pour démarrer mon voyage à l'envers.

Un vendredi soir, deux jours avant son arrivée :
- Inutile de te déplacer à l'aéroport. Mon avion arrive à l'aube, les formalités de douane prendront peut-être du temps. Attends-moi plutôt à la maison.
À la maison, a-t-il dit. Je me suis répété ces quelques mots, bêtement émue.
À la maison, c'est en vérité chez moi. Mais son ton était si naturel que j'aurais pu croire que c'était aussi chez lui. Enfin, chez nous. Et qu'il revenait d'un banal voyage d'agrément.

De samedi à dimanche, je n'ai pas fermé l'œil. Trop énervée pour dormir ou même m'assoupir. Je pensais d'ailleurs qu'on serait à égalité, car son vol s'annonçait mal. En cela, je me trompais, mais qu'importe.
De la fatigue de la nuit blanche je ne sentais même pas les piques.

À peine le jour s'était-il levé que l'interphone a grésillé. J'ai volé jusqu'au fond du couloir pour décrocher le combiné. Ai distingué sa voix entre deux crachotements.
Du bas de l'immeuble à mon étage, la liaison n'est pas meilleure que depuis la France à l'autre bout de la planète.
- C'est moi, a-t-il dit.
Cette phrase aussi m'a bêtement émue. On la prononce d'habitude sans y penser, en revenant des courses ou d'une balade. Rarement après une absence prolongée.
Pourtant, là encore, elle semblait naturelle. Comme s'il était parti la veille et que nous ne nous étions jamais quittés.

J'aime cette simplicité qu'il a dans le compliqué. Pile l'inverse de moi, compliquée dans les choses simples.
Son retour aurait pu être périlleux, voire casse-gueule. Mais dès cette minute, j'ai su qu'il serait sans accroc. Qu'il coulerait trop vite, mais paisible.
Évident comme ce long baiser qui nous a scellés dès l'escalier.
Harmonieux comme une belle fin de journée où nous avons fait l'amour, emportés par la voix de Tom Waits alors que le soleil couchant filtrait à travers les rideaux, projetant sur nos corps le damier de ses rayons.

La cigarette est presque consumée entre mes doigts.
Mon voyage à l'envers s'achève.
J'écrase la cigarette dans le cendrier.
Je reprends mon voyage à l'endroit.
Par Chut ! - Publié dans : Feu mon amour
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