Mardi 6 mai
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La dernière fois que nous avons vu Lili, la responsable de Pilote Tour à Bangkok, elle s'est interrogée sur notre santé mentale.
- Deux places couchettes ? Parfait, a-t-elle griffonné sur un bordereau. Pour où ?
- Nakhon si Thammarat.
- Nakhon si Thammarat ?
Le stylo a cessé de rayer le papier.
- Oui, oui. Nakhon si Thammarat, please.
À ces mots, Lili s'est soudain décomposée. Puis affaissée sur son bureau, pliée en deux, les mains contre sa bouche, les épaules secouées de soubresauts.
Nous fixions son dos, désemparés.
Mais non, Lili ne pleurait pas. Elle riait. Follement, intensément, le chignon agité de convulsions, les paupières gonflées de larmes. Et tout en riant, elle répétait Nakhon si
Thammarat.
Un nom en forme de bonne blague, l’empêchant de s’adresser à sa collègue.
Jusqu'alors sérieuse, celle-ci fut bientôt gagnée par l’hilarité.
- Nakhon si Thammarat… Nakhon si Thammarat ! s’étranglaient les deux Thaïes à qui mieux mieux.
Les cascades de leurs rires aigus ruisselaient jusqu’à plus soif sur leurs ongles manucurés.
- Mais personne ne se rend là-bas ! tenta bravement d'expliquer Lili entre deux hoquets.
- Ben si, nous.
- Mais c’est un trou ! Il n’y a rien à y voir ! Rien à y faire !
- Oui ! Partez plutôt sur les plages, à Phuket, à Krabi, à Ko Samui !
Leur conviction m’ébranla. Nakhon si Thammarat, c’était mon choix.
Je fouillai mon sac à la recherche du Lonely Planet.
En vain. Sûre de mon coup, je l’avais laissé à l’hôtel.
- Tant pis. Nous, on y va.
Nous avons quitté l’agence munis de nos billets et de deux certitudes.
La première était que Lili et sa collègue avaient probablement raison. Nakhon Si Thammarat devait être un bled paumé distillant un ennui profond, privé d'intérêt comme de plages de sable blanc.
La seconde, que nous leur avions offert le moment le plus désopilant de leur journée.
Sacrés touristes, va.
Par Chut !
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Publié dans : Voyages, voyages
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