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En lisant, carnet de bons mots

Dans ces bras-là...


Ça tombait bien, au fond, cette foudre me transperçant à la terrasse d'un café, c'était un signe du ciel, cette flèche fichée en moi comme un cri à sa seule vue, cette blessure rouvrant les deux bords du silence, ce coup porté au corps muet, au corps silencieux, par un homme qui pouvait justement tout entendre.

Il me sembla que ce serait stupide de faire avec lui comme toujours, et qu'avec lui il fallait faire comme jamais.


Camille Laurens.

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C'est pas la saint-Glinglin...

... Non, aujourd'hui, c'est la sainte-Aspirine.
Patronne du front lourd et des tempes serrées, des nuits trop petites et des lendemains qui déchantent.
L'effervescence de ses bulles, c'était la vôtre hier.
Aujourd'hui, embrumés, vous n'avez qu'une pensée : qu'on coupe court à la migraine... en vous coupant la tête.

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Mardi 5 février 2 05 /02 /Fév 23:43

Aller à Venise lors du carnaval... Un rêve que je caresse depuis l'adolescence, lorsque je regardais des photos de masques sublimes ou de personnages en costume alanguis sur des gondoles.
Ce week-end, grâce à mon compagnon, ce rêve est devenu réalité.

Alors, c'était comment ?
Beau comme la ville et ses canaux, mais moins mystérieux que le dédale des ruelles sombres à la nuit tombée. Comme tous les rêves confrontés un jour à la réalité, il y a quelques correctifs à y apporter.

Dans mon imagination, tous les habitants de Venise étaient déguisés. En vrai, le nombre de curieux excède plus que largement celui des participants. Ces derniers déambulent sur la place Saint Marc ou aux abords de la lagune, revêtus d'habits somptueux
.
Satin, dentelles, brocarts, voilettes, perruques, plumes, robes et coiffes d'époque, c'est un vrai régal pour les yeux, un crépitement de luxe et de couleurs chatoyantes. Pas étonnant qu'une foule compacte se presse autour d'eux en brandissant des appareils photo. Altiers, ils prennent la pose, jouissant de l'intérêt et de l'admiration qu'ils provoquent.


C'est peut-être cela qui m'a laissée dubitative. Plus qu'une atmosphère festive, autorisant et même encourageant toutes les licences sous couvert d'anonymat, j'ai ressenti un désir de se "faire voir".
Les masques prennent davantage la pose pour le chaland qu'ils ne célèbrent une tradition. Un regard à gauche, un à droite, un battement de cils une fois que le cliché est pris et hop ! aux suivants.
Ce qui n'empêche, bien sûr, de jouir du spectacle. De s'en étonner, parfois. Engoncée sous une triple épaisseur de vêtements alors que je ne suis pas frileuse, je me demandais bien comment les marquises, duchesses, soubrettes aux décolletés vertigineux pouvaient supporter le froid pinçant et le vent glacial.
La réponse tient sûrement à l'éternel féminin : notre sacrée coquetterie (notre coquetterie sacrée ?), qui nous ferait attraper la mort plutôt que de céder aux rigueurs du climat.


Le carnaval est aussi l'occasion de bien rire de son prochain. En l'occurrence, des touristes singeant les Vénitiens. Affublés de ridicules chapeaux de bouffons multicolores jurant avec leurs habits de tous les jours, ils déparaient la magnificence des costumes. Un peu comme si, invité à une fête de la jet-set, vous arboriez un carré Hermès sur des fringues d'Emmaüs (cela dit sans ironie, j'y ai déniché quelques perles !).
Bref... Si l'intention -
participer aussi la fête - est louable, le résultat est juste décalé. À la limite du grotesque ou en plein dedans, selon la sensibilité de notre aiguille sur le curseur du ridicule.

Devant le café Florian, la frénésie touristique virait à la folie. Des centaines de personnes se bousculaient devant les vitres de ce
lieu mythique. Nous avons pensé qu'il s'agissait de la queue pour y entrer. Erreur. L'établissement n'était pas complet, un serveur diligent nous a dégoté une table en moins de deux.
Mais que voulaient donc tous ces gens ? Des photos de ceux assis à l'intérieur, à savoir quelques personnes costumées, quelques couples en goguette, dont nous. Du coup, il est plus que probable que nous figurions, le nez dans notre tasse, sur des clichés éparpillés sur les cinq continents.


J'ai peut-être l'air désabusée, mais je ne le suis pas. Oui, j'ai aimé ce voyage en Italie, dans une ville que je n'avais pas revue depuis mes 17 ans. Qui m'avait laissé un souvenir aussi étrange qu'impérissable. Une sensation éblouie d'ailleurs, d'énigme non résolue, que j'ai retrouvée par fragments, intacte.
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Venise, c'est par exemple ce regard bleu, lointain et proche à la fois, derrière les ouvertures d'un masque. La fixité insolente d'une couleur pâle plantée droit dans les sourcils, le maquillage du carton prolongeant celui des paupières, l'intensité d'un visage oblitéré et superbe, forcément superbe.
Venise... Le lieu par excellence où vérité et factice se confondent.

Peu m'importe si la fusion n'est qu'illusion, si le jeu de masque de masque n'est qu'un jeu de dupes : à mes yeux, cette femme travestie ne peut être laide ni commune.
Elle est à l'image de son masque,
sublime. Agrégé à sa chair, celui-ci devient sa vérité.
Il ne la cache pas, il la révèle.

Par Chut ! - Publié dans : Voyages, voyages
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